Déploiement de la fibre : l’Arcep condamne Orange à 26 millions d’euros pour non-respect de ses engagements
-
Trois ans de retard, ça commence à faire long…
Orange est (enfin) condamnée pour ne pas avoir respecté ses engagements de déploiement de la fibre optique dans les zones moins denses. Il faut dire que l’opérateur est largement en retard et n’a, selon le décompte de l’Arcep, même pas atteint ses objectifs de 2020. Montant de l’amende : 26 millions d’euros. L’opérateur compte saisir le Conseil d’État.
Dans le cadre du plan France THD (Très Haut Débit), la France a été découpée en plusieurs morceaux. Il y a les zones très denses, qui regroupent les 106 communes les plus denses où les réseaux sont déployés et financés par les quatre opérateurs nationaux (Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR).
Orange, un AMII qui vous veut du bien ?
On retrouve ensuite les zones moins denses qui, comme leur nom l’indique, « sont moins densément peuplées, c’est pourquoi les décisions de l’Arcep prévoient la mutualisation sur une part plus importante des réseaux des opérateurs », précise le régulateur des télécoms.
Les zones moins denses sont divisées en deux. D’un côté, il y a les AMII (appel à manifestation d’intention d’investissement) sur lesquelles Orange et dans une moindre mesure SFR ont pris des engagements depuis des années.
De l’autre, la zone d’initiative publique. On y retrouve les fameux « RIP » (réseaux d’initiative publique) financés par les collectivités territoriales et des AMEL (appels à manifestation d’engagements locaux) lorsque ce sont des opérateurs privés qui s’en chargent.
De quels engagements parle-t-on exactement ?
Le gendarme des télécoms rappelle que, au printemps 2018, « le Gouvernement a saisi l’Arcep sur des propositions d’engagements juridiquement opposables émises par Orange et SFR, consistant à couvrir en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) les zones moins denses d’initiative privée du territoire, c’est-à-dire les zones AMII ».
Plus de 3 600 communes sont concernées, pour un total de plus de 16 millions de locaux à raccorder à la fibre optique. Voici les engagements des deux opérateurs :
- | Orange : « 100 % raccordables (ou raccordables sur demande sous 6 mois, dans la limite de 8 %) » en 2020 et « 100 % raccordables » en 2022. 13 millions de locaux sont concernés
- | SFR : « 100 % raccordables (ou raccordables sur demande sous 6 mois, dans la limite de 8 %) » en 2020. La dimension est moins importante puisque trois millions de locaux sont concernés.
Dans le dernier observatoire de l’Arcep, Orange est loin de son objectif : « À la fin du second trimestre 2023, environ 89 % de ces locaux sont raccordables ». Les comptes ne sont pas bons : on devrait être à 100 % depuis 2022 et au moins 92 % depuis 2020 (si on laisse de côté les 8 % raccordables à la demande). Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation évolue peu au fil des mois… très peu même.
Orange était déjà à 89 % le trimestre précédent, contre 86 % fin 2021 et seulement 81 % au deuxième trimestre 2021. SFR aussi est en retard, mais dans une moindre mesure : au deuxième trimestre 2021, « environ 90 % de ces locaux ont été rendus raccordables », contre 95 % au second trimestre de cette année. C’est donc au-dessus des 92 % à atteindre, mais l’échéance était en 2020, pas en 2023.
Bref, Orange est en retard depuis des années et n’a toujours pas atteint son objectif de 2020, alors inutile de parler de celui de 2022. La situation est presque devenue un running gag au fil des observatoires et des conférences de l’Arcep auxquelles nous assistons. Pour résumer ces dernières années, on pourrait dire : « Oui Orange est en retard, mais non il ne se passe rien ».
Quand Jean-Noël Barrot agitait la carotte et le bâton
Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, s’est récemment prononcée sur le sujet : « Je vais vous décevoir, mais je ne m’exprimerai pas sur la procédure en cours sur les zones AMII Orange, justement parce que cette procédure est toujours en cours ».
Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé du Numérique, s’était montré plus bavard et laissait miroiter une porte de sortie : dans la zone AMII déployée par Orange, le gouvernement « fait face à deux options. La première est sans doute la plus simple et la plus confortable : mettre Orange en demeure […]. Que se passerait-il ? L’opérateur serait vraisemblablement sanctionné et obligé de déployer. Mais nous n’obtiendrons collectivement rien de plus ». C’est le bâton.
Maintenant la carotte : « La deuxième option est celle d’une discussion avec l’opérateur pour obtenir le déploiement dans la zone AMII mais aussi dans la zone très dense, et dans le cadre d’une discussion globale avec des engagements sur le maintien des tarifs sociaux et sur le traitement des raccordements complexe ».
Orange prend des engagements…
Dans un communiqué publié hier, Orange annonçait du changement avec « une nouvelle dynamique dans la généralisation de la fibre optique à horizon 2025 ». Pour mettre des promesses sur les mots, trois engagements sont pris : « généralisation de la fibre optique en zone privée », « mise en place du raccordement à la demande » et « garantie d’un Très Haut Débit à tarif abordable pour les foyers éligibles ».
« Orange et le Gouvernement Français annoncent avoir trouvé un nouvel accord portant sur la généralisation de la fibre optique à horizon 2025. Cet accord inclut la proposition d’un nouvel engagement de déploiements d’Orange sur la zone AMII », détaille l’opérateur.
La généralisation de la fibre optique en zone AMII est désormais prévue pour fin 2025, tandis que « dans les Zones Très Denses, Orange s’engage à poursuivre les déploiements afin de rendre raccordables plus de 300 000 logements et entreprises d’ici 2025 ».
De plus, « Le Groupe mènera en 2024 une expérimentation de déploiements sur demande auprès de ses clients sur deux grandes villes de ce périmètre. Enfin, Orange maintiendra une offre d’accès à la fibre optique à tarif social jusqu’au moins 2027 ». Bref, des annonces qui vont dans le sens des demandes du gouvernement, mais le « nouvel engagement de déploiement » sur la zone AMII ne permet visiblement pas d’échapper à la sanction.
… et une prune le lendemain
Après les engagements d’Orange hier, c’est le coup de bâton du gendarme aujourd’hui : « Constatant le non-respect de la première échéance de ses engagements de déploiement en fibre optique en zone AMII, l’Arcep dans sa formation restreinte (dite “de sanction”) prononce une sanction financière de 26 millions d’euros à l’encontre d’Orange ».
Pour Orange, c’est un peu la douche froide : « L’amende prononcée par l’Arcep pourrait réduire d’autant le montant des investissements opérés dans le déploiement de la fibre, au détriment des foyers en attente de raccordement ». De plus, l’opérateur estime que cette sanction est « totalement disproportionnée », et annonce saisir le Conseil d’État, une nouvelle fois donc.
L’entreprise affirme au passage avoir atteint les 92 % de son engagement de fin 2020 – l’observatoire de l’Arcep dit le contraire avec 89 % au dernier décompte pour rappel – et que la sanction porterait sur une partie des 8 % des locaux raccordables à la demande.
Problème, selon Orange, « aucun opérateur commercial ne propose à ce jour à ses clients une telle offre construite sur du raccordable à la demande ». Le fournisseur d’accès doit justement proposer une telle procédure… à partir de l’année prochaine, selon ses propres nouveaux engagements.
Résumé du calendrier
Hasard (ou pas ?) du calendrier, la sanction d’Orange tombe le lendemain de l’annonce de sa nouvelle « dynamique », mais le non-respect des engagements d’Orange ne date pas d’hier, ni d’avant-hier. Cela fait maintenant trois ans qu’ils ne sont pas tenus et que les déploiements tournent au ralenti en zone AMII.
Cette sanction concerne en effet la première échéance des engagements : son non-respect « revêt une particulière gravité, en ce qu’il porte notamment atteinte à l’intérêt et à l’aménagement numérique des territoires, et l’intérêt des utilisateurs finals dans leur accès aux réseaux ».
Le régulateur rappelle qu’il avait « constaté qu’Orange avait manqué à la première échéance prévue par ses engagements et, le 17 mars 2022, l’avait mis en demeure de les respecter au 30 septembre 2022 ». Orange avait contesté cette décision devant le Conseil d’État en mai 2022, mais avait été débouté de sa demande en avril 2023, et donc « validé la décision de mise en demeure de l’Arcep ».
- | Orange contre Arcep : le Conseil d’État ne transmet pas la QPC et valide la décision du régulateur
La machine pouvait donc reprendre. En juillet 2023, La formation RDPI (règlement de différend, de poursuite et d’instruction) de l’Arcep a constaté « le non-respect par Orange de la décision de mise en demeure » à l’échéance du 30 septembre. Le régulateur a « notifié les griefs à l’opérateur et a transmis en conséquence le dossier à la formation restreinte de l’Autorité en charge des sanctions ».
« La sanction décidée par la formation restreinte de l’Arcep a été prise après que la société Orange a été mise à même de consulter le dossier d’instruction et de présenter des observations écrites. Une audition, au cours de laquelle a été entendue la société Orange, s’est également tenue le 18 octobre 2023 ». Fin de la partie donc pour Orange.
La décision complète sera publiée dans un second temps (quelques semaines à attendre), mais il ne faudra pas en attendre trop de détails, car la mise en ligne se fera « sous réserve des secrets protégés par la loi ».
Source : nextinpact.com
-
Lu dans un commentaire de l’article
Pour rappel, l’article 36-11 du code des télécommunications, sur lequel se base l’ARCEP prévoit une pénalité de 1500 € par local particulier non rendu raccordable, 5000 € par local professionnel, ou 450.000 € par zone arrière de PM non complétée, avec une limite à 3% du CA de l’opérateur, et 5% en cas de récidive.
Lors de sa mise en demeure, l’ARCEP comptait 450.0000 locaux non rendus raccordables. A 1500 € par local, sans compter de local professionnel…, on aboutit à une amende de 675 M€ d’euros. Si on limite au CA d’Orange France, qui est d’environ 18 milliards d’euros en 2022, à 3% on est à 540 M€.
Orange s’en tire très bien, et je me demande si son recours devant le Conseil d’État ne pourrait pas aggraver la sanction…https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044564936
-
Chez moi en zone AMII (banlieue ouest de Paris, zone Poissy et pavillonnaire), le 100% est présumé atteint…
Sauf que j’ai au moins 3 voisins proches qui attendent toujours la fibre, les études s’avèrent “complexes” au dires de SFR à qui Orange a cédé le déploiement il y a 3 ans… Leur prune ils la méritent, lâcher l’affaire en sachant que le 100% serait impossible à atteindre.
Le problème selon moi est du à pas mal de locaux qui n’était plus raccordés en cuivre au profit des mobiles connectés, une mode qui a eu un certain succès surtout dans les générations les plus jeunes.
“Moi, le fixe je n’en ait pas besoin, j’ai mon saint smartphone”
Les armoires de mutualisations ont donc été naturellement sous dimensionnées. Et comme premiers demandeurs premiers servis, les nouveaux arrivants depuis 2022 sont rarement raccordables immédiatement. Le délai depuis les dernières demandes a déjà atteint 18 mois souvent sans solution.
En plus tout se fait en aérien, le passage des fibres est particulièrement difficile dans les zones pavillonnaires anciennes assez denses avec des parcelles enclavées avec servitudes de passage. -
bonjour, on est plus à 10 millions près! quand on arrêtera d’être américanisé. Juste bon à faire chier le monde, orange comme les autres font ce qu’ils peuvent (remarque que qd ils peuvent gratter, s’ont pas en retard)
-
3 ans de retard, ok pour le principe de condamner pour ne pas tenir les engagements mais ces 26 millions seraient plus utiles au déploiement…