Tout le monde déteste les drones
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Un an après la légalisation des drones par la loi de « sécurité Intérieure », le gouvernement a publié le 19 avril dernier le décret tant attendu par la police pour faire décoller ses appareils. Aux côtés d’autres associations, nous attaquons ce texte devant le Conseil d’État afin de dénoncer les atteintes aux libertés que portent en eux les drones et continuer de marteler le refus de ces dispositifs qui nourrissent un projet de surveillance de masse toujours plus décomplexé.
Une longue bataille
Rappelez vous, c’était pendant le confinement, en 2020. Les polices de France déployaient alors dans le ciel des drones pour contrôler les rues et ordonner aux personnes de rentrer chez elles. Avec la Ligue des droits de l’Homme, nous nous lancions dans un recours devant le Conseil d’État, qui a abouti à leur interdiction à Paris. Si cet épisode a marqué le début de la visibilité des drones aux yeux de tous-tes, ces engins de surveillance étaient en réalité loin d’être nouveaux. On en observait dès 2007 pour surveiller les banlieues, aux frontières mais aussi dès 2016 en manifestation, notamment dans la contestation contre la loi Travail. Provenant de l’industrie militaire en recherche de débouchés pour rentabiliser ses recherches ( 1 ), les drones se sont petit à petit installés dans les pratiques policières, à coup d’appels d’offres astronomiques et de batailles juridiques.
En effet, les velléités répétées et affichées des autorités pour utiliser ces drones ont été entravées par un certain nombre d’embûches. Malgré la décision du Conseil d’État, la préfecture de police de Paris a continué ostensiblement à les déployer en manifestation au cours de l’année 2020. Pourtant, il n’existait aucun cadre juridique à ce moment-là, ce qui signifiait que toute captation d’images par ces drones était illégale. Nous sommes alors retourné contester leur légalité et avons obtenu une nouvelle victoire, suivie d’une sanction de la CNIL auprès du ministère de l’Intérieur.
Dans une impasse, le gouvernement a choisi la sortie facile : faire adopter une loi qui donnerait un cadre légal aux drones. En toute logique, il a choisi pour cela la loi Sécurité globale, proposition de loi issue de la majorité LaREM à l’objectif assumé de généralisation de la surveillance de l’espace public. Mais au moment où le gouvernement allait arriver à ses fins, le Conseil constitutionnel a mis un nouvel obstacle sur sa route en censurant l’article sur les drones, estimant le cadre trop large et les garanties trop minces. Ce n’est donc qu’après avoir revu sa copie que le gouvernement a finalement réussi à obtenir leur autorisation au travers de la loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure », adoptée fin 2021 et dont nous parlions ici. Le nouveau chapitre qu’il crée dans le code de la sécurité intérieure autorise la police à recourir aux drones pour un éventail très large de situations : manifestations et rassemblements jugés comme « susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public », aux abords de lieux ou bâtiments « particulièrement exposés à des risques de commission de certaines infractions » ou encore dans les transports ou aux frontières.
Un déploiement qui ne s’est pas fait attendre
Le décret d’application récemment publié était donc attendu depuis l’année dernière, en ce qu’il précise les conditions d’utilisation et lance ainsi formellement le top départ de la surveillance volante (ou « aéroportée » comme on dit dans le jargon militaro-policier). Dans le cadre d’une procédure de référé (c’est-à-dire une procédure d’urgence), l’Association de Défense des Libertés Constitutionnelles (ADELICO) a attaqué ce texte pour dénoncer la violation des droits qu’entraîne cette surveillance. Nous nous sommes joint-es à cette affaire en déposant vendredi dernier un mémoire en intervention, afin de compléter les arguments de l’ADELICO en soulevant également la violation du droit de l’Union européenne qu’entraîne l’utilisation disproportionnée de ces dispositifs (vous pouvez le lire ici).
Car ce décret ne fait qu’aggraver le cadre général extrêmement permissif des drones. En effet, la loi laisse les mains libres à la police pour décider elle-même quels évènements doivent être surveillés, avec en première ligne les manifestations. Ainsi, il revient au préfet de justifier seul de la nécessité de l’utilisation des drones et, dans le cadre de rassemblements, de démontrer notamment qu’il est « susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public » pour avoir recours à cette surveillance. Or, nous l’avons observé de près ces dernières semaines, l’inventivité des préfets est sans borne dès qu’il s’agit de construire des récits et de présupposer des risques à la sécurité afin d’interdire des manifestations ou des casseroles. Néanmoins, un premier recours victorieux a réussi à les clouer au sol à Rouen le 5 mai, le tribunal administratif jugeant leur emploi non nécessaire.La perspective de devoir systématiquement, à chaque fois qu’on voudra manifester, déposer un recours contre les arrêtés préfectoraux d’interdiction, a quelque chose d’épuisant et de décourageant par avance qui avantage évidemment la position du pouvoir et de l’ordre policier.
Empêcher la banalisation
L’arrivée des drones dans l’arsenal policier a de quoi inquiéter : ce dispositif de surveillance ultime, qui se déplace, suit et traque, arrive dans un contexte de très importante répression des mouvements sociaux. Les premières utilisations qui ont suivi la publication du décret démontrent la volonté des préfets de les utiliser à tout va et de les installer dans l’imaginaire collectif. Que ce soit à Mayotte, aux rassemblements des Soulèvements de la Terre dans le Tarn ou à Rouen, lors des manifestations du 1er mai ou pour la finale de la Coupe de France, dès que la foule se rassemble, les drones devraient être là pour surveiller. De façon attendue, ces drones seront également utilisés en priorité dans les quartiers populaires, comme à Nice où la préfecture a annoncé y avoir recours pour « lutter contre le trafic de drogues » avant que l’on apprenne dans dans l’arrêté concerné que cela serait pour une durée de trois mois ! Cette même préfecture des Alpes-Maritimes s’est également empressé de les faire autoriser pour surveiller la frontière franco-italienne. Comme pour les caméras et leurs algorithmes, le but est de d’alimenter la croyance que la sécurité passera par la surveillance, sans chercher une quelconque solution alternative qui ne serait pas répressive.
De plus, le décret prévoit que les images captées par drone pourront être conservées sept jours notamment pour être utilisées lors d’enquêtes judiciaires. Nous craignons qu’à partir de ce moment-là les interdictions de recoupements avec des fichiers, prévues uniquement pour la police administrative, ne s’appliquent plus. Ces flux vidéo pourraient alors être utilisés pour faire de l’identification de personnes, notamment à travers le fichier TAJ qui permet aujourd’hui aux policiers d’avoir recours massivement à la reconnaissance faciale, en moyenne, 1600 fois par jours.
L’arrivée des drones s’inscrit dans une logique délibérée de banalisation toujours plus importante de la surveillance de l’espace public, un mois après l’adoption de la loi JO. Si l’opposition contre ces dispositifs est heureusement bien présente, ce nouveau texte affaiblit considérablement le niveau de protection des libertés. Leur défense est ainsi laissée aux associations et militant-es qui devront, pour chaque autorisation préfectorale, contester en urgence leur caractère abusif et infondé devant un juge.
L’audience de cette affaire aura lieu le 16 mai et nous espérons que le Conseil d’État prendra au sérieux les arguments avancés par les associations, à l’heure où la France a troqué sa place de pays défenseur des droits humains pour celle de leader européen de la surveillance.
Nous vous tiendrons au courant de la décision et de la suite combat contre les drones. Et si vous voulez nous aider dans cette lutte, n’hésitez pas à faire un don si vous le pouvez !
Mise à jour du 12 mai 2023 : en réponse à la défense du ministre de l’intérieur, nous venons d’envoyer un mémoire en réplique que vous trouverez ici.
References
| ↑ 1 | Voir Cities under siege -The new military urbanism, Stephen Graham, accessible ici | -
@Indigostar C’est pas gagné, mais ils ont tout mon soutien
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D’un autre coté, on passe de la vidéosurveillance, à de la vraie “Vidéoprotection”, les images de drones sont censées servir une intervention rapide des forces de l’ordre, sinon, à quoi bon un drone ? Et pour ça il faut aussi du personnel musclé et des locaux appropriés pour y enfermer les délinquants, pas vraiment un dispositif permanent ou à long terme, d’autant plus que les prisons débordent et qu’on y entre plus pour un oui ou pour un non… a preuve les nombreux multirécidivistes qui continuent en toute impunité à multirécidiver.
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Combien de temps avant qu’ils soient armés les drones !?
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Indigostar PW Addict Seeder I.T Guy Rebelle GNU-Linux User Membrea répondu à duJambon le dernière édition par
@duJambon a dit dans Tout le monde déteste les drones :
D’un autre coté, on passe de la vidéosurveillance, à de la vraie “Vidéoprotection”
C’est le même débat pour les caméras dans les rues qui utilisent la reconnaissance faciale pour “protéger les citoyens”. Y a-t-il vraiment un distinguo entre vidéosurveillance et vidéoprotection ?
Je ne pense pas pour autant qu’il faille interdire les drones. Dans certaines situations où la sécurité publique est en jeu, il peut être légitime d’utiliser cette technologie. Toutefois, son usage doit être strictement encadré, ce qui nécessite la mise en place d’un cadre juridique en amont et des contrôles pour en assurer son respect.
Actuellement les préfets peuvent décréter qu’il est légitime de les utiliser pour des rassemblements pacifiques, au cas où l’ordre public serait menacé ou en prétextant des risques de débordements majeurs…
Sans cadre légal précis, certaines préfectures pourraient également cibler des groupes sociaux ou des communautés et les surveiller de manière abusive (renforçant ainsi les inégalités, les tensions sociales, etc).
Dans de tels cas, aucun principe de proportionnalité n’est appliqué, et cela porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales (le droit à la vie privée, le droit à l’image, la protection des données, le profilage illégitime, etc.).De mon point de vue, la prolifération des drones dans les espaces publics rend les gens de plus en plus méfiants et anxieux, et cela pourrait créer à l’avenir un effet panoptique.
Enfin, on peut aussi se poser la question : est-il plus important d’investir (avec l’argent du contribuable) dans l’acquisition et l’entretien de nouveaux drones, ou d’utiliser ces ressources pour renforcer les effectifs et améliorer les relations entre la police et les citoyens ?
Les policiers sont de plus en plus formés à l’utilisation des technologies de surveillances et je crains que ce ne soit au détriment de leurs compétences sociales, relationnelles et éthiques.Bref il y a un côté déshumanisant qui me dérange profondément…
@Pollux a dit dans Tout le monde déteste les drones :
Combien de temps avant qu’ils soient armés les drones !?
On peut effectivement se poser la question. Avec les avancées sur l’IA, on peut imaginer dans le futur que des drones seraient équipés de système avec des balles en caoutchouc ou de gaz lacrymogène, par exemple.
J’entends déjà les arguments invoqués pour leur utilisation : système de visée plus précis (donc réductions de blessures accidentelles), diminution des risques pour les forces de l’ordre, réponse rapide dans les situations d’urgence, potentiel de dissuasion…Pendant ce temps-là, on s’indignerait des armes létales montées sur des drones dans d’autres pays
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@Indigostar Je pense que les caméras avec reconnaissance ne ferons que signaler (éventuellement alerter), pour les drones, il faut encore des pilotes pour chercher les trucs chelous en temps réel, et si c’est pour intervenir après coup, je n’en vois pas l’utilité, les caméras suffisent.
Je pense que pour le moment les drones ne sont encore prévus que pour un usage tactique, comme l’armée.
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Indigostar PW Addict Seeder I.T Guy Rebelle GNU-Linux User Membrea répondu à duJambon le dernière édition par
@duJambon a dit dans Tout le monde déteste les drones :
Je pense que pour le moment les drones ne sont encore prévus que pour un usage tactique, comme l’armée.
Le problème est que l’usage tactique se légitime pour tout et n’importe quoi. Pas plus tard qu’hier je lisais cet article où des policiers niçois utilisaient deux drones pour coincer des délinquants et saisir un peu d’argent.
@Tristan-0 a dit dans Tout le monde déteste les drones :
Je comprends ton point de vue mais l’interdiction pure et simple serait le plus souhaitable. L’usage de la force par les flics est censé être encadré réglementairement, et régi par le principe de proportionnalité que tu rappelles. Quiconque a fait une manif ces dernières années n’a pu que constater que c’est une farce, que ça cogne et gaze en roue libre, et que les inspections de l’IGPN aboutissent 99% du temps à des non-lieux. Leurs compétences sociales, relationnelles et éthiques, on y goûte à chaque manifestation.
Ceci dit, pour les drones, comme pour l’IA ou la vidéosurveillance, on ne nous demandera pas notre avis, et à l’instar de l’ancien président de la QDN, je ne crois plus en l’efficacité du combat légaliste, on aura toujours un coup de retard sur ceux qui écrivent les lois et qui rendent légal en une semaine ce qui est illégal aujourd’hui.
C’est dans la clandestinité, la dissidence, la rue, l’insurrection, quelque soit le nom qu’on lui donne, que ça se jouera…ou pas.Salut Tristan,
Je pense qu’il est peut-être préférable d’avoir plusieurs stratégies.
L’insurrection et la désobéissance civile peuvent avoir un impact significatif pour modifier une loi, mais la mobilisation, la résistance passive, les plaidoyers et la sensibilisation constituent également des leviers importants. Agir sur tous les fronts selon la personnalité et les compétences de chacun aura forcément une plus grande influence.
Dans cette approche globale, l’action légaliste de la QDN revêt aussi son importance. Car en plus de l’impact concret qu’elle peut avoir, elle contribue à éveiller ou renforcer l’esprit critique des gens.
C’est dans cet esprit que je relaye leurs articles depuis des années, et même s’ils sont peu lus et débattus, je ne me démotive pas -
la vente de lance-pierre qui va exploser
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toutes choses qui perturbe ma liberté privée me révulse !!
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@Ashura a dit dans Tout le monde déteste les drones :
la vente de lance-pierre qui va exploser
D’autant plus qu’on peut les utiliser de bien meilleures façons:
Un gamin de 13 ans empêche le rapt de sa petite sœur grâce à sa fronde
@Indigostar à Nice, le but actuel est de détecter les tirs des dealers en concurrence et d’intervenir sur le moment. Il y en aurait encore plus besoin à Marseille, où il y a au moins un mort par jour.
Pour le futur, je pense que le coût de l’opération (en personnel) ne permettra pas son maintient à une place définie et que sera plutôt des crs de drones ou des drones de crs qui seront utilisés.
A bon ou mauvais escient, tout le problème reste le même, caméras, drones ou flics, tout dépends du régime, entre une gauche complètement gaga et une droite hitlérienne, difficile apparemment de trouver un juste milieu.
Ce qui est sûr, c’est que nos descendants trouveront ça tout à fait normal, vu qu’ils livrent déjà volontairement toute leur vie sur les “résos” (comprendre cassos).
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@Tristan-0 “Safe City” ? La bonne blague, et qu’est-ce qu’ils feront avec les dizaines de milliers de délinquants reconnus chaque année ?
Non, ce truc ne servira que pour les manifs ou les gros poissons, les limites seront très vites atteintes vu la criminalité actuelle.
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La panoplie Parapluies+brumisateurs+ventilos sera bientôt en vente…
Ils ne savent plus quoi inventer.
Jaunes si possible, les parapluies
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@Tristan-0 faudra pas pleurer quand la violence va monter d’un cran
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Pour info, les cellules des caméras de ces engins sont très sensibles aux lasers. Je dis ça, je ne dis rien… mais je serai curieux de voir comment s’en sort un drone aveugle
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Un drone de la police attaqué durant la manifestation contre la réforme des retraites par… Des mouettes et des goélands
Lors de la 14e journée de mobilisation contre la réforme des retraites à Rennes, une scène inhabituelle a provoqué beaucoup de rires. Comme dans d’autres villes françaises, la manifestation était surveillée par un drone de la police, conformément à la loi en vigueur.
Cependant, dans cette ville où la contestation est forte, ce ne sont pas seulement les manifestants qui ont protesté, mais aussi les mouettes et les goélands, mais d’une manière différente. Comme le relate Nice-Matin, alors que le drone observait la manifestation, il a été “attaqué” par un goéland, comme le montrent plusieurs vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux.
#Rennes #greve6juin #ReformesDesRetraites Le drone survolant le cortège semble connaitre des difficultés. Il est attaqué par des mouettes. Les manifestants lèvent tous la tête pour regarder le drone. “Les mouettes avec nous !” pic.twitter.com/LaxZIrt8sE
On peut même entendre les manifestants encourager l’oiseau avec des slogans tels que “Les mouettes avec nous !” ou encore “Go, go, goéland !”.
À #Rennes la préfecture fait survoler la manifestation par un drone pour ficher les manifestant/es…
Mais les goélands bretons en ont décidé autrement
La drone est forcé de fuir suite aux assauts répétés des chevaliers du ciel pic.twitter.com/5CIdPOv7Rl
— Gautier Langlois (@GautierLangloi1) June 6, 2023Dans de nombreuses villes françaises, les préfectures ont émis des arrêtés autorisant la surveillance des manifestations contre la réforme des retraites à l’aide de drones, comme c’est le cas à Rennes et à Nice.
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est ce que les mouettes ont répondu ? ^^
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@Snoubi Comparution immédiate pour les mouettes terroristes !
Ça rigole pas au gouvernement.
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Put1 je les ai trop bien dressé mes pigeons …
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Les gens deviennent fou il parait qu’ il aurait essayé de prendre un petit chien, tu sais faire quelque chose Mister ^^
dsl pour le h.s…
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@Snoubi j’envoie direct une escadrille de renforts