Tu as raison @Ashura elle doit sniffer de grosses diagonales de BlueRay la meuf
Elle déconne pleine balle…
Tu as raison @Ashura elle doit sniffer de grosses diagonales de BlueRay la meuf
Elle déconne pleine balle…
Oui @Zabal , je suis allé le voir en avant première ce Dune: Part 2 et il dechire tellement. J’ai payé la place 6 euros via mon CE et ce film est pensé pour le cinéma de fou.
Perso, je vais toujours au cinéma, moins qu’avant (comme l’ami @Psyckofox j’y suis au moins 3 fois par mois pendant pas mal d’années) mais toujours car rien n’égale l’expérience d’une bonne toile au cinéma à moins d’être blindé de tunes à ne pas savoir quoi en foutre et d’avoir sa salle perso (je parle pas du HC maison même de bonne facture.) puis voilà c’est pas pareil quoi et la passion des salles obscures est plus forte.
L’expérience avec le public donne beaucoup, j’ai vécu pas mal de films pop corn ou le rire était hyper communicatif ou bien des ovations de fin de séances qui m’ont donné des frissons ou même des films matés assis sur les marches tellement la salle était blindée. Bref, le cinéma est aussi une expérience groupée a partager ensemble. C’est bizarre car soit j’y vais seul soit avec mes enfants mais j’ai toujours préféré cet expérience en mode solo.
C’est aussi très sympa de faire certaines séances avec l’équipe du film et de pouvoir discuter avec le staff ensuite.
Côté finance, il y a toujours moyen de payer la place moins cher et pas au plein tarif. Entre les CE, les tarifs étudiants/chômeurs et les cartes ça va. Perso chez moi, le Cinéville sont très bien équipé, est c’est à moitié prix la place tous les dimanche matin… Ça me permet de faire découvrir ma passion à les enfants pour pas trop cher.
Et pour les films asiatiques, de genre ou autres qui ne sont pas ou très peu diffusés sur les réseaux Gaumont ou Pathé (c’est à dire ceux qui ramène moins de fric ou qui ne font pas partie de la comédie française moyenne écervelée), je passe par un petit cinéma de ville qui les passe en vostfr dans des salles plus petites mais plus intimistes et aussi moins cher mais bien équipé et confortable.
Depuis début février, le débat sur la manière de nommer les personnes trans sur Wikipedia résonne avec de plus larges questions de société sur la neutralité et la représentation.
Courant février, un débat a émergé sur Wikipedia, suffisamment fort pour trouver de l’écho dans les médias : fallait-il mentionner les deadnames (ou morinom, voire nécronyme, le prénom assigné à la naissance et abandonné pour en choisir un qui correspond mieux à l’identité de genre) dans les pages biographiques des personnes transgenres ? Plus précisément, fallait-il les mentionner dans le résumé introductif d’une page ? Et dans l’infobox, cette boîte située à gauche de la page, et dont les informations sont facilement réutilisées par les moteurs de recherche ?
Un sondage – dont la formulation et les modalités sont eux-mêmes débattus – a été ouvert le 12 février pour permettre à la communauté wikipédienne de tenter de trancher. S’il a été clos deux semaines plus tard (le détail de ses résultats est consultable ici), ses résultats comme le fond du sujet continuent d’être ardemment débattus, sur le bistro de Wikipedia, sur le réseau Mastodon et ailleurs : même la brève que nous avons publiée sur le sujet a suscité d’intenses discussions parmi vous, lectrices et lecteurs.
Le sujet, en soi, n’est pas neuf. Des évolutions sont même visibles : par rapport aux intenses débats qui avaient agité la communauté pour adapter la page de Chelsea Manning à l’annonce de sa transition, celle de l’acteur Elliot Page a très rapidement été modifiée pour prendre en compte l’information. Mais il s’inscrit dans des débats plus larges sur les questions de genre : auprès de Next, une wikipédienne qui ne souhaite pas être nommée a constaté que les deux sondages francophones ayant attiré le plus de personnes étaient celui-ci, et un de 2020, sur l’acceptation ou non de l’écriture inclusive (18 000 pages vues dans les six semaines autour de sa publication, près de 23 000 pour celui sur les morinoms).
Chaque fois, la virulence des débats a résonné avec ceux qui traversent, plus largement, la société.
« La mention du deadname est une expérience douloureuse, non seulement pour les personnes concernées par les articles de Wikipedia, mais aussi pour les personnes trans non célèbres ou en questionnement, écrit la wikipédienne Clara Sohet, elle-même trans, à Next. Quel message reçoit-on lorsque des personnes célèbres sont mégenrées et deadnamées pour des raisons « encyclopédiques » ? » Après que l’artiste Jul Maroh s’était publiquement exprimé sur la violence subie via Wikipedia, une tribune publiée dans L’Obs fin 2022 avait appelé à un meilleur traitement des « personnes trans, non binaires et intersexes ».
L’effet que provoque l’usage du morinom varie d’une personne à l’autre, explique Alyx, membre de l’association Toutes des femmes : « Certaines personnes parlent d’elles dans leur genre et avec leur pronom pour leur vie entière, au passé aussi, d’autres utilisent leur pronom de naissance quand il s’agit d’évoquer un passé prétransition ». Dans le monde journalistique, il serait possible de demander leur avis aux personnes concernées avant de les citer – ou, à défaut, de suivre les recommandations de l’Association des journalistes LGBT. Mais sur Wikipédia, cela pourrait être considéré comme tombant sous le régime de l’autobiographie, donc du conflit d’intérêt.
« Pour les personnes qui avaient une page Wikipedia avant leur transition, le deadname peut-être pertinent, pour éviter d’éventuelles confusions au niveau d’éléments biographiques, note Alyx. Mais rien n’oblige à mettre cette information en valeur dès le résumé introductif. » Et de prendre l’exemple de Caitlynn Jenner : « Quand on en parle, c’est « elle ». Et si besoin, au moment de parler de sa carrière sportive, on explique qu’elle a gagné des prix avant sa transition, donc dans les compétitions masculines, pour évacuer les incompréhensions. »
Pour autant, le point de vue de Toutes des femmes est clair : « Le choix d’une personne trans doit être respecté avant tout ». De fait, si celle-ci demande « la suppression de son morinom, cela doit être respecté ». Au-delà des personnes trans, des précédents existent, comme celui d’Albert Dupontel, qui est allé en justice pour éviter que Wikipedia ne diffuse son véritable nom. Dans l’Obs, l’acteur avait eu des mots durs sur la propension du projet, qu’il qualifiait de « WikiPétain », à vouloir afficher l’état civil : « Que je veuille protéger mes enfants, qui portent mon vrai nom, ils s’en foutent ».
Beaucoup citée dans les débats internes, une résolution de la fondation Wikimedia intime aux internautes de « ne pas nuire », lorsqu’ils créent des biographies de personnes vivantes (responsable juridiquement de Wikipedia, la fondation n’a pas vocation à intervenir dans ses débats éditoriaux, sauf dans de rares cas. Dans cette affaire-ci, son équipe Trust and Safety a été saisie par plusieurs internautes.) Elle recommande aussi une « présomption en faveur de la vie privée ».
Et Alyx d’interroger : « Est-ce que les informations relatives à l’état civil ont un intérêt encyclopédique ? Est-ce que Wikipédia a vocation à constituer une base d’état civil ? Je n’en suis pas si sûre. »
Un autre élément énormément mentionné dans les discussions est celui de la neutralité de point de vue. Ancrée dans les principes fondateurs du projet, aux cotés de la nécessité de suivre « des règles de savoir-vivre », parmi lesquelles la recherche de consensus, celle-ci est placée plus haut que les résolutions dans la hiérarchie des normes wikipédiennes.
Le problème, explique l’enseignant chercheur en sciences de l’information et de la communication Gilles Sahut, est qu’« il y a plusieurs représentations de ce qu’est la neutralité au sein de la communauté ». Pour résumer schématiquement, il différencie « un courant que je qualifie d’encyclopédiste, qui s’inscrit dans la lignée d’encyclopédies traditionnelles et est très réticent aux évolutions sociétales ». L’idée, de ce côté là, est de créer un objet numérique similaires aux anciens ouvrages Universalis ou Britannica, donc « de faire référence à ce qui est communément accepté, à une forme de savoir légitime, ou de culture telle qu’acceptée par les élites culturelles de la nation ».
De l’autre, Gilles Sahut évoque un courant « qu’on peut qualifier de plus progressiste, du point de vue du savoir exposé comme de la manière dont on l’expose. Celui-ci entend prendre en compte les évolutions sociétales. » Il se retrouve d’ailleurs au cœur de débats sur la place des femmes et des minorités dans l’encyclopédie. Un projet comme Les sans pagEs vise ainsi à mettre en lumière des scientifiques, actrices et toutes autres femmes aux parcours notables, pour tenter de combler « le fossé et le biais de genre » de l’encyclopédie, qui ne comptait que 18,7 % de biographies de femmes en 2023. Ses membres s’appuient aussi sur les travaux d’Universalis, entre autres sources.
« Cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle Wikipédia doit être le reflet de la culture légitime », indique Gilles Sahut, pour aller plutôt dans le sens de celle selon laquelle « l’encyclopédie doit participer à remédier à ces inégalités, et véhiculer des représentations plus justes que ce que font les normes établies ». Les questions soulevées par les wikipédiens rejoignent des enjeux plus larges : celui de représentation de la diversité de la société, qui traverse la culture au sens large – en ce mois de mars, de nombreuses maisons d’édition travaillent par exemple à faire connaître des travaux d’autrices oubliées. Et celui de la poursuite de la neutralité, qui existe aussi dans le monde des médias et le domaine scientifique.
Pour Gilles Sahut, les débats sur la manière de présenter les biographies de personnes trans pâtissent des « clivages larvés » qui existent au sein de la communauté autour de ces questions : les groupes qui travaillent sur les questions de représentation des femmes et des minorités sont fréquemment « accusés de militantisme, de vouloir biaiser l’encyclopédie ». En face, des wikipédiens de longue date décrivent aussi une offensive militante, en faveur d’idées « anti-inclusion », voire d’extrême-droite.
Dans le cas du sondage sur les morinons des personnes trans, des accusations ont fusé sur une potentielle volonté de « rameutage ». Des utilisatrices comme Clara Sohet ont publié sur différents réseaux sociaux pour informer leur communauté de l’existence du sondage, dans l’espoir de « faire mieux entendre notre voix, largement minorisée » – les chiffres sont débattus, mais les personnes trans représenteraient autour de 0,7 % de la population adulte en France.
La démarche a été interprétée par d’autres comme une volonté de bourrer les urnes . Auprès de Next comme de sa collègue Crowdagger, la wikipédienne explique qu’elle ne connaissait pas l’existence de règles anti-démarchage « pour éviter les afflux de personnes animées par des buts politiques, et j’en comprends la nécessité ». Elle a tout de même été bannie.
À Next, une autre wikipédienne souffle : « Je pense qu’on peut faire preuve de sensibilité et admettre qu’on ne parle pas de caviardage comme le font des communicants lors de campagnes politiques », ou de l’entrisme non assumé qu’ont pu réaliser des soutiens d’Eric Zemmour, avant d’être définitivement exclus. « Là, il s’agit de la manière dont les personnes veulent être nommées. Elles ont droit, comme les autres, à la vie privée. »
Derrière cette question spécifique, le débat est de taille : que représente Wikipedia ? Quel type de connaissance, on l’a vu plus haut, mais aussi quelle partie de la population, et de quelle manière ? Quel effet cela a-t-il en dehors de ses « murs » numériques ? La question mérite d’être posée, quand on sait qu’en 2023, selon les chiffres de Médiamétrie, la version francophone de l’encyclopédie [a accumulé en moyenne](https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2023-09/2023 09 26 Audience Internet Global Août 2023.pdf) 28,4 millions de visiteurs uniques par mois et 3,7 millions par jours.
Après 20 ans d’existence, et dans la mesure où les informations que l’encyclopédie présente sont reprises par nombre de navigateurs, le professeur en information et communication Lionel Barbe décrit Wikipedia en « pierre angulaire de l’information sur internet » au Midi Libre. Auprès de l’Humanité, l’économiste Nicolas Jullien l’estime détenteur du « monopole sur l’accès à l’information en ligne ». À l’heure de l’explosion de l’intelligence artificielle, l’encyclopédie a même un rôle essentiel dans l’entraînement des modèles génératifs – donc dans les représentations du monde que ceux-ci véhiculent.
Pour autant, aussi transparent que soit le projet, le nombre de personnes qui veille à son maintien et son évolution est relativement faible. En termes de genre, l’homogénéité des contributeurs (90 % d’hommes, 8,8% de femmes et 1,1 % de personnes non-binaires en 2018 à l’échelle globale) est un enjeu à part entière.
D’un point de vue purement numérique, dans les 30 derniers jours, un peu plus de 18 000 personnes sur les 4,8 millions de comptes existants ont activement contribué au moins une fois. Un nombre bien plus large que la communauté cœur, que Gilles Sahut estime à 600 habitués, au sein desquels il faut encore différencier les contributeurs réguliers de ceux qui le sont moins, ainsi que, par exemple, les plus adeptes de débats « macro », sur le fonctionnement global de l’encyclopédie, de wikipédiens qui préfèrent se concentrer sur les modifications de forme ou de fond des pages.
Présidente de l’association Wikimedia France (association de soutien du projet encyclopédique qui n’a aucun pouvoir sur ses travaux éditoriaux), Capucine-Marin Dubroca-Voisin estime de son côté entre 100 ou 150 le nombre de personnes qui prennent ensemble les décisions influençant réellement le fonctionnement de l’encyclopédie en français. Avec ce que cela peut entraîner de liens forts comme de conflits interpersonnels, en particulier quand les processus de décision sont, comme dans le cas qui nous occupe, critiqués.
Wikipedia est une « communauté qui a une culture du conflit, souligne Capucine-Marin Dubroca-Voisin. Cela a des côtés vertueux, car ça permet de trancher des débats, mais ça pose aussi des problèmes à beaucoup de gens. » Dans l’épisode récent, cela dit, la violence des échanges a conduit divers wikipédiens, administrateurs compris, à jeter l’éponge.
Avec le risque, pointe une personne concernée, que ce soit avant tous des personnes LGBT, et notamment trans, qui s’éloignent des débats pour se protéger. La contrepartie : leurs voix et leurs points de vue sur la manière de les nommer risquent, de fait, de disparaître des discussions.
Source : next.ink
Tout a fait l’ami @Psyckofox
Il y a un dossier aussi sur Farang mais j’avais trouvé ça très sympa en effet.
Xavier Gens a bien appris de la bonne école de Gareth Evans
Apple a de tout temps revendiqué la paternité des innovations du Lisa (qui fête ses 37 ans le 19 janvier) et du Macintosh (36 ans le 24 janvier) : souris, icônes, menus déroulants, fenêtres… Encore aujourd’hui, la marque conclut ainsi chacun de ses communiqués de presse : « Apple a révolutionné la technologie personnelle en lançant le Macintosh en 1984 », preuve du rôle incontournable que ce petit ordinateur — et son aînée Lisa, jetée avec l’eau du bain — a joué à l’époque.
Pourtant, on lit parfois que « Xerox avait tout inventé » dès les années 70, dans les murs du Palo Alto Research Center, son centre de recherches situé dans cette ville californienne voisine du siège d’Apple. Steve Jobs lui-même n’a-t-il pas déclaré, à la suite de Pablo Picasso, que « les bons artistes copient, les grands artistes volent » ?
| 1. La visite au PARC
| 2. La naissance du Lisa
| 3. Le procès
Car oui, personne ne le nie, Steve Jobs et plusieurs ingénieurs d’Apple ont visité le PARC à deux reprises en novembre 1979 et se sont fait présenter quelques-unes des créations du centre. Nous ne résumerons pas une décennie de recherche et développement en quelques pages, mais nous voulions revenir sur l’influence de ces visites pour les deux bébés d’Apple, Lisa et Macintosh (encore aujourd’hui, Apple omet volontairement les déterminants devant le nom de ses principaux produits, ce qui contribue à les personnifier).
Le dossier que nous ouvrons aujourd’hui se prolongera avec une deuxième partie consacrée aux innovations imaginées pour le Lisa et le Macintosh, puis une troisième consacrée au procès qui opposera les deux marques.
En Europe, on a longtemps connu le fabricant de photocopieurs Xerox sous le nom de Rank Xerox. Rien à voir avec RanXerox, l’androïde de BD créé à partir des pièces d’un photocopieur (PEGI 18), ni avec la planète des Petits Hommes
Écartons tout de suite un premier débat : Apple n’a pas inventé la souris. Pas plus que Xerox. Comme nous avons eu l’occasion de le détailler sur L’Aventure Apple, on se souvient que des trackballs (qui ne sont finalement que des souris à l’envers) avaient été brevetés dès les années 40, et la souris telle qu’on la connaît aujourd’hui, dès les années 60 par Douglas Engelbart.
Celui-ci avait même réalisé une démonstration publique (qui sera surnommée avec le temps « la mère de toutes les démos ») de cet objet en 1968, associé à un écran sur lequel il pouvait sélectionner, afficher ou masquer du texte, cliquer sur un « lien », tracer des formes ou gérer des fichiers. Sur cette interface, on ne trouvait cependant ni icônes, ni menus, ni fenêtres, et il fallait toujours entrer des commandes au clavier et à l’aide de touches de fonctions.
La même année, un serveur de Telefunken disposait déjà d’une souris parmi ses options. Et en 1973, l’Alto de Xerox, jamais commercialisé mais utilisé en réseau au PARC et distribué à plusieurs centaines d’universitaires en quelques années, associait pour la première fois une souris à l’interface d’un ordinateur pleinement fonctionnel.
L’Alto de Xerox. Image : Palo Alto Research Center, via Interface-Experience.org
Sous la pression de Steve Jobs, plusieurs améliorations essentielles sont apportées à la souris et lui donnent ses lettres de noblesse. En exigeant que celle-ci puisse fonctionner aussi bien sur une table en Formica que sur son pantalon en jean, il pousse ses partenaires industriels dans leurs derniers retranchements, permettant de plus d’en diviser le prix de revient par vingt.
Il réussit là où les concepteurs de l’Alto avaient peiné : il faut dire que la bille en métal de la souris Xerox exigeait une surface particulière pour être utilisée et qu’elle s’encrassait vite. À tel point que les utilisateurs de l’Alto pouvaient à tout moment rapporter leur souris au labo de Xerox et l’échanger contre une souris reconditionnée, un souvenir partagé par un ingénieur du PARC, Geoff Thompson, sur le site oldmouse.com.
Image : Archives d’Apple, via l’université de Stanford
Mais si la souris a été simplement perfectionnée par Apple, l’interface graphique a été totalement repensée. Sur l’Alto de 1973, l’interface graphique n’était qu’une fonction parmi d’autres. Lors du démarrage de l’ordinateur, c’est une bête interface en lignes de commande qui s’affichait. Pour utiliser la souris, il fallait lancer une sorte de Finder sans icônes, affichant le nom des fichiers sous forme de liste. La souris permettait simplement de désigner le fichier, puis il fallait appuyer sur le bouton rouge de la souris pour le copier, le jaune pour le renommer, ou le bleu pour le supprimer.
C’était déjà un progrès : l’Apple II de 1977 ou le PC de 1981 nécessitaient encore de taper le nom du fichier en toutes lettres, sans se tromper. Pas d’ascenseurs non plus pour l’Alto : pour monter ou descendre dans la liste, il fallait viser le bord de la liste et faire un clic gauche pour descendre ou un clic droit pour monter. Ah oui, parce que les trois boutons de la souris de l’Alto changeaient de fonctions au gré des applications. Parfois, le curseur changeait d’apparence pour indiquer le type de fonctions, et parfois, non.
L’interface de l’Alto. Image : Palo Alto Research Center, via Interface-Experience.org
Ce n’est pas tout : ce Finder, qui s’appelait Neptune, ne permettait pas de lancer les logiciels. C’était surtout un outil destiné à faciliter la gestion des disques et de leurs fichiers. Pour lancer un programme, il fallait quitter Neptune et revenir à l’interface classique, à base de lignes de commandes. On était donc loin de la philosophie du Lisa et du Macintosh, pour lesquels aucun apprentissage n’était requis.
Lançons maintenant Bravo, l’éditeur de texte WYSIWYG de l’Alto. N’y cherchez pas de barre des menus pour copier, coller ou modifier l’apparence du texte, car celle-ci n’avait pas encore été inventée. Pire : le geste permettant de sélectionner du texte à la souris n’avait pas été imaginé par ses concepteurs. Il fallait pointer le début de la sélection avec un clic gauche et la fin avec un clic droit.
Faute de barre des menus, les commandes étaient affichées à l’écran, et un appui sur une touche du clavier déclenchait la fonction associée (L, comme Look, suivi de B, comme Bold, permettait de passer la sélection en gras, tandis que D comme Delete permettait d’effacer la sélection). Bref, la souris était là, mais presque tous ses usages restaient à inventer.
Neptune sur l’Alto à gauche, le Filer du Lisa et le Finder du Macintosh à droite
Jef Raskin, à l’origine du premier projet Macintosh, résumait les choses ainsi : les équipes Lisa et Macintosh avaient connaissance, comme tous les professionnels de l’époque, des travaux du PARC, largement médiatisés. Lui-même avait eu l’occasion d’y travailler en tant qu’assistant de formation de l’Université de Californie, qui entretenait des relations permanentes avec le centre de recherches.
Dès leur origine, les équipes Mac et Lisa ont donc commencé à travailler sur la notion d’interface graphique. La visite de 1979 n’a pas décidé Apple à travailler sur l’interface graphique, elle n’a eu pour objet que de convaincre Steve Jobs lui-même de l’intérêt de cette technologie. Car oui, Steve Jobs n’avait pas immédiatement perçu ce que cette idée, qui n’émanait pas de lui, avait de génial !
Pendant qu’Apple peaufinait ses deux machines, Xerox avait bien amélioré son interface pour le Xerox Star, sorti en 1982, mais sans atteindre le niveau de perfectionnement qu’Apple visait au même moment. En effet, si le Star avait gagné un bureau doté d’icônes, ses concepteurs n’avaient toujours pas compris tout le potentiel de la souris.
Le Xerox Star. Image : Xerox
Ils avaient fait le choix d’ajouter des touches de fonctions sur les côtés du clavier de la machine, pour copier, ouvrir, déplacer, rechercher ou encore afficher les propriétés. Ces touches s’appliquaient à la sélection active, qu’il s’agisse d’un paragraphe de texte, d’une portion d’image ou de l’icône d’un fichier, d’un dossier ou d’un disque.
Pour déplacer une icône, il fallait donc la sélectionner d’un clic, appuyer sur « Move » et cliquer sur son nouvel emplacement. Pour souligner un mot, il fallait le sélectionner, puis appuyer sur « Prop(riétés) » et cliquer sur « Souligné » dans la fenêtre qui s’affichait. Et tout cela était lent, terriblement lent, même comparé au petit Macintosh. Et pourtant le Star coûtait plus de 16 000 $…
Le bureau du Xerox Star (émulé par le logiciel Darkstar)
Il proposait cependant quelques fonctions fort bien pensées, comme l’icône des imprimantes affichées directement sur le bureau, permettant d’y déplacer un document à imprimer (une fonction qui attendra le Système 7 chez Apple).
À suivre…
Source : macg.co
J’ai désactivé le code qui agrandis la largeur de lecture et laissé celle du Core de NodeBB par défaut.
Faudra retester quand je le remettrai en place avec un vidage de cache en bonne et du forme.
Pour le reste du code de la scroll bar, rien n’a été changé. C’est full stock.
Je met en résolu et tu reviendra vers moi si besoin @mekas
De 2002 à 2005, les sorties de Sympathy for Mr. Vengeance, old Boy et Lady Vengeance de Park Chan-wook ont entretenu la promesse d’un début de XXI° siècle dominé par le bouillonnement créatif sud-coréen. Vingt ans plus tard l’enthousiasme pour cette cinématographie a connu une évolution en montagnes russes, au diapason malheureux des mutations de son industrie. La ressortie, de la « Trilogie de la vengeance » sur grand écran en versions, restaurées 4K chez Metropolitan permet de revoir les films dans leur splendeur originelle, de jauger leur impact et de procéder à un état des lieux du cinéma coréen contemporain.
Dans le monde parfait de Park Chan-wook, son premier long-métrage est JSA (2000). Dans la cruelle réalité, il est précédé de The Moon Is… The Sun’s Dream (1992) et Saminjo (1997), deux premières tentatives vaporeuses, arty, à des lieues de la maîtrise formelle et scénaristique de ses œuvres à venir. Bastian Meiresonne, auteur de l’indispensable livre somme Hallyuwood. Le cinéma coréen (éditions E/P/A), surgit alors en embuscade avec la contextualisation ad hoc sous le bras.
Lorsqu’on remonte aux productions sud-coréennes de cette époque, certes il y a des films commerciaux plus léchés, mais il y a aussi cette période fin 1980-début 1990, portée par un premier souffle de liberté post-dictature, et par une génération qui voulait s’exprimer, tout casser, faire de nouvelles choses. On retrouve dans les premiers Park Chan-wook des faiblesses de mise en scène et de scénario caractéristiques du moment. Ce sont des films d’un jeune chien fougueux, qui pensait réaliser des chefs-d’œuvre parce qu’il était adulé en tant que critique de cinéma, et qui s’est rendu compte que ce n’était pas aussi simple que ça. Les deux films ont été d’immenses fours, il a traversé une période de galère où plus aucun de ses projets n’aboutissait. Il s’est posé, il s’est dit que s’il voulait perdurer, il fallait se repenser entièrement.
Le Park Chan-wook nouveau arrive au monde en 1999, avec le court-métrage Judgement (aka Simpan). Le script part d’un authentique fait divers (l’effondrement d’un centre commercial) pour imaginer un huis clos autour de l’identification d’une victime. Un noir et blanc somptueusement éclairé enveloppe le récit sous de multiples chapes de plomb. Les acteurs n’ont plus du tout l’air aux abois, chaque cadre, chaque mouvement de caméra, chaque coupe trahit une attention extrême portée au moindre détail. Un humour noir, désespéré, affleure dans les instants les plus inattendus, comme dans les films de Bong Joon Ho et Kim Jee-woon. Park Chan-wook se distingue toutefois de ses camarades de la nouvelle vague coréenne (dite « Hallyu ») par une empathie à géométrie pour le moins variable, et un taux d’acidité toujours très élevé.
– La mort accidentelle de la fille de Dong-jin (Song Kang-ho) va précipiter l’engrenage final de Sympathy for Mr. Vengeance.
Avec son premier plongeon dans le grand bain, l’auteur fait tout d’abord illusion, et fourbit ses armes pour poursuivre sa carrière comme il l’entend. JSA — Joint Security Area adapte le roman DMZ de Park Sang-yeon en un somptueux faux thriller, vrai récit de l’amitié tragique entre deux garde frontières sud-coréens et leurs homologues du nord. L’impeccable facture technique et le casting phénoménal garantissent au film de vieillir avec grâce, La déstructuration du récit porte quant à elle les traces brouillonnes de ce qui deviendra la marque de fabrique de Park Chan-wook. L’entièreté du film repose sur une image, une photographie présente assez tôt dans l’intrigue, dont la narration va se vouer à nous expliquer tous les angles, toutes les perspectives, pour nous la révéler en fin de parcours sous un jour entièrement différent.
Le procédé vaut déclaration d’intention. Désormais, le Park Chan-wook scénariste et son pendant réalisateur vont orchestrer de concert de grands chamboulements dramaturgiques, des jeux pervers sur les bascules de point de vue. Des mondes vont s’écrouler, des horreurs insoupçonnées s’additionner les unes aux autres dans une spirale insensée, quitte à ce que ses personnages soient écrits comme des moyens et non des fins. « C’est un aspect de son œuvre avec lequel j’ai un peu de mal » reconnaît Bastian Meiresonne.
Dans l’ensemble de ses films, les personnages de Park Chan-wook ne sont que des pions. Il n’a pas l’empathie d’un Bong Joon Ho, il manipule ses personnages, il n’a aucune pitié. Je trouve ça glaçant.
Ainsi du trio de tête de Sympathy for Mr. Vengeance (2002), drame social au désespoir trop hardcore pour ne pas virer à l’instrumentalisation pure et simple. Le sort s’acharne sur les personnages impeccablement incarnés par Shin Ha-kyun, Song Kang-ho et Doona Bae dans des plans à la beauté glacée, au raffinement quasi obscène. Chacun s’enfonce inexorablement dans les abîmes, avec pour seules respirations des gags de très mauvais goût : une femme, gravement malade, se tord de douleur tandis que les voisins se masturbent au son de ses râles ; son frère sourd-muet se fait voler un rein par des mafieux, juste avant qu’un donneur ne se manifeste ; un père de famille découvre le cadavre de sa fille tout en devant gérer les assauts incessants d’un handicapé mental. Tout finit effroyablement.
JSA jouait de la ligne invisible de la frontière comme un espace absurde, que ses héros transgressaient jusqu’à la bascule funeste, initiée elle aussi par une blague douteuse. Ici, Park Chan-wook franchit toutes les lignes à sa portée. Sexualité, violence, torture psychologique, traumatisme physique et mental…
L’accumulation n’en finit plus. Ses écrits critiques et son militantisme syndical le placent plutôt à gauche de l’échiquier politique coréen, sa description d’une société en pleine déroute le propulse hors cadre, vers un nihilisme radical conforté par l’irruption finale des anarchistes dans un récit déjà bien chargé. Cette sécheresse de ton se répercute sur la forme, toujours aussi maîtrisée, mais beaucoup plus raide, abrupte que celle de son précédent long. « Par rapport à JSA » commente Bastian Meiresonne, « il y a une économie de plans qui se met en place, avec ses plans séquences qu’il commence vraiment à mûrir. C’est beaucoup plus dépouillé, il y a moins de dialogues, moins de musique, il débroussaille tout ce qu’il avait mis en place sur JSA Il commence à expérimenter sur l’éclairage, les couleurs. »
– Ryu (Shin Ha-kyun) et Yeong-mi (Doona Bae), le couple funeste au cœur de Sympathy for Mr. Vengeance.
Son film suivant, Old Boy, pousse encore plus loin cette logique de cruauté envers ses personnages. L’antihéros, Oh Dae-su, n’est finalement qu’un punching-ball, une marionnette entre les mains de l’homme derrière sa captivité d’une quinzaine d’années. Toutes ses agitations frénétiques d’un bout à l’autre de la ville, ses bastons homériques, son enquête erratique ne lui donnent qu’un simulacre de liberté de pensées et de mouvements. Le final dans le penthouse de son ennemi révèle tour à tour les raisons de la machination, et ce qui reste à ce jour l’un des retournements de situation les plus traumatisants de ce jeune siècle. À tel point que Oh Dae-su ne peut que rentrer dans une rage incontrolable, pathétique, sous le regard moqueur et t iste de son bourreau, dans lequel il devient tentant de voir une projection fictive du réalisateur démiurge. Tous ces éléments ont été ajoutés au manga original de Garon Tsuchiya (aka Caribu Marley) et Nobuaki Minegishi, dont il ne subsiste que cette ossature narrative d’un homme retenu contre son gré pendant une décennie sans savoir pourquoi, hypnotisé pour tomber amoureux d’une jeune fille.
Pour Bastian Meiresonne, ces changements épousent la psyché coréenne.
Dans la plupart des films de Park Chan-wook, la violence exercée sur les personnages est une forme d’exutoire de toute la pression politique et institutionnelle. Old Boy est la métaphore d’un type confiné pendant quinze ans, pendant la transition du pays de la dictature à l’ouverture à la démocratisation. Tout ce qui était retenu explose, il ne comprend plus rien à la situation, il ne sait pas comment s’exprimer. C’est quelque chose qui se retrouve chez les cinéastes de cette génération.
La mécanique du film repose sur cet équilibre parfait entre les incongruités d’un personnage inadapté et son contrôle à distance, la domination de sa résistance à la douleur et la libération bordélique de ses pulsions primales. Pour incarner cette Cocotte-Minute sur pattes, la maestria scénographique et dramaturgique aide mais ne suffit pas. Et ça tombe bien, Old Boy a une arme de distraction massive sous son coude sanguinolent. Si le casting de Sympathy for Mr. Vengeance se tirait la bourre pour offrir la performance la plus mémorable, l’interprétation de Choi Min-sik défie toute tentative d’analyse ou de rationalisation. Hilarant en pauvre type bourré dans l’introduction, saisissant dans toutes les étapes de la folie durant son incarcération, implacable une fois libéré, démentiel dans la dernière ligne droite, il brûle l’âme du film par les deux bouts. Même lorsque Park Chan-wook dévie les sentiments amoureux au cœur de l’intrigue de façon particulièrement sagouine, l’acteur maintient le cap, il plie mais refuse de rompre. Les jeunes Coréens se ruent en masse dans les salles obscures pour la belle gueule de Yoo Ji-tae, l’interprète de l’antagoniste déshumanisé, ils ressortent en pâmoison pour ce quadra sec et rugueux… et pour le style lyrique et baroque de Park Chan-wook.
– Le tournage du premier contact humain d’Oh Dae-su (Choi Min-sik) au sortir de quinze ans de captivité.
– Lee Woo-jin (Yu Ji-tae), le mystérieux commanditaire du calvaire d’Oh Dae-su dans Old Boy.
Old Boy marque l’arrivée cruciale du directeur de la photographie Chung Chung-hoon, collaborateur fidèle de Park Chan-wook jusqu’à Mademoiselle (2016). Si les films précédents de ce dernier brillaient déjà par leur beauté plastique, ils vont encore gagner en splendeur, en furie visuelle. Sur Old Boy, le travail d’orfèvre de Chung Chung-hoon foudroie le spectateur dès les premiers plans dans la geôle d’Oh Dae-su, avec ce jeu sur les lumières intérieures, cette façon si intense de faire jaillir les couleurs verte et violette, de faire ressentir la texture de la porte, des murs, du gaz endormant le prisonnier. Le montage se construit entièrement autour d’une bande-son magnifique, entre les thèmes entêtants de Cho Young-wuk et des variations autour de L’Hiver des Quatre Saisons de Vivaldi.
La mise en scène de Park Chan-wook, jusque dans ses écarts cartoonesques grotesques (certaines transitions, les pointillés dessinés précédant le coup de marteau…), témoigne quant à elle d’un génie intimidant. À tel point que dans Zinda (2006), le remake Bollywood non officiel du film, ce grand escroc de Sanjay Gupta se sent obligé de reproduire les plans emblématiques à l’identique — enfin, autant que ses maigres compétences le permettent. Impossible, typiquement, de reproduire le fameux plan-séquence de bagarre dans le couloir à un contre cinquante avec la même intensité, la même impression de prouesse surréaliste au-delà des limites corporelles. Il en ira de même pour le remake américain signé Spike Lee, sorti dix ans plus tard : une relecture vaguement embarrassée, toujours sur le point de s’excuser d’exister. En 2004, c’est bien simple, rien n’arrive à la cheville d’Old Boy. Quentin Tarantino préside le jury cannois cette année-là, et si la décision n’avait tenu qu’à lui, le film serait reparti avec la Palme d’Or. L’actualité grille la politesse à la postérité, et c’est Fahrenheit 9/11 de Michael Moore qui l’emporte. L’honnêteté force à admettre qu’il ne reste aujourd’hui plus grand-chose de ce « documentaire » aux méthodes journalistiques pour le moins contestables.
Old Boy, en revanche, a encore toute sa place dans l’Histoire du cinéma et dans la mémoire des cinéphiles qui donneraient tout pour le revoir une première fois, sans rien savoir de son histoire, de son identité artistique, ou de la foultitude de productions inscrites dans son sillage, qui ont fini par en gâter l’originalité foudroyante. Certaines voix grondaient jusque-là en sourdine, vantant les mérites du versant cinématographique de la vague Hallyu, avec en étendard les escapades auteuristes dérangeantes de Kim Ki-duk et Lee Chang-dong, les premiers Bong Joon Ho, Kim Jee-woon, et des séries B beaucoup plus énervées que la production hollywoodienne d’alors. Désormais, le doute n’est plus permis. Le renouveau cinématographique sera coréen ou ne sera pas.
L’essor du DVD accompagnait les découvertes des défricheurs, les boutiques d’import apparaissaient de-ci, de-là dans les grandes villes françaises ; les distributeurs nationaux se joignent à présent à la fête et nous sortent sur grand et petit écran des polars, des films d’horreur, des productions délicieusement hybrides. Tout n’est que joie, bonheur, orgie sous stupéfiants de bonne qualité avec Robbie Williams au piano, les yeux bandés.
– Choi Min-sik après avoir dérouiller de l’homme de main dans un monumental et inoubliable plan-séquence de 2min40.
Avant de boucler la « Trilogie de la vengeance », Park Chan-wook participe à l’anthologie horrifique 3 Extrêmes (2004) avec le sketch Coupez !. Coincé entre le Fruit Chan (Nouvelle Cuisine) et le Takashi Miike (La Boîte), le segment s’impose sans discussion comme le plus brillant formellement des trois. Une véritable démonstration de force graphique, avec ses plans impossibles, ses perspectives hallucinantes, ses compositions de plans maniaques où l’apport de Chung Chung-hoon relève des Beaux-Arts. Malheureusement, la proposition tourne à vide, à l’épate-bourgeois de très mauvais augure.
Un réalisateur joué par Lee Byung-hun, l’interprète au cœur de la fameuse photo de JSA, est torturé par un figurant jaloux, auquel il révèle ses fautes et manquements moraux pour éviter que sa femme ne perde ses doigts dans un piège digne d’un Jigsaw mélomane. L’intense beauté ne parvient pas à atténuer le goût amer de ce mélange d’arrogance et d’autocritique maladroite sur leur lit de sadisme gratuit. Une nouvelle fois, Park Chan-wook se retrouve face à un mur créatif et doit trouver la parade. Son intuition le tourne vers le développement de ses personnages féminins, l’angle mort d’Old Boy et de Coupez !. Le cinéaste a gardé en mémoire les écrits d’une autrice du nom de Jeong Seo-kyung, lors de sa participation comme juré à un appel à projets de courts-métrages. Il fait appel à ses services pour la première mouture du scénario de Lady Vengeance, ultime volet du cycle entamé avec Sympathy for Mr. Vengeance et poursuivi avec Old Boy.
Ce troisième film opère la synthèse bizarrement parfaite des deux, à mi-chemin du réalisme social sordide du premier et des élancées esthétiques du second. Geum-ja (fabuleuse Lee Young-ae), une femme accusée à tort du meurtre d’un jeune garçon, sort de treize années d’emprisonnement, avec la ferme intention de solder les comptes de l’authentique meurtrier, un instituteur au-dessus de tout soupçon (Choi Min-sik, ignoble à souhait). Traversé d’images iconiques parodiant la rédemption religieuse de la protagoniste, Lady Vengeance s’achève sur une forme cinglante, ironique et glaçante de tribunal populaire, offrant aux trois films la conclusion idéale, un meurtre perpétré en groupe, de façon consentie et pragmatique. Chacun s’en retourne à sa petite vie d’un commun accord, avec ses fantômes sous le bras. Sifflotons d’un air dégagé, comme s’il ne s’était rien passé. Le personnage principal n’accède pas à la rédemption tant recherchée, mais pour une fois, ne finit pas l’histoire dans un pire état qu’à ses prémisses.
« C’est le premier personnage de la trilogie qui a cru à un moment donné dans le système et qui a été déçu, puni de manière injuste » remarque Bastian Meiresonne.
Park Chan-wook dit avoir beaucoup de tendresse pour ce personnage-là, parce qu’elle va jusqu’au bout de ses convictions. Même si ce n’est clairement pas la solution qu’il prêche, il voit dans les femmes une sorte de sensibilité mieux tournée que chez les hommes, auxquels il ne croit plus.
– Lee Geum-ja (Lee Yeong-ae), la Lady Vengeance avant et pendant l’exécution de son plan.
Pour la rédaction de son colossal Hallyuwood, l’auteur s’est plongé dans toute l’Histoire du cinéma coréen, de 1919 à 2023. Ses recherches, voyages et innombrables visionnages l’ont aidé à appréhender les échos entre l’Art et l’Histoire du pays.
La notion de vengeance est un code culturel très profondément ancré en Corée, depuis très longtemps. L’image que tu renvoies y est primordiale. Si on s’en prend à l’honneur des tiens, tu dois te venger. Ce sentiment a été alimenté par les différentes périodes d’occupation, japonaise, américaine, et toutes les autres invasions. En tant qu’occidental, on prend ce besoin au premier degré, sans creuser. J’ai souvent présenté des séances de Parasite de Bong Joon Ho et durant celles-ci, il arrive qu’on me demande pourquoi cet acte désespéré à la fin, pourquoi aller jusqu’au meurtre, est ce que ce n’est pas too much ; je réponds que non, ils prennent Sur eux, jusqu’à ce que la pression explose, qu’ils n’arrivent plus à se contrôler.
Chappe de plomb totalitaire oblige, ce thème n’a souvent été traité qu’en filigrane, dans des films prônant une approche à la Charles Bronson dans les suites d’Un justicier dans la ville. Les cinéastes de la génération dite « 386 », nés dans les années 1960, devenus adultes dans les années 1980, ont connu la dictature. Certains ont participé aux manifestations de juin 1987, d’autres ont observé l’émergence démocratique se prendre les pieds dans le tapis sur fond de scandales ininterrompus, de corruption, de conflits d’intérêt, de collusions douteuses. Il suffisait d’un soutien à la création artistique digne de ce nom, tel que celui mis en place au tournant du XXI° siècle pour que les paroles se libèrent dans des films gorgés de ressentiment, de violence ne demandant qu’à éclater au grand jour.
Pour Bastian Meiresonne, dans ce contexte, la « Trilogie de la vengeance » se distingue des hurlements d’un Kim Ki-duk ou des films de genre enfermés dans un cycle de barbarie perpétuelle.
Park Chan-wook a abordé le sujet de trois manières différentes, mais dans les trois cas, il arrive à la même conclusion : la vengeance n’entraîne qu’une autre forme de vengeance et provoque d’autres problèmes. C’est absolument génial, parce qu’il nous déboussole, il nous sort de notre zone de confort. La résolution n’est pas du tout celle attendue, le spectateur ne peut pas abonder dans le sens des personnages.
De nombreux réalisateurs et scénaristes ont tenté d’émuler le style Park Chan-wook tandis que ce dernier dérivait vers d’autres horizons. L’immense majorité de ses imitateurs n’en ont retenu que la facture technique clinquante sans penser leur mise en scène, que la manipulation et les retournements de situation choquants en lieu et place d’une construction scénaristique rigoureuse. Seul Na Hong-jin, avec The Chaser (2008), The Murderer (2010) et The Strangers (2016), a su se montrer à la hauteur de la tâche, en se renouvelant à chaque fois.
Il est de toute façon établi que J’ai rencontré le Diable de Kim Jee-woon (2010) a mis un point final à cette vague de films de vengeance, par son extrême violence, l’efficacité de sa réalisation, et le caractère définitif de sa conclusion.
La jeune génération de réalisateurs coréens a grandi devant ces films, en a goute la liberté créative avant de se faire une raison. Bastian Meiresonne ne mâche pas ses mots pour décrire l’état de l’industrie cinématographique aujourd’hui, où trop peu d’exceptions (comme Sleep de Jason Yu ou Concrete Utopia de Um Tae-hwa) trouvent grâce à ses yeux.
Quand on me dit que le cinéma coréen actuel est génial, je réponds que non, il est dégueulasse ! (rires) Il s’est arrêté en 2006, avec la mainmise des studios. En dehors de Park Chan-wook et Bong Joon Ho, combien de réalisateurs pouvez-vous me citer dont la filmographie est encore bonne ? Et ça fait vingt cing ans qu’ils sont là, il n’y a personne pour les remplacer. C’est ce que dit Kim Jee-woon dans Ça tourne à Séoul ! : entre les dictatures, où il était extrêmement compliqué de faire des films, et l’industrie aujourd’hui, rien n’a changé. Il y a une autre dictature, celle des producteurs des quatre grands studios, qui en plus détiennent tout le réseau des salles. Tout est cadenassé, ils sont en train de tuer leur propre industrie.
Ce constat va de pair avec l’évolution récente de la société coréenne post-Covid, sa mise sous tension permanente encore plus accentuée. Tandis que la défiance envers les institutions politiques ne fait que s’accélérer sous l’influence de nouveaux scandales à répétition, des projets de loi pour passer la semaine de travail à 69 heures sont discutés en toute bonhomie. Les manifestations et grèves se multiplient. La K-pop et les K-dramas n’offrent qu’une vitrine trompeuse attrape-touristes, les séries et films coréens destinés aux plateformes diluent de plus en plus l’identité artistique de leurs créateurs au fil du temps.
En attendant de voir si ce marasme peut faire naître une nouvelle expression cinématographique rageuse, il faut impérativement retourner voir la « Trilogie de la vengeance » en salle, et enchaîner si possible avec celle, tout aussi libre et stimulante, des amours impossibles (Thirst, Mademoiselle et Decision to Leave). Et tout de même continuer à suivre cette cinématographie que nous avons tant aimée et qui nous a tant trahis, pour la joie d’y voir émerger, comme à Hollywood, des œuvres réussies et des aberrations savoureuses, au milieu de dizaines de produits interchangeables.
– Par François Cau
– Propos recueillis par l’auteur
— Merci à Bastian Meiresonne
– Mad Movies #380
@duBoudin Oui mais là tu as la barre de menu ouverte.
Il faut savoir que ce n’est pas l’endroit par défaut de cette scrollbar. Elle a été déplacée pour avoir plus de place de lecture mais ça ne me dérange aucunement de la remettre à sa place d’origine
Edit : Done
Je viens de test sur un écran 22 pouces du taf en 1920 x 1080. Pas de soucis.
Tu n’aurais pas un zoom en place dans le navigateur ou dans Windows ?
@H-Barret a dit dans [Topic Unique] Actualités cinéma & séries :
@Violence Tu as un avis en comparaison du film ?
C’est juste le concept qui a été repris… La série n’as rien à voir avec le film et c’est pas plus mal.
Pas tt vu encore mais la plupart des avis glanés ici et là sur le web sont assez unanimes. Si tu aimes le genre, ça devrait rouler sans trop de problèmes.