[Critique] Le seigneur des Anneaux : la guerre des Rohirrim
-
L’idée de réaliser un spin-off du Seigneur des Anneaux au format anime n’était en principe pas plus stupide que de broder un long feuilleton live très vaguement inspiré des romans originaux. La présence à la production de Peter Jackson, Fran Walsh et surtout de la brillante Philippa Boyens garantissait un vrai respect vis-à-vis de l’œuvre de J.RR. Tolkien, respect qui se confirme tout au long du Seigneur des Anneaux : la guerre des Rohirrim, mais qui aurait gagné à se délester d’un fan service un peu trop voyant.
Pour apprécier la présente intrigue, il n’était par exemple pas nécessaire de faire réapparaître Saroumane (au passage, la voix de Christopher Lee a-t-elle été obtenue au moyen de l’I.A. ?) ou de connecter artificiellement le récit à la quête de l’Anneau à quelques secondes du générique de fin. Reproduire les moments-clés des Deux Tours était également à double tranchant, notamment une charge de cavalerie emblématique à flanc de colline, derrière laquelle une lune imposante se substitue désormais aux premières lueurs du jour. Dans leur réexploitation d’un univers déjà connu, Boyens et le réalisateur japonais Kenji Kamiyama parviennent parfois à trouver un point de vue inattendu, en particulier lorsqu’un Mümak isolé surgit à la manière du sanglier maudit de Princesse Mononoké, pour finalement se faire avaler tout cru par un Guetteur des Eaux délicieusement lovecraftien.
Ces composantes à mi-chemin entre la dark fantasy et le conte de fées se retrouvent dans la seconde moitié du film et inspirent aux a teurs quelques tableaux fantastiques évocateurs, d’un spectre attaquant des soldats lors d’une tempête de neige à une mariée funèbre surgissant glaive au poing sur le champ de bataille. On appréciera aussi une scène de sacrifice poignante à mi-parcours, provoquée par l’épuisement d’un cheval âgé (sans doute la meilleure séquence du film), ainsi qu’une atmosphère dans l’ensemble assez intime, servant idéalement des intrigues de cour dans la droite tradition shakespearienne.
Dommage, au vu de ces belles réussites, que la narration et ses thématiques manquent à ce point de piment et d’audace : omettant de poser leur enjeu principal dés le prologue (le flashback montrant l’héroïne et son futur ennemi enfants aurait dû être placé en ouverture), les deux duos de scénaristes ne parviennent jamais à faire sortir le projet d’un chemin tout tracé. Plus dommage encore, la facture hybride de La Guerre des Rohirrim joue en permanence contre lui : dans sa façon d’intégrer des personnages dessinés à la main aux mouvements parfois douteux sur des arrière-plans tridimensionnels au rendu beaucoup trop détaillé, Kamiyama perturbe constamment la suspension d’incrédulité du spectateur, et finit par donner l’impression de visionner l’animatique d’un film qui aurait plutôt mérité, en l’état et malgré tout l’amour que l’on peut vouer à la japanimation, d’être tourné en prises de vues réelles… !
– Par Alexandre Poncet
– Mad Movies #388–> Malgré cette critique, il faut absolument que je voie ce film sur grand écran, qui je pense, va me ravir pleinement.
-