[Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe
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On pense ce qu’on veut de Gladiator. Toujours est-il que le film est devenu un classique avec les années - ou du moins, un film adoré par un très large public - et que même si le projet d’une suite traîne depuis plusieurs années, elle n’avait a priori aucune raison d’être. Ridley Scott ne s’en cache pas : s’il a finalement accepté de remettre le couvert, c’est essentiellement parce qu’il a connu plusieurs échecs ces dernières années (le plus injuste étant celui du Dernier Duel en 2021) et que Gladiator II était un succès quasi assuré.
(ATTENTION, SPOILERS) L’ennui, c’est que le film raccroche les wagons avec l’original au moyen d’un raccourci pas bien fameux, à savoir que Lucius, le fils de Lucilla qu’on apercevait brièvement dans le premier opus, serait aussi celui de Maximus. Compte tenu du fait que cette révélation intervient assez tard dans le film, on aurait d’ailleurs préféré que Scott et le studio s’abstiennent de nous la dévoiler avant, d’autant que les flashbacks sur des scènes de Gladiator qui n’étaient pas dans le film puisque périphériques à l’action est un procédé qui fonctionne plutôt bien. (FIN DES SPOILERS)Mais la question était surtout de savoir ce que le réalisateur allait bien pouvoir faire d’un pitch aussi peu excitant sur le papier en l’absence de trois collaborateurs ayant largement contribué à la réussite de Gladiator, à savoir Russell Crowe, le scénariste John Logan et le compositeur Hans Zimmer. La réponse tient en une phrase : en faisant du pur cinéma d’exploitation.
LA MORT AU LARGE
Hannibal lorgnait du côté du giallo, Alien : Covenant de La Planète des vampires de Mario Bava ; Gladiator Il est un peu l’héritier hollywoodien du Caligula de Tinto Brass, le sexe en moins, et donne parfois l’impression de se retrouver face À un bis italien à quelque 300 millions de dollars. Gladiator était brutal mais épique, romantique et solaire. Gladiator II est gore sombre, nihiliste et hanté par une rage qui balaie tout sur son passage. Il y a pour commencer celle du héros dans sa quête vengeresse. Mais il y a aussi et surtout celle de Scott, qui prend un plaisir évident à mettre en scène des morceaux de bravoure d’une hargne inouïe (la bataille navale, le combat contre les babouins), à s’attarder sur des intrigues politiques où règne la duplicité et à faire un véritable bras d’honneur aux historiens qui lui ont reproché les inexactitudes de Napoléon en jetant des requins mangeurs d’hommes dans l’arène du Colisée. Pour un peu, on aurait l’impression de voir un épisode de Rome imaginé par Enzo Castellari. Si le parcours de Lucius reste assez prévisible, Scott est de toute évidence bien plus intéressé par deux autres personnages. Le héros de guerre joué par Pedro Pascal dans son plus beau rôle depuis Game of Thrones tout d’abord, un serviteur de Rome rongé par le doute qui rappelle beaucoup le général cubain de L’Aube rouge de John Milius. C’est par lui, et personne d’autre, que naît le peu d’émotion véhiculée par le film. Le laniste qui achète Lucius ensuite, interprété par un Denzel Washington absolument génial de fourberie qui se régale dans un répertoire à mi-chemin entre ses rôles dans Training Day et Ricochet.
(ATTENTION, SPOILERS) Les interactions de ces deux antagonistes avec Lucius constituent une véritable ligne de force dans la progression du récit, jusqu’à un final ou Scott ose mettre deux armées l’une en face de l’autre pour choisir de filmer un duel à mort sorti tout droit du Dernier Train du Katanga de Jack Cardiff plutôt qu’une bataille rangée. Miroir déformant du premier opus, Gladiator II parle d’une Rome au bord du gouffre et ne fait pas de quartier : personne n’est épargné et la dernière image nous montre Lucius, vainqueur mais veuf et orphelin, appeler son père à l’aide parce qu’il ne sait plus quoi faire. Sa vengeance assouvie, il n’a plus de but dans l’existence, et son discours un peu artificiel sur la nécessité de reconstruire une Rome telle que la rêvait Marc-Aurèle ne trompe personne. Durant tout le film, Lucius se déplace comme un fantôme et se bat comme une bête sauvage, Scott allant jusqu’à lui faire visiter le monde des morts. (FIN DES SPOILERS)Le jeu très intériorisé de Paul Mescal, qui semble prêt à exploser à chaque instant, se prête parfaitement à l’exercice. Et la musique de Harry Gregson-Williams, qui recycle le moins possible les thèmes de Hans Zimmer, possède un souffle ténébreux et musclé qui renvoie à son travail sur Kingdom of Heaven dans une approche en symbiose totale avec l’identité du film.
RIDLEY ON FIRE
Gladiator II n’est pas pour autant exempt de défauts de confection. Les CGI laissent parfois à désirer, la relation entre Lucius et sa mère reste assez sommaire, celle entre les empereurs jumeaux encore plus. Scott ne s’embarrasse pas de trop de psychologie, va droit à l’essentiel et à l’estomac au risque d’être parfois trop elliptique. Mais ce choix produit une dynamique intense, une sensation d’urgence qui fait gagner le récit en nervosité ce qu’il perd en profondeur - l’aspect mythologique de l’original cède la place à une noirceur beaucoup plus tellurique.
À 86 ans, Ridley Scott est plus que jamais apte à livrer des peintures en mouvement où chaque plan est un festin pour les yeux, et déploie une énergie qui semble défier la mort avec une arrogance folle - on ne dira jamais assez à quel point celle de son frère a fondamentalement modifié son approche du récit et de la mise en scène, témoin son usage d’un espace tridimensionnel directement hérité du style de Tony Scott où il se passe quelque chose simultanément au premier, au deuxième et au troisième plan. La présence de Denzel, acteur fétiche du réalisateur de Man on Fire, n’est pas non plus un hasard. De fait, Gladiator II est le film de Ridley qui ressemble le plus à un film de Tony depuis Mensonges d’État.
Après Top Gun : Maverick et Twisters cuvée 2024, voilà donc un sacré morceau de cinéma, Mad jusqu’au bout du glaive, qui prouve que l’art du divertissement n’est pas encore complètement exsangue à Hollywood.
Staying Alive
En attendant un Gladiator III dont l’intrigue devra s’inspirer de celle du Parrain, 2° partie avec Lucius en Michael Corleone antique et un possible version longue de Gladiator ll (il existe un montage de 3h40 mais la version salles est bel et bien un director’s cut), Ridley Scott continue d’empiler les projets.
Son prochain film devrait être le post-apo The Dog Stars, avec de nouveau Paul Mescal. Il y incarnera un pilote réfugié dans une base aérienne du Colorado avec pour seule compagnie son chien et un ex-marine au caractère bien trempé, qui capte un signal radio qui le pousse à grimper dans un vieux Cessna pour tenter d’en localiser la source. Scott devrait ensuite s’attaquer à You Should Be Dancing, un biopic musical consacré aux Bee Gees, dont les tubes firent les grandes heures du disco et le succès de La Fièvre du samedi soir.
Mais ce qui se profile de plus excitant est un western, genre auquel le réalisateur ne s’est encore jamais frotté et qu’il devrait enfin aborder avec Wraiths of the Broken Land, coécrit - aux côtés de Drew Goddard (La Cabane dans les bois) - par S. Craig Zahler (Bone Tomahawk) d’après son propre roman. Publié en France chez Gallmeister sous le titre Les Spectres de la terre brisée, celui-ci raconte la vendetta sanglante d’un père parti avec ses fils et son gang de hors-la-loi pour sauver ses deux filles, devenues des esclaves sexuelles dans un bordel caché dans un ancien temple aztèque. De quoi consoler Scott de n’avoir pu porter à l’écran Méridien de sang de Cormac McCarthy, que le scénariste de Gladiator John Logan adaptera finalement pour John Hillcoat (La Route).
– Par Cédric Delelée
– Mad Movies #388 -
Tu as pû mater le film l’ami ?
@Violence a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
(le plus injuste étant celui du Dernier Duel en 2021)
Un très bon film que j’ai dû mater 4 fois pour dire (j’en avais profité à le remater quand il passait sur C+).
Sinon j’espère de tous coeur que Ridley Scott nous concocte la suite de Prometheus et Covenant (j’y crois…Clint Eastwood réalise alors qu’il a 94 ans, tout est possible ) -
@Psyckofox a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
Sinon j’espère de tous coeur que Ridley Scott nous concocte la suite de Prometheus et Covenant (j’y crois…Clint Eastwood réalise alors qu’il a 94 ans, tout est possible )
C’est clair ^^
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@Psyckofox a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
Tu as pû mater le film l’ami ?
Je sors tt juste de la projo et je ne sais pas trop quoi en penser…
Je suis un peu le cul entre 2 chaises. J’ai bien aimé, il y a de très belles choses : la bataille d’ouverture, les scènes du Colisée (rhino, bateaux), le jeu de Pedro Pascal (toujours aussi bon mais il crève tout le temps ce con ), les empereurs jumeaux (très bon Joseph Quinn vu dans Sans un bruit : jour 1), les complots politiques (Denzel est magistral…), du Bis, etc…
Mais je sais pas, il manque de la folie, de l’épique, je voulais sentir le souffle de voir la grandeur de Rome et le rêve de Marc Aurèle se concrétiser avec autant de ferveur que dans le premier opus mais ce ne fut pas le cas…
J’aurais préféré que Scott embrasse cette suite plutôt que de la fuir, Connie Nielsen méritait mieux (les scènes retournées à la fin du 1 pour faire le lien, bof), idem pour le sénateur Graccus qu’on revoit ici qui crève vite teuf dans un plan de 2 secondes max…
Bref, dur de faire aussi puissant et magistral tellement le premier opus était épique et solaire mais je m’attendais à beaucoup mieux… Peut être trop d’ailleurs… C’est peut être ça mon problème.
Le film n’est pas mauvais loin de là mais je l’aurais vite oublié je pense… Après comme d’habitude, une deuxième vision s’imposera en temps voulu…
Allez hop, je vais me refaire le premier dans la semaine et La guerre des Rohirrim demain soir
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@Violence a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
je ne sais pas trop quoi en penser…
La même sensation que j’avais.
Je l’avais peut être dit mais on pouvait s’en passer de cette suite.
Ce n’est pas mauvais mais ce n’est quand même pas un truc qui te marquera à vie comme Gladiator premier du nom ou un autre film de Ridley Scott.Ne pas oublier la prestation du petit singe qui aura un grand rôle à jouer en tant que premier conseiller de l’empereur
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@Psyckofox Une suite aussi indispensable que Titanic 2
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@michmich a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
@Psyckofox Une suite aussi indispensable que Titanic 2
Non pas du tout, le film est loin d’être nul ou dispensable mais il y avait moyen de faire un truc épique avec Lucius, parfois Scott y parviens, mais je crois que lui aussi est indécis…
Et n’a pas le charisme de Maximus qui veut.
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Voici le trailer ^^
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patricelg PW Addict DDL Rebelle Windowsien Ciné-Séries Cluba répondu à Violence dernière édition par patricelg
@Violence a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
@Psyckofox a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
Tu as pû mater le film l’ami ?
Je sors tt juste de la projo et je ne sais pas trop quoi en penser…
Je suis un peu le cul entre 2 chaises. J’ai bien aimé, il y a de très belles choses : la bataille d’ouverture, les scènes du Colisée (rhino, bateaux), le jeu de Pedro Pascal (toujours aussi bon mais il crève tout le temps ce con ), les empereurs jumeaux (très bon Joseph Quinn vu dans Sans un bruit : jour 1), les complots politiques (Denzel est magistral…), du Bis, etc…
Mais je sais pas, il manque de la folie, de l’épique, je voulais sentir le souffle de voir la grandeur de Rome et le rêve de Marc Aurèle se concrétiser avec autant de ferveur que dans le premier opus mais ce ne fut pas le cas…
J’aurais préféré que Scott embrasse cette suite plutôt que de la fuir, Connie Nielsen méritait mieux (les scènes retournées à la fin du 1 pour faire le lien, bof), idem pour le sénateur Graccus qu’on revoit ici qui crève vite teuf dans un plan de 2 secondes max…
Bref, dur de faire aussi puissant et magistral tellement le premier opus était épique et solaire mais je m’attendais à beaucoup mieux… Peut être trop d’ailleurs… C’est peut être ça mon problème.
Le film n’est pas mauvais loin de là mais je l’aurais vite oublié je pense… Après comme d’habitude, une deuxième vision s’imposera en temps voulu…
Allez hop, je vais me refaire le premier dans la semaine et La guerre des Rohirrim demain soir
Partagé aussi. Je trouve que certaines scènes sont vite expédiées comme les combats, je n’ai pas aimé le jeu de Paul Mescal.
Connie Nielsen méritait mieux que ce final.
J’ai aimé, comme toi, le jeu des jumeaux, bien détestables comme il faut.
Quand je lis certains commentaires sur d’autres sites qui le trouvent nettement meilleur que le 1er, je me dis qu’on pas du voir le même film… -
@patricelg a dit dans [Critique] Gladiator II : Bisserie grand luxe :
Quand je lis certains commentaires sur d’autres sites qui le trouvent nettement meilleur que le 1er, je me dis qu’on pas du voir le même film…
Ha non, ils ont craqué…c’est incomparable (tu mates le 2 et quoi qu’il arrive, tu commences à comparer Paul Mescal aka Lucius et Russell Crowe Aka Maximus aka L’espagnol et tu te dis que le 1 c’était quand même quelque chose)
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Ben moi, j’ai bien aimé Gladiator II.
Je l’ai regardé sans me soucier du précédent et je l’ai trouvé excellent, décors, lumière, scénario, acteurs, pas de faute, un très bon moment.
J’ai halluciné du nombre de noms d’origine nord africaine dans la distribution (que des talents, totalement inconnus auparavant), comme quoi, les préjugés…
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Franchement il manquait quelqu’un… Vu que ça se passe 16 ans après et que c’est le dernier personnage qu’on voit dans Gladiator, ils auraient du intégrer le personnage de Juba; (Djimon Hounsou)!
“Maintenant nous sommes libres, et nous nous reverrons. Mais pas encore… pas encore.”