Cinéma & Séries

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    @Pluton9 de l’argent facile :ange:

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    @Snoubi
    Un peu d’histoire, Kamehameha Ier, roi de Hawaïï.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Kamehameha_Ier
    Voilà, certains pourront briller en société…:lolilol:

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    Ils vont avoir le temps de diffuser les films de 2022 ^^

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    Il y a quelques mois, le BIFFF fêtait sa 400 édition en invitant le réalisateur de La Famille Addams et des Men in Black. Avec un humour acide, il nous livre son credo technique, poursuivi de ses débuts comme directeur photo des frères Coen à des blockbusters dont la production a parfois viré à des histoires de fous.

    Vous débutez pratiquement en étant le directeur photo de Sang pour Sang des frères Coen. L’idée était de mêler les contrastes du film noir classique à une ambiance texane poisseuse ?

    Joel Coen avait été inscrit à l’université du Texas, à Austin. pendant un an. Le scénario de Sang pour Sang a donc été écrit en fonction d’endroits qu’il connaissait et conçu pour être tourné avec un budget très bas. L’atmosphère en est très claustrophobe : il y a peu de scènes avec une nombreuse figuration. Mais je vais vous raconter le point principal. Au premier jour de tournage. c’était pour chacun de nous la première fois que nous élions sur un plateau professionnel. Je n’avais jarnais été directeur photo sur un long-métrage. Joel n’avait rien réalisé en dehors son école de cinéma, et son frère Ethan avait abandonné ses études de philosophie et travaillait comme dactylo.

    La bonne chose là-dedans, c’est que nous n’avions rien à perdre, hein ? En ce qui me concerne, une fois diplômé d’une école de cinéma, j’ai acheté une caméra 16 mm car je pensais que cela me donnerait le titre d’opérateur. J’ai ensuite rencontré Joel Coen dans une fête et il m’a raconté comment Ethan et lui allaient lever de l’argent pour Sang pour sang. Ils allaient d’abord en tourner la bande-annonce,
    comme si le film était déjà terminé, puis la montrer à de possibles investisseurs. Et quand j’ai dit à Joel que je possédais une caméra, il m’a répondu que j’étais engagé ! Nous avons ainsi tourné cette bande-annonce qui était esthétiquement réussie, et au bout d’un an, nous avons réuni 750.000 dollars.

    Cependant, mon état d’esprit était le suivant : je n’étais pas beau gosse, je n’étais pas un bon acteur, mais je voulais quand même me faire remarquer. Pour ce faire, j’ai développé un style où la caméra semble douée d’une vie propre. Dans Sang pour sang, il y a un travelling qui longe un comptoir de bar. Or, un poivrot y est assis, et la caméra saute donc par-dessus ce dernier, puis continue à avancer. Tous les trucs de ce genre ont été conçus par Joel, Ethan et moi en préproduction, chaque plan étant dessiné sur storyboard. Car nous sommes tous trois des maniaques du contrôle et nous étions d’accord pour dire que le pire endroit pour prendre des décisions est sur le plateau, pendant que le reste de l’équipe traîne ou joue au frisbee. Cette entente s’est prolongée sur Arizona Junior, le film suivant.

    Après avoir lu le scénario, j’ai appelé Ethan Coen pour lui dire : « Que dirais-tu si je l’éclairais comme si c’était un livre d’images pop-up ?» Joel et lui ont adoré l’idée, de sorte que non seulement les mouvements de caméra sont complètement farfelus, mais j’ai en plus pris un matériel qu’on n’utilise plus aujourd’hui, de grandes lampes à charbon produisant des arcs électriques. Grâce à cela, les acteurs étaient tellement éclairés qu’ils avaient l’air d’être découpés sur l’arrière-plan. Par chance, les frères Coen et moi avons toujours eu un point de vue similaire, y compris sur Miller’s Crossing, le dernier film que nous avons fait ensemble.

    Miller’s Crossing a un style de photo assez différent, car c’est un film d’époque…

    Nous l’appelions « le film beau », pour le distinguer du côté farfelu des précédents. Ceux-ci avaient été tournés avec des objectifs grand-angles, qui ont souvent un effet comique. Or, même si Miller’s Crossing a des aspects drôles, notamment dans les dialogues, ce n’est pas une comédie. J’ai donc pris des focales plus longues, et surtout, j’ai utilisé une pellicule peu sensible, car elle donnait un grain
    très fin et des noirs très riches.

    Cela nécessitait bien sûr beaucoup de lumière, en particulier pour les extérieurs nuit. J’ai ainsi insisté pour avoir des éclairages très puissants, que j’ai obtenus grâce au soutien des Coen. C’était adorable, car beaucoup de réalisateurs n’auraient pas appuyé mes exigences. Ma collaboration avec Joel et Ethan est la meilleure que j’ai eue, et Miller’s Crossing est le plus beau film que
    j’ai fait comme directeur photo.

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    – Le classieux Millers Crossing des frères Coen, cadré et éclairé par Barry Sonnenfeld.

    Vous avez aussi éclairé Misery de Rob Reiner, qui se déroule essentiellement dans la chambre où un écrivain est séquestré par une admiratrice psychopathe. Vous avez veillé à varier la lumière en fonction de l’heure supposée et de l’atmosphère de la scène ?

    À l’exception de quelques jours d’extérieurs que j’ai dirigés moi-même car j’étais aussi réalisateur de seconde équipe, Misery a été entièrement tourné en studio. Le décorateur a ainsi suggéré d’utiliser un Translight. Il s’agit d’une photo de paysage que vous agrandissez et que vous mettez contre la fenêtre en l’éclairant par-derrière. Ce décorateur avait prévu deux Translight, un pour la journée et l’autre pour la nuit. Mais je l’en ai dissuadé en lui disant que la nuit était complètement noire dans les bois, et que ce ne serait pas crédible si on en voyait trop.

    J’ai donc fait faire deux Translight, l’un ensoleillé et l’autre avec un ciel couvert. Le second servait aussi pour les fins de journée, si vous le sous-éclairiez. L’ambiance devenait alors plus sinistre, menaçante. Par ailleurs, j’avais filmé une série de tests avec Kathy Bates, pour montrer ce que différents objectifs feraient à son visage. Rob Reiner, dont ce n’était pas le rayon car il était surtout un directeur d’acteurs, m’avait dit que c’était une perte de temps puisqu’elle était de toute façon une comédienne géniale. Mais quand il a vu le résultat, il a immédiatement adopté cette idée de varier les focales.

    Car plus l’angulaire était large, plus Kathy avait l’air folle. Il y a une raison pour laquelle vous choisissez un objectif plutôt qu’un autre. Cela dépend de ce que vous essayez de raconter dans l’histoire. Mais je ne sais pas combien de réalisateurs et de directeurs photo se rendent compte que les objectifs sont des outils, de même que les mouvements de caméra. Vous devez y avoir recours si cela peut introduire du comique, ou bien de la tension. Personnellement, j’aime les travellings avant ou arrière. En revanche, je dissuade toujours les réalisateurs de faire des panoramiques.

    La mise en scène consiste à trouver le bon cadrage et à gérer les entrées et sorties des acteurs, mais les panoramiques me semblent toujours paresseux et arbitraires. Bref, j’ai toute une philosophie sur les objectifs et les mouvements de caméra, mais le point principal est le suivant : la caméra n’est pas un simple appareil d’enregistrement, elle doit être un personnage de l’histoire.

    C’est grâce à cette expérience de seconde équipe que vous êtes passé à la réalisation avec La Famille Addams ?

    Non, je n’ai jamais décidé d’être réalisateur. J’étais très heureux d’être à la caméra car j’avais la maîtrise de mon travail. Et je voyais tous ces réalisateurs qui ne pouvaient rien maîtriser puisqu’ils devaient traiter avec ces gens difficiles que sont les acteurs. Mais deux semaines avant la fin du tournage de Misery, un dimanche, la réception de mon hôtel m’a appelé pour me dire : « Scott Rudin a déposé un scénario, il vous demande de le lire et de le rejoindre dans deux heures. ». Il s’agissait de La Famille Addams, et cela faisait sens que je le réalise car j’ai grandi avec l’œuvre originale, pas la série télé, mais les comic strips de Charles Addams. Ces derniers étaient très visuels : l’humour était dans les dessins et on ne saisissait pas le gag tout de suite.

    Cependant, le scénario que j’ai lu était nul, car il était plein de plaisanteries verbales. Or, j’aime seulement les comédies où tout le monde joue la réalité de la scène, et où c’est la scène elle-même qui est absurde. Par exemple, Morticia Addams suit sa propre logique, elle est juste drôle par elle-même.

    Poussé par mon épouse, j’ai donc énuméré à Rudin toutes les raisons pour lesquelles le scénario n’était pas bon. Il m’a répondu qu’il était d’accord et que c’était justement pour cela que je devais réaliser le film. Il m’a donc dit : « Si je peux persuader Orion Pictures de t’engager, tu le dirigeras, et je te promets d’améliorer le scénario. ». Je lui ai rétorqué ironiquement : « Bien sûr, Scott, un grand studio va soudain me bombarder metteur en scène. ». Mais en fait, il a vraiment réussi à me faire engager par Orion. Et s’il y avait un film idéal pour que je débute à la réalisation, c’était celui-là.

    On y trouve en effet ce qui va être votre marque de fabrique : un mélange de décors rétro et de machineries délirantes, qui s’apparente au steampunk. Ainsi, l’intérieur du manoir Addams semble infiniment plus grand que son architecture extérieure…

    Mouais, je ne pense pas que nous ayons fait du steampunk. Ce que je peux vous dire, c’est que j’adore jouer avec les proportions, comme c’était aussi le cas de Charles Addams. Nous avons d’ailleurs volé quelques images directement issues de ses dessins. L’une a donné lieu à la scène où Gomez Addams calme sa colère en jouant avec son train miniature. Un raccord nous amène à l’intérieur d’un wagon, et le visage de Gomez apparaît à travers la vitre. C’est une image complètement surréaliste, qui a l’air d’épouser le point de vue d’un minuscule passager. Et d’une manière générale, c’est vrai que l’intérieur de la maison n’a pas les mêmes proportions que l’extérieur.

    Je vais vous raconter quelque chose qui va peut-être vous intéresser. Pour La Famille Addams et sa suite Les Valeurs de la famille Addams, nous avions des chefs-décorateurs différents, et leurs versions de l’intérieur de la maison n’avaient rien en commun. Celle du premier opus a été conçue par un gars appelé Richard Macdonald, et elle était très romantique, avec des escaliers incurvés. Comme ces plateaux avaient été détruits par Paramount, nous avons engagé sur Les Valeurs… Ken Adam, qui avait signé les décors de mon film préféré, Dr. Folamour. Sa version desintérieurs ressemble beaucoup plus aux comic strips de Charles Addams. C’est plus sévère, moins meublé,
    tout en lignes droites.

    Ken Adam a été le directeur artistique de nombreux James Bond…

    C’était l’un des plus grands production designers britanniques, et il a aussi fait les décors de Barry Lyndon. Sur mes films suivants, et aussi sur des séries télé que j’ai supervisées, j’ai souvent travaillé avec Bo Welch. Il est très talentueux et il conçoit les décors avec l’esprit d’un réalisateur. Certaines des meilleures choses des Men in Black, qui ont été portées à mon crédit, sont en fait l’ceuvre de Bo. Ma théorie est donc celle-ci : puisque vous allez récolter les lauriers de toute façon, pourquoi ne pas engager les meilleurs ?

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    –Barry Sonnenfeld sur les tournages de La Famille Addams (avec Lloyd et Christina Ricci) et de Men in Black2.

    C’est pour cela que vous n’avez jamais cumulé les postes de réalisateur et directeur photo ?

    Je vais vous en dire la raison. Quand j’ai été engagé sur La Famille Addams, j’ai fait des recherches sur d’autres directeurs photo devenus réalisateurs. À l’époque, mon préféré était Gordon Willis, et il n’a mis en scène qu’un seul long-métrage, Fenêtres sur New York. Qui en a entendu parler ? De la même manière, John A. Alonzo, qui a éclairé Chinatown, n’a réalisé qu’un seul film. Il y a des tas d’autres exemples, et dans chaque cas, ils avaient promu leur cadreur au poste de directeur photo, ce qui voulait dire qu’ils ne voulaient pas vraiment abandonner la caméra. Sans doute ont-ils continué à commander leurs anciens subordonnés, leur indiquant où mettre les éclairages. Et aucun d’eux n’a réussi comme réalisateur, alors qu’ils étaient tous meilleurs que moi.

    J’ai donc estimé que, pour avoir la moindre chance de m’en sortir, je devais engager des directeurs photo tellement bons que je n’aurais plus à me soucier de la lumière. Ainsi, je n’allais pas me retrouver à penser à déplacer un éclairage là-bas pendant qu’une actrice me posait des questions sur les motivations de son personnage. Dans le cas de La Famille Addams, j’ai engagé Owen Roizman, qui avait été le chef-opérateur de French Connection et d’autres films à nombreux Oscars.

    Je lui ai juste dit que j’allais concevoir les plans à l’avance et choisir les objectifs. Ma troisième exigence était qu’Anjelica Huston, qui jouait Morticia, ait sa propre lumière, indépendante du reste de l’éclairage. Ainsi, elle ressemblerait à une photo où elle était perpétuellement belle. Owen a adoré l’idée et je lui ai dit qu’il était engagé.

    Sur Wild Wild West, vous avez pris le grand Michael Ballhaus…

    Là, c’était une erreur.

    Pourquoi ?

    (rires) Je savais que cela vous intriguerait. Michael pensait qu’un western devait être tourné au format Scope, et dans un cas normal, il aurait eu raison. Mais ici, nous avions cette araignée mécanique géante, qui est un élément très vertical. Si nous avions été en Scope, il aurait donc fallu la filmer de plus loin. Ou alors, nous aurions dû faire des travellings de bas en haut, et je déteste ces mouvements autant que je déteste les panoramiques. J’ai ainsi choisi un format moins large que le Scope, mais Michael en a été furieux et il a été désespérément lent pendant tout le tournage. Pour autant, il y a eu de nombreux autres problèmes sur ce film.

    D’abord, je ne suis pas sûr que le public était au courant que la série télé originale (en France : Les Mystères de l’Ouest — NDR) combinait le western et la science-fiction. De plus, je crois que l’araignée avait une taille disproportionnée en regard de ce qui pouvait être construit à l’époque, même avec la caution de la science-fiction. Enfin, et surtout, il n’y avait aucune alchimie entre Will Smith et Kevin Kline.

    Oui, chacun tire la couverture à lui en matière de comique. Lors de la master class que vous avez donnée ici au BIFFF, vous avez justement expliqué que sur les Men in Black, vous avez au contraire persuadé Tommy Lee Jones de rester toujours impassible, ce qui lui permettait de récolter les fruits des pitreries de Will Smith. Cela fonctionne bien, mais je me souviens d’avoir été surtout marqué par l’opus 3, dont la fin est étonnamment émouvante…

    J’aime aussi le premier Men in Black, qui a une fin presque aussi émouvante, quand Tommy dit à Will : «Je n’ai pas engagé un partenaire, j’ai engagé un remplaçant. ».

    Je n’aime pas vraiment le 2, mais j’adore effectivement le 3, qui est complètement l’idée de Will Smith. Un soir pendant le tournage de Men in Black 2, il m’a lancé : « Je sais ce que sera le troisième film. ». Et il m’a raconté cette histoire où son personnage retournait dans le passé pour trouver l’assassin de Tommy Lee Jones, et découvrait que ce dernier l’avait au fond élevé.

    Ce qui est fascinant là-dedans, c’est que cette conclusion n’était absolument pas prévue quand nous avons fait les deux films précédents, mais que ceux-ci contiennent des détails la préfigurant. Si vous vous souvenez bien, dans une scène du 1, Will demande à Tommy : « Hé, tu n’as jamais passé cette machine à flash sur moi ? ». L’autre dit que non. Mais en fait, si : il t’a
    effacé la mémoire après t’avoir élevé, parce qu’il avait accidentellement causé la mort de ton père. C’est assez génial, et je trouve que Will Smith est excellent dans Men in Black 3, de même que Josh Brolin, qui joue Tommy Lee Jones jeune. Pourtant, ce film a été très emmerdant à faire.

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    –Barry Sonnenfeld durant le tounage compliqué de Wild Wild West

    Quel était le problème ?

    Sur les trois Men in Black, j’ai eu une relation très difficile avec le producteur Walter Parkes. Il avait la prétention d’être scénariste et c’était un désastre. Un désastre ! Le pire a été sur Men in Black 3, car nous avons tourné le premier tiers avant de fermer les portes pendant quatre mois, le tout alors que le scénario n’était pas terminé. En effet, la patronne de Sony avait peur que Will Smith parte jouer dans un autre film si la production n’était pas lancée tout de suite. Mais comment un réalisateur, en particulier un réalisateur de comédies, peut-il travailler sans savoir où il va ?

    Dans ces conditions, vous n’êtes pas en mesure d’introduire un élément qui va déclencher un effet comique plus tard. Deux semaines avant le tournage du final, il y avait encore deux versions antagonistes de la séquence. Will et moi pensions que les agents devaient protéger une fusée dont le méchant Boris l’Animal voulait empêcher le décollage. À l’inverse, Walter Parkes estimait que la fin devait voir l’Animal essayer d’aller dans l’espace. Mais comment pouvais-je concevoir les cascades sans savoir si les héros avaient pour but de permettre à la fusée de décoller ou bien de l’en empêcher ?

    Dieu merci, Will Smith a fini par dire : « C’est comme cela et pas autrement, terminé les discussions, je ne veux plus voir Walter sur le plateau. ». Sans cela, nous serions encore en train de tourner ce film dix ans plus tard. C’est le genre d’histoires de dingue qui se passent à Hollywood. Pour autant, vous avez toujours conservé le style dont nous parlions au début… Je sais que cela paraît fou de dire qu’un objectif peut être drôle, mais les grands-angulaires le sont. C’est un peu moins le cas aujourd’hui, car les nouveaux modèles conçus par ordinateur engendrent moins de déformations de l’image. Il n’empêche que quand vous faites un gros plan avec un grand-angle, la caméra doit être physiquement très près de l’acteur. Et le public ressent confusément cette proximité.

    J’ose ainsi dire que Men in Black 3 est le meilleur film en 3D jamais tourné, qu’il dépasse Avatar. Car Jim Cameron est un gars très réservé, qui adore les sous-marins et la plongée ; il voit le monde à distance, à travers un hublot, si bien que sa 3D part de l’écran pour aller derrière. À l’inverse, ma 3D s’étend devant l’écran à cause des objectifs grand-angles que j’utilise. Les spectateurs ont ainsi l’impression que les acteurs sont dans la même pièce qu’eux. Encore une fois, la technique ne sert pas à enregistrer l’histoire, mais à la raconter. Et j’ai toujours essayé de faire en sorte que la caméra soit un personnage à part entière dan mes films.

    – Propos recueillis par Gilles Esposito.
    – Merci à Jonathan Lenaerts, Elise Dozo, Youssef Seniora et Thibault van de Werve.
    – Mad Movies #364

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    @Ashura

    Perso avec ma femme on a grave kiffé

    Humour noir très sympa, très bons acteurs et ça part méchamment en live. J’ai adoré.

    Je la mets dans petite liste de pépites Netflix car faut se méfier mais il y en a

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    Résolu
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    ca a l’air SYMPA, je valide

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    Plus que toute autre mégapole américaine, New York est une véritable ville-monde, un agrégat mouvant et insaisissable de multiples cultures et évolutions sociétales dont le cinéma de genre a su se faire le témoin privilégié. Pour bien préparer la délocalisation de la franchise Scream dans les rues de la ville qui ne dort jamais, rien de tel qu’une petite visite guidée dans ses œuvres miroirs les plus emblématiques, en compagnie de New-Yorkais de souche ou de cœur.

    Dans la deuxième moitié du roman La Promesse des ténèbres de Maxime Chattam, les personnages descendent à de multiples reprises dans les profondeurs souterraines de la ville de New York à la rencontre des « mole people », les habitants clandestins d’une authentique ville sous la ville – les amateurs de bisseries estampillées eighties peuvent se hasarder à jeter un œil au foutraque C.H.U.D. (acronyme de « Cannibalistic Humanoid. Underground Dwellers ») de Douglas Cheek.

    Fidèle à son modus operandi, Chattam a poussé l’investigation aussi loin que possible pour nourrir son récit. « Un fixeur m’a embarqué avec lui. Je ne suis pas descendu aussi loin que mon personnage, mais c’était hallucinant, ne serait-ce que d’avoir rencontré les mole people. » Si l’écrivain ne redoute pas de sonder les abysses de la ville, il trouve tout autant son bonheur et son inspiration à la surface.

    « La dernière fois que je suis retourné à New York, c’était à la frontière de Brooklyn et du Queens, dans un tout petit coin perdu qui donnait parfois l’impression d’être au fin fond de l’Amérique rurale. Il y avait un mec avec son cheval, un dépôt de bus où on dit que la mafia planque des corps – je m’en suis servi dans le roman Un(e)secte… New York c’est tout : les espaces verts, les décharges à ciel ouvert, les friches industrielles incroyables. C’est une ville qui se construit et se reconstruit à une vitesse folle ; c’est une multiplicité de villes en une. Rien que dans Manhattan, il y a une disparité hallucinante. »

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    – Harry Belafonte dans Le Monde, la chair et le Diable de Ranald MacDougall.

    « Quelques années plus tôt, en allant dans Alphabet City sur l’avenue D, il y avait encore des junkies et des dealers sur le boulevard. On remontait quelques rues et on se retrouvait dans un endroit où le moindre appartement se vendait plusieurs millions de dollars. Il y a des villes comme Paris qui pompent votre énergie et d’autres qui vous portent. New York est l’une des dernières villes américaines de ce genre, elle bouillonne, elle se nourrit des différentes cultures et immigrations qui la composent. Quand on vous donne une bonne adresse, si elle date d‘il y a trois ans, elle est presque certainement obsolète. Certains quartiers résistent encore, comme celui qu’on voit dans Little Odessa de James Gray, mais le New York de French Connection ou American Gangstern’existe plus. »

    De fait, peu de villes peuvent se targuer de nourrir autant d’imaginaires à la fois. La simple vision du pont de Brooklyn convoque à elle seule soixante ans d’Histoire du cinéma. Lorsque la caméra de Steven Spielberg fige le mouvement du plan final de Munich (2005) sur une vue des tours jumelles du World Trade Center, le choc de les redécouvrir sur grand écran quatre ans après leur destruction fait office d’épilogue et de complément éloquent au dialogue qui a précédé.

    Des films comme Le Monde, la chair et le Diable de Ranald MacDougall (1959) ou Je suis une légende de Francis Lawrence (2007) surmontent l’horreur de leur postulat en fantasmant une New York vidée de ses habitants, comme un parc d’attractions à ciel ouvert.

    LES PRINCES DE LA VILLE

    Quand il s’agit de désigner la voix la plus représentative de New York, les mêmes noms reviennent invariablement : Martin Scorsese, Spike Lee et Abel Ferrara. Des metteurs en scène profondément liés à la ville, qui en ont arpenté les pavés et filmé les rues tant en configuration commando que dans la légalité et le confort de tournages dans les règles de l’art.

    Ils ont de fait installé dans l’imaginaire collectif des images d’Épinal parmi les plus marquantes de la ville. La canicule de Brooklyn dans Do the Right Thing, les rues ravagées de Taxi Driver ou After Hours, la photographie chaude et bleutée de Bojan Bazelli pour China Girl ou King of New York font désormais partie de l’ADN de la cité, avec comme marqueur temporel commun l’excitation de la période.

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    – Melanie Griffith dans New York, 2 heures du matin d’Abel Ferrara.

    Entre la fin des années 1970 et celle des années 1980, ces trois cinéastes signent leurs films les plus emblématiques, ceux qui vont définir leur identité artistique et auxquels le public n’aura de cesse de les ramener. Scorsese tombera en désamour de sa ville lors des tournages cauchemardesques d’À tombeau ouvert et Gangs of New York.

    Ferrara filmera l’assainissement idéologique de la mégapole (New York, 2 heures du matin) avant d’en faire le théâtre de l’apocalypse (4h44 dernier jour sur Terre) et d’y déployer sa vision pour le moins controversée de la décadence des élites dans un titre à l’ironie cinglante (Welcome to New York), avant de s’exiler en Italie.

    Quant à Spike Lee, il signe son film new-yorkais définitif avec La 25e heure (2002, aussi connu sous le titre 24 heures avant la nuit) et son fameux monologue central d’Edward Norton, bouillonnant de colère, de racisme et de ressentiment face caméra. Une mise à jour cinglante du flux de pensée du Travis Bickle de Taxi Driver écrite par David Benioff (le futur cocréateur de Game of Thrones) en pleine gueule de bois post-11-septembre 2001.

    Moins spectaculaire que ces trois génies tapageurs, Sidney Lumet a filmé New York pendant plus d’un demi-siècle, de 12 hommes en colère (1957) au non moins fabuleux 7h58 ce samedi-là (2007). Dans les mineurs Les Feux du théâtre (1958) et Une espèce de garce (1959), il épouse le point de vue de ses jeunes personnages féminins et cède à une certaine fascination de carte postale, mais commence déjà à révéler les zones d’ombre derrière les folles promesses.

    Le pas tout à fait réussi Vu du pont (1962) s’aventure au-delà du strass et décrit le quotidien de dockers italiens à Brooklyn. Le mélange d’acteurs américains, français et italiens colle a priori parfaitement à l’ambition du projet, mais l’alchimie ne prend pas.

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    – Al Pacino dans Cruising de William Friedkin.

    C’est avec le phénoménal Le Prêteur sur gages (1964) que Sidney Lumet trouve le ton juste. Rod Steiger y campe un survivant de la Shoah émigré aux États-Unis où il exerce le métier qui donne son titre au film. Il voit défiler les clients dans le besoin, côtoie la misère avec un détachement émotionnel total, jusqu’à ce que des souvenirs des camps de concentration viennent le hanter de plus en plus régulièrement. Lumet capte un moment clé d’une ville en pleine débâcle industrielle, où les différentes communautés tendent à se replier sur elles-mêmes tout en continuant à coexister.

    La caméra s’attarde plus volontiers que dans ses précédentes productions sur les extérieurs, dans les rues de Harlem. La mise en scène et le montage sortent enfin de la réserve des films précédents, Lumet multiplie les cadres audacieux, l’intrusion des flashes-back violente la narration, la photographie joue superbement des contrastes.

    Dans la décennie suivante, le cinéaste enfonce le clou avec le visionnaire Un après-midi de chien (1975) et son immense diptyque sur la corruption des corps constitués, Serpico (1973) et Le Prince de New York (1981).
    Il y met en scène des personnages faillibles mais intègres, avalés tout cru par le pourrissement tentaculaire et endémique de leur environnement.

    LES RATS DE MANHATTAN

    À cette période cruciale, Sidney Lumet fait d’Al Pacino le visage de la ville, à la fois flic et voyou, taiseux et fort en gueule, italien et américain. William Friedkin s’empare de l’acteur et pousse les thématiques de la dualité et de la transformation dans des extrêmes rarement atteints avec Cruising (1980), l’immersion d’un policier undercover dans le milieu gay SM new-yorkais où sévit un tueur en série.

    Pacino relève le défi en prenant le parti de l’improvisation et s’abandonne dans une performance destinée à devenir iconique à rebours, une fois le parfum de scandale évaporé. Son personnage ne peut rester longtemps à l’écart sans attirer l’attention, il doit prendre part aux agapes en sous-sol, ne pas trop laisser traîner son regard, se mettre la tête à l’envers, danser comme un possédé. Comme tout flic undercover de cinéma, il se perd. Est-il hétéro, gay, flic, tueur ?

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    – Joe Spinell dans Maniac de William Lustig.

    Friedkin joue avec les pertes de repères comme un artificier fou avec des bocaux de nitroglycérine. Chaque coin de rue est un coupe-gorge, chaque clubber est un suspect, chaque flic est un ripou, en particulier cette incroyable trogne de Joe Spinell, le Maniac de William Lustig sorti la même année. Autre film de tueur en série, autre embardée dans les rues de New York, la nuit, où tout un chacun peut se faire trucider sans aucune raison.

    Dès la fin des années 1960, la ville souffre d’un processus de désindustrialisation massif. Le chômage explose, les quartiers se vident, les tensions sociales valsent avec les revendications des droits civiques. Au milieu des années 1970, New York frôle la banqueroute. Le président Gérald Ford en personne intervient pour injecter des liquidités et maintenir ne serait-ce qu’un semblant de service minimum. La ville accepte d’ouvrir ses portes à des investisseurs moyennement fiables pour gérer son parc immobilier, parmi lesquels un certain Donald Trump.

    Durant cette période de crise, la criminalité explose et le cinéma de genre s’en fait le témoin. Les films de Lustig vont même plus loin et accusent sans ambages, de Vigilante à la trilogie Maniac Cop, les autorités judiciaires et policières de laxisme et de corruption dans des films défouloirs.

    Le compère scénariste de Lustig sur la trilogie du flic défiguré, Larry Cohen, lâche d’abord sur la ville une épidémie d’assassinats de masse dans Meurtres sous contrôle (1976) puis un dieu serpent aztèque dans Épouvante sur New York (1982). Les films de Frank Henenlotter, Frère de sang, Elmer le remue-méninges et Frankenhooker évoquent quant à eux la came et la prostitution dans les mêmes décors urbains crades, poisseux, à la limite du décor post-apocalyptique.

    En 1982, Lucio Fulci vient tourner son fou furieux L’Éventreur de New York, avec son tueur à la voix de canard, ses femmes sexuellement actives toujours à deux doigts de se faire agresser, ses forces de police soucieuses de ne pas faire de vagues. John Carpenter fait de Manhattan la zone de non-droit ultime dans New York 1997 (1981).

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    – Patty Mullen dans Frankenhooker de Frank Henenlotter.

    Larry Fessenden, taulier du studio indépendant new-yorkais Glass Eye Pix, est un pur enfant de cette époque. Né en 1963 au New York Hospital, il traîne ses guêtres au club mythique CBGB, fréquente dès son plus jeune âge les cinémas de la 42e rue immortalisés par Taxi Driver. « Ils passaient surtout des pornos et des films d’horreur. Je me rappelle d’une séance d’Amityville à la fin des années 1970 : au beau milieu du film, quelqu’un s’est levé et a crié “Des rats !” Une petite colonie de rongeurs remontait l’allée, il fallait lever les jambes… »

    « À l’époque, c’était le lieu clé pour la prostitution et les peep-shows, en plein cœur de la ville. Puis Disney a commencé à racheter tout l’immobilier dans les années 1990, et maintenant il s’y joue des comédies musicales comme Le Roi Lion, il n’y a plus que des panneaux publicitaires géants, des touristes avec leur téléphone portable. J’ai assisté à la gentrification de New York. J’ai grandi près d’un parc où vivaient des sans-abris. En 1988, la police a débarqué et les a tous passés à tabac, il y a eu des manifestations, des émeutes. Et dix ans plus tard, au même endroit, je poussais mon fils sur une balançoire. »

    LES LOUPS DE WALL STREET

    Les débuts de Larry Fessenden derrière la caméra sont eux aussi étroitement liés à la ville. « J’étais caméraman et monteur. J’ai toujours voulu être cinéaste mais au début des années 1980, ce n’était pas évident de trouver la meilleure façon de percer. J’ai commencé à travailler avec des artistes et des performers, j’allais dans des clubs et je les filmais. Je garde beaucoup d’affection pour la culture artistique new-yorkaise. Bien avant que la sexualité ne soit un sujet de fétichisation, il y avait de la nudité, de la folie et de la vie dans le champ de la performance, avec des travestis, des drag queens. »

    « L’un de mes premiers films est consacré à une gogo danseuse qui voyait son métier comme une forme d’empouvoirement pour les femmes. Puis j’ai fini par réaliser Habit, une histoire de vampire dans les rues de New York dans un style réaliste à la Cassavetes. La ville est le territoire idéal pour ce genre de mise en scène, j’adore tourner dans les rues, les couleurs, les éclairages… Le seul souci, c’est qu’Abel Ferrara a sorti The Addiction à peu près au même moment. On a eu la même intuition, la même vision de New York comme ville idéale pour des vampires cherchant à passer inaperçus ! »

    En dehors de cette idée de départ, Habit ne partage en réalité que peu de points communs avec le film de Ferrara. Larry Fessenden y traîne son irrésistible dégaine d’artiste déphasé d’appartements insalubres en rues louches, de parcs municipaux inquiétants en soirées arrosées. Il s’en dégage une énergie addictive, atout caractéristique des metteurs en scène new-yorkais les plus inspirés.

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    – L’Éventreur de New York ou la décadence new-yorkaise selon Lucio Fulci.

    Pendant un peu moins de deux heures, le spectateur a l’impression d’être sur place, de faire partie des meubles, de saisir l’ambiance à peine arrivé dans un nouveau décor. Surtout, Habit capture la ville juste avant une mutation de taille. L’ère reaganienne et la vitalité boursière de Wall Street ont attiré une nouvelle population plus aisée faite de cadres branchés, de noctambules et de flambeurs, castes que les sociologues ont regroupées sous l’appellation « yuppies », contraction de « young urban professional ».

    Cet animal mutant des années 1980 n’a jamais été mieux représenté que dans Embrasse-moi, vampire de Robert Bierman (1989) sous les traits d’un Nicolas Cage en feu. L’acteur incarne Peter Loew, un agent littéraire infect, féru de clubs à la mode, de cocaïne et de coups d’un soir. C’est à la suite d’une telle soirée qu’il commence à entretenir l’obsession absurde d’avoir été mordu par une vampire. Il se prépare à son inévitable transformation sans que rien ne lui donne raison en dehors de sa propre lubie.

    À la fin de cette capsule temporelle que Bret Easton Ellis a sans doute vue plusieurs fois avant de commencer à écrire American Psycho, Nicolas Cage erre dans des rues couvertes de tags, hagard et taché de sang, parlant tout seul et souriant comme un dément. La scène a été filmée à distance, quasiment en caméra cachée ; les passants le dévisagent d’un air inquiet ou en riant…

    Après le temps des yuppies vint l’ère Rudy Giuliani, du nom de cet avocat arrivé à la mairie de New York en 1994. Son programme électoral reposait sur une seule image, claire et nette : le bon vieux coup de balai. Son administration mène l’offensive tambour battant contre les délits mineurs dans le but d’envoyer un message de tolérance zéro. Les résultats sont là, la criminalité est en baisse, Rudy boy est réélu, les beaux jours et la prospérité carnassière reviennent.

    En atteste la vulgarité remarquable de L’Associé du Diable de Taylor Hackford, où le Malin en personne, joué par Al fucking Pacino, se repaît tout autant du luxe des penthouses de Manhattan que de la crasse tenace des rues en contrebas. Deux ans plus tard, en 1999, le Diable revient à New York sous les traits de Gabriel Byrne dans La Fin des temps de Peter Hyams. La photographie, également signée Hyams, travaille essentiellement les nuances d’obscurité, comme si les ténèbres avaient décidé de tout avaler. Arrive alors le nouveau millénaire.

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    – Peter Loew (Nicolas Cage) en plein délire dans Embrasse-moi, vampire de Robert Bierman.

    LES ÉLITES CÔTIÈRES CONTRE LE PAYS PROFOND

    Larry Fessenden se souvient parfaitement du 11-Septembre. « J’étais dans la 4e rue avec ma femme, on entend parler de cette histoire d’avion dans le World Trade Center, on pensait qu’il s’agissait d’un planeur ou quelque chose comme ça. Mais tout de même, ça semblait bizarre. Elle est partie de son côté, elle m’a dit en rigolant : “À tout à l’heure j’espère !” Et là, des rumeurs commencent à circuler à propos d’un deuxième avion. J’ai entendu quelqu’un hurler, j’ai regardé en direction du World Trade Center, il n’y avait plus qu’une seule tour. Tu veux que je te cite un autre grand film sur New York ? Cloverfield. Ça ressemblait vraiment à ça, cette ambiance de fête interrompue : on emprunte tous les trajets qu’on peut, on passe par le centre-ville pour finir à Central Park ; on ressent vraiment la ville. »

    Hollywood est pris d’effroi. Les images des Twin Towers sont retirées du Spider-Man de Sam Raimi, de Zoolander, Les Aventures de Mister Deeds et même Stuart Little 2. La fin de Men in Black II est entièrement refilmée sur la Statue de la Liberté.

    Après une décennie particulièrement généreuse en films catastrophe, le 7e Art américain marche sur des œufs et les séries prennent le relai de la fiction rentre-dedans ou cathartique. Le temps que la situation se décante, New York devient un décor urbain interchangeable avec le tout venant des mégapoles américaines.

    Une poignée de films comme Inside Man de Spike Lee ou L’Attaque du métro 123 de Tony Scott rappellent encore, à l’occasion, les particularités sociales et géographiques de la cité, mais l’humeur n’y est plus. Larry Fessenden adore sa ville mais ne peut s’empêcher d’afficher une forme de défaitisme. « Toutes les crises, qu’il s’agisse du 11-Septembre, des attentats de 1993 ou plus récemment du Covid, ont participé à définir l’identité de la cité. Mais à chaque désastre, l’état d’esprit entrepreneurial entre en scène, nettoie ce qui dépasse et s’échine à rendre tout plus générique, plus attractif pour les touristes. »

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    – New York assiégée dans Cloverfield de Matt Reeves.

    Dans l’opinion publique américaine, New York acquiert peu à peu une image totalement opposée à celle des années 1970-1980 : celle de la quintessence de la gentrification, avec une population de bobos élitistes déconnectés du reste du pays.

    C’est justement sur cette vue de l’esprit que repose l’une des exceptions notables à cette sinistrose créative : Bushwick (2017) de Jonathan Milott et Cary Murnion. Dans des plans-séquences haletants, ce quartier de Brooklyn est pris d’assaut par des assaillants paramilitaires qui se révéleront être des Américains issus d’états souhaitant faire sécession. Leur but : prendre possession d’un bastion démocrate supposé « facile à envahir car multiculturel » et faire pression sur le gouvernement. Seulement voilà : New York ne compte pas se rendre sans combattre.

    « L’idée nous est venue quand Obama était président » explique Cary Murnion. « Beaucoup de voix racistes s’élevaient à travers le pays pour exprimer leur volonté de ne pas accepter Obama comme leur président et de fonder leur propre union. Nous voulions jouer sur les clichés liés au multiculturalisme, au fait d’avoir une législation plus stricte sur le port d’armes. Il nous semblait tout aussi important de montrer autre chose que la sempiternelle ligne d’horizon des immeubles de Manhattan. Si on sort des représentations traditionnelles, on peut arriver à surprendre. »

    NEW YORK SERA TOUJOURS NEW YORK

    Et le défi est relevé. Bushwick parvient à saisir par ses images de chaos urbain, à créer une tension de tous les instants, à susciter un semblant d’euphorie avant de rappeler, non sans cruauté, l’impasse du fantasme de guerre civile auquel tant d‘individualités consacrent leurs rêves humides. Les communications téléphoniques sont brouillées, le seul contact avec le monde extérieur se fait par des transistors.

    Des acteurs investis (Brittany Snow et Dave Bautista) sont traqués par un commando, traversent des rues délabrées dans une urgence absolue : l’esprit des années 1970 n’est pas mort, il respire toujours dans cette mise à jour glaçante. « On n’a pas utilisé un seul fond vert » poursuit Cary Murnion. « Tout a été tourné sur place, dans les vraies ruelles de Brooklyn, avec les habitants qui nous regardaient par leur fenêtre. On a tourné bloc par bloc. »

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    – Dave Bautista dans Bushwick de Jonathan Milott et Cary Murnion.

    Il a tout de même fallu recourir à la magie digitale en postproduction afin d’effacer des récalcitrants, comme l’explique Jonathan Milott. « Les New-Yorkais sont tellement habitués aux tournages qu’ils savent très bien que les équipes n’ont pas le droit de vous empêcher de passer. Elles peuvent vous demander de ne pas interrompre la prise, mais si vous êtes pressé, en retard pour le boulot, libre à vous de traverser et de ruiner le plan. La plupart du temps, les gens s’arrêtent, mais il peut arriver qu’en plein milieu d’une fusillade, un type en costard surgisse comme si de rien n’était. Et ça nous est arrivé sur le premier plan, dans le métro, une longue prise qui part du quai et remonte la station jusqu’aux marches extérieures. On arrive à la toute fin du plan, tout se passe à merveille et cette femme déboule et fout la prise en l’air. Voilà, c’est New York ! »

    Sorti un an après l’élection de Donald Trump, Bushwick (visible en France sur Netflix) a été accueilli comme une exagération dystopique. C’était avant la tentative d’invasion du Capitole le 6 janvier 2021, l’explosion des statistiques relatives au terrorisme domestique d’extrême droite et la déclaration de la politicienne trumpiste Marjorie Taylor Greene sur une éventuelle sécession. S’ils réalisaient le film aujourd’hui, les réalisateurs devraient sûrement « aller encore plus loin, et pourquoi pas, avoir une pluralité de points de vue comme dans À l’Ouest, rien de nouveau. »

    En ce qui concerne la ville en elle-même, Jonathan Milott partage le point de vue de Larry Fessenden. « Le processus de gentrification est arrivé à un point tel que les artistes ou les bas salaires ne peuvent plus vivre à New York. Et ça lui fait perdre de sa saveur. Toutes les villes américaines se ressemblent, aujourd’hui. On y trouve les mêmes restaurants, les mêmes cafés, les mêmes galeries d’art, les mêmes cinémas qui passent les mêmes films. »

    Il trouve néanmoins espoir dans les films des frères Safdie, Good Time et Uncut Gems. Cary Murnion abonde : « Ça va faire vingt ans qu’on se farcit des représentations élitistes de New York dans les films et les séries, alors que ce n’est pas un juste reflet de la réalité de la ville. J’attends le nouveau New York 1997 avec impatience. »

    – Par François Cau.
    – Propos recueillis par François Cau.
    – Merci à Evan Cavic, Maxime Chattam, Larry Fessenden, Clémence Gueudré, Jonathan Milott, Cary Murnion et Hannah Plotneck.*
    – Mad Movies #368

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    Et oui en effet, sans ses personnes bien connues des cinéphiles, le cinéma ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

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    @Violence hâte de le voir j('ai juste mater quelques passages vite fait

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    @Violence arrête de me le rappeler :bye_cry:

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    @Violence Merci de l’info, j’ai toujours pas vue 1 seul épisode je me là réserve pour cette été …:creve_chaud:

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    – Kim Hong-Sun lors du tournage de Project Wolf Hunting

    Kim Hong-Sun : Réalisateur & scénariste

    Si son film de possession Metamorphosis (2019)témoignait déjà de son envie de sortir du cadre du thriller où il avait fait ses armes, Projet Wolf Hunting propulse son réalisateur dans la sphère des auteurs sud-coréens transgressifs, pas nécessairement prophètes en leur pays, mais prisés des amateurs internationaux de sensations beaucoup trop fortes.

    Dans le cinéma sud-coréen, un pic avait été atteint dans la représentation de la violence avec J’ai rencontré le Diable de Kim Jee-woon. On peut se demander si Projet Wolf Hunting ne va pas encore plus loin…

    Pour le public coréen, J’ai rencontré le Diable a été un point de non-retour. C’était trop gore. L’horreur résonnait de façon émotionnelle et psychologique, l’histoire de vengeance était ancrée dans un sous texte social, avec en filigrane un regard sur la société coréenne. En ce qui concerne Projet Wolf Hunting, ce n’était pas mon intention. Je voulais plutôt qu’on le considère comme un film d’action réaliste, un genre que j’ai baptisé « neo-noir hyper reality ». L’histoire relève du fantasme et se concentre vraiment sur l’action, ce qui le distingue, je pense, du film de Kim Jee-woon.

    Vous avez déclaré en interview que la représentation de la violence, dans le cinéma sud-coréen, est presque taboue pour le public. C’est assez étonnant dans la mesure où il y a tout de même une violence sociale, psychologique et même politique dans beaucoup de films locaux qui tournent en festival et arrivent sur les écrans français. Diriez-vous que cette perception du cinéma coréen est fausse ou biaisée ?

    Dans le cinéma coréen, il y a une tendance à ne pas vouloir montrer la violence frontalement, c’est un élément acquis pour les producteurs, les réalisateurs, le public et la critique. Avant le Covid, on produisait en Corée du Sud environ 80 films par an, et pour la plupart, il s’agissait de comédies avec quelques films d’action. Le public voit majoritairement ces films-là. Les œuvres de Bong Joon-ho, Kim Jee-woon et Park Chan-wook sont une minorité, même si les publics étrangers voient essentiellement ces dernières. Qu’il s’agisse de cette violence que vous évoquez ou des scènes de sexe, il y a un vrai malaise de la part du public coréen quand il s’agit de les voir en salles. Mais pour ce qui relève du visionnage à la maison, les films diffusés sur les plateformes de streaming par exemple, il n’y a pas de problème ; ça marche mieux, en fait.

    Justement, Projet Wolf Hunting frappe par sa brutalité. À quel stade du projet avez-vous décidé d’aller dans de tels extrêmes ?

    C’était prévu dès les premières phases de développement. Même quand j’ai demandé des financements, le projet était présenté tel quel. C’était très détaillé dans le story-board, notamment. Néanmoins, je ne considère pas Projet Wolf Hunting comme un film gore, il n’y a pas d’intestins qui se déversent partout ; à côté d’un film comme Terrifier 2, c’est même timide ! (rires) Je ne vois pas tant de films d’horreur que ça. Je suis parti d’un point de vue réaliste pour montrer les morts à l’écran. Il y avait sur le plateau un médecin qui nous a conseillés, par exemple sur la quantité de sang qui gicle quand l’artère est touchée. Mais en voyant la réaction de certains spectateurs et certaines spectatrices en Corée, je me suis demandé a posteriori si je n’aurais pas dû réduire la violence de certaines scènes, en me concentrant sur la narration, ou encore faire une version coréenne et une version internationale. Je ne visais pas le choc à tout prix.

    Cet aspect est d’autant plus marquant que le film passe sans cesse d’une violence cartoon à de l’horreur pure. Comment arrive-t-on à garder la tête froide, à maintenir le bon équilibre, en étant submergé par autant de sang, de maquillages et d’effets spéciaux

    L’expérience a été satisfaisante d’un bout à l’autre, de l’écriture à la postproduction en passant évidemment par le tournage, qui a été particulièrement joyeux. La violence était là, mais il y avait du coup une curiosité de la part des stars du film, qui n’avaient pas connu ce genre d’expérience en vingt ou parfois trente ans de carrière. Des membres de l’équipe ont pu parfois avoir des vertiges, mais il y avait toujours sur le plateau du personnel médical, des infirmiers et des psychologues. En cas de problème, ils étaient là, mais il n’y a rien eu de vraiment sérieux. Tout le monde est resté jusqu’au bout du tournage, on a même fêté le réveillon tous ensemble, il y a quelques jours!


    – Do-il (Jang Dong-yoon), un énigmatique prisonnier au lourd passé

    Quel a été l’aspect le plus complexe du processus créatif ? Le sound design du film - notamment les bruitages -est particulièrement réussi…

    Le plus compliqué à gérer a surtout été le manque d’argent, en particulier pour ce qui concerne les costumes et le maquillage. C’étaient les postes les plus exigeants. D’une prise à l’autre, il fallait tout nettoyer, il y avait toujours de l’eau chaude prête à l’usage. Il fallait nettoyer les vêtements, les sécher le plus vite possible. Maïs il restait toujours du sang et au bout d’un moment, on a fabriqué notre propre faux sang avec du sirop et du colorant pour simplifier ces étapes. C’était fatigant, mais on s’en est sortis. (rires) En ce qui concerne le montage sonore, dans le cinéma coréen, on passe en général deux semaines sur cette étape, j’ai pris trois mois, en parallèle de la postproduction des effets et du montage global. Je suis donc très content que vous ayez remarqué cet aspect ! C’est aussi pour ça, je pense, qu’il faut plutôt voir le film en salle.

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    Spoiler

    [SPOILERS] Il y a une figure qui revient dans beaucoup de films sud-coréens, c’est celle de l’homme poussé à bout. Projet Wolf Hunting est truffé de tels personnages, mais diriez-vous que le personnage d’Alpha, cette machine à tuer, en est l’aboutissement terminal ?

    Ce que vous décrivez concerne plutôt le personnage de Do Il, joué par Jang Dong-Yoon, qui veut assouvir sa propre vengeance et subit tous les effets de cette violence jusqu’à la fin. Dans le film, on voit beaucoup de prisonniers qui ont commis des crimes atroces, et qui perpétuent ce comportement extrême dans leurs actions et même leur façon de parler. Alpha sert d’intermédiaire entre ce présent et un passé qui n’est pas encore résolu, c’est comme si la tristesse de nos ancêtres s’exprimait par son biais quand il tue des gens contre sa volonté. J’ai coupé une scène vers la fin, à la mort d’Alpha, où on le voyait pleurer. C’était cohérent avec cet aspect, mais ça ne collait pas avec le reste du film. Cependant, et malgré ce qu’on pourrait penser au fil de la narration, je considère qu’Alpha est le personnage principal du film.

    La troisième partie du récit se développe sur fond d’exactions commises par l’armée japonaise en temps de guerre. Le film, à ce moment-là, se pose au croisement du cartoon, de l’horreur et d’une certaine colère. Y a-t-il un besoin de catharsis sur ce sujet, à l’image de certains films indiens ou hongkongais à propos des colons anglais ?

    Ce passif de colonisation avant la Seconde Guerre mondiale est un fait, et véhicule une grande tristesse. Il ne faut pas oublier ce passé, mais à mon avis, on n’a pas besoin non plus de l’énoncer en permanence. Le Japon d’alors et celui d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes, il n’y a pas lieu d’être hostile. Quand ontraite de cet aspect dans le cinéma coréen commercial, il y a souvent une mise en avant de cet élément, que je n’ai pas souhaitée sur Projet Wolf Hunting. Pendant la préparation du film, j’ai appris l’existence d’expériences effectuées par l’armée japonaise, en Chine et aux Philippines, et j’ai imaginé ce qui pourrait se passer si l’un des cobayes avait survécu, en lien avec les actions d’une entreprise pharmaceutique. Pour revenir à votre question, je n’ai pas envisagé ça d’un point de vue politique. La scène où Alpha tue les militaires japonais est ma façon de renvoyer dos à dos toutes les violences, qu’elles soient verbales, contre les femmes, les minorités. [FIN DES SPOILERS]

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    – Alpha (Choi Gwi-hwa), impitoyable machine à tuer qui ne fera aucune distinction entre flics et voyous…

    Vous avez déjà évoqué le sujet, mais il semble difficile de ne pas rapprocher Projet Wolf Hunting d’une nouvelle vague de films gore, produits un peu partout dans le monde, avec un ton agressif.

    Au départ, j’avais vraiment en tête un film purement commercial dans l’esprit des Ailes de l’enfer, où on aurait remplacé l’avion par un cargo. Dans la première version du scénario, la ressemblance était trop flagrante, j’ai dû ajouter cette histoire d’expérience. Et il a fallu adapter le ton, être plus sérieux, parler du passé et de dignité humaine. Comme je vous le disais, je ne considère pas le film comme gore. Aujourd’hui, on a accès à plus de contenu violent via les plateformes, que ce soit dans des films ou des séries. Dans ce contexte-là, comment faire revenir le public en salles ? Mon idée était de lui proposer une violence plus réaliste. Je pense que la réalité est plus violente que la fiction. Mais a priori, je suis allé trop loin pour le public coréen, il va me falloir revenir à des représentations plus artificielles.

    Comment l’industrie cinématographique sud-coréenne a-t-elle vécu la crise sanitaire ?

    Le cinéma coréen rencontre beaucoup de difficultés aujourd’hui. On dénombre plus d’une centaine de films tournés il y a trois ans et qui n’ont pas encore pu sortir en salles. J’ai fait Projet Wolf Hunting en 2021, pendant la crise du Covid, et seulement trois films ont pu être réalisés pendant cette période. L’exploitation n’a pas encore retrouvé la dynamique d’avant, il n’y a qu’une poignée de films comme Avatar 2 qui bénéficient d’une vraie impulsion. En revanche, les séries marchent très bien, donc les acteurs et techniciens se sont reconvertis en masse dans ce secteur. Mais je pense que tôt ou tard, l’industrie cinématographique va se reprendre.

    Au-delà des réactions les plus épidermiques, comment Projet Wolf Hunting a-t-il été accueilli par le public et la critique en Corée ?

    Du côté de la presse, à part une minorité qui n’a pas pu supporter la violence, l’accueil a plutôt été très bon. Pour ce qui est du public… (rires) Les amateurs de cinéma de genre ont vraiment apprécié, mais les spectateurs d’œuvres coréennes plus commerciales n’ont pas été aussi enthousiastes, tant s’en faut. Ça ne correspondait pas à leurs attentes. J’ai tenté d’aller à l’encontre des clichés du film d’action coréen, de ne pas livrer les scènes types de ce genre de divertissement, et ça n’a pas plu. Il y a eu une reconnaissance des qualités techniques et de ia direction d’acteurs, et autant d’interrogations sur ma santé mentale. (rires)

    N’est-ce pas le moment idéal pour réaliser votre rêve de tourner une comédie romantique ?

    (rires) Peut-être que je développerai un projet de comédie romantique en série, mais pour ce qui est du cinéma, je vais rester sur le champ de l’action. Je fais partie de la jeune génération de réalisateurs, j’apprends toujours. Je pense que sur le prochain film, je vais procéder comme je vous l’annonçais et concevoir deux versions, une pour le public coréen, une pour l’international.

    – Propos recueillis par François Cau.
    – Merci à Aude Dobuzinskis, Victor Lamoussière & Hahn Sejeong
    – Mad Movies #368

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    Propulsé au rang de nouveau wonder boy de la fiction télé US par le succès public et critique de Chernobyl, Craig Mazin est aujourd’hui aux manettes de l’adaptation d’un des plus grands chefs-d’œuvre vidéoludiques de ces dernières années, aux côtés du créateur du jeu lui-même, Neil Druckmann. Une expérience dont il parle avec un enthousiasme très communicatif.

    Quelle a été votre réaction lorsque vous avez terminé pour la première fois le jeu The Last of Us ? Avez-vous eu des considérations distinctes en tant que gamer et en tant qu’auteur de fiction professionnel ?

    En tant que joueur, je me rappelle avoir été très fortement marqué par le déroulement du jeu en général. J’ai été submergé par des sentiments très forts, et ce dès l’incroyable scène d’ouverture. Et puis j’ai terminé le jeu. Et là, je suis resté assis, un peu hagard, en me disant : « What the fuck ? Mais comment ont-ils fait ça ? ». Ce que Naughty Dog et Neil Druckmann ont accompli avec The Last of Us est d’une bravoure incroyable, que ce soit dans les choix créatifs ou narratifs. Les gens ont un peu tendance à oublier qu’à l’époque, faire de l’héroïne de votre jeu une gamine de 13/14 ans, ce n’était vraiment pas commun. Et finir l’histoire sur cette simple ligne de dialogue, wow, c’était du jamais vu !

    Et en plus, cette audace se doublait d’une exécution artistique incroyable. J’étais juste béat d’admiration. Et bien sûr, dans un petit coin de ma tête, je me suis tout de suite dit : « J’adorerais adapter ça en fiction live, mais bon, ne rêve pas, ça n’arrivera jamais. ». Et pendant longtemps, en effet, ça n’est pas arrivé ! (rires) Mais au bout d’un moment, Neil a abandonné cette idée folle qu’il avait d’adapter le jeu sous la forme d’un film de cinéma. Et un jour, on a eu la chance de pouvoir s’asseoir à la même table et de discuter de la possibilité d’en faire une série télé.

    Comment s’est déroulée cette première rencontre avec Neil Druckmann ?

    Nous nous sommes rencontrés lors d’une sorte de « blind date » organisée par une amie commune, Shannon Woodward, qui incarne Dina dans The Last of Us: Part II. Je savais que Neil et Naughty Dog avaient récupéré les droits d’adaptation du jeu. Je savais aussi que Neil état très fan de Chernobyl. Je suis donc allé le voir dans les locaux de Naughty Dog – j’ai d’ailleurs pu admirer le mur où sont affichées toutes les récompenses qu’ils ont reçues ! J’ai rencontré des gens de l’équipe et vu qu’à l’époque, ils travaillaient sur le deuxième jeu, Neil m’a montré un aperçu de ce dernier ! Je trépignais littéralement.

    Puis on est allés manger un bout et on a très vite discuté de la façon dont on pourrait adapter The Last of Us en série. Nos échanges ont tout de suite été très naturels. À la fin de ce déjeuner – et même si nous n’en étions qu’au stade préliminaire de notre réflexion –, je pense que nous avons tous les deux senti qu’une vraie confiance s’était installée. Et je crois qu’à peine une semaine plus tard, nous sommes allés dans les bureaux de HBO pour leur dire : « Voilà, c’est la série que nous voudrions faire. Qu’en pensez-vous ? ». Ils ont répondu : « Ça a l’air très bien ! ». Et depuis, nous n’avons cessé de travailler en tandem.

    Neil et vous avez clairement choisi de vous concentrer sur les personnages et la narration en laissant de côté certains des passages d’action les plus frappants du jeu. Vous risquez même de frustrer les fans, par exemple avec le dernier plan du pilote qui évoque clairement la scène des buildings détruits… que vous ne montrez finalement pas. C’était une façon d’indiquer les priorités de votre travail d’adaptation ?

    Nous n’avions pas vraiment l’intention d’indiquer des intentions d’adaptation précises. Notre réflexion était très simple : ne garder que les éléments qui, selon nous, allaient plaire au public. Les scènes d’action du jeu sont par nature des séquences de gameplay, et bien sûr, elles sont pour beaucoup dans le plaisir que le joueur prend à vivre cette aventure. Mais la télévision est un medium passif et nous abordons ce récit uniquement du point de vue d’une narration télévisuelle. C’est une chose que nous avons toujours eue en tête. Le gameplay d’un jeu est en grande partie basé sur la répétition d’actions afin de s’améliorer et de maîtriser les mécanismes ludiques. Dans le jeu The Last of Us, on prend un pied pas possible à s’accroupir, ramper, trouver le moyen le plus furtif et efficace de tuer les ennemis.

    C’est super fun. Mais en tant que spectateur d’une série, on n’a pas envie de voir ce genre de choses non-stop. Nous avons donc décidé de nous concentrer sur les personnages, leurs relations, et la ligne narrative globale. Toutefois, quand nous montrons de l’action, nous tenons à ce que l’impact sur le spectateur soit décisif et que ces séquences racontent toujours quelque chose sur les personnages. Déjà dans le jeu, les épreuves que les héros traversent changent leur personnalité, leur perspective sur les choses. Il était important de conserver cette approche dans notre narration.

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    – Neil Druckmann, créateur du jeu, en pleine discussions avec un Clicker durant le tournage de la scène du musée du deuxième épisode.

    Comment s’est déroulé le travail de structuration de la saison ? Était-il intimidant de vous emparer d’un tel monument ludique et de faire des choix parfois radicaux ?

    Oh oui, très intimidant. Toutefois, la structure du jeu, qui est découpé en chapitres, nous a beaucoup facilité les choses. Nous avons en revanche énormément réfléchi à la conclusion de chacun des épisodes car, bien sûr, nous avons envie que les spectateurs reviennent la semaine suivante. J’étais du coup assez content de voir qu’après la diffusion du pilote, beaucoup de gens étaient énervés à l’idée de devoir patienter une semaine pour voir la suite. (rires) Personnellement, j’adore ce sentiment d’arriver à la fin d’un épisode et de me dire : « Oh non, je vais devoir attendre ! ».

    Mais durant tout le processus d’écriture, la seule chose qui m’intimidait vraiment, c’était de devoir montrer mon travail à Neil. Surtout lorsque je commençais ma phrase par : « Écoute, là, j’ai envie de faire un truc assez assez différent… ». En particulier, j’ai pas mal flippé lorsque je lui ai exposé ce que je voulais faire dans l’épisode 3. Là où j’ai eu de la chance, c’est que la plupart du temps, il était partant. Sa philosophie, c’était que si on devait apporter un changement important, il fallait que cela vaille le coup, que ça améliore vraiment l’histoire.

    Justement, les différences narratives entre le jeu et la série ont-elles essentiellement été dictées par des nécessités liées à la structure d’une fiction télévisuelle ?

    Oui, certaines différences résultent clairement du passage d’un medium à l’autre. J’ai tendance à penser que le processus d’adaptation est un art trop peu reconnu. Mais l’un dans l’autre, je pense que la plupart de ces modifications sont venues d’une envie de concrétiser des choses que Neil n’avait pas pu faire dans le jeu. Dans ce dernier, vous êtes obligé de voir l’histoire à travers les yeux de Joel, puis d’Ellie à certains moments – ce qui, à l’époque, était déjà une idée assez radicale. Votre perspective était liée à l’avatar que vous dirigiez avec votre manette. Joel ou Ellie devaient toujours être présents, même dans les cut scenes. Nous n’avions pas cette obligation et cela nous a ouvert de nouveaux horizons.

    Nous avons dû réfléchir aux opportunités que cette liberté nous offrait. Nous avons globalement suivi notre cœur et je pense que la plupart des changements que vous avez pu constater dans la série découlent de ce processus.

    À ce titre, l’épisode 3 est clairement l’ajout narratif le plus considérable par rapport au jeu. L’histoire de Bill et Frank permet de raconter cet univers post-apocalyptique selon un autre point de vue, très doux et intimiste. C’est un peu le Left Behind (1) de la série… Qui a eu cette idée ?

    C’est un ajout que j’ai tenu à faire. Je me souviens que lorsque j’ai joué au jeu pour la première fois, j’ai été très intrigué par le personnage de Bill. Quand il parle du partenaire qu’il a perdu, on pense plutôt à une sorte d’associé. Et plus tard, on comprend que ce n’était pas de cette façon qu’il fallait interpréter le mot « partenaire ». Le destin que Neil avait imaginé pour Bill et Frank était vraiment tragique et fonctionnait comme un avertissement lancé à Joel : si ce dernier n’arrivait pas à laisser quelqu’un entrer dans sa vie, il risquait de finir comme Bill, un homme qui s’est non seulement isolé du monde, mais aussi de la seule personne qui l’aimait.

    Quand je me suis mis à réfléchir à cet épisode 3, je me suis vite posé une question assez simple : que peut-il se passer quand on a réussi à se créer un environnement sécurisé dans un monde dangereux ? Bill est tranquille : il a sécurisé tous les accès de la petite ville où il vit en solitaire, il s’est assuré une existence confortable… Qu’est-ce qui allait bien pouvoir le mettre en danger ? À ce moment de la série, on sort de deux épisodes assez intenses en matière de drame, d’action et de tension. Je me suis dit que le spectateur méritait de respirer un peu. Et je n’avais pas vraiment envie de montrer Joel qui débarque et discute avec Bill de la façon dont il pourrait récupérer une voiture en état de marche…

    On avait une opportunité unique, celle de montrer une apocalypse à travers les yeux de quelqu’un qui a tout compris à la façon d’y survivre. Puis de le déstabiliser en introduisant un autre personnage afin de voir si cette relation pouvait survivre dans cet environnement. L’histoire de Bill et Frank fonctionne un peu comme une pierre de Rosette pour les autres relations que raconte la série. Elle met en scène une façon très différente d’aimer quelqu’un, basée sur la bienveillance, l’attention. Et non pas à travers une volonté farouche de protection qui peut déboucher sur le recours à la violence.

    Une fois ceci posé, l’épisode s’est écrit de lui-même. Et lorsqu’est venu le moment de l’envoyer à Neil, j’étais terrifié. Il m’a répondu : « À ce jour, c’est mon épisode préféré ! ». Ce qui montre à quel point il peut être généreux dans le processus créatif, surtout pour quelqu’un qui a imaginé le matériau de base. Dès lors, la création de cet épisode a été un pur bonheur, de l’excellent travail du réalisateur anglais Peter Hoar aux performances extraordinaires de Nick Offerman et Murray Bartlett.

    Je tiens toutefois à préciser que si on a surtout tendance à retenir de cet épisode l’histoire de Bill et Frank, il est aussi très important pour Joel et Ellie. C’est là qu’ils vont vraiment devenir le duo que tous les joueurs connaissent, et c’était quelque chose de très excitant pour moi. D’une certaine façon, ce troisième épisode signe la fin du premier acte de la saison et lance le deuxième acte dans la foulée.

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    – Bill (Nick Offerman), un survivant qui va voir sa routine bouleversée par une rencontre inattendue dans l’épisode 3…

    Parmi les nombreuses qualités de Chernobyl, la plus marquante était certainement le souci de réalisme maniaque de la série. Avez-vous abordé The Last of Us avec un souci similaire, ou comme une expérience totalement différente ?

    C’était assez similaire. Bien sûr, il y a clairement une différence entre respecter une réalité historique et respecter la nature d’un matériau dont vous vous inspirez. Mais d’une part, je tenais à ce que The Last of Us s’appuie sur une solide base scientifique, ce qui explique notamment la scène d’ouverture du pilote. Et d’autre part, je considère qu’il est toujours mieux d’ancrer un récit de science-fiction dans une réalité crédible parce que la douleur ressentie par les personnages paraît plus authentique.

    La violence a un impact différent. Je ne sais pas si vous avez déjà donné un coup de poing à quelqu’un – moi non en tout cas –, mais de ce que j’en sais, ça fait un putain de mal de chien. Se prendre un coup de poing est douloureux, mais en donner un l’est tout autant ! Pour vous en convaincre, il vous suffit de frapper une grosse pierre, la résistance est assez similaire à celle d’un crâne humain. Et quand on donne un coup de poing à quelqu’un, on a de fortes de chances de se casser la main. Ou au moins d’avoir de sérieuses blessures.

    La plupart du temps dans les fictions, les personnages passent leur temps à filer des pains et le lendemain, tout va bien ! Nous, nous aimons quand les blessures durent, quand elles sont visibles. Nous voulions sentir l’âge du corps de Joel, Et plus largement, on voulait parler de choses que personne n’aborde dans les récits post-apocalyptiques. Les menstruations, par exemple. La moitié de la population de la planète est concernée par ce phénomène, alors que faire lorsque l’apocalypse débarque ? On avait vraiment envie de montrer de la manière la plus exacte possible ce que serait la vie quotidienne dans un tel environnement. Cela donne, je pense, encore plus de poids aux événements les plus flippants ou tristes de la série.

    Comment Neil Druckmann a-t-il vécu le processus du tournage, notamment lors du deuxième épisode qu’il a lui-même mis en scène ? Revisiter l’histoire des jeux dont il a supervisé la création, voir les acteurs dans leur costume, arpenter les décors… L’expérience est forcément différente des séances de performance capture.

    L’une des choses que j’ai adorées durant la fabrication de la série, c’était montrer à Neil les décors, les accessoires… Je me rappellerai toujours du moment où je lui ai fait découvrir l’un de nos Clickers (2), avec l’acteur maquillé et habillé : il en a pleuré. Cela fait tellement longtemps qu’il vit avec cet univers en lui que le voir se concrétiser sous ses yeux lui a causé de vives émotions. Il a été extrêmement touché par l’amour et la dévotion de toute l’équipe envers le matériau de base, et j’étais du coup très ému de le voir ému.

    Sa vision de la mise en scène était très intéressante. Durant les séances de performance capture, vous êtes dans un environnement neutre et les comédiens sont recouverts de costumes spéciaux pour enregistrer leurs mouvements. Et une fois que vous avez obtenu ce que vous vouliez, vous utilisez le moteur du jeu pour sélectionner vos angles de caméra, vos éclairages, etc. Vous avez un contrôle total. Mais même s’il avait la possibilité de choisir les angles de vue les plus extravagants, il a préféré adopter un style réaliste en respectant la topographie des lieux virtuels, en utilisant un style très caméra à l’épaule.

    En revanche, il n’avait pas à subir la préparation qu’exige un tournage live, où il faut arriver avec tous les angles en tête pour que le tournage puisse se faire dans le temps imparti. Là, vous ne pouvez pas vous planter parce que le lendemain, vous devrez shooter tout autre chose.

    C’est très excitant parce qu’il faut constamment réfléchir pour être sûr qu’on a tout ce qu’il faut, qu’on n’a rien oublié. Tout le monde vous presse pour avancer, pour préparer le plan suivant, mais il ne faut jamais oublier que quelques jours ou semaines plus tard, vous allez vous retrouver dans une salle de montage, ce qui ne sera pas le cas de ces personnes qui vous demandent de vous magner ! Alors on essaye d’engranger le maximum de rushes. Et Neil est quelqu’un d’extrêmement talentueux, il s’est tout de suite adapté à ce type de processus.

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    – Craig Mazin dirige l’interprète d’Ellie, Bella Ramsey.

    La série réussit un exploit assez étonnant : elle est d’une fidélité « philosophique » absolue au jeu, mais existe par elle-même grâce à ses choix de narration et surtout de casting. Certaines de ces décisions ont-elles été dictées par un besoin de différencier les deux expériences ?

    Non pas vraiment, car la nature même du processus d’adaptation fait qu’il va y avoir immédiatement d’énormes différences entre les deux versions de l’histoire. En particulier si vous êtes fan du jeu, et c’est manifestement votre cas. Visionner une série vous place dans un espace mental radicalement différent de celui d’un jeu vidéo. Je ne me suis donc jamais demandé s’il fallait faire des choses spécifiques pour séparer la série du jeu. Tout ce que je voulais, c’était capturer les sensations que j’ai moi-même éprouvées lorsque j’ai joué à The Last of Us et les décupler, les enrichir, en mettant à profit des éléments que Naughty Dog n’avait pas pu développer. Rajouter un peu plus de nuances à la palette de cet univers, en quelque sorte.

    Lorsque j’avais une idée qui allait dans ce sens, j’appelais Neil pour lui en parler. Parfois, ces idées étaient radicales, parfois moins. Je lui demandais ce qu’il en pensait et la plupart du temps, il me répondait : « Tiens, c’est très intéressant, creusons un peu. ». Il lui arrivait aussi de me dire : « Hmm, je ne sais pas trop… ». (rires) Et il avait raison. Mes moments préférés, c’était quand je lui livrais l’une de ces idées radicales et qu’il ne répondait pas tout de suite. Juste un silence. Puis il disait : « Merde, j’aurais aimé penser à ça quand on a fait le jeu ! ». Je pense que le fait d’être fan, de m’inspirer de ce que j’ai ressenti en jouant au jeu, m’a permis d’arriver avec un point de vue différent.

    Bella Ramsey est phénoménale dans le rôle d’Ellie. Comment s’est déroulée son audition ? Y a-t-il eu un moment, un déclic, où vous vous êtes dit : « OK, c’est elle. » ?

    Nous avons fait passer beaucoup d’auditions, je pense que nous avons vu plus d’une centaine de comédiennes entre 9 et 25 ans. En tant que scénariste, je trouve que le processus est parfois difficile, car lorsque certaines performances ne sont pas vraiment concluantes, on a tendance à se dire que c’est peut-être de notre faute, que le matériau qu’on a écrit n’est pas si bon que ça. Ça a tendance à me déprimer ! (rires) Mais lors de certaines auditions, je me suis aussi dit : « Hey, ce n’est pas si mal ! », et on avait le sentiment que ça pouvait coller.

    Puis est arrivée l’audition d’Ella. Je ne connaissais pas son nom et lorsque j’ai vu sa bouille, je me suis juste exclamé : « Tiens, c’est Lyanna Mormont de Game of Thrones ! J’aime bien Lyanna Mormont ! Je l’adore même ! ». Mais je ne me suis pas non plus dit : « Oh mon Dieu, pourquoi n’avons-nous pas pensé plus tôt à Lyanna Mormont ? ». (rires) J’étais intrigué : « OK, voyons voir ce que va nous faire Lyanna Mormont… ». Nous avons donné à chaque actrice deux scènes à faire. Dès la première scène de Bella, j’étais déjà convaincu, je n’avais pas besoin d’en voir plus.

    Mais j’étais aussi terrifié à l’idée d’être le seul à penser ça, j’avais peur que personne ne soit du même avis que moi. J’ai appelé Neil, je lui ai juste dit : « Mec, il faut que tu voies ça. ». C’est tout ; je ne voulais pas lui survendre Bella. Il m’a rappelé après avoir visionné la scène et m’a dit : « C’est bon, on a trouvé Ellie. ». C’était l’évidence. Bella est restée elle-même sans rien forcer. Elle ne connaissait même pas le jeu. Elle a fait naturellement preuve de la sagesse et de l’intelligence dont le personnage avait besoin. Elle est très drôle, mais elle dégage aussi une certaine vulnérabilité.

    La Ellie que les fans du jeu connaissent et adorent existe grâce à la merveilleuse performance d’Ashley Johnson. On avait peur de ne pas pouvoir retrouver un même niveau de jeu pour la série. Bella a réussi l’impossible. Je crois qu’Ashley avait vingt-sept ans quand elle a incarné Ellie pour la première fois. Et si elle a réussi à se transformer en une gamine de quatorze ans simplement à travers ses prouesses vocales, on pouvait ressentir la maturité d’une personne plus âgée.

    Bella a réussi à retranscrire ce trait de personnalité. Elle avait dix-sept ans lorsque le tournage de la série a débuté, donc trois ans de plus que le personnage. Elle est physiquement plus menue que son équivalent vidéoludique. Ce qui est incroyable, c’est qu’on a l’impression qu’elle est à la fois plus jeune et plus vieille qu’Ellie. C’est difficile à expliquer. Je suis très excité à l’idée que les gens puissent enfin découvrir sa performance. Cela fait trois ans que je suis admiratif de son travail, et ça m’a fait du mal de voir tous ces avis négatifs lorsque nous avons annoncé qu’elle incarnerait Ellie…

    Bien sûr, en tant que fan, je comprends la peur qu’on peut éprouver à l’idée que votre jeu préféré soit gâché par un choix de comédien ou comédienne. Mais il n’est pas nécessaire d’être cruel pour autant… Depuis le début de la diffusion de la série, les gens comprennent enfin ce que j’ai ressenti il y a trois ans lorsque j’ai vu cette audition.

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    – Les comédiens Pedro Pascal et Anna Torv dans les rôles de Joel et Tess.

    Spoiler

    [ATTENTION, SPOILERS] À propos d’Ashley Johnson, le rôle que vous lui avez donné dans la série est très symbolique et particulièrement émouvant. Pensiez-vous déjà à elle en écrivant cette scène ?

    Oh oui ! Cette storyline s’est immiscée dans la série lors des très nombreux interrogatoires auxquels j’ai régulièrement soumis Neil. Souvent, c’étaient des questions très concrètes : « Comment peut-on rejoindre la FEDRA ? Où dorment les Fireflies ? Qu’est-ce qu’ils mangent ? ». Et parfois, je posais des questions plus profondes : « OK, Ellie est orpheline. Mais elle a forcément eu une maman. Comment est-elle morte ? Pourquoi ? ». Et Neil m’a répondu : « OK, voici l’histoire, on a toujours eu envie de la raconter mais on n’a jamais trouvé le bon moment. ».

    Il avait pensé à en faire un comic-book, mais le projet ne s’est jamais concrétisé. Il m’a donc tout raconté et je me suis exclamé : « On le fait ! On le met dans la série ! ». Et tout de suite après, on s’est regardés et on a tous les deux dit : « Ashley. ». Et voilà. J’ai tellement hâte que les spectateurs découvrent sa performance, elle est tellement géniale, vous n’avez pas idée à quel point. [FIN DES SPOILERS]

    Elle est aussi excellente dans la websérie Critical Role (3).

    OK, donc vous savez à quel point elle est géniale. (rires) Ce que j’adore dans Critical Role, c’est qu’on voit tout de suite à quel point Ashley est une belle personne. Elle fait partie des gens les plus gentils et humbles que j’ai rencontrés et elle se donne à fond dans son travail. Même chose pour Troy Baker, qui joue Joel dans le jeu. Troy a incarné à peu près tous les personnages iconiques des plus gros jeux vidéo sortis ces dernières années (4). Et quand vous discutez avec lui, il ne sonne pas comme Joel, pas plus qu’il ne sonne comme Talion (le héros des jeux La Terre du Milieu – l’ombre du Mordor & L’Ombre de la Guerre – NDR). Alors qu’Ashley sonne comme Ellie. Quand je suis avec elle, je suis avec Ellie.

    Suite au succès du pilote de la série, il y a de fortes chances pour que Neil et vous ayez déjà des idées pour la saison 2. Et même si une adaptation du jeu The Last of Us: Part II donnerait à coup sûr un mémorable moment de télévision, vous donnez-vous la liberté de vous en éloigner pour explorer d’autres façons de raconter cet univers ?

    En effet, nous venons tout juste de commencer à y réfléchir. Du coup, je n’ai pas vraiment de réponse à vous donner. Quoi que nous fassions, nous resterons fidèles à la philosophie qui nous a guidés durant cette saison, à savoir que nous ne nous interdirons jamais de changer des choses si cela permet d’améliorer l’histoire. Mais nous n’avons pas encore défini les limites que nous nous imposerons. Il y a des choses dans la saison 1 que nous n’avions pas prévues au départ, comme l’épisode 3.

    L’important, c’est que nous ne cessions jamais de nous donner la possibilité de changer d’avis, de tenter de nouvelles choses et de nous imposer des challenges. On ne sait jamais sur quoi ça peut déboucher. Mais je tiens tout de même à dire que j’adore The Last of Us: Part II. Et je pense que le jeu contient beaucoup d’histoires qui valent le coup d’être racontées.

    (1) Left Behind est le titre du premier DLC narratif de The Last of Us, qui racontait les circonstances tragiques durant lesquelles Ellie découvre sa condition…

    (2) Créatures résultant d’un stade avancé d’infection au virus cordyceps, responsable de l’apocalypse mise en scène dans la série.

    (3) Critical Role est une websérie mettant en scène des parties de Dungeons & Dragons pratiquées par un cast d’acteurs spécialisés dans le doublage. Ashley Johnson est membre permanente du show ­– qui a été adapté en série animée sur Prime Vidéo –, ainsi que Laura Bailey, qui incarne le personnage d’Abby dans The Last of Us: Part II.

    (4) En plus de jouer Joel dans les The Last of Us, Troy Baker compte à son actif les personnages de Samuel Drake dans la saga Uncharted, Erron Black et Shinnok dans Mortal Kombat X et 11, Magni dans God of War, John Jones dans Fortnite, Batman dans Batman: The Telltale Series et Lego Dimensions, Ocelot dans Metal Gear Solid V: The Phantom Pain, etc.

    Propos recueillis par Laurent Duroche
    Merci à Olivia Malka et Tilly Miller
    Mad Movies #368

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    @Psyckofox tu as raison, pas question de dénigrer ceux qui regardent. Chacun sa came. Et heureusement.
    pour moi, le problème c’est le milieu du cinéma francophone.
    Historiquement, des actrices et acteurs francophones ont su s’imposer par leur talent, même au dela de l’atlantique.
    et début 70’s, bim, si on instaurait un classement comme les ricans se disent les nababs du ciné made in france.
    Au début, je dirai pendant une vingtaine, on pouvait encore s’appuyer sur le jeu (Depardieu, Dewaere, Noiret, Deneuve, Galabru…).
    Et est arrivé la peopleisation. L’image et le bling bling.
    Et ca met un doute sur les “élus”. Pourtant il existe toujours des supers comédiens (Rahim, Duris, Menochet, Fois…)

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    Hummmm bootloader unlocké pour pouvoir rooter la chose…pas cool 😁

    :clac:

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    @Violence a dit dans [Carrière] M. Night Shyamalan : Une lumière dans la nuit :

    c’est que Mad Movies ont de très bonnes analyses des films

    Effectivement (c’est pas du Écran large :smile:)

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    À l’image de ses zombies, La Nuit des morts-vivants n’en finit pas de revenir pour, à chaque fois, réaffirmer son statut d’indépassable précurseur. Les Acacias supervise cette nouvelle résurrection dans nos salles (Sortie prévue le 22 février) avec une restauration 4K du chef-d’œuvre de George Romero.

    Le cinéma a été, est et sera, pour toujours et à jamais, une industrie, Et le premier film de George Romero constitue le genre d’anomalie systémique dont les observateurs adorent se repaître pour entretenir de douces illusions narratives selon lesquelles tout serait possible au pays de l’American Dream. Chaque fois qu’un petit budget, produit dans des conditions relevant tout ou partie de l’amateurisme, se distingue en salles obscures, le conte de fées redémarre de plus belle,

    Et peu importe si, comme dans le cas de Paranormal Activity, l’aura culte est presque totalement manufacturée par une campagne marketing agressive, et Le film original tripatouillé par des professionnels du ripolinage pour devenir un produit miracle. À contrario de dizaines d’épiphénomènes similaires, La Nuit des morts. vivants dépasse le statut de simple culbute providentielle au box-office. Le film a rejoint le club très select des tournants majeurs de l’Histoire du 7° Art au mérite, à la force du poignet et des incursions judicieuses et frondeuses de son auteur dans des territoires dramatiques inexplorés.

    À LA BASE

    La découverte de l’inédit The Amusement Park en 2021, hallucination cauchemardesque toujours aussi sidérante près d’un demi-siècle après son tournage éclair, n’a fait que confirmer le sentiment que Romero était un créateur mü par des intuitions d’apparence saugrenues qu’il s’engageait à poursuivre bille en tête. La Nuit des morts-vivants repose entièrement sur une idée de génie : les morts se relèvent, marchent et attaquent les vivants, pris d’assaut par des enveloppes vides, des parodies d’êtres humains. Ces zombies se démarquent nettement des origines vaudoues pour devenir des surfaces planes sur lesquelles des centaines d’héritiers projetteront leurs propres angoisses, leurs commentaires socio-politiques, ou strictement rien du tout, au profit de leur seule efficacité horrifique.

    Tout a été dit, écrit, pensé autour du potentiel métaphorique de ce point de départ dans le contexte de 1968, sur son écho à la question brûlante des droits civiques dans une Amérique alors coupée en deux sur le sujet. Romero lui-même a par la suite démontré, d’un bout à l’autre de sa filmographie, à quel point la figure du zombie peut représenter tout et parfois n’importe quoi, comme dans son ultime et très curieux Survival of the Dead.

    LE MONDE D’APRÈS

    Cette restauration 4K permet de vérifier à quel point La Nuit des morts-vivants tient toujours la route aujourd’hui, Sur la forme et sur le fond. L’attaque du film reste à ce jour un modèle d’exposition, de glissement vers l’horreur pure derrière lequel cavaleront tous les prétendants au trône zombie. Dès que l’action se recentre en huis clos, la modernité du traitement saisit. Les échos à notre monde d’après résonnent dans chaque scène, tout comme la propension de Romero et son équipe à enchaîner les plans iconiques traumatisants.

    Peu importe les menus manquements dans la direction d’acteurs, le plus anodin des photogrammes de La Nuit des morts-vivants a plus de force que tout Paranormal Activity. Surtout, peu importe les lubies du moment à vouloir catégoriser l’horreur entre productions commerciales et films d’auteur plus intelligents. Romero a très tôt démontré qu’il y avait une place pour une zone grise entre cinéma bis et horreur « elevated ». Le cinéma, comme le zombie, n’existe pas réellement en tant que tel, il devient ce qu’on en fait.

    – Source: Mad Movies #368

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    Disparu pendant les fêtes à l’âge de 83 ans, l’italien a la langue bien pendue restera pour beaucoup comme l’homme de l’œuvre-monstre Cannibal Holocaust. Mais celle-ci est l’arbre qui cache la forêt d’une riche filmographie comptant de nombreux titres méritant de ne pas tomber dans l’oubli.

    Beaucoup de cinéastes ont vu leur nom attaché pour l’éternité à un unique film. Mais peu ont eu un rapport aussi ambivalent à l’œuvre en question. Ruggero Deodato n’avait de cesse de souligner l’importance historique de son fameux Cannibal Holocaust (1980), comme nous l’avons constaté en le croisant plusieurs fois dans des festivals. Dès que des titres comme Le Projet Blair Witch ou [Rec] arrivaient sur le tapis, il pointait orgueilleusement le doigt vers sa poitrine, l’air de dire qu’il avait créé le principe du found footage avant tout le monde. Ce qui, d’ailleurs, est tout à fait exact.

    Pour autant, son œil se faisait attentif quand vous lui parliez d’un de ses longs-métrages qui n’avait rien à voir avec l’anthropophagie. Et si vous lui disiez que son meilleur film sur le sujet était en fait le premier, Le Dernier monde cannibale (Ultimo mondo cannibale, 1977), il vous envoyait carrément des baisers avec les doigts car il faut l’affirmer avec force : Le Dernier monde…. est le chef-d’œuvre du regretté Ruggero, Tourné loin de toute civilisation, en plein cœur de la forêt pluviale, il accorde une authenticité saisissante à l’histoire d’un occidental qui tombe entre les mains de Papous quasi préhistoriques, Humiliations, nourritures répugnantes et autres joyeusetés servent à un modèle du genre « film de survie », culminant dans une évasion finale compliquée par la présence non loin d’une tribu rivale, composée de mangeurs d’hommes, Le cinéma d’aventures est ainsi poussé dans ses ultimes retranchements, tandis que grottes et forêts vierges donnent lieu à une réelle splendeur visuelle.

    – Deodato sur le tournage de Cannibal Holocaust

    L’IDÉE QUI TUE

    Tourné dans des conditions plus confortables, Cannibal Holocaust est plus ingrat à plusieurs niveaux. Seulement voilà : il recèle l’idée qui tue. Spécialisés dans les documentaires crapoteux, des reporters sans scrupules disparaissent en Amazonie. Une expédition part à leur recherche, mais ne trouve que des villageois méfiants et des boîtes de pellicule. . . Le visionnage de ces dernières fait éclater l’incroyable vérité : pour forger un faux scoop, les documentaristes ont horriblement maltraité les Indios jusqu’à ce que ceux-ci les tuent et les dévorent afin d’exorciser les tourments infligés par ces démons blancs…

    L’impact de ce film dans le film sera considérable, y compris dans la réalité, En Italie, Cannibal Holocaust est saisi par les autorités, et Deodato est poursuivi. pour avoir vraiment massacré ses comédiens. Et le procès continuera alors même que des acteurs bien vivants sont invités sur les plateaux de talk-shows télévisés. La justice ne veut plus lâcher le réalisateur, qui finira par être condamné au motif de la cruauté envers les animaux. Il s’en défendra en disant qu’il s’est contenté de filmer des dépeçages qui sont dans les habitudes des autochtones.

    En tout cas, si la carrière du film est compromise en Italie, il n’en est pas de même dans le reste du monde, où le scandale assure un succès tonitruant. Pour autant, nombreux sont ceux qui diront que Deodato est moins un réalisateur qu’un charlatan. Nous leur répondrons ainsi : l’ami Ruggero s’est en fait livré à une sorte de mise à mort du cinéma, symbolisée à l’écran par l’image devenue emblématique d’une sculpture primitive agrégeant une caméra et des ossements humains. En effet, la plupart des films fonctionnent en crescendo, alignant des morceaux de bravoure de plus en plus sophistiqués techniquement. Dans Cannibal Holocaust, c’est le contraire : la forme se fait toujours plus rudimentaire. Et à la fin, il n’y a plus que des plans tremblotants et non raccordés, jusqu’à ce que le supplice du dernier opérateur soit enregistré par une caméra tombée à terre et qui continue de tourner.

    C’est là que le cinéaste accomplit son projet : prendre le sensationnalisme à son propre piège, pour épingler la recherche du scoop à tout prix. Toutefois, ce coup de semonce sera un tantinet encombrant pour Deodato. Il n’y a qu’à voir les propos contradictoires qu’il tenait à propos d’Amazonia : la jungle blanche (aka Inferno in diretta aka Cut and Run, 1984). Parfois, il se félicitait d’avoir employé un truc proche de celui de Holocaust, en intégrant au montage des images envoyées via satellite par des personnages de journalistes.

    Parfois, il reprochait aux producteurs de l’avoir forcé à imiter son film le plus célèbre alors que le projet de départ était tout différent, Quoi qu’il en soit, le résultat, qui fait inter venir des trafiquants de drague et une secte hippie liée aux indigènes du coin, est une bande d’action plaisante, constituant un honorable dernier volet pour ce qu’on appellera bientôt « la trilogie Cannibale »

    Et de toute façon, Deodato finira par se rendre à l’évidence. Bien qu’il ait toujours affirmé avoir peu de goût pour le fantastique, ou même l’horreur, il semble avoir accepté que Cannibal Holocaust était tout simplement celle de ses œuvres qui avait marqué le plus le public. Sur le tard, il est ainsi devenu un invité régulier des festivals de cinéma fantastique, tout en faisant des apparitions clins d’œil dans divers films - tel le Hostel - chapitre II d’Eli Roth, où on le voit se délecter de tranches de jambon de Parme à base de chair humaine.

    Enfin, il reprendra l’astuce des différents types d’images dans son tout dernier long-métrage, Ballad in Blood (2016). Des vidéos issues d’Internet et des réseaux sociaux y servent en effet à reconstituer le puzzle d’un fait divers clairement inspiré de la fameuse affaire Amanda Knox, accusée du meurtre d’une étudiante au cours d’une soirée agitée dans la cité universitaire de Pérouse. Rappelons également le projet longtemps annoncé d’un Cannibal Holocaust 2, qui devait redoubler la mise en abyme en menant ses personnages sur les lieux du tournage de l’opus original, dont ils retrouvaient les figurants y compris la fille qui s’était jadis prêtée au traumatisant effet spécial de l’empalement. Une suite qui restera donc lettre morte.

    FAUX DÉPARTS

    L’autre point sulfureux de la carrière de Deodato nous ramène quelque 60 ans en arrière, à l’époque où il était assistant-réalisateur. On connaît la coïncidence amusante qui l’a fait rentrer dans le cinéma un peu par hasard : le jeune Ruggero était pote de lycée avec le fils de Roberto Rossellini, le pape du néoréalismeitalien, et il a ainsi débuté comme assistant du paternel. Toute sa vie, il se revendiquera d’ailleurs du réalisme rossellinien - hélas, sans jamais expliquer en détail cette influence. Cependant, l’expérience fondatrice paraît être plutôt son travail auprès de deux cinéastes populaires, Sergio Corbucci et Antonio Margheriti.

    Au second, Deodato semble avoir donné un coup de main appréciable dans les années 1965-66, quand il s’est agi de tourner simultanément quatre longs métrages de science-fiction commandités par la télévision américaine. Auparavant, son patron étant occupé sur un autre film, le jeunot avait dirigé tout seul une bonne partie de La Terreur des Kirghiz (Ursus, il terrore dei kirghisi, 1964), étrange péplum fantastique où un monstre hideux ouvrait sur une thématique à la Jekyll & Hyde.

    Grand seigneur, Margheriti fera plus tard reconnaître la coréalisation dans des documents officiels, les choses ne se passeront pas aussi bien avec Corbucci, Deodato avait pourtant tenu un petit rôle dans son film I Ragazzi dei Parioli (1959), à une époque post-adolescente où il hésitait encore entre une vocation de pianiste et une carrière d’acteur. Mais de son boulot d’assistanat pour « l’autre Sergio », il gardera un souvenir amer.

    Le litige concerne avant tout la genèse du fameux Django (1966), qui donnera lieu à un tas d’interviews contradictoires dans les suppléments de DVD et Blu-ray. Même s’il attribuait à Corbucci l’idée géniale d’un Django traînant un cercueil qui dissimule une mitrailleuse, Deodato revendiquait l’idée du village délabré et boueux. En outre, il affirmait avoir réalisé lui-même tous les extérieurs tournés en Espagne. D’autres témoins, la veuve Corbucci en tête, ont contesté ces propos avec véhémence, prétendant même que le petit Ruggero n’était qu’un vague stagiaire. Déclarations peu sérieuses : à l’époque, il était un premier assistant très couru. Même si on ne prête pas foi à toutes les allégations du réalisateur, on peut donc estimer qu’il a fourni un certain apport créatif à ce titre majeur du western transalpin. Et aussi, comprendre le dépit qu’il a ressenti quand le producteur ne lui a pas confié la direction du film suivant.

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    – Franco Nerro dans le Django de 1966

    La chose est d’autant plus cruelle que la carrière de réalisateur de Deodato connaîtra de nombreux faux départs. Dans les années 1968-69, il essuie les plâtres avec des engagements peu enthousiasmants, comme des comédies musicales avec la vedette yéyé Little Tony ou encore le piteux Phénoménal et le trésor de Toutankhamon, film de justicier costumé à l’intrigue quasi incompréhensible. De cette première période, on retiendra surtout deux sympathiques divertissements sexy : Gungala, la panthère nue, aimable histoire de sauvageonne dans la jungle, et Zenabel (aka Faut pas jouer avec les vierges), fantaisie médiévale au féminisme bienvenu.

    L’expression « première période » est cependant à prendre au pied de la lettre, car l’amico Ruggero abandonne ensuite le cinéma… pour des raisons matrimoniales. En effet, sur le tournage du film touristico-musical Vacanze sulla costa smeralda, il a rencontré la jeune actrice Silvia Dionisio, qu’il a épousée peu après. Or, la belle devient bientôt une assez grosse vedette, au point que Deodato n’est plus sollicité que dans l’espoir d’avoir sa femme à l’affiche. Il se rabat donc sur le petit écran, où il tourne des anthologies policières qui dynamitent l’approche pépère du suspense dont la télévision italienne avait l’habitude. Et en parallèle, il réalise des palanquées de spots publicitaires - une activité qu’il conservera pendant des décennies.

    Toutefois, le mariage est plein de surprises. Un jour, la Dionisio décide d’imiter ses concurrentes en sacrifiant elle aussi à la mode du cinéma érotique. Son époux accepte, mais insiste pour réaliser la chose lui-même. Ce sera Ondata di piacere (1975), thriller nihiliste où deux couples de classes sociales très différentes se livrent à des jeux pervers et mortels à bord d’un yacht. Pour les mêmes producteurs, Deodato embraye immédiatement sur ce qui sera l’un de ses meilleurs films, le furieux Uomini si nasce poliziotti simuore (1976)

    L’heure est alors au polar ultra violent, spéculant sur la délinquance incontrôlable qui sévit en Italie. Mais la différence est qu’ici, le tandem de flics est au moins aussi timbré que les voyous : les deux jeunes inspecteurs s’affranchissent de toutes les procédures, ailant jusqu’à buter des suspects désarmés. Et leur rage se transmet à la mise en scène, si l’on en juge par une poursuite motorisée dantesque, captée en plein trafic au mépris des plus élémentaires mesures de sécurité. Complètement irresponsable à la fois devant et derrière la caméra, le résultat n’en est pas moins un mets de choix, même s’il vaudra à son auteur ses premiers ennuis avec la censure.

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    LA FIN D’UN MONDE

    Au rayon des réussites, on ajoutera La Maison au fond du parc (La Casa sperduta nel partco, 1980), habile variation sur La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven, dont on retrouve l’acteur principal, David Hess. Le ténébreux est ici l’une des deux petites frappes que de riches New-yorkais invitent à une soirée pour se payer leur tête, Évidemment, la sauterie vire à la prise d’otages puis, à force d’estafilades au rasoir et autres actes dérangeants, atteint le niveau d’une véritable danse macabre. Nous avouerons aussi un faible pour le croquignolet Les Prédateurs du futur/Atlantis Interceptors (aka Predatori di Atlantide aka Raiders of Atlantis, 1983), qui mêle gaillardement ambiance madmaxienne, réémergence d’un continent englouti et aventures à la Indiana Jones.

    Cependant, le cinéma populaire italien est alors en train de péricliter. Un sursis lui est accordé par les productions internationales de la Cannon, qui permettent à Deodato de réaliser Les Barbarians (1987), amusant film d’heroic fantasy qui a dû lui rappeler ses débuts dans le péplum. Dans la foulée, Golan et Globus envisagent même de lui confier un Spider-Man, mais la faillite retentissante de leur firme enterrera le projet.

    Bon an mal an, le cinéaste engrange néanmoins des péloches qui feront le bonheur des salles de quartier puis des vidéoclubs. Citons en vrac : SOS Concorde (Concorde Affaire “79, 1979), qui évite les poncifs du film catastrophe en optant pour le thriller d’espionnage industriel, Body Count (Camping del terrore, 1986), honnête imitation de slasher américain, Le Tueur de la pleine lune (Un delitto poco comune, 1988), qui mélange le giallo au mythe du Fantôme de l’Opéra, Angoisse sur la ligne (aka Minaccia d’amore aka Dial: Help, 1988), œuvrette fantastique où une jeune femme est poursuivie par une entité tapie dans le réseau téléphonique, pour un résultat un poil ringard mais qui préfigure bizarrement l’épouvante japonaise des années 2000, et enfin son dernier film conçu pour le cinéma, The Washing Machine (Vortice mortale, 1993), histoire post-Basic Instinct voyant un inspecteur enquêter sur une affaire de vrai-faux meurtre qui le met aux prises avec trois sœurs séductrices et cinglées.

    Mais à ce moment, notre auteur s’est déjà reconverti dans la télévision, qui va lui offrir d’importants succès dans le genre familial, comme la série générationnelle Ragazzi del muretto ou des véhicules pour la bonhomie de Bud Spencer. Un jour, nous nous pencherons peut-être sur tous les pans de sa carrière.

    Toutefois, ce qu’il faut sans doute retenir, c’est que la trajectoire de Ruggero Deodato a couvert l’intégralité de l’Histoire du cinéma populaire italien. Sa triste disparition signe donc la fin d’un monde, puisqu’un jour viendra où il ne restera plus aucun témoin direct de cette époque héroïque.

    – Par Gilles Esposito
    – Mad Movies* # 368

  • The last of us, le colosse

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    Ce personnage, c’est un infecté d’un nouveau genre, qu’on appelle un « colosse » (ou « bloater » dans la version originale). À la différence des traditionnels « claqueurs » qu’on voit depuis le début de la saison, celui-ci est nettement plus grand. Il est aussi nettement plus costaud. Les cordyceps, ces champignons qui ont transformé les humains en zombies, n’ont pas seulement envahi son crâne, ils ont recouvert tout son corps et son visage.

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    Dans la série, on le voit débarquer après qu’un affrontement entre les révolutionnaires et notre quatuor a réveillé les infectés, jusqu’alors enfermés dans un tunnel de Kansas City.

    Dans le costume de l’impressionnant colosse se cache, dans la série, un vrai acteur : le cascadeur Adam Basil. Son corps de zombie impressionnant a été conçu par Barrie Gower, un nom bien connu dans le milieu. Le concepteur de prothèses pour la télévision a notamment réalisé ceux du Roi de la nuit dans Game of Thrones et de Vecna dans Stranger Things.

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    « Nous avions une copie entière de son corps sur laquelle nous avons modelé les prothèses bouffantes en pâte à modeler, a-t-il expliqué au magazine Variety, vendredi 10 février. Nous avons ensuite coulé le costume à partir d’un caoutchouc et d’un latex en mousse, qui est très léger. » Il poursuit : « C’est presque comme une mousse de rembourrage, une sorte de matériau très spongieux. Tout a été moulé et coulé en morceaux séparés : moitié supérieure, tête, bras, jambes. »

    Pour assembler le tout : une fermeture éclair dans le dos et au niveau de la taille. « Les champignons cachaient les fermetures éclair et les boutons-pressions, indique le créateur, avant de préciser qu’un gel lubrifiant recouvrait le costume pour lui donner un aspect visqueux. À cela se sont ajoutés des poils hérissés et des petites épines pour former de fausses petites excroissances.

    Au bout du compte, le costume pesait près de 40 kg, et nécessitait le travail de 65 artistes spécialisés, résume Variety. Interviewé par le site britannique Express, le cascadeur Adam Basil a raconté qu’il lui fallait « près d’une heure » pour s’en équiper avant le tournage, et que le costume avait coûté selon lui près de 500 000 euros. Pour un résultat particulièrement réussi, et repoussant, comme on peut aussi le voir dans une photo de backstage postée par Adam Basil sur Instagram. (en dessus)

    Source: https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/the-last-of-us-episode-5-comment-a-ete-cree-le-colosse-ce-monstrueux-infecte-spoilers_214022.html