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    – Kim Hong-Sun lors du tournage de Project Wolf Hunting

    Kim Hong-Sun : Réalisateur & scénariste

    Si son film de possession Metamorphosis (2019)témoignait déjà de son envie de sortir du cadre du thriller où il avait fait ses armes, Projet Wolf Hunting propulse son réalisateur dans la sphère des auteurs sud-coréens transgressifs, pas nécessairement prophètes en leur pays, mais prisés des amateurs internationaux de sensations beaucoup trop fortes.

    Dans le cinéma sud-coréen, un pic avait été atteint dans la représentation de la violence avec J’ai rencontré le Diable de Kim Jee-woon. On peut se demander si Projet Wolf Hunting ne va pas encore plus loin…

    Pour le public coréen, J’ai rencontré le Diable a été un point de non-retour. C’était trop gore. L’horreur résonnait de façon émotionnelle et psychologique, l’histoire de vengeance était ancrée dans un sous texte social, avec en filigrane un regard sur la société coréenne. En ce qui concerne Projet Wolf Hunting, ce n’était pas mon intention. Je voulais plutôt qu’on le considère comme un film d’action réaliste, un genre que j’ai baptisé « neo-noir hyper reality ». L’histoire relève du fantasme et se concentre vraiment sur l’action, ce qui le distingue, je pense, du film de Kim Jee-woon.

    Vous avez déclaré en interview que la représentation de la violence, dans le cinéma sud-coréen, est presque taboue pour le public. C’est assez étonnant dans la mesure où il y a tout de même une violence sociale, psychologique et même politique dans beaucoup de films locaux qui tournent en festival et arrivent sur les écrans français. Diriez-vous que cette perception du cinéma coréen est fausse ou biaisée ?

    Dans le cinéma coréen, il y a une tendance à ne pas vouloir montrer la violence frontalement, c’est un élément acquis pour les producteurs, les réalisateurs, le public et la critique. Avant le Covid, on produisait en Corée du Sud environ 80 films par an, et pour la plupart, il s’agissait de comédies avec quelques films d’action. Le public voit majoritairement ces films-là. Les œuvres de Bong Joon-ho, Kim Jee-woon et Park Chan-wook sont une minorité, même si les publics étrangers voient essentiellement ces dernières. Qu’il s’agisse de cette violence que vous évoquez ou des scènes de sexe, il y a un vrai malaise de la part du public coréen quand il s’agit de les voir en salles. Mais pour ce qui relève du visionnage à la maison, les films diffusés sur les plateformes de streaming par exemple, il n’y a pas de problème ; ça marche mieux, en fait.

    Justement, Projet Wolf Hunting frappe par sa brutalité. À quel stade du projet avez-vous décidé d’aller dans de tels extrêmes ?

    C’était prévu dès les premières phases de développement. Même quand j’ai demandé des financements, le projet était présenté tel quel. C’était très détaillé dans le story-board, notamment. Néanmoins, je ne considère pas Projet Wolf Hunting comme un film gore, il n’y a pas d’intestins qui se déversent partout ; à côté d’un film comme Terrifier 2, c’est même timide ! (rires) Je ne vois pas tant de films d’horreur que ça. Je suis parti d’un point de vue réaliste pour montrer les morts à l’écran. Il y avait sur le plateau un médecin qui nous a conseillés, par exemple sur la quantité de sang qui gicle quand l’artère est touchée. Mais en voyant la réaction de certains spectateurs et certaines spectatrices en Corée, je me suis demandé a posteriori si je n’aurais pas dû réduire la violence de certaines scènes, en me concentrant sur la narration, ou encore faire une version coréenne et une version internationale. Je ne visais pas le choc à tout prix.

    Cet aspect est d’autant plus marquant que le film passe sans cesse d’une violence cartoon à de l’horreur pure. Comment arrive-t-on à garder la tête froide, à maintenir le bon équilibre, en étant submergé par autant de sang, de maquillages et d’effets spéciaux

    L’expérience a été satisfaisante d’un bout à l’autre, de l’écriture à la postproduction en passant évidemment par le tournage, qui a été particulièrement joyeux. La violence était là, mais il y avait du coup une curiosité de la part des stars du film, qui n’avaient pas connu ce genre d’expérience en vingt ou parfois trente ans de carrière. Des membres de l’équipe ont pu parfois avoir des vertiges, mais il y avait toujours sur le plateau du personnel médical, des infirmiers et des psychologues. En cas de problème, ils étaient là, mais il n’y a rien eu de vraiment sérieux. Tout le monde est resté jusqu’au bout du tournage, on a même fêté le réveillon tous ensemble, il y a quelques jours!


    – Do-il (Jang Dong-yoon), un énigmatique prisonnier au lourd passé

    Quel a été l’aspect le plus complexe du processus créatif ? Le sound design du film - notamment les bruitages -est particulièrement réussi…

    Le plus compliqué à gérer a surtout été le manque d’argent, en particulier pour ce qui concerne les costumes et le maquillage. C’étaient les postes les plus exigeants. D’une prise à l’autre, il fallait tout nettoyer, il y avait toujours de l’eau chaude prête à l’usage. Il fallait nettoyer les vêtements, les sécher le plus vite possible. Maïs il restait toujours du sang et au bout d’un moment, on a fabriqué notre propre faux sang avec du sirop et du colorant pour simplifier ces étapes. C’était fatigant, mais on s’en est sortis. (rires) En ce qui concerne le montage sonore, dans le cinéma coréen, on passe en général deux semaines sur cette étape, j’ai pris trois mois, en parallèle de la postproduction des effets et du montage global. Je suis donc très content que vous ayez remarqué cet aspect ! C’est aussi pour ça, je pense, qu’il faut plutôt voir le film en salle.

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    Spoiler

    [SPOILERS] Il y a une figure qui revient dans beaucoup de films sud-coréens, c’est celle de l’homme poussé à bout. Projet Wolf Hunting est truffé de tels personnages, mais diriez-vous que le personnage d’Alpha, cette machine à tuer, en est l’aboutissement terminal ?

    Ce que vous décrivez concerne plutôt le personnage de Do Il, joué par Jang Dong-Yoon, qui veut assouvir sa propre vengeance et subit tous les effets de cette violence jusqu’à la fin. Dans le film, on voit beaucoup de prisonniers qui ont commis des crimes atroces, et qui perpétuent ce comportement extrême dans leurs actions et même leur façon de parler. Alpha sert d’intermédiaire entre ce présent et un passé qui n’est pas encore résolu, c’est comme si la tristesse de nos ancêtres s’exprimait par son biais quand il tue des gens contre sa volonté. J’ai coupé une scène vers la fin, à la mort d’Alpha, où on le voyait pleurer. C’était cohérent avec cet aspect, mais ça ne collait pas avec le reste du film. Cependant, et malgré ce qu’on pourrait penser au fil de la narration, je considère qu’Alpha est le personnage principal du film.

    La troisième partie du récit se développe sur fond d’exactions commises par l’armée japonaise en temps de guerre. Le film, à ce moment-là, se pose au croisement du cartoon, de l’horreur et d’une certaine colère. Y a-t-il un besoin de catharsis sur ce sujet, à l’image de certains films indiens ou hongkongais à propos des colons anglais ?

    Ce passif de colonisation avant la Seconde Guerre mondiale est un fait, et véhicule une grande tristesse. Il ne faut pas oublier ce passé, mais à mon avis, on n’a pas besoin non plus de l’énoncer en permanence. Le Japon d’alors et celui d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes, il n’y a pas lieu d’être hostile. Quand ontraite de cet aspect dans le cinéma coréen commercial, il y a souvent une mise en avant de cet élément, que je n’ai pas souhaitée sur Projet Wolf Hunting. Pendant la préparation du film, j’ai appris l’existence d’expériences effectuées par l’armée japonaise, en Chine et aux Philippines, et j’ai imaginé ce qui pourrait se passer si l’un des cobayes avait survécu, en lien avec les actions d’une entreprise pharmaceutique. Pour revenir à votre question, je n’ai pas envisagé ça d’un point de vue politique. La scène où Alpha tue les militaires japonais est ma façon de renvoyer dos à dos toutes les violences, qu’elles soient verbales, contre les femmes, les minorités. [FIN DES SPOILERS]

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    – Alpha (Choi Gwi-hwa), impitoyable machine à tuer qui ne fera aucune distinction entre flics et voyous…

    Vous avez déjà évoqué le sujet, mais il semble difficile de ne pas rapprocher Projet Wolf Hunting d’une nouvelle vague de films gore, produits un peu partout dans le monde, avec un ton agressif.

    Au départ, j’avais vraiment en tête un film purement commercial dans l’esprit des Ailes de l’enfer, où on aurait remplacé l’avion par un cargo. Dans la première version du scénario, la ressemblance était trop flagrante, j’ai dû ajouter cette histoire d’expérience. Et il a fallu adapter le ton, être plus sérieux, parler du passé et de dignité humaine. Comme je vous le disais, je ne considère pas le film comme gore. Aujourd’hui, on a accès à plus de contenu violent via les plateformes, que ce soit dans des films ou des séries. Dans ce contexte-là, comment faire revenir le public en salles ? Mon idée était de lui proposer une violence plus réaliste. Je pense que la réalité est plus violente que la fiction. Mais a priori, je suis allé trop loin pour le public coréen, il va me falloir revenir à des représentations plus artificielles.

    Comment l’industrie cinématographique sud-coréenne a-t-elle vécu la crise sanitaire ?

    Le cinéma coréen rencontre beaucoup de difficultés aujourd’hui. On dénombre plus d’une centaine de films tournés il y a trois ans et qui n’ont pas encore pu sortir en salles. J’ai fait Projet Wolf Hunting en 2021, pendant la crise du Covid, et seulement trois films ont pu être réalisés pendant cette période. L’exploitation n’a pas encore retrouvé la dynamique d’avant, il n’y a qu’une poignée de films comme Avatar 2 qui bénéficient d’une vraie impulsion. En revanche, les séries marchent très bien, donc les acteurs et techniciens se sont reconvertis en masse dans ce secteur. Mais je pense que tôt ou tard, l’industrie cinématographique va se reprendre.

    Au-delà des réactions les plus épidermiques, comment Projet Wolf Hunting a-t-il été accueilli par le public et la critique en Corée ?

    Du côté de la presse, à part une minorité qui n’a pas pu supporter la violence, l’accueil a plutôt été très bon. Pour ce qui est du public… (rires) Les amateurs de cinéma de genre ont vraiment apprécié, mais les spectateurs d’œuvres coréennes plus commerciales n’ont pas été aussi enthousiastes, tant s’en faut. Ça ne correspondait pas à leurs attentes. J’ai tenté d’aller à l’encontre des clichés du film d’action coréen, de ne pas livrer les scènes types de ce genre de divertissement, et ça n’a pas plu. Il y a eu une reconnaissance des qualités techniques et de ia direction d’acteurs, et autant d’interrogations sur ma santé mentale. (rires)

    N’est-ce pas le moment idéal pour réaliser votre rêve de tourner une comédie romantique ?

    (rires) Peut-être que je développerai un projet de comédie romantique en série, mais pour ce qui est du cinéma, je vais rester sur le champ de l’action. Je fais partie de la jeune génération de réalisateurs, j’apprends toujours. Je pense que sur le prochain film, je vais procéder comme je vous l’annonçais et concevoir deux versions, une pour le public coréen, une pour l’international.

    – Propos recueillis par François Cau.
    – Merci à Aude Dobuzinskis, Victor Lamoussière & Hahn Sejeong
    – Mad Movies #368

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    @Violence hâte de le voir j('ai juste mater quelques passages vite fait