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    Ça me tente bien, on va l’attendre sagement

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    Ah, on nous refait le coup de la grossesse diabolique, avec l’actrice qui monte en habit de nonne ? En fait, cet excellent film déjoue tous les diagnostics, et s’impose ainsi comme un parfait compromis entre elevated horror et spectacle d’épouvante organique pour public du samedi soir.

    L’habit ne fait pas le moine. La blague était facile, mais il faut convenir que cet Immaculée cache un film très recommandable, bien plus original que ne le laissaient supposer ses prémisses. Dans la séquence inaugurale, une jeune femme se glisse nuitamment hors d’une luxueuse bâtisse, avant d’être rattrapée in extremis par d’inquiétantes silhouettes de bonnes sœurs. Le montage coupe aussitôt sur l’arrivée en Italie d’une jeune Américaine, venue pour prononcer ses vœux dans un couvent situé non loin de Rome. Dans le cloître, on reconnaît bien sür l’édifice de la première scène, et on se doute que la novice va y découvrir de terribles secrets. Nous vous avions prévenus, rien de bien surprenant dans cette mise en marche du récit.

    Pourtant, le premier acte du film séduit par l’assurance classique de sa mise en scène, et par la sensibilité de son écriture. Mine de rien, les auteurs nous offrent une fine analyse psychologique de jeunes femmes au passé douloureux, qui ont pris l’improbable décision de devenir nonnes en plein XXIe siècle, pour des raisons plus ou moins bonnes. Et cela s’incarne de façon pratique, puisqu’elles ont du pain sur la planche. Le couvent sert en effet de maison de retraite pour vieilles religieuses mourantes, auprès desquelles les jeunettes officient comme infirmières.

    CECILIA IS THE NEW MARIE

    Évidemment, tout cela est concentré sur l’héroïne sœur Cecilia, jouée par la nouvelle star Sydney Sweeney. Cette dernière livre une performance méritoire, dictée par un costume inhabituel pour elle. Comme sa défroque de nonne cache ses cheveux et ses oreilles, sans parler du reste de son corps, seul subsiste l’ovale de son visage très expressif aux yeux immenses. S’y peignent les réactions du personnage devant des figures secondaires et des événements joliment troussés par le scénario : collègue zélée et revêche, mère supérieure et prélats dont la bonhomie pourrait bien dissimuler des desseins peu avouables, rituels idolâtres qui finissent par ne plus paraître très catholiques. Et puis, il y a ce lieu. En apercevant le couvent, les érudits avaient reconnu la Villa Parisi, édifice baroque de la périphérie de Rome où furent tournés de nombreux longs-métrages tels Une hache pour la lune de miel de Mario Bava, Du sang pour Dracula de Paul Morrissey et Andy Warhol, ou encore Les Nuits de l’'épouvante d’Elio Scardamaglia, film gothique qui est aussi un des ancêtres du giallo. Eh bien, comme jadis, l’endroit et ses murs tapissés de peintures classiques du XVIIIe siècle distillent une atmosphère vénéneuse, propice à tous les débordements narratifs.

    Ce n’est pourtant pas que le réalisateur tombe dans le fétichisme, qu’il s’applique à singer les grandes heures du cinéma populaire transalpin. Seulement, il parvient à toucher quelque chose de l’Italie, en utilisant des acteurs et des techniciens locaux, et en gérant les dialogues avec une rigueur stricte : même si elles sont majoritairement en anglais, les répliques reviennent à la langue de Dante dès que Cecilia est absente, ou qu’elle n’est pas censée comprendre ce qui se dit. Le résultat est qu’Immaculée retrouve naturellement le climat d’un certain cinéma italien, et son traitement volontiers hérétique des genres. Car au bout d’une demi-heure, le film balance une révélation tonitruante.

    De manière inexplicable, sœur Cecilia s’avère enceinte. Réunis en conclave de crise, les curés suspectent la novice d’avoir eu la cuisse facile. Mais son hymen étant intact, ils décrètent qu’il s’agit là d’une seconde Immaculée Conception après celle de la Vierge Marie, et que Cecilia est donc en cloque d’une réincarnation du Messie ! Incrédule, la jeune Américaine devient alors un objet de vénération pour la plupart des nonnes, tandis qu’une poignée lui témoigne au contraire de la méfiance ou de la jalousie. Et c’est encore loin d’être fini, le film réservant d’autres rebondissements de taille, jusqu’à un dénouement ne craignant pas de foncer dans une violence râpeuse.


    – Quand la grossesse et la virginité de sœur Cecilia (Sydney Sweeney) sont avérées, elle est célébrée en tant que nouvelle incarnation de la Vierge Marie.

    LES CRUCIFIX À L’ENDROIT

    Au départ, Immaculée promettait une variation astucieuse sur Rosemary’’s Baby de Roman Polanski, mâtinée d’un peu du Suspiria de Dario Argento pour la dimension d’enquête occulte. En effet, on pensait que des religieux avaient tourné casaque pour se mettre à adorer Lucifer en secret, au sein même d’un sanctuaire chrétien. Mais en fait, ce n’est pas du tout le cas : les méchants ne sont pas des satanistes, le bébé à naître n’est pas l’Antéchrist, et la solution du mystère réside dans une approche assez matérialiste où le fondamentalisme religieux se marie à la science-fiction. À la limite, on pourrait justement penser à Holocauste 2000 d’’Alberto De Martino, un des meilleurs démarquages de La Malédiction, mais encore une fois, Immaculée s’en distingue en remettant les crucifix à l’endroit. Nous n’en dirions pas plus, si ce n’est que le film se retrouve ainsi à occuper une place particulière dans le paysage actuel du cinéma fantastique, partagé entre deux tendances. D’un côté, on a l’autoproclamée elevated horror, censée transcender le genre par les voies de la conscience sociale et de la sophistication formelle. Et à l’autre bout du spectre, ce sont les bandes commerciales symbolisées par les productions Blumhouse, qui ont donné des palanquées de bons films, mais aussi nombre de péloches passe-partout — pour s’en convaincre, pas besoin d’aller plus loin que la critique du décevant Imaginary de Jeff Wadlow. Mais Immaculée parvient à se frayer un chemin original entre ces deux pôles, en mariant l’observance des règles du genre avec une forme classieuse et audacieuse.

    On en trouvera peut-être la clé en examinant les distributeurs américains : l’elevated est l’apanage d’A24, qui a produit Ari Aster, Robert Eggers, David Lowery et consorts ; le long-métrage de Michael Mohan est quant à lui distribué aux États-Unis par Neon, boîte à la politique fort intéressante si l’on en juge par un catalogue comptant les derniers films des Cronenberg père et fils, mais aussi les palmedorisés Parasite, Titane et Anatomie d’une chute.

    La réussite d’Immaculée nous incite à surveiller de très près les futurs produits estampillés Neon, de même que les prochains efforts du tandem Sydney Sweeney/Michael Mohan.

    – Par Gilles Esposito
    – Mad Movies #380

    –> Hâte de voir ce qu’il donne ce métrage.

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    Un appartement pour seul décor dont la caméra ne sortira jamais, une intrigue resserrée sur deux personnages. Un postulat aux mouvements dramatiques finement orchestrés : sur le papier Sleep de Jason Yu a tout du film de petit malin. À l’écran, nul besoin de stratagème stylistique où d’épate. Le récit  n’accuse aucun temps mort, les interprètes se tiennent la dragée haute dans un savant équilibre entre tension, effroi et rires nerveux. Voilà un premier long qui n’a pas volé son Grand Prix à Gérardmer cette année…

    Les fans du cinéma d’auteur concentrico-hardcore de Hong Sang-soo - les Hong Sang-zouzes — existent, vous en connaissez peut-être sur Twit. X ou pire, dans la vraie vie. Cette secte d’illuminés a néanmoins pour elle d’avoir repéré avant tout le monde le talent de Lee Sun-kyun, dans des rôles d’alter ego du cinéaste fumeur de clopes et buveur de soju. Les amateurs de polars coréens ont quant à eux attendu 2014 et A Hard Day de Kim Seong-hun où, avec tout le respect dû à Franckie G, l’acteur livre tout de même une performance d’un autre tonneau que celle de Gastambide dans Sans répit, le remake français du film sorti en 2022 sur Netflix. :malade_vert:

    Le reste du monde, enfin, a pu savourer son jeu subtilement odieux dans Parasite de Bong Joon Ho, trembler de colère rentrée devant son fameux petit air dégoûté par l’odeur de son chauffeur. Le 27 décembre 2023, harassé par une cabale médiatico-judiciaire invraisemblable pour soupçon (non confirmé) de consommation de marijuana, le comédien met fin à ses jours.

    Le sentiment d’injustice révoltante et de gâchis menace fatalement de brouiller la réception de ses derniers rôles, surtout en cas de résonance avec la tragédie, comme ce fut le cas pour Inner Senses avec Leslie Cheung ou Paradis pour tous avec Patrick Dewaere, deux films où les malaises des personnages et leurs actions se juxtaposent inévitablement avec le mal-être sous-jacent de leurs interprètes. Une scène fugace de Sleep, le premier long-métrage de Jason Yu, peut éventuellement crisper à cet égard, pour peu qu’elle soit appréhendée hors d’un contexte narratif où elle s’avère indispensable pour la délicate montée en tension. Dans sa globalité, le film démontre avant tout quel acteur exceptionnel nous venons de perdre. 😞

    TURNING GATES

    Soo-jin et Hyeon-soo forment le couple parfait, à l’orée d’un réarmement démographique dans leur bel appartement. Monsieur est soudainement pris de crises de somnambulisme, au gré desquelles il semble se comporter comme quelqu’un d’autre, un individu plus fruste, sans considération pour les conséquences de ses actes. Les nuits de Soo-jin, déjà perturbées par la grossesse, se transforment en travail de veille pour éviter que Hyeon-s00 ne se fasse du mal. Le couple s’en remet au corps médical, puis à d’autres solutions plus ésotériques. L’arrivée du nouveau-né dans le foyer rend la situation bien évidemment encore plus tendue. Soo-jin affiche à son tour des symptômes lui faisant douter de la réalité. Syndrome post-partum, fatigue extrême, autre chose ? Des indices disséminés çà et là peuvent aiguiller le public averti vers ce qui se trame entre ces murs, mais quand bien même le mystère se verrait éventé prématurément, rien ne peut réellement entamer le plaisir de suivre l’évolution de l’intrigue.

    En une heure et demie formidablement resserrée, le scénario ne laisse pas le temps de souffler. S’ajoute sans cesse une nouvelle péripétie, un bruit extérieur au chaos ambiant, un retournement de point de vue à 180 degrés où toutes les règles établies jusque-là volent en éclats. Côté mise en scène, le cinéma coréen de la génération précédente nous avait bluffés par ses appréhensions bousculées des espaces clos, par des jeux savants sur les focales, les perspectives, la lumière, les déformations et autres décolorations de décors captées par des mouvements de caméra a priori impossibles.

    Non content d’enfermer ses personnages dans un lieu unique dont ils ne sortiront quasiment jamais, Jason Yu assume le risque d’une mise en scène tout sauf performative, au plus près de ses acteurs. Tout se joue sur les choix de cadre, les angles de caméra, l’accélération irrépressible du montage, le surgissement d’un personnage. Cette maestria se fond dans le décor, prépare le terrain avec pertinence pour chaque rupture tonale. L’horreur s’invite au détour d’un plan, la comédie dans l’incongruité des situations. Chaque effet fait mouche, sans souffrir de l’économie de moyens.

    ANTICLIMAX

    Le réalisateur l’admet sans rougir : en l’absence d’interprètes à la hauteur, le projet était voué à l’échec. Les circonstances malheureuses pourraient concentrer toute la lumière sur Lee Sun-kyun, la réalité du film valorise tout autant sa partenaire à l’écran, Jung Yu-mi. La comédienne, vue elle aussi chez Hong Sang-soo ou chez Yeon Sang-ho (Dernier Train pour Busan, Psychokinesis), porte un rôle dont la survie et la salubrité du foyer dépendent entièrement, pendant une bonne moitié de la narration. Elle conjugue émotion, tension et physicalité avec un volontarisme impressionnant, avant que le film ne désaxe ses centres de gravité et ne lui demande d’aller puiser ailleurs, de façon tout aussi convaincante.

    Le récit culmine dans une scène censée faire office de climax mais anti-spectaculaire à souhait, aboutissement on ne peut plus logique de tous les événements. Concrètement, un échange dialogué, toujours dans le même espace brutalement reconfiguré à l’aune de tout ce qui précède, où l’irruption du cinéma de genre n’intervient que par l’entremise des deux interprètes. Jung Yu-mi relâche toutes les émotions refoulées au fil des scènes, avec une intensité hypnotisante, et Lee Sun-kyun rejoint le club très fermé des comédiens capables de se métamorphoser en un changement de posture et une inflexion de voix.

    Sleep montre des interprètes en pleine maîtrise olympique de leur art, à l’alchimie palpable. D’un projet modeste, Jason Yu tire une force créative enthousiasmante. Les amateurs de cinéma coréen rentre-dedans, biberonnés aux vengeances sanglantes et aux fusions traumatisantes entre genre et cinéma d’auteur, risquent sans doute de trouver la pitance trop maigre. Dans l’attente que l’industrie cinématographique coréenne sorte un jour de la crise qu’elle traverse depuis trois ans, le réalisateur/ scénariste vient de trouver un détour stimulant pour contourner la défiance des producteurs vis-à-vis des metteurs en scène débutants.

    Grâce lui en soit rendue.

    - Par François Cau
    - Mad Movies #379

    – Le film sort chez nous le 21 février 2024

    –> S’il y a bien un film qui montre tout le talent de Lee Sun-kyun, c’est le polar coréen A Hard Day, je vous le conseille chaleureusement.

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    Je l’ai enfin vu ce Vincent doit mourir et je reste assez partagé car le film est assez inégal mais il y a de super trouvailles dedans : le film est malaisant par son contexte, l’idée avec Sultan est super, de très belles scènes comme celle de l’autoroute et du combat en fosse sceptique, une belle romance (la scène avec les menottes dans le bateau est très drôle)

    Mention spéciale pour Vimala Pons (qui était déjà super dans Les garçons sauvages de Mandico) que j’ai trouvée encore une fois, très bien dans ce film.

    Pour contre balancer cela, pas mal d’erreurs liés à un premier long comme le manque de rythme, certaisn cadrage ou un manque d’explications scénaristiques (quoi que personne n’a hurlé que Romero n’avais donné aucune (ou très peu) d’explications formelles à sa Nuit des morts vivants…).

    Il y a du bon et du moins bon, c’est pas un film de folie, loin de là, mais l’essai est à souligner vu le contexte du paysage du cinéma français actuel.

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    Je mise beaucoup d’espoir dans ce film. Jérémie Perrin à énormément de talent et j’espère que le film est bon et surtout qu’il marchera et que des gens iront le voir dans les salles obscures.

    D’ailleurs à ce sujet, je suis déçu qu’il ne soit pas distribué dans de grandes salles. Par chez moi, dans une grande ville, les 2 grands cinéma que sont Gaumont/Pathé et Cinéville ne le diffuse même pas, honte à eux…

    Seul un petit ciné de quartier le diffuse et je ne les remercierai jamais assez… Idem pour Cobweb

    En tout cas, je vais y allé.

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    Je suis bien d’accord avec tout ce qui est dit, sauf que, pour ce qui est du montage final, les 10 longues et poussives dernières minutes gâchent, en partie, les 2 heures qui les précèdent. J’espère qu’il y aura une sorte de fin alternative possible dans sa sortie vidéo.

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    X marquait non seulement le retour tant espéré de Ti West au grand écran (Voir interview ici), mais aussi le point de départ d’une trilogie de fortune, construite sur le fil, et qui pourrait bien se révéler comme la grande œuvre du cinéaste. Malheureusement privé de sortie salle chez nous, le volet central de ce triptyque, Pearl, débarque en Blu-ray le 16 août. Cette « origin story » de la principale antagoniste de X réussit le pari d’être un grand et beau film sur la folie tout en créant de vertigineux échos qui font encore grandir l’aura de son prédécesseur…

    X n’était pas seulement un cadeau aux gourmets de l’horreur de par ses qualités intrinsèques ; le film de Ti West contenait également une surprise de taille : l’annonce d’une préquelle, tournée presque immédiatement après le premier long-métrage, dans les mêmes décors. Un pari fou – notamment motivé par l’éventuelle perspective d’une aggravation de la pandémie qui bloquait à l’époque la plupart des tournages – rendu possible par les largesses de la firme A24 et sa foi en la vision du cinéaste et de sa comédienne Mia Goth, cette fois co-autrice et productrice.

    C’est en effet en discutant longuement de la backstory de la « méchante » de X, interprétée par Goth sous un épais maquillage en parallèle de son incarnation de la jeune Maxine, que le duo réalise tenir assez de matière pour une autre histoire.

    DÉESSE GOTH Dans la ferme familiale texane, la jeune Pearl se morfond d’ennui. Son mari est parti faire la guerre en Europe, son père est dans un état végétatif après avoir contracté la grippe espagnole qui fait alors rage et sa mère lui impose de multiples corvées avec une discipline de fer. Mais Pearl, elle, ne rêve que d’une chose : devenir danseuse pour le grand écran et mener la vie de rêve des stars qu’elle admire en cachette au cinéma lorsqu’elle parvient à faire une escapade dans la petite ville voisine. Peu à peu, le contraste impitoyable entre ses aspirations et la triste réalité de son existence fait ressortir ses pulsions les plus enfouies…

    Ce seul résumé suffit à comprendre que Pearl est un film très différent de X. Du moins dans ses articulations dramatiques et son appartenance à un genre – l’étude de caractère là où son prédécesseur tenait du slasher réflexif.

    Car ce qui unit les deux œuvres, au-delà de leur coexistence dans un même univers, est bien le style de Ti West. Croyant profondément au pouvoir de la narration comme moteur intrinsèque des mécanismes horrifiques, le réalisateur de The House of the Devil fait ici à nouveau merveille en explorant avec une minutie virtuose les racines psychologiques de son héroïne, véritable baril de poudre dont on voit quasiment à l’œil nu les lattes se disjoindre pour laisser s’échapper une matière particulièrement dangereuse et volatile.

    Le vortex hypnotique de cette glissade incontrôlée vers la folie est bien sûr Mia Goth : la subtilité de sa prestation dans X laisse place ici à une démonstration de force virevoltante et tapageuse. Une performance constamment sur le fil du rasoir, suscitant simultanément fascination, répulsion et empathie pour un personnage qui se révèlera, le temps d’un hallucinant monologue final, d’une touchante lucidité sur sa propre aliénation.

    Les deux films que le cinéaste a demandé de visionner à son actrice et co-autrice avant le tournage sont d’ailleurs révélateurs : Le Magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939) et Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (Robert Aldrich, 1962), soit le pinacle de la magie hollywoodienne période Âge d’Or et le summum du psychodrame meurtrier voué aux turpitudes du star system. Le point de raccord entre ces deux références débouche sur un équilibre tonal prodigieux entre la naïveté enfantine et la folie vénéneuse, que Goth incarne pleinement.


    – Pearl (Mia Goth) se rêve star de cinéma devant les animaux de la ferme… la fourche à la main.

    CADRES SUPÉRIEURS

    Il fallait à West ériger un écrin cinématographique à la hauteur du tour de force que livre sa comédienne. Après avoir hésité à tourner le film en noir et blanc, le réalisateur opte pour une approche disneyienne dotée d’une palette vibrante rappelant les fastes du glorieux Technicolor d’antan. Un choix absolument payant, tant la performance bigger than life de Mia Goth et l’intensité des illusions de son personnage appelaient un traitement hyperbolique et profondément sensoriel, assez éloigné du look de X, plus évocateur des roughies américains des seventies.

    Mais ces différentes matières visuelles ne s’opposent pas. Elles construisent une mythologie de l’image qui leur est propre, comme en témoignent les plans d’ouverture respectifs des deux films : à chaque fois, la caméra est située à l’intérieur de la grange et s’avance à travers la porte de cette dernière pour révéler la maison principale.

    Mais dans X, le cadre est ainsi conçu qu’il donne l’impression d’observer un format 4/3, annonciateur des images que tourneront les personnages, pornographes amateurs de leur état. Dans Pearl, la composition de ce plan inaugural impose immédiatement le format CinémaScope. Et la distinction entre le pouvoir d’évocation de ces deux formats nourrira finalement toute la matière dramatique des films.

    Pourtant, West ne se contentera pas de rester sagement à l’intérieur des périmètres que semblent dicter ses choix stylistiques : si Pearl se lance dans des embardées dansantes typiques des musicals hollywoodiens d’antan, il culmine aussi dans un montage horrifique jouant avec des effets de miroir dignes des expérimentations des années 1970, qui construit un pont souterrain entre les deux longs-métrages (tout comme le fait une scène de repas morbide qui cligne à nouveau de l’œil à Massacre à la tronçonneuse).


    – Le Magicien d’Oz de Victor Fleming faisait partie des deux films que Ti West a demandé à son actrice et co-autrice de visionner avant le tournage.

    FOR ADULTS ONLY

    Ainsi, si Pearl peut absolument se voir indépendamment de X, l’éclairage apporté par cette exploration des racines de la folie meurtrière de la vieille dame du premier opus confère à ce dernier une dimension tout à fait nouvelle, voire inédite dans le genre slasher, puisque chaque meurtre devient le résultat d’une tragédie intime, le triste et grotesque point d’orgue d’une vie faite de rêves inaccessibles et d’une dérive vers l’insanité sexuelle et homicide.

    Les résonances entre les deux films vont d’ailleurs au-delà de personnages et lieux similaires : une séquence en apparence anodine de Pearl montre comment l’héroïne découvre, grâce à un séduisant projectionniste (David Corenswet, tout juste choisi pour incarner le futur Superman de James Gunn), l’un des premiers films pornographiques jamais tournés (les images, authentiques, sont issues de A Free Ride, datant selon les historiens de 1915 ou 1923).

    West introduit ici une autre correspondance forte entre ses deux longs-métrages, où le cinéma X devient le symbole d’une libération des mœurs traditionnellement étouffées par la frustration née de la rigueur religieuse des patelins reculés d’Amérique, mais aussi la promesse d’un cadre de vie plus exotique, plus vivant…

    Une symétrie qui rend encore plus excitante la perspective du dernier volet de la trilogie, MaXXXine, embardée dans le Los Angeles interlope des années 1980 illustrant le destin de l’héroïne de X.

    Il y a fort à parier que le contenu thématique de ce nouvel opus, actuellement en postproduction, devrait faire office de mise en abyme passionnante – une radiographie de la désillusion de la libération des mœurs ? – en apportant un point final à la splendide épopée que constitue ce « triptyX » qui compte d’ores et déjà parmi ce que le cinéma d’horreur américain des années 2020 a produit de plus passionnant.

    – Par Laurent Duroche.
    – MadMovies #373

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    Je l’ai récupéré on verra ce que ca donne

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    J’en ai déjà pas mal causé ici & ici mais cette œuvre magistrale méritait bien plus encore pour en rajouter une couche avec une critique comme il se doit et une interview de Soi Cheang lui-même 🙂

    Alors que chaque nouvelle production hongkongaise un tant soit peu prestigieuse tend à confirmer l’effacement exponentiel des spécificités du cinéma de l’Archipel, son genre roi s’offre un baroud radical et glaçant.
    Limbo de Soi Cheang, polar à la splendeur apocalyptique quasi abstraite, marque l’accession tant attendue de son auteur aux cimes désespérées auxquelles il aspire depuis ses débuts.

    Sa fille morte et sa femme dans le coma, la mine déconfite et les nerfs en vrac, Cham Lau n’a clairement plus rien à perdre. Will Ren, à l’opposé, a tous les attributs de la jeune recrue ingénue, bien disposée à suivre les règles scrupuleusement avec, tout au plus, une rage de dents insistante pour noircir le tableau. Le premier est interprété par Gordon Lam, acteur discret mais redoutable, trésor caché du cinéma de genre hongkongais des 20 dernières années, capable de retourner le premier Infernal Affairs cul par-dessus tête dans sa conclusion. Le second est campé par Mason Lee, fils du réalisateur taïwanais Ang Lee, belle gueule diaphane avec encore tout à prouver. Leur association pour traquer un tueur en série japonais pourrait nous rejouer l’éternelle rengaine du duo de flics mal assortis, unissant leurs forces pour faire tomber le salopard. Le chemin emprunté par Soi Cheang et ses deux scénaristes (dont Au Kin-Yee, collaboratrice régulière de Johnnie To) sera beaucoup plus retors. Cham Lau et Will Ren vont cumuler les bévues, les improvisations malvenues, les sorties de route incontrôlées. Le premier passe une partie non négligeable de son temps à harceler Wong To, la junkie responsable de l’accident fatal de sa petite famille ; le second s’avère incapable de gérer son partenaire, d’appréhender les événements, quand il ne perd pas tout bonnement son arme de service. Et pendant ce temps, l’infâme Akira Yamada (Hiroyuki Ikeuchi) a tout loisir d’épancher ses penchants pour les amputations. L’introduction en flash-forward douche le moindre espoir d’une résolution dans les clous. Limbo contourne toutes les satisfactions libératrices liées au polar pour n’en retenir qu’une immense noirceur, épicentre de son vortex cinématographique.


    – Wong To (Yase Liu), broyée entre la vengeance d’un flic obsessionnel et la folie d’un tueur en série

    SIN CITY

    Sur le papier, Limbo se situe dans la droite lignée des films policiers à haute teneur dramatique suçant la roue du S.P.L. de Wilson Yip, comme The Crash ou The Insider de Dante Lam. Soi Cheang a d’ailleurs montré dès son Love Battlefield (2004) un certain penchant pour le mélo pur et dur, saisi avec force ralentis sur fond de musique élégiaque au beau milieu d’échanges de gnons ou de coups de feu. Cette appréhension personnelle du genre pouvait faire dévisser un projet artistiquement plus fragile comme Motorway ; elle colle ici parfaitement à une œuvre tout entière dévolue à filmer une ville au stade terminal de la déliquescence. Chaque plan se surcharge d’une infinité de câbles, de panneaux, de détritus, dans des compositions flirtant avec les descriptions des bas-fonds de mégapoles dont sont friands les grands classiques de la littérature cyberpunk. Saisissante dans ses variations de couleurs métalliques, la photographie de Cheng Siu-Keung, opérateur de tous les Johnnie To majeurs, gagne encore en ampleur dans la version noir et blanc que le distributeur Kinovista a le bon goût de sortir sur les écrans français. Les amateurs de cinéma hongkongais croient connaître la ville quasiment sous toutes ses coutures, quartier par quartier ; rien ne les prépare au choc de cette décomposition orchestrée avec un soin maniaque dans l’agencement du chaos. L’univers urbain de Limbo a des airs de purgatoire à ciel ouvert, où il ne paraît pas du tout incongru de trouver des cadavres ou des bouts de corps cachés sous des monticules de gravats, réminiscences d’une civilisation effondrée. Pour une respiration fugace dans une rue à peu près salubre, les personnages finissent invariablement par s’enfoncer dans des intérieurs délabrés et des souterrains où se terrent les survivants de multiples cataclysmes sociaux, politiques ou personnels. Hong Kong était une idée, un idéal, un laboratoire expérimental à cheval entre deux conceptions du monde, il n’en reste que des miettes. Plus le film avance, plus il nous enfonce dans cette décrépitude. Le dernier acte noie ce qui peut encore l’être sous des trombes d’eau, dans ce même déluge dont rêvait à haute voix le Travis Bickle de Taxi Driver. La musique de Keniji Kawai complète ce tableau visuellement monstrueux de notes funestes.


    – Un exemple de l’incroyable adéquation entre des décors dantesques et une photo monochromatique sidérante

    MARTYRS

    Dès lors, peu importe les à-coups déstabilisants d’un script piégeux, les impasses, les culs-de-sac ou même - offense d’ordinaire à peine pardonnable -cette irruption d’une photo de la mère du tueur censée expliquer son attitude. Les personnages ne tiennent qu’à une caractérisation archétypale, dont l’évolution est contrariée et malmenée par la toute-puissance sensorielle de leur descente aux enfers. Gordon Lam joue le flic torturé ultime et Hiroyuki Ikeuchi, après ses rôles dans le premier Ip Man et le Manhunt de John Woo, confirme son statut de salopard japonais préféré du cinéma hongkongais. Mais la performance la plus remarquable reste incontestablement celle de Liu Yase, dans un rôle périlleux de punchingball de l’antihéros puis de victime suppliciée par le tueur. L’intensité à fleur de peau de son incarnation, la précision de sa captation dans des cadres toujours plus complexes et évocateurs, jusqu’au déchaînement final, évitent soigneusement toute complaisance dans la représentation de ce puits de douleur sans fond. Toute la filmographie de Soi Cheang, dans ses multiples expérimentations, l’a mené vers cet accomplissement artistique d’une puissance d’autant plus sulfureuse au regard de son contexte. À compter de la rétrocession de 1997, la Chine devait laisser 50 ans de transition à Hong Kong pour intégrer le giron continental à son rythme. À mi-parcours, les répressions de contestations ou la gestion de la crise Covid trahissent une volonté de mise au pas à marche forcée, dont les conditions imposées à la production cinématographique locale se font inévitablement l’écho. Limbo est ce hurlement d’une société malmenée contre son gré, sans réelle échappatoire, mais qui ne se rendra pas sans se débattre de toutes ses forces. Même les allergiques à la lecture politique ne pourront s’empêcher d’être happés par ce tour de force phénoménal, à la lisière de l’horreur.

    - Interprétation : Gordon Lam, Mason Lee, Liu Yase…

    | Zhi chi. 2021. Hong Kong/Chine. Réalisation Soi Cheang. Sortie le 12 juillet 2023 (Kinovista).

    – Mad Movies #373

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    Le tout petit film bricolé au fin fond des bois par Sam Raimi il y a plus de 40 ans a accouché d’une saga qui excite toujours autant les fans d’horreur. Le nouveau-né Evil Dead Rise cristallise les mutations d’une désormais franchise qui a traversé les modes bille en tête. Alors, groovy ou non ?

    Au Festival de Sitges 1982, un petit film d’horreur fauché tourné entre potes fait sensation. Son titre : Evil Dead. À l’époque, le long-métrage n’a été projeté qu’à trois reprises : en avant-première mondiale discrète dans une salle du Michigan le 15 octobre 1981, au Marché du Film de Cannes en mai 1982 et au Festival du Film Fantastique d’Édimbourg en août 1982. Le début du début de la légende.

    Sam Raimi et son producteur/pote Rob Tapert sont donc présents en Espagne, en mode humble et rigolard, pour présenter leur petite péloche tournée en total « hémoglobinorama ». Et fantasment déjà sur la suite qu’ils rêvent de donner à leur Evil Dead. Sans vraiment se rendre compte que leur film va devenir le point d’orgue de l’Âge d’Or « goresque » des années 1980 (Re-Animator, Braindead, tout ça). Ni imaginer que leur petit film bricolé mutera en une simili-franchise qui fera encore fantasmer les horror fans presque 50 ans plus tard…

    Toujours plus DEAD

    Entre 1992, l’année de L’Armée des ténèbres, et le remake de 2013, 21 ans s’écoulent. Deux décennies où Sam Raimi est partit « spider-maniser » sa carrière tout en surveillant du coin de l’œil son bébé qui continue de (sur)vivre. Notamment à travers une adaptation en comédie musicale, des jeux vidéo, des comics et autres jeux de société. Et des projets fous qui restent lettre morte.

    La New Line annonce ainsi en 2004 un crossover intitulé Freddy vs. Jason vs. Ash. Soit une partouze de tronçonneuse, de griffes et de machette. Mais Raimi n’est pas très chaud (le projet prendra finalement la forme d’une courte série de comics parue en 2007). En 2012, Evil Dead a même droit à sa parodie porno, Evil Head, avec baise en boucle dans la cabane et gros câlin avec un arbre possédé.


    – Ellie (Alyssa Sutherland), maman devenue deadite suite à la découverte d’un livre maudit.

    Remake

    L’année suivante, Fede Alvarez remet la pendule (celle dont les aiguilles tournent à toute vitesse dans le film original) à l’heure avec un remake produit par Sam Raimi, Rob Tapert et Bruce Campbell. Evil Dead version XXIe siècle est plutôt bien accueilli pour sa radicalité sanglante et son ambiance très premier degré (pas d’humour slapstick à l’horizon). De quoi ravir les nouveaux venus, mais laisser quelque peu de côté certains fans restés bloqués sur leur vision nostalgique de la saga.

    Deadites en série

    En 2015, Raimi décide de reprendre cette dernière en main avec les trois saisons de la série made in Starz Ash vs Evil Dead dont il réalise le pilote, histoire de montrer que malgré son passage (sa trahison, diront certains) du côté des blockbusters, il n’a rien perdu de son côté sale gosse.

    Anges et deadites

    Dix ans plus tard (aujourd’hui, donc) entre en scène un nouvel opus qui aura mis un bon bout de temps à prendre forme. Evil Dead Rise est annoncé durant le Comic-Con 2019 pour une sortie programmée directement sur HBO Max en été 2022. Mais la Warner n’ayant cessé de changer de politique – et de direction – suite à la pandémie, le long-métrage est finalement calé pour une sortie mondiale – en salles de chez salles, avec des fauteuils, un grand écran et tout et tout – en avril 2023. À raison, les fantasticophiles sont méfiants et aux aguets. Car ils en ont subi, des suites et des remakes pourris de films fantastiques cultes des années 1970-80 (La Malédiction, Fog, Carrie, Poltergeist… la liste est longue !).

    Et voilà qu’un trailer bien méchant, mis en ligne début janvier, met le feu aux poudres. Pour éviter la redite, ce cinquième Evil Dead s’éloigne de la cabane dans les bois pour aller faire un petit tour à Los Angeles. Où une certaine Beth se pointe chez sa sœur aînée Ellie qui, mère célibataire, gère comme elle le peut ses trois mômes dans son appartement pourrave. Suite à un tremblement de terre qui a ébranlé les fondations de l’immeuble, les deux frangines découvrent au sous-sol un vieux livre poussiéreux qui va transformer Ellie en suppôt de Satan. Beth va devoir s’improviser mère-courage de substitution pour protéger ses nièces et son neveu de leur génitrice devenue démone sadique, hystérique et accro à l’arrachage de peau.

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    – Possession en pleine nature avant le déplacement de l’intrigue en milieu urbain.

    Lee Cronin, qui a pris de la bouteille quatre ans après son très bof The Hole in the Ground, assure derrière la caméra : il reste techniquement fidèle à la charte Evil Dead (les cadrages tordus) tout en assombrissant l’ambiance avec une photo maladive et blafarde (dans la lignée de celle de L’Exorciste) et en rendant des hommages divers. À Evil Dead 2, forcément (la séquence de l’œil), mais aussi à l’ascenseur sanglant de Shining.

    Et le sang, justement, coule à flots. Notamment via l’utilisation enthousiaste d’armes blanches et d’ustensiles de cuisine (cf. la séquence de la râpe à fromage, ustensile déjà employé à mauvais escient dans le méchant Farm House de George Bessudo), et une séquence finale ultra gore versant dans un grand-guignol plus contemporain. Reste que depuis la démocratisation de l’horreur graphiquement explicite (notamment à la télévision avec The Walking Dead), l’impact sur le spectateur n’est clairement plus aussi intense qu’à l’époque du premier Evil Dead, qui avait essuyé les plâtres avec ses déversements de sang non coagulé.

    Ce RISE sur le gâteau

    Mais ne boudons pas notre plaisir : Cronin signe un film parfaitement dosé entre l’hommage sincère, la réinterprétation maligne et le gore outrancier, et parvient à trouver un équilibre convaincant entre les deux extrêmes de la franchise (l’attitude rigolarde des Raimi et le sérieux imperturbable du Alvarez). Signe des temps, la saga se pare même d’un brin de postmodernisme en incluant dans son univers des caractérisations de personnages et des influences visuelles (une séquence en particulier lorgne du côté de Junji Itô) dans l’air du temps, là où ses précédentes itérations avaient plutôt tendance à fonctionner en vase clos.

    L’avenir dira si cette ouverture sur le monde est le signe d’un renouvellement ou du début de la fin. Mais ce qu’on attend avant tout d’un Evil Dead, c’est d’être un film d’horreur qui en jette. Et ce Rise en est un. Merci à lui.

    – Par Christophe Lemaire
    – Mad Movies #370

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    ah un petit côté sailor moon avec le poti chat ça pourrait me plaire vivement !

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    @Violence hâte de le voir j('ai juste mater quelques passages vite fait

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    @Violence arrête de me le rappeler :bye_cry:

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    Que l’on aime ou non la trilogie de Green, celle-ci affiche une vision politisée devenue bien trop rare dans le cinéma d’horreur…

    Quatre années se sont écoulées depuis le second massacre de Haddonfield, au terme duquel Michael Myers s’est évanoui sans laisser la moindre trace. Ayant fait le deuil de sa fille Karen, Laurie Strode a abandonné les armes et tourné le dos à la peur. Elle s’est acheté un nouveau pavillon où elle subvient aux besoins de sa petite fille Allyson, devenue infirmière dans la clinique locale. Un jour, Laurie croise le chemin de Cory, un jeune mécanicien soupçonné d’avoir commis un crime atroce à l’adolescence et harcelé depuis par les habitants de la ville. S’interposant avant qu’il ne soit lynché par un groupe de jeunes, Laurie décide de présenter Cory à Allyson…

    Si Michael Myers brille par son absence dans ce synopsis, le fameux tueur au masque de William Shatner n’en projette pas moins son ombre sur l’ensemble du long-métrage. Myers se répand dans la dramaturgie tel un poison invisible, contaminant par la peur et la paranoïa une ville qui n’a jamais pu refermer le chapitre le plus lugubre de son Histoire. Ironiquement, le trauma de Laurie Strode s’est lui aussi propagé tel un virus à travers la population de Haddonfield, qui associe désormais l’agresseur et sa victime et ne leur réserve qu’une montagne de haine.

    Un protagoniste idéal

    Outre sa volonté d’inverser les codes de la saga (le baby-sitter serait-il cette fois-ci coupable ?), le prologue de Halloween Ends laisse entrevoir d’autres possibilités créatives. Un peu comme si le premier opus de Carpenter et le troisième signé Tommy Lee Wallace avaient engendré un avorton hybride, à la fois parfaitement intégré à la ligne narrative globale et suffisamment décalé pour réserver son lot de surprises.


    Allyson (Andi Matichak), la petite-fille de Laurie Strode (Jamie Lee Curtis), et l’énigmatique Corey (Rohan Campbell).

    Interprété par un Rohan Campbell Rohan Campbell magnétique, dont les traits renvoient à Michael Rooker et Willem Dafoe du temps de leur jeunesse, Cory captive immédiatement par son ambiguïté et sa vulnérabilité, des traits de caractère que David Gordon Green et ses trois coscénaristes (Danny McBride, Chris Bernier et Paul Brad Logan) additionnent aux traumas et aux repères fragiles d’Allyson.

    Dans leurs interactions, mais aussi dans les quelques échanges entre Jamie Lee Curtis et Will Patton, on reconnaît le naturalisme de Joe et Stronger (une autre quête post-traumatique), tandis que d’autres séquences s’inscrivent dans une esthétique plus hollywoodienne, déjà explorée dans Que le meilleur gagne et Délire express.

    Ruptures de ton

    Comme le laissait entendre la série Red Oaks, qui mettait à égalité Aliens, le retour et la Nouvelle Vague, David Gordon Green s’épanouit avant tout dans le mélange des genres et les juxtapositions tonales. Halloween Ends le démontre avec plus ou moins de bonheur, le cinéaste poussant parfois ses curseurs jusqu’au point de rupture. Tout en s’efforçant de dresser un portrait crédible de Haddonfield, commenté par une voix off à la limite du film d’auteur archétypal, Green accumule les jump scare presque cartoonesques, par exemple lorsque Rohan Campbell apparaît soudainement dans le dos de Jamie Lee Curtis en plan large, choc sonore à l’appui.

    L’inévitable jeu des références est lui aussi bicéphale. On a droit d’une part à des citations directes de John Carpenter : des extraits de The Thing constellent l’ouverture, une séquence dans une casse automobile emprunte quelques cadres et éclairages à Christine, et les fameux plans fixes sur des intérieurs vides qui concluaient le Halloween de 1978 sont repris ici, cette fois-ci de jour. Dans le même temps, on sent une volonté de s’aventurer sur des terrains moins confortables que ceux du slasher lambda, Green lorgnant discrètement sur des classiques tels que Henry, portrait d’un serial killer ou La Balade sauvage.

    Cette pluralité tonale n’est pas surprenante pour un film écrit à huit mains, mais elle n’annule en aucun cas la richesse thématique de l’œuvre. Et si la personnalité potache de Danny McBride peut se reconnaître dans une poignée de séquences (le meurtre du médecin et de son assistante, au hasard), ou dans des idées horrifiques teintées d’un humour extrêmement noir (cf. la langue sur le tourne-disque), Halloween Ends prête rarement à rire.


    Les habitants de Haddonfield subissent à nouveau les assauts sauvages de The Shape…

    Divisant par deux le bodycount de l’épisode précédent (qui atteignait tout de même les 30 mises à mort, un record probable dans le genre), le film cristallise la mélancolie et les frustrations de l’Amérique actuelle et justifie d’autant plus la scène de lynchage tant décriée du second opus.

    Comme évoqué dans l’interview de Jamie Lee Curtis, la trilogie révèle avec ce dernier chapitre un commentaire politique assez complexe, qui amène Green à questionner le rapport de ses concitoyens aux armes, à l’autodéfense, à la justice et plus généralement à l’autre. Personne n’est ici réellement innocent ; en dépit de bonnes intentions, c’est après tout Laurie qui déclenche de nouveau la mécanique du Mal en tendant un couteau à cran d’arrêt à une victime d’agression.

    Attention SPOILERS

    Brouillant en permanence la moralité de ses protagonistes, Halloween Ends fait de Michael Myers un catalyseur dont l’aura suffit à éveiller les plus vils instincts d’une communauté qui pourrait, en d’autres circonstances, couler des jours paisibles. Métaphoriquement, Green et ses coauteurs semblent rapprocher cet être sans visage d’un dictateur déchu dont l’influence continue de s’étendre grâce à la brutalité de ses actes passés.

    La procession finale, terriblement malaisante, appuie cette idée, la désintégration du corps rappelant la volonté du gouvernement américain de faire disparaître la dépouille d’Oussama Ben Laden. Cette « libération sans victoire » convoque clairement les fantômes d’une nation qui, suite au 11 septembre, n’a jamais vraiment su se reconstruire, et permet d’accepter un climax volontairement anti-spectaculaire. On conseillera à quiconque en ressortirait frustré de revisiter Halloween, 20 ans après de Steve Miner, un slasher autrement plus direct, ludique et codifié, mais qui avait moins de choses à dire sur son époque…

    Par Alexandre Poncet

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    Le précieux auteur de The Innkeepers, Ti West revient à sa méthode singulière : faire mine de broder un exercice de style pour mieux nous livrer à des vertiges insoupçonnés, ici portés par des images qui flirtent avec l’impensable.

    Voilà un retour aussi désiré qu’inespéré. Depuis 2016 et In a Valley of Violence, cet étrange western où les pistoleros s’épuisaient à jacasser au lieu de tirer, on n’avait plus guère de nouvelles de l’excellent Ti West. Seuls les maniaques des génériques télévisuels savaient qu’il n’avait pourtant pas chômé, enchaînant la réalisation d’épisodes pour diverses séries.

    Toujours est-il que les fans d’horreur ont été aux anges en apprenant que le bougre avait signé un nouveau long-métrage intitulé X, et que l’excitation a viré au délire quand les échos les plus flatteurs ont commencé à circuler à son propos. Disons-le tout net, le résultat comble les espoirs qu’il avait suscités. Néanmoins, il le fait d’une manière plutôt retorse.

    À vrai dire, la vision de X est typique d’une expérience que tous les cinéphiles ont vécue. Le cœur battant, vous vous apprêtez à découvrir une œuvre très attendue (ou bien un incunable dont vous aviez longtemps rêvé), persuadé d’être d’emblée terrassé par des images inouïes. Sauf que, même si ce n’est pas la douche froide, la première impression est mitigée : OK, le film est cool, mais il n’a pas l’air inoubliable. Patience, cependant. Peu à peu émergent une atmosphère lancinante qui va crescendo, des thématiques malsaines qui laissent pantois, des rebondissements sidérants qui ne sont pas ceux que vous aviez imaginés, si bien que vous commencez à comprendre pourquoi la chose était tant vantée.

    Et terrassé, vous l’êtes à la fin de la projection – peut-être encore plus dans les heures qui suivent, quand le film se met à sérieusement vous hanter.


    Maxine (Mia Goth), une jeune actrice porno prête à tout pour devenir célèbre.

    Lente glissade

    Tel est le voyage que X offre au spectateur, et on peut parier que West avait prévu son coup tellement il embraye avec des oripeaux vintage seventies et des clins d’œil appuyés au séminal Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper.

    Alors que les quatre chiffres « 1979 » s’étalent en grand sur l’écran, une camionnette quitte les faubourgs de Houston avec six jeunes gens à son bord. Direction un coin de campagne reculée du Texas où les citadins ont loué un charmant cottage à un vieillard colérique, lequel habite le corps de ferme attenant avec sa fantomatique épouse, prénommée Pearl…

    L’originalité est que le sextuor est en fait composé de strip-teaseuses, de queutards et d’aspirants-cinéastes qui comptent tourner là, à l’insu des deux vioques, un porno qu’ils espèrent lucratif. Les prises de vues débutent illico, et la pellicule impressionnée est montrée via des images en 16 mm et au format 4/3 intercalées dans des scènes se déroulant en coulisse ou dans la maison des ancêtres.

    Animé par des correspondances visuelles, ce long montage parallèle a évidemment un côté insolent et ludique, opposant les ébats fougueux des jeunes et la vie figée des vieux. Mais de manière plus profonde, la collision des deux salles-deux ambiances fomente les noces du sexe et de l’effroi, qui semblent s’enrouler lentement l’un sur l’autre.

    On retrouve alors la patte de West, dont les meilleurs films (The House of the Devil, The Innkeepers) devraient être enseignés dans les écoles pour expliquer la différence entre un simple exercice de style et une œuvre minimaliste qui ouvre pourtant des perspectives vertigineuses.


    Des strip-teaseuses, des queutards et des aspirants-cinéastes composent un original sextuor de proies.

    X est de la même eau, et son atmosphère sans pareille est résumée dans une scène en apparence gratuite. La jeune actrice Maxine se baigne dans un étang où, sans s’en rendre compte, elle est suivie par un alligator qui glisse doucement sur l’onde et manque de la croquer. Bien sûr, le saurien, qu’on avait un peu oublié, ressurgira plus tard lors d’une séquence cruciale. Cependant, sa première apparition installe la sensation d’une menace avançant inexorablement.

    Cela trouve un écho dans le caractère immobile d’une nature écrasée de chaleur et dans la démarche forcément hésitante des fermiers, qui ont l’air d’être quasi centenaires. Mais la montée progressive de la tension affecte aussi les protagonistes, que West dépeint avec son talent coutumier. C’est là que l’idée du film dans le film dépasse le stade du gadget « méta ». Le personnage du réalisateur est un passionné voulant tourner « un bon porno », et une certaine discussion fait une référence explicite à Psychose, redoublée ensuite par l’image d’une auto immergée dans les eaux noires d’un marigot.

    Eh bien, d’une certaine manière, X va être effectivement contaminé par Psychose. Non pas que West refasse le coup de Hitchcock, qui avait tué le personnage principal présumé en cours de route : il n’en opère pas moins un basculement retentissant, quand l’élan libidinal du tournage déclenche une subite précipitation des enjeux dramatiques.

    La timide preneuse de son déclare son envie de baiser devant la caméra, le pornographe ne l’entend pas de cette oreille et, surtout, les deux vioques se révèlent comme des êtres bien plus complexes que les réacs bondieusards dont ils avaient les atours. Cette mutation inopinée des caractères lance le signal d’un dernier acte en forme de bain de sang qu’on dirait frénétique s’il ne reconduisait le style de ce qui précède.

    Les protagonistes étant éparpillés aux quatre coins de la ferme, les montages parallèles font à nouveau autorité, et cette fois, leurs raccords expérimentaux tressent ensemble des scènes dérangeantes jusqu’à nous mener sur les rivages de la folie, là où règnent des images impensables situées à deux doigts de la nécrophilie.


    Le vieux Howard (Stephen Ure) fait face à Wayne (Martin Henderson), producteur du film peu catholique tourné à son insu.

    Double trouble

    En cela, X décolle de l’horreur texane pour s’aventurer sur les terres du bis italien, qui est parfois cité littéralement : la chambre de Pearl, pleine d’antiques étoffes et de poupées, évoque Mario Bava ; tel meurtre lorgne à l’évidence vers la célèbre énucléation de L’Enfer des zombies de Lucio Fulci.

    Mais il y a autre chose, qui nous taraudait depuis le début du film. Ce truc indéfinissable dans l’apparence physique de Pearl. Le générique de fin dévoile le pot aux roses : la fascinante Mia Goth, interprète de Maxine, a aussi tenu le rôle de la mamie au look de momie, ayant dû pour cela subir des heures et des heures de maquillage. Mais cela ne fait qu’attester ce que nous sentions confusément, à savoir que la jeune et la vieille sont des doubles l’une de l’autre, par-delà les décennies.

    Grâce à cela, Ti West transcende vraiment ses habiles références pour nous plonger dans des zones diablement troubles dont il a le secret… et dont on n’a pas entendu le dernier mot. En effet, il a été révélé que le cachottier a profité du tournage de X pour mettre en boîte une préquelle intitulée Pearl où Mia Goth incarne la jeunesse du personnage, sans maquillage cette fois. Et il travaille actuellement sur une conclusion à la trilogie, appelée MaXXXine.

    C’est peu de dire que nous sommes impatients de voir ces deux derniers volets, de même qu’il nous tarde de savoir ce que le cinéaste livrera ensuite, s’il reste fidèle au grand écran. Pour l’amour du ciel, Ti, ne retourne pas aux séries.

    Par Gilles Esposito

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    Déjà dispo dans les bonnes crèmeries 😉

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    @duJambon a dit dans [Critique] The Sadness :

    Je préfère le genre SAW.

    Ha le genre torture porn donc. Étonnant 😁

    Pourquoi pas. J’ai adoré le premier, le 2 ou 3 why not et ensuite j’ai arrêté. Mais le 1 est excellent, il l’avais agréablement surpris a sa sortie

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    @mister158 a dit dans [Critique] Top Gun: Maverick :

    après ben évidement c’est tom cruise qui gagne à la fin

    Ah ben merde ! tu m’as gâché la “surprise”. 🤣

    Quand je pense qu’à une certaine époque le suspens ne se devait qu’à la couleur des fils et des boutons. (le fil rouge sur le bouton rouge…)

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    Ben franchement, je ne sais pas quoi en penser, c’est drôle, bien ficelé, bien imaginé,spectaculaire, il y a même, semble-t-il, une volonté de bien le raconter, mais il manque un petit quelque chose, un peu comme Tenet…

    De plus le 4K HDR malgré un débit de 80 Mb/s n’est pas vraiment terrible, même s’il est mieux que le 1080p (surtout les couleurs, la définition, ça serait plutôt l’inverse).

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    Critique Mad Movies

    Comment écrit-on la suite du plus gros succès de l’Histoire du cinéma ? « En prenant son temps pour faire les choses bien » nous répondait il y a quelques mois Jon Landau. Alliant une fresque familiale intimiste à un spectacle aux proportions inédites, La Voie de l’eau justifie largement les treize années qui le séparent du film original, et pave la voie à une saga qu’on peut déjà qualifier de colossale…

    Le modèle de James Cameron pour la saga Avatar, comme il l’explique à longueur d’interviews, a toujours été Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Tournés simultanément et complétés par des prises de vues additionnelles en 2002 et 2003, La Communauté de l’Anneau, Les Deux tours et Le Retour du roi étaient toutefois partis avec un avantage : le réalisateur néo-zélandais avait pu s’appuyer sur les romans de J.R.R. Tolkien pour expliquer aux comédiens l’arc complet de leurs personnages.

    Les performances obtenues, superbement incarnées, étaient surtout cohérentes avec le projet d’ensemble, ce qui, dans une œuvre de fantaisie, est une nécessité souvent négligée. Souhaitant adopter la même approche créative à long terme, Cameron a décidé de rédiger toutes les suites d’Avatar en même temps, avec la collaboration de Rick Jaffa, Amanda Silver, Josh Friedman et Shane Salerno.

    Bien avant d’arpenter le plateau des opus 2 et 3 (ce dernier devrait mettre en scène un clan na’vi belliqueux, le peuple des cendres, face à des humains moins manichéens que prévu), les acteurs auront ainsi été mis dans la confidence vis-à-vis des épisodes 4 (qui devrait se dérouler en partie dans l’espace) et 5 (qui posera ses caméras sur Terre).

    Souhaitant exploiter tout le potentiel esthétique et thématique de son nouvel univers, Cameron avait promis d’aborder chaque long-métrage comme un récit autonome, proposant ses propres défis technologiques et son atmosphère bien spécifique. Fait rare, La Voie de l’eau confirme ce discours tenu durant depuis le début de la tournée promo tout en posant avec un sens impressionnant du dosage les bases d’une mythologie inépuisable.

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    – Jake Sully (Sam Worthington) et sa famille en pleine transhumance.

    LE TOUR DE LA QUESTION

    En 1986, Cameron s’était déjà prêté au délicat exercice de la « séquelle », mais son cultissime Aliens, le retour reposait sur un univers imaginé par d’autres. Coécrit par William Wisher, Terminator 2 : Le jugement dernier avait de son côté transcendé l’intrigue de son modèle et élargi ses frontières thématiques, mais il avait aussi fait le tour de son sujet, de la guerre futuriste aux affrontements entre les deux cyborgs en passant par des réflexions kubrickiennes sur l’humanisation potentielle des machines.

    Il est d’autant plus intéressant de comparer le world building de T2 à celui de La Voie de l’eau, dont le premier quart d’heure ouvre une infinité de pistes narratives impossibles à digérer en « seulement » trois heures. La brève visite de la capitale humaine évoque la manière dont Peter Jackson filmait Minas Tirith dans La Communauté de l’Anneau : les plans d’établissement sont suffisamment spectaculaires pour poser les enjeux industriels du décor, et suffisamment frustrants pour attiser la curiosité du public, en attendant que Cameron s’y attarde plus posément dans les épisodes à venir.

    Difficile également de ne pas penser à la façon dont George Miller cadrait la « Bullet Farm » dans Mad Max: Fury Road : Furiosa dirigeait sa machine de guerre vers la cité lointaine avant de braquer soudainement, faisant ainsi pivoter le récit à 90 degrés. Dans le même ordre d’idée, tout le monde attendait de Cameron qu’il prolonge son œuvre de façon rectiligne, comme engoncé dans le confort d’un train lancé à vive allure. Le fait que l’aventure démarre justement par le sabotage d’un chemin de fer est une déclaration en soi, le cinéaste dynamitant le carcan créatif que Hollywood aurait sans doute aimé lui imposer.

    MICRO ET MACRO

    L’ambition narrative de Cameron se reconnaît dans l’arbre généalogique des Sully, magnifiquement tracé au fil du prologue. Cette famille nombreuse aurait pu « disneyiser » le propos ; elle l’aide au contraire à optimiser son impact, chaque enfant apportant ses propres problématiques à une macro-dramaturgie d’une densité remarquable.

    Assumant son rôle de chapitre de transition sans que jamais cela n’entame la précision de sa structure (il s’agit bien d’un film, et non d’un épisode de série TV), La Voie de l’eau cultive les contrastes et les paradoxes, comme celui de proposer une aventure beaucoup plus resserrée et intime que la précédente, et dans le même temps des visions encore plus grandioses. Un plan du premier acte résume cette ampleur nouvelle : on y voit la gigantesque navette Valkyrie, autour de laquelle s’articulait le climax du premier opus, fendre le désert creusé par les envahisseurs humains.

    Filmé au loin, l’aéronef arrive aux portes d’une titanesque mégalopole imprimée en 3D (belle métaphore, qui mériterait une analyse entière), ce qui le fait ressembler à un vulgaire insecte. Cette remise à plat de l’échelle de grandeur est également soulignée par une scène d’invasion tétanisante, écrasant elle aussi les repères originaux.

    Point de basculement du premier film, la mort du grand arbre des Na’vi faisait l’objet d’une lente et douloureuse scène de mise à mort en 2009 ; une forêt entière et trois arbres comparables au « Home Tree » sont ici pulvérisés en quelques secondes, avant le débarquement de centaines d’AMP Suits et de Bulldozers cadrés dans une lumière brûlante. S’ils obéissent évidemment à un besoin de surenchère, ces tableaux techno-futuristes dignes de l’animation japonaise soulignent surtout la vexation et l’arrogance de l’espèce humaine suite à la défaite de la RDA.

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    – L’avatar de Quaritch (Stephen Lang) revisite le lieu de sa propre mort.

    RÉINVESTIR LE MONOMYTHE

    La vexation et l’amour propre sont ici des questions centrales. Elles conditionnent autant la trajectoire de Quaritch que celle de Jake et Neytiri, héros de légende obligés de ravaler leur orgueil face à des obstacles devenus insurmontables. Ici s’impose l’un des plus grands aboutissements de La Voie de l’eau : le script conjugue plusieurs relectures très originales du monomythe de Joseph Campbell et les entrelace organiquement, là où le cheminement dramatique d’Avatar restait globalement centré sur l’ascension programmée de Toruk Makto.

    En 2009, Cameron s’était volontairement plié aux fondamentaux d’une forme narrative plusieurs fois millénaire. Treize ans plus tard, il semble questionner sa propre capacité à décomposer et renouveler la formule tout en la célébrant, si l’on en juge par une architecture dramatique obéissant au principe des poupées russes.

    Répondant à une réplique clé du premier film (« Une vie s’achève, une autre commence »), le prologue réinstalle le « monde ordinaire » de Campbell de façon audacieuse, Cameron crédibilisant ses personnages extraterrestres par une accumulation de moments volés et d’échanges on ne peut plus quotidiens. Faisant un sacré pas en avant dans sa quête de suspension d’incrédulité, le réalisateur fait de ses Na’vi bleus de peau les points de repère du public et utilise un procédé hérité de John McTiernan pour traduire implicitement leurs dialogues (1).

    Lorsque « l’appel à l’aventure » (seconde étape du monomythe) intervient quelques minutes plus tard, les spectateurs sont appelés à partager leur déracinement et leur exil. La bravoure exhibée durant la bataille finale d’Avatar est clairement de l’histoire ancienne.

    À l’instar des Tulkans introduits en milieu de projection, une espèce de cétacés douée d’une philosophie raffinée et d’une intelligence supérieure, Jake tente par tous les moyens de limiter des pertes qu’il juge inévitables ; en lieu et place du discours belliciste qu’il prononçait jadis aux côtés de Tsu’tey, il essaie cette fois-ci de calmer les ardeurs du peuple Metkayina suite aux attaques ignobles de la flotte terrienne.

    Ce « refus de l’appel », qui constitue l’étape 3 définie par Joseph Campbell, s’étirera finalement sur deux actes entiers – de quoi ravir les fans du traitement de Luke Skywalker dans le formidable Les Derniers Jedi. Le fils adolescent de Jake, Lo’ak, hérite au contraire d’un arc très proactif : c’est en effet lui qui rencontre un mentor (étape 4 du monomythe).

    Ce guide, un Tulkan dont on comprend l’importance grâce à l’emploi de vues subjectives déstabilisantes, se trouve être lui-même à l’étape 6 de son voyage initiatique (« épreuves, rencontres des alliés et ennemis »). La jeune Kiri (fille adoptive de Jake et Neytiri née de l’Avatar de Grace) sera la première à passer le « seuil de l’aventure », son appétit d’exploration étant assez tôt souligné par une séquence la voyant contempler l’infini dans un trou de ver.

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    – Un échange par-delà la mort entre Quaritch et son avatar.

    UN RÉSEAU SENSORIEL

    Le long et éprouvant climax reflète les choix de structure inhabituels de Cameron. Alors que la bataille finale d’Avatar, introduite par une impressionnante phase de préparation des troupes, était motivée et organisée méticuleusement, la dernière heure de La Voie de l’eau naît d’une succession de péripéties accidentelles empêchant définitivement Jake et son clan de fuir le combat.

    La double structure respecte certes le modèle cameronien (enveloppé par un prologue et un épilogue très denses, le récit est divisé en trois phases distinctes, et le grand final est un film « miniature » en trois temps), mais la progression du spectacle allie plus que jamais une intimité extrême à des tableaux d’un gigantisme sidérant.

    Déclinant sur l’eau le style d’affrontement vu dans le premier volet, avec un degré de violence étonnamment rehaussé, ce morceau de bravoure renvoie tout autant à Abyss et Titanic, jusque dans une scène de naufrage donnant lieu à des expérimentations inédites sur l’immersion et le point de vue. Retournant le drame sur lui-même en même temps qu’un gigantesque navire, l’auteur divise sa galerie de personnages en plusieurs groupes malléables, qui s’entrechoquent au gré de montages parallèles complexes.

    Cameron exploite chaque possibilité d’interaction au risque de faire basculer ses personnages de l’autre côté de la barrière morale (cf. la relation tendue entre Neytiri et Spider), et son approche arachnéenne de la caractérisation rejoint l’un des plus importants concepts posés par le film original. Comme expliqué par Grace, la nature de Pandora est un réseau, au sein duquel les informations, les émotions et les pensées se téléchargent, s’échangent, se stockent et s’éprouvent (toute similitude avec Strange Days, lui aussi écrit par Cameron, est tout sauf accidentelle).

    De même qu’Avatar intégrait dans son récit un module d’interface neuronale pour discourir sur l’évolution de la perception cinématographique (les lunettes 3D envahissaient alors les salles obscures), La Voie de l’eau médite sur les songes et la mémoire, notamment lorsque Kiri, Neytiri, Jake et Lo’ak se connectent à Eywa ou au système limbique de diverses créatures.

    Cette thématique se marie parfaitement aux enjeux technologiques et sensoriels du long-métrage qui, en écrivant une nouvelle grammaire liée au HFR 3D, donne l’impression d’avoir vécu un rêve lucide et laisse derrière lui des souvenirs anormalement palpables.

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    Jake Sully en pourparlers avec les chefs du clan Metkayina, Tonowari (Cliff Curtis) et Ronal (Kate Winslet).

    L’ÉCLIPSE DES MYTHES

    La notion de souvenir amène enfin Cameron à revisiter des pans entiers de sa propre filmographie, d’une scène d’interrogatoire issue de True Lies à des noyades venues d’Abyss. Tout comme T2 reproduisait des pans entiers de Terminator, ce miroir créatif se tend tout particulièrement vers des scènes clés du premier Avatar, le plus souvent pour développer le « recombinant génétique » de Quaritch.

    Se prêtant à un exercice de mise en scène digne de Retour vers le futur 2, Cameron commence par confronter ce clone aux derniers moments du film original, avec un souci du détail contribuant à asseoir la réalité de son environnement (l’emplacement de l’AMP Suit, la disposition des flèches, la vitre brisée de la cabane, le module de liaison enfoncé par le robot ; tout est absolument parfait, y compris les mouvements de Jake et Neytiri rejoués ici en vue subjective).

    Quand, par la suite, le « recomb » est soumis aux épreuves que Jake avait dû surmonter lors de son apprentissage des coutumes Omaticaya, le réalisateur puise dans les cadrages de 2009 pour mieux différencier les actions et les choix des deux personnages. Il ressort toutefois de ces moments un rapprochement subtil et insidieux entre ces deux antagonistes, Quaritch se retrouvant lui-même embarqué dans son propre monomythe. Chacun, dans La Voie de l’eau, se révèle à travers l’autre, y compris Neytiri et Ronal, deux femmes de pouvoir décrites à tour de rôle en train de brandir un arc au pic de leur grossesse (2).

    Toutes ces figures se superposent alternativement, projetant leur ombre sur le récit avec la force de cette éclipse qui se reproduit de façon métronomique dans le ciel de Pandora. Usant du principe des cycles, à la fois de façon intradiégétique (voir le retour des Tulkan chez le peuple Metkayina, après être venus au terme du « cycle » de leur voyage) et au sens littéraire, James Cameron a déjà gagné son pari : Avatar et La Voie de l’eau forment à eux seuls un sommet de science-fiction comparable au Dune de Frank Herbert et à 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick.

    (1) Alors que ses enfants se disputent en na’vi, Jake explique en voix off que ses problèmes avec le langage sont de l’histoire ancienne. Au moment où il prononce les mots « Désormais, j’ai l’impression d’entendre de l’anglais », le dialogue est soudain traduit en langue anglaise.

    (2) Symbolisée par la déesse Eywa, la maternité est l’un des thèmes les plus passionnants de La Voie de l’eau et revêt des aspects inattendus, comme en témoignent les Tulkan et les personnages de Kiri et Grace…

    Par Alexandre Poncet.