Avec du recul, l’émission La fabrique de l’information, diffusée sur France Culture, est revenue sur le procès qui a mené à l’incarcération de l’ancien président de la république Nicolas Sarkozy. Elle a choisi de la traiter sous l’angle de sa mise en scène médiatique mais aussi de revenir sur des points ayant sucités grand nombre de commentaires comme le mandat de dépôt à effet différé pour association de malfaiteurs.
Retour sur un feuilleton qui a nourri l’ensemble de nos médias cette semaine, celui de l’incarcération de Nicolas Sarkozy. Comment analyser le traitement médiatique de sa condamnation, lui qui a su utiliser les médias comme outil de communication tout au long de sa carrière ?
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Nicolas Sarkozy, jugé coupable d’association de malfaiteurs dans le cadre de l’affaire du financement libyen, a été incarcéré dans la matinée du mardi 21 octobre 2025. Condamné à cinq ans de prison ferme, avec exécution immédiate de la mesure, l’ancien président de la République a quitté son domicile du 16ᵉ arrondissement de Paris, entouré de sa famille et de ses soutiens. De BFMTV à Paris Match, les médias ont couvert l’incarcération sur un registre émotionnel - celui de la sidération et du choc.
Dans les médias français, l’invisibilisation des causes de l’incarcération
La condamnation, puis l’incarcération, de Nicolas Sarkozy ont été retransmises et commentées en direct sur les chaînes d’information en continu, jusqu’à son arrivée à la prison de la Santé. Un feuilleton qui a nourri l’ensemble de nos médias au cours de la semaine, oblitérant, pour une part, les causes de l’inculpation. “Nicolas Sarkozy a mis en scène cette incarcération qui avait été différée par le tribunal, et cette mise en scène, les médias audiovisuels n’étaient pas obligés de s’y prêter”, estime le journaliste Thierry Lévêque. “Or, ils l’ont fait complaisamment, avec des directs pendant des journées entières, et à aucun moment n’ont été rappelés les motifs de la condamnation, notamment sur les chaînes d’information en continu”.
Nicolas Sarkozy, regard déterminé, main dans la main avec Carla Bruni en Une de Paris Match, cette photo restera sans doute celle du mardi 21 octobre 2025. Un registre émotionnel voulu par le journal : “On est complètement dans l’émotion, il s’agit d’entrer dans les coulisses de ce qu’ont été les derniers moments de Nicolas Sarkozy”, indique Lou Fritel. S’agissant du fond de l’affaire et des causes de l’incarcération, la journaliste politique à Paris Match indique que “d’autres presses s’en occuperont”. Elle précise : “à Paris Match, ce n’est pas vraiment la ligne habituelle. Nous, c’est plutôt l’intime, et quelque chose d’un peu voyeuriste peut-être, mais qui est demandé aussi”. La journaliste ajoute “Nicolas Sarkozy est un personnage lié à Paris Match et donc au lecteur de Paris Match”.
Un jugement incompris : le résultat de la sous-médiatisation du procès
La couverture médiatique de l’incarcération de Nicolas Sarkozy met aussi en lumière le risque de la désinformation s’agissant des décisions de justice. “Il n’y a pas le moindre élément de preuve”, affirmait mardi matin l’un des avocats de Nicolas Sarkozy, une rhétorique reprise par un certain nombre d’éditorialistes et journalistes politiques français au cours des derniers jours.
Les journalistes présents au procès attribuent, pour une part, cette désinformation à la faible couverture dont les audiences ont fait l’objet. Yunnes Abzouz, en charge des médias au journal Médiapart rapporte en effet que “pendant les trois mois d’audiences, il n’y a pas eu de chaîne de télévision, ni quasiment aucune chaîne de radio présente dans la salle”. Le journaliste précise : “à chaque fois qu’il y a eu une occasion pour les télés ou les radios de venir couvrir le procès, c’était surtout pour couvrir la plaidoirie des avocats de Nicolas Sarkozy ou au moment où de l’annonce de sa condamnation. De là a découlé toute la couverture médiatique qui s’en est suivie, et l’impression que l’affaire des financements libyens a démarré au moment où Nicolas Sarkozy est sorti de la salle d’audience”.
Autre facteur d’incompréhension de la décision des juges : la hiérarchie de l’information dans les médias, bien souvent défavorable à la parole de spécialistes des affaires judiciaires. Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur judiciaire au Figaro, indique en effet que “le séquençage [du travail journalistique] est tel que lorsqu’il y a un procès judiciaire, ce sont les chroniqueurs judiciaires qui suivent le procès, mais ce sont d’autres personnes qui assurent le “service après-vente”. Il ajoute “qu’en l’occurrence, ce sont des éditorialistes politiques qui ont pris la main”.
Vulgariser les affaires judiciaires : une responsabilité pour les médias et pour la justice
La couverture médiatique dont l’affaire à fait l’objet remet aussi au cœur du débat un enjeu majeur pour les médias et pour la justice : celui de la vulgarisation des décisions de justice s’agissant des affaires politico-financières. “Sur des grandes affaires, ce serait bien qu’on entende des voix de magistrats qui expliquent les choses en les rendant accessibles à tous”, souligne Stéphane Durand-Souffland. “Les jugements sont rendus dans des salles d’audience où tout le monde ne peut pas entrer et celui de l’affaire libyenne fait 400 pages. C’est touffu, et il n’y a pas d’œuvre pédagogique mise en œuvre par l’institution judiciaire”. Le journaliste précise toutefois que “depuis peu, les juges commencent à se demander comment faire pour être mieux compris et mieux expliquer leurs propres décisions, qui sont maintenant rendues dans un français plus moderne”.
Lou Fritel fait le parallèle avec un débat qui a eu lieu autour de la rediffusion des séances à l’Assemblée nationale. “Il y a eu le même genre de problème pendant longtemps, au sujet de la possibilité de mettre des caméras dans les salles. Les journalistes sont là pour rapporter ce qui s’y déroulait, mais si vous voulez faire en sorte que le citoyen comprenne, il faut aussi lui donner accès. Donc ce sont des réflexions qui ont déjà eu lieu dans d’autres secteurs”.
Le Courrier de la Fabrique
Mélanie Chenouard, journaliste à Courrier international, nous parle de touristes Russes qui ont choisi de passer leurs vacances en Corée du Nord. Un reportage à retrouver dans l’article du média indépendant russe Veter, repéré et traduit par Courrier international : “Chaque rouble en valait la peine”, publié le 27 août 2025.
Source : radiofrance.fr