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    je suis d’accord… .

    Une bombe comme tout ce qu’à fait Jérémie

    Et l’interview intéressante de Jérémie :

    https://planete-warez.net/topic/4719/interview-jérémie-perrin-mars-express

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    Les prophéties d’anéantissement de l’Humanité sont aussi vieilles que les principaux textes religieux, avec pour étrange projet de maintenir l’harmonie par la menace de représailles divines. Dès lors que les avancées technologiques ont permis de concrétiser ces visions (avec comme exemple le plus récent le Oppenheimer de Christopher Nolan, la fiction a pris le relai de la croyance pour entretenir ce que les politiciens de la Guerre froide ont appelé « l’équilibre de la terreur » – soit une certaine idée de la paix pour éviter de plonger la planète dans un long hiver nucléaire

    Les 6 et 9 août 1945, l’armée américaine largue deux bombes atomiques, sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki. Les allocutions du président Truman et leurs échos médiatiques ne s’étendent pas sur le nombre de morts ou sur les effets à court, moyen et long termes des radiations ; seules comptent la puissance et l’efficacité des impacts, puis la reddition nipponne. Le cataclysme de ces destructions rejoint de fait la liste des traumatismes liés à la Seconde Guerre mondiale, et dans l’imaginaire populaire occidental, la bombe A n’est finalement qu’un obus sous stéroïdes prenant la forme d’un champignon lors de son explosion.

    Cette dissonance est illustrée par le documentaire Atomic Café de Jayne Loader, Kevin et Pierce Rafferty (1982), montage de films de propagande vantant les mérites de l’arsenal nucléaire et alignant les messages de prévention tous plus lunaires les uns que les autres. L’apothéose est atteinte avec le fameux clip Duck and Cover, entré dans la légende et mille fois parodié, où il est conseillé à de jeunes enfants, en cas d’explosion nucléaire, de « s’allonger et de se couvrir la tête avec les mains ».

    Cette candeur ingénue se retrouve dans les premiers longs-métrages américains qui se hasardent à évoquer le sujet. Le charmant Monstre des temps perdus d’Eugène Lourié (1953) réveille une grosse bestiole préhistorique à la suite d’un essai nucléaire dans un cercle arctique reconstitué en studio à la sauvette, avec ce qui ressemble fort à de gros blocs de polystyrène.

    La créature, animée par Ray Harryhausen, déboule à New York, se coince dans le grand huit du parc d’attractions de Coney Island où un héros intrépide lui balance un isotope radioactif dans la tronche. Happy end, la population locale est plus affectée par les dégâts matériels et par un virus des temps jadis, contenu dans le sang du dinosaure, que par une quelconque retombée nucléaire.


    – Godzilla de Ishirô Honda.

    En 1959, Le Dernier rivage de Stanley Kramer fait mine de prendre le sujet à bras-le-corps. Après un échange de tirs nucléaires ayant ravagé tout l’hémisphère Nord, l’équipage d’un sous-marin américain accoste en Australie. Le continent est encore épargné par les retombées radioactives et les troufions y coulent des jours paisibles, tout de même un peu troublés par le souvenir de la destruction globale et par les remords d’un simili Robert Oppenheimer dépressif joué par Fred Astaire.

    Un signal radio trompeur embringue les soldats pour une ultime virée sur les côtes américaines où les effets des déflagrations atomiques sont pudiquement figurés par des mégapoles vides. Le film annonce la flopée de films post-apocalyptiques anticipant les conséquences les plus pessimistes de la Guerre froide – dans le genre, la taquinerie impose de conseiller le visionnage du français de l’étape, Malevil de Christian de Chalonge (1981), sidérante préfiguration de The Walking Dead avec des radiations dans le rôle des zombies, Michel Serrault en Rick Grimes et Jean-Louis Trintignant en Negan.

    Avec Le Dernier rivage, Stanley Kramer fait de son mieux pour que le désespoir de son récit l’emporte, mais la mise en garde demeure timide, en partie éclipsée par la place conséquente accordée à la romance entre Ava Gardner et Gregory Peck.

    LA SUBVERSION DU JAPON

    En 1954, le studio Tôhô sort le premier Godzilla, produit dans la foulée du succès du Monstre des temps perdus au box-office japonais. Au côté pulp du film d’Eugène Lourié, cette production oppose une gravité à la hauteur de sa résonance avec l’Histoire nipponne. L’ami Fabien Mauro le rappelle très justement dans son livre-somme sur le kaiju eiga (Kaiju, envahisseurs & apocalypse chez Aardvark Editions) : le début du film fait écho à des essais nucléaires américains dans le Pacifique sud au début de l’année 1954, dont des pêcheurs japonais subirent les radiations mortelles.

    Les scènes de destruction s’attachent à montrer le désarroi des populations locales, prises au piège du gigantesque monstre réveillé par les explosions atomiques – la plupart de ces séquences et plans anxiogènes disparaîtront du montage américain du long-métrage. Lorsqu’une arme encore plus destructrice que la bombe A est créée pour venir à bout de la menace, l’accent est mis sur l’immense responsabilité induite par une telle invention à travers la performance, impeccable de justesse, de Takashi Shimura.


    – Le documentaire Atomic Café de Jayne Loader et Kevin & Pierce Rafferty.

    Avec La Dernière guerre de l’apocalypse de Shûe Matsubayashi (1961), la Tôhô élude tout élément métaphorique et fonce droit au but dans un vaste élan mélodramatique.Le Japon achève à peine sa reconstruction post-Seconde Guerre mondiale qu’un enchaînement d’incidents internationaux, avec comme épicentre la tension entre les deux Corées, laisse entrevoir la possibilité d’une destruction planétaire.

    Le film suit à la fois les négociations politiques infructueuses et la vie d’une petite famille tokyoïte, condamnée à l’inéluctable. Dans les dix dernières minutes, les missiles partent et rasent les plus grandes villes de la planète. Les Tamura partagent un ultime dîner avant d’être rayés de la carte. Un champignon atomique explose juste à côté du mont Fuji, la capitale japonaise est recouverte de lave. Un message final enjoint l’Humanité à ne pas concrétiser ce carnage.

    Les deux décennies suivantes verront les productions japonaises décliner ces deux modèles narratifs jusqu’à les dévitaliser. Le remède à cette atonie viendra d’une production aussi dingue dans son fond que dans sa forme, The Man Who Stole the Sun de Kazuhiko Hasegawa (1979), scénarisée par Leonard Schrader, grand frère de Paul exilé au Japon.

    Le film suit un professeur narcoleptique sur le point de donner naissance, dans son laboratoire de fortune, à la première bombe atomique nipponne. Le pays bruisse de revendications, de misère et de pressions sociales accrues, subit un taux de suicide record, mais notre homme compte se servir de son arme pour imposer la diffusion nocturne de matchs de baseball et la venue des Rolling Stones près de chez lui.

    Pire que l’arme nucléaire : sa trivialisation par un type qui s’en sert comme ballon de foot. Plus absurde que le terrorisme : une absence totale d’idéologie autre que la prime jouissance du pouvoir.


    – The Man Who Stole the Sun de Kazuhiko Hasegawa.

    La mise en scène et le montage empruntent aux techniques du cut-up, multiplient les incartades psychédéliques. The Man Who Stole the Sun passe d’un genre à l’autre sur des impulsions saugrenues, rappelle in fine son protagoniste au drame sous l’effet des radiations et des réminiscences de traumatismes nationaux. La confrontation finale, à la hauteur barjo de cette œuvre outrancière, laisse un goût de sang au fond de la bouche.

    La parole japonaise se libère plus franchement sur les horreurs des bombes atomiques dans le cinéma des années 1980, avec comme point de bascule l’adaptation animée en deux temps du manga Gen d’Hiroshima en 1983. L’histoire, inspirée de la propre expérience de l’auteur Keiji Nakazawa, de la survie d’un gosse et de quelques proches après le bombardement. La première moitié surprend par ses prises de position pacifistes, voyant le père du héros critiquer ouvertement le gouvernement japonais dans sa poursuite de la guerre.

    Le film de Mamoru Masaki reprend le character design rond et enfantin du manga original, alimentant non sans talent un contraste saisissant entre cette approche graphique et la dureté d’un contexte où la faim et les inégalités dominent.

    Puis soudain, l’horreur totale. La bombe tombe et le montage n’épargne rien de ses effets les plus destructeurs sur une série de quidams littéralement vaporisés, qui d’un petit papy appuyé sur sa canne, qui d’une mère de famille et son bébé, dont aucune souffrance ne nous est épargnée.

    Gen survit miraculeusement, voit avec horreur un premier flot de survivants irradiés, les yeux pendant hors de leurs orbites, traverser un champ de ruines. « Est-ce que l’enfer ressemble à ça ? » se demande-t-il, et toute la seconde moitié du film ne cesse de lui répondre par l’affirmative, dans un cauchemar visuel et psychologique permanent, rivalisant en intensité dramatique avec Le Tombeau des lucioles d’Isao Takahata.


    – Point limite de Sidney Lumet.

    COMMENT J’AI APPRIS À M’EN FAIRE

    Un événement va faire sortir l’Occident de son angélisme et lui faire prendre conscience du péril de la course aux armes nucléaires : la crise des missiles de Cuba, deux semaines suspendues en octobre 1962 au cours desquelles le monde s’attend à disparaître dans un échange d’amabilités atomiques.

    Stephen King retranscrit parfaitement cette attente de la fin du monde dans 22/11/63 : quand bien même son héros, voyageur temporel, connaît l’issue de l’événement, il flotte dans ces pages une atmosphère de désespoir existentiel à couper au couteau, que peinera à reproduire son adaptation sérielle ratée.

    Ce virage tonal émerge dans le second film de Frank Perry, Ladybug Ladybug (1963). Le futur réalisateur du Plongeon y donne déjà dans la perturbation de routine, dans le grattage de surface jusqu’à la révélation de plaie béante.

    Dans l’école d’un beau petit village américain, une alarme se déclenche, et pas n’importe laquelle : celle censée annoncer l’arrivée d’un missile nucléaire. La maîtresse tente de savoir s’il peut s’agir d’une erreur, rassure les bambins comme elle le peut, organise leur rapatriement à domicile. La bluette en noir et blanc laisse affleurer des inquiétudes grandissantes, des instincts de survie peu ragoûtants, assène quelques baffes inattendues avant le coup de boule final.


    – Dr Folamour de Stanley Kubrick.

    Point limite de Sidney Lumet (1964) ressemble quant à lui à la version sérieuse du Dr Folamour de Stanley Kubrick – ce dernier fit d’ailleurs des pieds et des mains pour que son film sorte en premier, arguant que les romans à l’origine des deux films entretenaient de trop grandes similitudes.

    Fail Safe (en version originale) joue sur l’un des grands schémas classiques des films paranoïaques : l’erreur matérielle, technique, humaine – ou les trois en même temps – menant à une escalade incontrôlable des événements puis au malentendu final, prélude au grand saut dans le vide nucléaire.

    Un ordinateur envoie des avions américains rayer Moscou de la carte suite à une fausse alerte, les gouvernements américain et soviétique font de leur mieux pour stopper l’inévitable. Le président des États-Unis fait une promesse atroce à son homologue russe : si jamais Moscou est touchée, il ordonnera à ses troupes de faire subir le même sort à New York en contrepartie.

    Six mois plus tôt, Sidney Lumet zébrait le quotidien de son Prêteur sur gages de flashes-back intenses de l’Holocauste, dans des inserts brutaux contrastant avec ses déboires parmi les paumés du Harlem d’alors.

    Quand Point limite honore enfin son titre, le réalisateur capte des passants new-yorkais inconscients de ce qui les attend, en arrêts sur image successifs, pour une scène finale qui n’a rien perdu de sa puissance en soixante ans. Le film souffrait jusque-là de la comparaison avec la géniale comédie pré-apocalyptique de Stanley Kubrick, il la rattrape in extremis dans cette dernière ligne droite.


    – La Bombe de Peter Watkins.

    Les deux œuvres empruntent des chemins différents pour arriver au même constat : la fin de toute chose ne tient désormais qu’à un fil. Exception faite de ces auteurs dont l’inquiétude transparaît à l’écran, la série B américaine n’en continue pas moins de traîter le sujet de façon irréaliste, voire de développer une sorte de fétichisme plutôt curieux, parfois lucide sur son ambivalence.

    La fameuse fin de La Planète des singes voyait le personnage de Charlton Heston fustiger ses contemporains et leur recours funeste à l’arsenal nucléaire ; la séquelle du film révèle en bout de course, dans l’enceinte d’une cathédrale, une grande bombe atomique dorée, vénérée par des humains mutants devenus télépathes sous l’effet des radiations. Une reprise de la figure biblique du faux prophète, des extrapolations science-fictionnelles brindezingues, une fusillade désordonnée où gicle le sang rouge ketchup de la fin des années 1960 : la bombe mettra fin à tout ce cirque dans une conclusion bizarrement nihiliste.

    L’ANTICIPATION, LA VRAIE

    Le premier grand signal d’alarme du bloc capitaliste quant aux effets de la bombe atomique viendra du côté de l’Angleterre, de la part d’un auteur fondamental, à l’importance trop minorée.

    Peter Watkins révolutionne la forme du docudrama en 1964 avec Culloden, une reconstitution de la bataille du même nom, à la moitié du XVIIIe siècle, entre soldats britanniques et écossais, à laquelle le réalisateur applique un traitement anachronique : les combattants sont interviewés et suivis comme s’ils étaient accompagnés d’une équipe de télévision en reportage. Les comédiens amateurs regardent longuement l’objectif, les assauts et la répression des officiers de la Couronne sont saisis en caméra portée, dans toute leur brutalité.

    Par ces partis pris de mise en scène, inédits en leur temps, Peter Watkins parvient à appréhender son contexte historique à la perfection, à immerger dans des enjeux immédiatement tangibles.


    – Threads de Mick Jackson.

    Pour son film suivant, La Bombe (The War Game), il part sur une base fictionnelle et imagine l’explosion d’une bombe atomique dans le comté de Kent, en Angleterre, toujours sous un angle documentaire extrêmement réaliste, documenté, implacable dans ses effets de narration et ses articulations.

    Le film décrit la préparation à une telle éventualité, l’état d’urgence instauré par les autorités, les évacuations, le rationnement, le bruit confus des hostilités internationales galopantes, les différents scénarios envisagés. Une ogive nucléaire explose à une vingtaine de kilomètres ; le décompte des victimes, des brûlures et blessures commence.

    L’après s’organise dans un chaos à peine contenu par des forces de police et des pompiers débordés, les effets secondaires de l’impact arrivent sans laisser le temps de souffler. Les émeutes sont réprimées violemment, les exécutions sommaires se multiplient, il ne reste plus en fin de film qu’un lambeau de civilisation dont les survivants n’aspirent plus à rien.

    The War Game est jugé trop « horrifique » par les responsables de la BBC et, sous pression du gouvernement travailliste de Harold Wilson, la chaîne publique britannique annule sa diffusion. Le film connaît une courte exploitation cinématographique, tourne dans une poignée de festivals, se voit également interdit de télévision américaine.

    Il faut attendre 1985, quarante ans après les destructions de Hiroshima et Nagasaki, pour que La Bombe soit enfin diffusé sur BBC2. Ironie cruelle s’il en est, la BBC programme cette même année une œuvre pensée selon le même principe, Threads de Mick Jackson, dont l’horreur viscérale éclipse, par sa radicalité, les mérites du film de Watkins.

    Une bombe explose cette fois-ci du côté de Sheffield, plus au nord. La narration se poursuit une dizaine d’années après le drame, dans un pays à mi-chemin entre des amorces de reconstruction et une atmosphère médiévale, et s’achève sur l’un des plus atroces freeze frames de l’Histoire des freeze frames.

    Threads fut à la fois conçu comme un hommage au film censuré de Watkins et comme une réponse au téléfilm américain Le Jour d’après de Nicholas Meyer (1983), aux prémisses similaires et au traitement beaucoup plus inoffensif.

    Pour compléter ce panorama, il faut impérativement mentionner le film d’animation britannique Quand souffle le vent de Jimmy T. Murakami, situé quant à lui dans la campagne du Sussex et consacré à la survie puis à la mort d’un vieux couple, préparé à la catastrophe mais isolé et démuni face aux assauts de l’hiver nucléaire environnant. Un peu d’humanité, sur fond de David Bowie qui plus est, ne fait pas de mal au milieu de ces tableaux cauchemardesques… même à l’agonie et à la merci des rats.


    – Le Jour d’après de Nicholas Meyer.

    À L’EST, DU NOUVEAU

    Du côté du bloc soviétique, la question est plus épineuse à aborder, l’évocation des conséquences d’une attaque nucléaire pouvant être perçue comme une critique de la politique militaire en la matière. Mais l’art trouve toujours un chemin.

    Le troisième sketch de The Deserter and the Nomads de Juraj Jakubisko (Tchécoslovaquie/Italie, 1968) fait errer les rescapés d’un hiver atomique à travers les landes désertiques dans une atmosphère carnavalesque morbide.

    La zone du Stalker d’Andreï Tarkovski (Russie, 1979) évoque infiniment plus les ruines d’un incident nucléaire que les vestiges d’activité extraterrestre, de façon encore plus nette que dans le roman des frères Strougatski dont il s’inspire, d’autant que ce thème hantera l’ultime film du cinéaste, Le Sacrifice, en 1986.

    Coécrit avec Boris Strougatski, Lettres d’un homme mort de Konstantin Lopushansky (Russie, 1986) s’aventure dans les terres de l’anticipation post-apocalyptique, après un cataclysme qui aurait pu être évité si l’ingénieur capable d’arrêter le premier tir de missiles n’avait été gêné par une simple tasse de café.

    Cette touche d’ironie vient illuminer de façon très fugace un récit ouvertement désespéré, saisi dans des lumières ocre et poussiéreuses, où les survivants se rassurent en s’estimant maudits dès le départ. Le professeur au cœur de l’intrigue entretient des remugles d’espoir en écrivant à son fils probablement mort, tandis que sa femme et les enfants de l’orphelinat voisin crèvent à petit feu.


    – Lettres d’un homme mort de Konstantin Lopushanskiy.

    La question de savoir si le film décrit la fin de l’Humanité ou celle de l’URSS peut également se poser devant le stupéfiant O-Bi, O-Ba: The End of Civilization de Piotr Szulkin (Pologne, 1985). Quand bien même sa microsociété rescapée du carnage nucléaire, repliée dans un bunker sur le point de s’effondrer, reproduit bon nombre de codes de la société capitaliste, l’analogie pourrait tout autant s’appliquer aux couches de corruption du giron de l’URSS.

    Avec un budget que l’œil habitué aux productions hollywoodiennes clinquantes devine restreint, le réalisateur n’en signe pas moins une œuvre fiévreuse, à la colère rentrée face à chaque mensonge, gorgée de visions hantées par la démence comme seule réaction face à l’apathie généralisée.

    Par un hasard à même de mettre les esprits conspirationnistes en surchauffe, Le Sacrifice, Lettres d’un homme mort et O-Bi, O-Ba sont produits à quelques mois de la catastrophe de Tchernobyl, événement clé et traumatique dans l’appréhension des dangers du nucléaire comme dans celle de la future chute de l’URSS.

    Sur ce sujet précis, Le Syndrome chinois de James Bridges (1979) s’inscrit dans la lignée des thrillers paranoïaques américains des années 1970, avec son équipe de télé menée par Jane Fonda et Michael Douglas, poliment mais fermement décidée à lever le voile sur la dissimulation d’une anomalie potentiellement dramatique dans une centrale nucléaire.

    Coïncidence à s’en arracher les poils sur le caillou, la sortie du film précède de deux semaines l’incident de la centrale de Three Mile Island, en Pennsylvanie. Dans ce film comme dans Le Mystère Silkwood de Mike Nichols (1983), inspiré quant à lui de faits réels, l’accent est mis sur l’aberration des économies de production et de sécurisation sur une technologie aussi dangereuse et volatile.

    PUNISHMENT PARKS

    L’actualité brûlante explique aussi l’apparition de films australiens dédiés à ces questions dans les années 1980, avec comme principale figure de proue Terre interdite de Bruce Myles et Michael Pattinson (1987). Un thriller (avec une apparition de Donald Pleasence en lanceur d’alerte à la voix robotique) basé sur les rapports alors tout juste dévoilés d’une commission d’enquête venant d’établir que des essais nucléaires britanniques, effectués dans les années 1950 en Australie, avaient irradié les populations aborigènes.

    Dix ans plus tard, dans ce qui reste la seule touche de respect vis-à-vis du film original, le Godzilla de Roland Emmerich impute l’émergence de sa créature à la reprise des essais nucléaires français, ordonnée à l’époque par Jacques Chirac dans l’atoll polynésien de Mururoa.


    – Godzilla version Roland Emmerich.

    Entre 1983 et 1985, Peter Watkins tourne un film-somme sur cinq continents, Le Voyage, monstrueux documentaire d’une durée totale de 14h30 réparti en une vingtaine d’épisodes de 45 minutes. Il interroge des familles de toutes origines, de tous milieux sociaux, des experts, des scientifiques et des politiques sur la course à l’armement.

    Le film établit la méconnaissance d’alors sur les dangers liés aux radiations, sur les véritables effets des bombardements de Hiroshima et Nagasaki. Il s’y déploie une avalanche de chiffres vertigineux, il s’y démontre l’impréparation généralisée aux catastrophes corollaires, que le réalisateur illustre de reconstitutions troublantes.

    Peter Watkins a évoqué le thème des déchets nucléaires dans le téléfilm The Trap en 1975, il souhaitait consacrer une autre œuvre-fleuve à ces thématiques au tournant du nouveau millénaire, mais son expérience désastreuse avec les producteurs de La Commune (Paris, 1871), reprise pourtant formidable des partis pris de Culloden sur cette période de l’Histoire française, l’en a découragé.

    Faute de voix à la hauteur dans le paysage cinématographique mondial, la bombe atomique et l’expectative d’une extermination nucléaire se sont normalisées et ont fini par intégrer le champ de la fiction au point d’en devenir un élément familier. La saison 8 de American Horror Story, ou plus récemment Demon 79 de l’anthologie Black Mirror, jouent du motif de notre fin programmée avec un certain détachement pop.

    Au terme des neuf saisons de 24 heures chrono, les États-Unis ont subi une explosion atomique dans le désert, une deuxième dans la ville de Valencia, la fusion du cœur d’une centrale, mais franchement ? Ça va, c’est à peine si le sujet est abordé, parce que pas le temps.

    Les échos cinématographiques japonais à la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, comme The Land of Hope de Sono Sion (2012) ou Sayônara de Kôji Fukada (2015), entérinent même une acceptation de la dégradation du vivant, une tendance à continuer, comme si de rien n’était. Reste encore à voir la place de l’Oppenheimer de Christopher Nolan dans ce processus de banalisation.

    – Par François Cau.
    – Mad Movies #373