Comment les sondes Voyager communiquent avec la Terre à 20 milliards de km
-
Avec des signaux de fumée ?
Dans l’espace, personne ne vous entendra crier… et pourtant, la sonde Voyager 2 a entendu « crier » le Deep Space Network un message lui demandant de remettre son antenne dans le bon axe afin de communiquer avec la Terre. Une opération délicate à plusieurs dizaines de milliards de kilomètres, d’autant plus avec du matériel datant des années 70.
Lancée en 1977 (août et septembre), les sondes Voyager sont désormais à près de 24 milliards de km de la Terre pour Voyager 1 et 20 milliards pour Voyager 2. Les deux vaisseaux spatiaux sont techniquement très proches, mais ont pris des directions différentes.
À une telle distance, la lumière met respectivement 22h et 18h pour faire le trajet. À l’heure actuelle, les communications sont toujours établies, mais comment fait-on pour échanger à une telle distance, surtout avec des technologies qui ont plusieurs décennies ? Pas si simple.
- | Espace : Voyager 1 est à plus de 20 milliards de km, retour sur 38 ans d’exploration spatiale
- | Le programme Voyager de la NASA fête ses 40 ans
Deep Space Network à Voyager 2 : « est-ce que tu m’entends hé ho ? »
La question se pose d’autant plus que la sonde Voyager 2 a donné ces dernières semaines quelques sueurs froides aux ingénieurs de la NASA. En effet, le 21 juillet, « une série de commandes planifiées » a été envoyé au vaisseau spatial. Problème, « par inadvertance [elles ont] fait pointer l’antenne à 2 degrés de la Terre. En conséquence, Voyager 2 est actuellement incapable de recevoir des commandes ou de transmettre des données vers la Terre ».
L’Agence spatiale américaine précise que l’antenne de la sonde dispose d’une fonction qui réinitialise son orientation plusieurs fois par an, afin de toujours la garder pointée vers la Terre. Problème, la prochaine réinitialisation est programmée pour le 15 octobre. Sans communication, impossible d’envoyer des ajustements à la sonde. Mais la NASA ne souhaitait pas rester les bras croisés en attendant.
Le 1er août, l’Agence spatiale américaine détecte une « porteuse » via son réseau DSN (Deep Space Network). « Le signal est trop faible pour que les données soient extraites, mais la détection confirme que le vaisseau spatial fonctionne toujours », un premier soulagement de le savoir toujours en « vie ». L’Agence tente alors de lancer une bouteille à la mer, ou plutôt de « crier » une commande à Voyager via son réseau DSN. « Cette tentative peut ne pas fonctionner », prévenait la NASA n’y croyant visiblement qu’à moitié. Mais, presque contre toute attente, le pari s’est avéré gagnant !
Près de 37 heures (18h aller, puis de nouveau 18h retour pour connaitre le résultat) après le « cri » du DSN, Voyager 2 recommence à envoyer des informations, signe que l’antenne est de nouveau dans la bonne orientation. La NASA récupère de nouveau « des données scientifiques et de télémétrie, indiquant que la sonde fonctionne normalement et qu’elle reste sur sa trajectoire prévue ».
Une antenne, deux bandes de fréquences, quelques kb/s
Bonne nouvelle donc, mais comment fait-on pour communiquer avec une sonde à 20 milliards de kilomètres, sachant qu’en plus, elle dispose de peu de puissance pour l’ensemble de ses instruments ? Réponse courte : les ondes radio, qui se déplacent à la vitesse de la lumière (300 000 km/s environ). Dans la pratique, c’est plus compliqué.
Les deux sondes sont équipées d’une antenne à haut gain (HGA ou High-Gain Antenna) de 3,66 mètres de diamètre. La NASA explique que « les communications en liaison montante se font via la bande S (débit de 16 bits/s), tandis qu’un émetteur en bande X fournit une télémétrie en liaison descendante à 160 bits/s », capable de grimper jusqu’à 115,2 kbits/s. Les sondes intègrent également un DTR (Digital Tape Recorder) d’une capacité de 500 Mo environ, afin d’enregistrer des données et les transmettre plus tard lorsque les communications ne sont pas établies.
Quelques précisions : la bande S se situe entre 2 et 4 GHz, contre 8 à 12 GHz pour la bande X. Dans le cas de Voyager, des fréquences de 2,11 GHz sont utilisées pour la liaison montante, mais aussi de 2,29 GHz en descendant dans la bande S. Sur la bande X, la fréquence est de 8,42 GHz. Depuis maintenant des années, seule la bande X est utilisée pour les communications descendantes. En effet, plus la fréquence est élevée, plus on peut transmettre de données avec une même quantité d’énergie. Aujourd’hui, les satellites montent bien plus haut, notamment en bande Ka entre 27 et 31 GHz.
20 watts pour le système de transmission, c’est peu !
Il faut de l’énergie pour mener les expérimentations, récupérer les données et ensuite les transmettre à la Terre. Les sondes exploitent des générateurs thermoélectriques à radioisotope (RTG) qui étaient capables de fournir 470 watts au lancement. Depuis, leurs capacités sont descendues aux alentours de 260 watts, et diminuent d’années en années. Il faut donc faire des choix, désactiver certains composants et en prioriser d’autres, sans oublier qu’une vingtaine de watts sont utilisés par le système de communication. 20 watts, cela paraît tellement peu pour des communications à plusieurs milliards de kilomètres.
À titre de comparaison, « les puissances émises par les émetteurs de télévision peuvent atteindre plusieurs centaines de kilowatts », tandis que la puissance d’une « antenne relais de téléphonie mobile est beaucoup plus faible que celle des émetteurs de radiodiffusion, de l’ordre quelques centaines de watts », rappelle le site radiofréquence. On est toujours loin des 20 watts de Voyager, mais détail important : dans l’espace, le vide règne en maitre et les ondes radio peuvent circuler beaucoup plus librement.
Des antennes de 70 mètres pour le Deep Space Network
Voilà pour la partie des sondes, mais comment cela se passe sur Terre pour récupérer un signal venant des confins de notre système solaire et qui est « moins puissant que l’énergie émise par une ampoule de réfrigérateur », comme s’amuse à comparer la NASA ?
C’est le travail du Deep Space Network, un réseau d’antennes de 34 à 70 mètres. Il comprend trois stations au sol – Canberra en Australie, Madrid en Espagne et Goldstone en Californie – gérées par le Jet Propulsion Laboratory de Pasadena. Les trois sites sont séparés de 120° en longitude (120° x 3 = 360°, vous voyez venir la suite ?) permettant ainsi au DSN de couvrir l’intégralité du ciel malgré la rotation de la Terre. Il est ainsi possible de garder des liaisons ininterrompues si besoin.
Selon Science et Avenir, les antennes du DSN « sont d’une extraordinaire sensibilité puisqu’elles peuvent détecter une fraction d’un milliardième de milliard de watt ! ». En effet, sur cette page, lorsqu’une des antennes reçoit des signaux de Voyager (abrégé en VGR1 ou VGR2), on peut voir le débit et le niveau de puissance : 160 bits/s et -160 dBm (1 x 10⁻¹⁹ watts) dans le cas présent, sur l’antenne de 70 mètres à Canberra en Australie.
Une des antennes de 70 mètres du DSNLorsque la distance entre la Terre et la sonde augmente, le signal perd en qualité et gagne en parasites ou « bruit ». « La seule manière de contrer ce phénomène est de diminuer le “bitrate” c’est-à-dire la quantité d’informations (ou nombre de bits) envoyée par seconde via l’onde électromagnétique à haute fréquence », expliquait Francis Rocard à nos confrères.
Ce n’est pas tout : « Lors de la transmission, il se produit des erreurs dûes à des phénomènes perturbateurs : bruit, parasites, etc. Afin d’y remédier, le signal à bord de la sonde est codé suivant deux niveaux, la puissance du code s’en trouve fortement amélioré. Voyager utilise un code convolutionnel concaténé avec un code Reed-Solomon, le gain du codage est d’environ 8 dB, par rapport à la non-utilisation d’un code, pour une probabilité d’erreurs de 10⁻⁶. Un tel taux d’erreurs est aujourd’hui nécessaire pour les images compressées et la télémétrie devenue plus complexe par rapport aux premières missions spatiales », explique Michel Guillou, docteur en Histoire des techniques de l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV).
À Canberra, le DSN peut émettre jusqu’à 100 kW
Par contre, lorsque le DSN envoie des données aux sondes avec Voyager, on peut voir que la puissance d’émission n’est pas du tout la même : 20 à 40 kW environ, voir plus si besoin. C’était justement le cas il y a quelques jours lors du « cri » envoyé dans l’espace pour demander à Voyager 2 de remettre son antenne dans le bon axe :
« Le Deep Space Network a utilisé son émetteur le plus puissant pour envoyer la commande (100 kW en liaison montante sur la bande S depuis le site de Canberra) et le bon moment pour qu’il soit envoyé dans les meilleures conditions possibles lors du passage de l’antenne afin de maximiser la possibilité pour la sonde de recevoir le message », explique à l’AFP Suzanne Dodd, responsable du projet Voyager.
Le DSN recevant des données depuis Voyager 1 (VGR1)Source : nextinpact.com
-
40 ans et ça fonctionne toujours je suis épaté
-
Raccoon Admin Seeder I.T Guy Windowsien Apple User Gamer GNU-Linux User Teama répondu à Hadès le dernière édition par
@Hadès et il est fort probable que l’arrêt de leur fonctionnement vienne des voyager des générateurs thermonélectriques qui ne pourront plus délivrer l’énergie nécessaire.
-
Possible oui mais quand même 40 ans sans aucune intervention physique humaine c’est fort .
A leurs lancement en 77 j’aurais bien voulu savoir combien ils leurs donner de durée de vie.
-
c’est vrai que c’est impressionnant …
et les sondes d’aujourd’hui, vont elles durer encore plus longtemps ???
-
Les missions Voyager avaient été planifiées pour durer 5 ans, au final elles auront durées au moins 10 fois plus.
On peut aussi penser au robot Opportunity qui a été envoyé sur Mars pour une mission d’une durée de 90 jours et qui finalement aura duré 14 ans tellement il fut robuste, soit 56 fois plus.
-
avec ça, ils sont infoutu de nous sortir une voiture sans bug électronique