« Ça commence vers 23 heures et ça dure toute la nuit » : le calvaire des victimes du « Hum », un bruit mystérieux
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En France et dans le monde, un bourdonnement sourd et lancinant fait vivre l’enfer à ceux qui l’entendent. En cause : des infrasons, que beaucoup pensent, à tort, inaudibles et dont l’origine précise reste inconnue.
Dès la porte d’entrée franchie, on aperçoit le jardin en fleurs. Un vrai petit coin de paradis. En visitant Rochefort (Charente-Maritime) en 2011, Annie Pizzanelli a eu un coup de cœur pour cette maison blanche à deux étages située dans un quartier calme. « Elle était dans son jus, mais j’ai tout de suite senti qu’il y avait du potentiel », raconte la dynamique octogénaire, qui a mis deux ans à tout rénover.
Elle se voyait déjà y finir sa vie, entourée de ses amis et de sa chienne, Pola. Annie repense avec nostalgie à ces après-midi d’été à faire la sieste à l’ombre du figuier. Depuis deux mois, elle se consacre à une activité beaucoup moins reposante : mettre toute sa vie en cartons.
La retraitée s’apprête à déménager à Albi (Tarn), dans un appartement. C’est un vrai déchirement, mais aussi une question de survie. Annie fuit, espérant ainsi échapper au calvaire sonore qu’elle subit depuis un an et demi : le « Hum ».
Tout a basculé la nuit du 12 janvier 2024. « J’ai été réveillée par un bruit de moteur qui ne s’arrêtait pas », se souvient Annie, qui s’est alors mise à en chercher l’origine. D’abord chez elle : peut-être la pompe à chaleur, ou la chaudière ? Puis chez ses voisins. L’un d’eux est venu chez elle, il n’entendait rien, mais il a essayé d’éteindre ses équipements. Aucun changement. Le bruit sourd a continué à hanter ses nuits. Elle l’entend dans tout le quartier.
« Ça commence généralement vers 23 heures et ça dure toute la nuit. Rien à voir avec des acouphènes. C’est comme si un torrent passait sous ma maison. Les bouchons d’oreille sont inefficaces. Je ne suis pas Jeanne d’Arc, je n’entends pas des voix », plaisante-t-elle, malgré la fatigue accumulée.
Des ondes sonores de très basse fréquence, inférieure à 20 Hz
Annie a fait venir un acousticien en bâtiment et un « détective en bruit ». Bilan : 1 500 euros dépensés sans résultat. Elle a passé des examens médicaux. Rien à signaler. Annie est en réalité hypersensible aux infrasons. Il s’agit d’ondes sonores de très basse fréquence, inférieure à 20 Hz, réputées, à tort, inaudibles.
« Dans les livres, il est admis que l’humain entend dans une bande de fréquences comprise entre 20 et 20 000 Hz. C’est encore ce qu’on enseigne aux étudiants, et pourtant c’est faux. C’est un fait peu connu de la communauté scientifique, alors que des travaux restés assez confidentiels le prouvent depuis les années 1970 », indique Sabine Meunier, chargée de recherche au Laboratoire de mécanique et d’acoustique de Marseille (Bouches-du-Rhône).
Les sources d’infrasons sont nombreuses. Certaines sont liées à des phénomènes naturels comme la houle océanique, les éruptions volcaniques ou les séismes. D’autres sont le fait d’installations industrielles, de pompes, d’éoliennes, d’avions… Il est souvent difficile de déterminer d’où vient le bruit, car les infrasons se propagent dans tous les milieux, et peuvent parcourir plusieurs centaines ou milliers de kilomètres.
À force de chercher sur Internet, Annie Pizzanelli a réussi à trouver d’autres personnes qui vivaient le même cauchemar qu’elle, en France et dans le monde. Toutes décrivent un bourdonnement envahissant, un bruit de moteur qui tourne au ralenti, ou un grondement persistant, souvent accompagné de vibrations.
Les premiers témoignages remontent aux années 1970
Le mystérieux phénomène est connu sous l’appellation anglaise « the Hum » (le bourdonnement). Les premiers témoignages relayés par les médias ont émergé dans les années 1970 au Royaume-Uni, à Bristol. Le Hum a aussi fait parler de lui à Taos et Kokomo, aux États-Unis, et à Windsor, au Canada.
Des cas ont été enregistrés en 2023 à Omagh, en Irlande du Nord, puis aux Hébrides, en Écosse, où le bruit tient éveillé depuis le mois de février une bonne partie de la population. À Omagh, une enquête approfondie a permis d’identifier comme source du Hum une installation industrielle, dont la municipalité n’a pas souhaité donner le nom. Le bruit a ensuite disparu.
Le Hum est partout, si l’on en croit la carte en ligne World Hum Map and Database. Sur Facebook, de nombreux groupes y sont consacrés. Les « Hummers » se plaignent de fatigue, dépression, stress, troubles de l’équilibre, nausées…
Ces réactions « peuvent être dues à la mise en vibration de certains organes digestifs, cardio-vasculaires, respiratoires ou des globes oculaires », écrit, dans une étude consacrée à la perception des infrasons, Jacques Chatillon, acousticien et responsable du département ingénierie des équipements de travail à l’Institut national de recherche et de sécurité.
« Quand on commence à en parler, on nous prend pour des dingues ou des complotistes »
À Manchester, au Royaume-Uni, le Centre de recherche en acoustique de l’université de Salford a produit, en 2011, des préconisations pour aider les agents de santé environnementale à évaluer les plaintes, de plus en plus nombreuses, concernant les bruits de basse fréquence.
Selon l’Institut national de la santé publique et de l’environnement des Pays-Bas, environ 8 % de la population adulte néerlandaise souffrirait d’une gêne liée aux infrasons avec un grave niveau de sévérité dans 2 % des cas. Pour autant, le problème reste méconnu, si bien que les victimes, notamment en France, ont du mal à être prises au sérieux.
« Quand on commence à en parler, on nous prend pour des dingues ou des complotistes », se désole Marie (le prénom a été changé), 50 ans, qui travaille dans un organisme de recherche. Fin octobre 2023, elle a déménagé avec son époux à Daoulas, dans la campagne finistérienne. À peine installée, elle a commencé à entendre un vrombissement sourd, « comme un bruit de moteur diesel, très désagréable ».
Son mari, lui, ne percevait rien. « Trois jours plus tard, la tempête Ciaran nous est tombée dessus et a provoqué une coupure de courant de quarante-huit heures dans tout le village, poursuit-elle. Le bruit a persisté. Ce n’était donc pas la chaudière d’un voisin, ou Dieu sait quel équipement domestique, qui était en cause. Le bruit devait venir de l’extérieur du village. C’est là que j’ai compris qu’il m’arrivait quelque chose de pas ordinaire. »
Le Hum pourrit la vie de Marie, épuisée. Elle l’entend presque toutes les nuits, à partir de 22 heures, parfois la journée. « Cela n’a rien à voir avec des acouphènes. J’en ai depuis ma vingtaine, je sais à quoi ça ressemble », assure-t-elle. En décembre dernier, après un tractage dans les boîtes aux lettres de son quartier, un voisin habitant à 500 mètres de chez elle s’est manifesté.
« Il subit le même fléau que moi. Sa compagne n’entend pas le bruit, mais ressent des vibrations dans les jambes », indique Marie. Le Hum l’obsède. Fin mars, « c’était tellement insupportable que j’ai pris ma voiture à minuit, pour essayer de trouver la source. J’entendais le bruit jusqu’à Landerneau, à 10 kilomètres de là. » Elle suspecte les gazoducs.
La mairie a contacté l’Agence régionale de santé (ARS) Bretagne afin d’obtenir des mesures acoustiques. Une demande soldée par une fin de non-recevoir. Dans le village de Thurey (Saône-et-Loire), les autorités ont aussi été alertées en mars 2020 par une quinzaine d’habitants du même hameau. « Avec mon épouse, on avait l’impression d’avoir le cerveau dans un scanner mal réglé », explique Fabrice, un commerçant qui s’est démené pour faire reconnaître le problème en créant l’association Infrasons France (aujourd’hui dissoute).
Des tests sont réalisés en laboratoire à Marseille afin d’étudier la perception des infrasons, dans le cadre du projet RIBEolH, pour Recherche des impacts du bruit des éoliennes sur la santé humaine. CNRS
« Certains voisins en perdaient leurs cheveux, parlaient de suicide », raconte-t-il. Le maire, qui s’est déplacé chez Fabrice, « n’entendait rien mais avait la nausée ». Il a fait procéder à l’arrêt de différentes sources sonores proches : antennes de téléphonie mobile, silos, activité agricole, transport routier frigorifique. En vain. La préfecture et l’ARS Bourgogne-Franche-Comté ont été saisies. Cette dernière a réalisé des relevés sonores, au domicile de Fabrice et à l’extérieur, près de poteaux électriques dotés de transformateurs. Ils ont révélé la présence d’infrasons.
Les plaintes se multiplient, comme les sources de bruit
Pour confirmer l’hypothèse électrique, de nouvelles mesures ont été effectuées en mars 2021 et ont conclu à un « lien de causalité avec le réseau Enedis ». Dans la foulée, Santé Publique France a lancé une enquête épidémiologique à Thurey. Sur 77 personnes interrogées, huit se plaignaient de bruits de basse fréquence, d’après le rapport, publié en mars dernier. Pas assez, selon l’organisme, qui a conclu à « l’absence de cluster ». De guerre lasse, Fabrice a déménagé au Québec.
Alors que les plaintes se multiplient et que les sources d’infrasons se développent, notamment les éoliennes, les études manquent. Afin d’y remédier, l’Université Gustave Eiffel, du groupe Paris-Est Sup, a lancé en 2020 le projet RIBEolH, pour Recherche des impacts du bruit des éoliennes sur la santé humaine.
Des tests en laboratoire, à Marseille, sont réalisés sur des volontaires afin d’en apprendre plus sur les mécanismes auditifs liés à la perception des infrasons. Parallèlement, une étude sur la santé d’un millier de riverains de parcs éoliens est en cours, avec des mesures acoustiques réalisées à domicile. « Il faut vraiment prendre le problème à bras-le-corps, car il y a des gens qui souffrent », affirme Sabine Meunier, coordinatrice du projet pour le CNRS. Pour l’heure, le mystère du Hum reste entier.
Source : leparisien.fr
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C’est pas la première fois que j’entends parler des infra basses qui généreraient les éoliennes et qui sont un réel problèmes pour les animaux, humains ou non, qui les entendent.
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Le problème, ce n’est pas forcément de les entendre, c’est de s’en vider la tête, parce que même dans le désert, on entend des bruits…
Un robinet qui goutte, ce n’est pas bruyant, mais ça maintient le cerveau en éveil.
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Je ne peux que la comprendre ayant des acouphènes depuis longtemps, difficile d’être dans le silence. Je fait avec mais ça fatigue énormément et effet boule de neige augmente l’anxiété…
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Même si elles sont très légères, j’ai le droit à des acouphènes. Tellement légères que je ne les entends pas. Les petits bruits ne me dérangent aucunement.
Que ça soit en ville où tu aura toujours un bruit de fond lancinant des véhicules qui passent , sortie de l’école et autres personne qui passe en papotant au téléphone. C’est pareil en campagne ou tu vas avoir un bruit de fond avec le vent, cigale et autre rivière qui s’écoule pépère.
On est d’accord c’est loin d’être le même type sonore, mais c’est du bruit quand même ^^Comme dit @duJambon : c’est possible de “s’en vider la tête”.
Ce qui est plus chiant sont surtout les bruits qui “cassent” l’harmonie. Les schtroumpfards qui compensent leur petits attributs avec des motos vrombissante, les camions qui kaxonnent pour s’annoncer, éboueurs qui vident les containers et autres gugusses qui s’engueulent.
Et c’est pareil en campagne où tu va sauter au plafond quand t’es tranquillou pépère et BAAAAM !!! t’as un éclair qui tombe pas loin.
On est d’accord, c’est nettement plus rare et juste après, tu devrais éclater de rire tellement tu t’es fais avoir par surprise.Tout le monde est différent. Je peux comprendre que ces “petits bruits” peuvent devenir une torture si justement tu n’arrive pas à t’en “vider la tête” mais qu’à force, ils la remplissent.
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Vous foutez pas de moi, mais ce bruit, je l’entends parfois depuis 2004, ça m’a jamais rendu fou, mais j’ai toujours voulu savoir ce que c’était.
Avec les années, je l’entends de moins en moins (l’âge doit jouer un rôle) comme le dit @duJambon le cerveau anticipe le prochain ronronnement et se fige sur ce son et les bouchons d’oreilles (les boules Quies) n’y changent pas grand chose.
Il me semble que c’est plus récurent en hiver et effectivement plutôt de nuit, le fils d’un ami et ma voisine du dessus perçoivent ce bruit aussi.
Fait amusant face à une fenêtre devant laquelle tu te tiens le bruit disparaît dès que tu l’ouvres, comme si ça coupait un effet de résonance.
C’est comme le gros ronronnement d’une machine, une sorte de vibration sonore avec un cycle de 2/3 secondes.
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Petit tableau comparatif des théories autour du Hum :
Théorie Description Arguments pour Arguments contre / limites Sources industrielles Bruits de pompes, compresseurs, ventilation, mines, usines, lignes électriques Bruits mesurés dans certains cas (ex. Windsor, Canada, lié à une aciérie) ; explication locale plausible Ne colle pas partout ; le Hum est signalé aussi dans des zones rurales isolées Trafic routier / maritime / aérien Vibrations de camions, avions ou navires à basse fréquence Peut se propager loin, surtout la nuit ; dépend de la météo et de la géographie Beaucoup de témoignages restent inexpliqués dans des zones sans trafic intense Micro-séismes / phénomènes naturels Infrasons produits par la houle océanique, activité géologique Phénomènes réels et mesurés ; vibrations continues de la croûte terrestre connues Pas de corrélation nette entre activité sismique/houle et perception du Hum Résonances locales (géologie/architecture) Certaines zones amplifient certaines fréquences graves Pourrait expliquer pourquoi seuls certains lieux sont touchés N’explique pas pourquoi seulement une minorité de personnes perçoit le Hum Acouphènes Le Hum serait une perception interne (système auditif/nerveux) Explication médicale simple ; concorde avec symptômes comme stress, insomnie Les « Hummers » entendent souvent le bruit en même temps, ce qui contredit une explication purement individuelle Hypersensibilité auditive (hyperacousie) Certaines personnes détectent des sons graves inaudibles pour la majorité Explique la minorité concernée (2-4 % de la population) Pas prouvé que ces sons existent dans tous les lieux signalés Electromagnétisme / communications militaires Bruit perçu comme effet secondaire des ondes (radars, antennes, sous-marins) Cohérent avec certaines zones proches d’installations militaires Très spéculatif ; aucune preuve solide -
@Violence pour moi c’est l’industriel le plus plausible, les acouphènes j’y crois pas trop, le “Hum” dont je connais le nom que depuis peu, c’est que-dalle par rapport à la souffrance que subissent les gens qui en ont.
j’ai parfois un très léger sifflement dans les oreilles, mais c’est tellement faible, que proche du rien, et surtout c’est aigu et continu.
Je m’étais dit sans preuves que le suspect pourrait ressembler à une éolienne.
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Raccoon Admin Seeder I.T Guy Windowsien Apple User Gamer GNU-Linux User Teama répondu à michmich dernière édition par
@michmich tu as des éoliennes près de chez toi ?
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@Raccoon après googlage, environ 50 km à vol d’oiseau, ça me paraît un peu loin pour confirmer mes soupçons, je vais interroger le géo-thermique.