[Dossier] Les coulisses du doublage
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Double-moi si tu peux
C’est peu dire que la VF n’a pas bonne presse au sein de la cinéphilie française. Faut-il pour autant accueilir l’ubérisation galopante de la chaîne des métiers du doublage avec enthousiasme, comme une marche forcée vers la Version Originale Sous Titrée toute puissante ? Tentative de réponse à cette question purement rhétorique en compagnie de quatre adaptateurs.
Début avril 2019, les explorateurs de l’extrême du catalogue de Prime Vidéo excavent une drôle de singularité. Deux films d’auteur sud-américains, l’argentin Mochila de Plomo de Dario Mascambroni (2018) et le mexicain Los Debiles de Raul Rico et Eduardo Giralt (2017), rebaptisés Emballage Lourd et Les Faibles, sont arrivés sur la plateforme de streaming dotés d’une VF déconcertante. Une seule voix synthétique, façon Alexa ou Siri, assume la charge de tous les dialogues dans une voix robotique et complètement à côté de la plaque, dans un français approximatif puant la traduction automatique à 666 kilomètres. Ces incursions vocales n’ont manifestement bénéficié d’aucun montage, tant elles oblitèrent tout le reste de la bande-son dans des variations de volume apocalyptiques.
Et quand le ton s’emballe entre les protagonistes ou que la musique s’invite à la fête, la voix « perd sa merde », comme diraient les Anglais, et s’enfonce dans une litanie de mots incohérents balancés au petit bonheur la chance. Sitôt l’anomalie relayée sur Twitter par les sites Nanarland et Numerama, Emballage lourd et Les Faibles se retrouvent géobloqués par Prime Vidéo. Du côté du géant américain, personne n’assume la responsabilité de ce raté spectaculaire, assimilé à un accident. Au train où vont les évolutions et les mentalités dans le milieu du divertissement, ce dédouanement peut être accueilli avec soulagement… pour le moment.
« Je sais que ce remplacement des comédiens par des voix de synthèse est un projet » révèle Bruno Chevillard, adaptateur depuis près d’une trentaine d’années. « On parle même de substituer le boulot d’adaptateur par des logiciels qui traduiraient la langue originale, et nous, on en serait réduits à faire de la relecture pour affiner un peu. Sauf qu’un logiciel ne peut pas comprendre l’ironie, par exemple. On nous dit aussi que le deepfake serait l’avenir du doublage, que les bouches des comédiens seraient modifiées dans chaque langue. Mais est-ce que les grands comédiens, américains ou autres, accepteront que leur physique et leur performance soient ainsi altérés ? On perdrait 80 % de notre métier, ça nous sauverait qu’ils râlent. »
La mobilisation ne risque pas de venir des sphères cinéphiles nationales, dans lesquelles le doublage peut être considéré comme une hérésie absolue, une entreprise de dénaturation artistique pour complaire au plus grand nombre -selon une étude récente de la Sacem, la majorité du public français n’aime toujours pas lire des sous-titres. Les gardiens du temple n’aiment rien tant que râler sur la déperdition du métier depuis les glorieuses années 1980 et 1990 et leurs versions françaises mythiques, aux expressions imagées restées dans le langage courant. Les jeunes générations, de leur côté, s’acharnent sur les loupés et les affichent dès que possible sur les réseaux, sans se douter qu’il ne s’agit que des marques d’usure inévitables d’un secteur sous pressurisation croissante. Cette réception est de toute façon biaisée : comme bon nombre d’éléments de la fabrique cinématographique, le doublage fonctionne réellement quand il finit par devenir invisible, par se fondre totalement dans l’œuvre.
La rythmo dans la peau
À l’origine de toute version française, avant le travail en plateau dans un studio d’enregistrement, il y a l’adaptation, avec ce que la discipline implique de traduction, de synchronicité, de composition avec les mouvements labiaux. Comme l’explique Maï Boiron, dans le métier depuis 2014,
« Le doublage est une gymnastique différente de celle du sous-titrage. Il faut s’assouplir de l’un à l’autre, avec des contraintes parfois inverses. Les sous-titres demandent de la concision alors que le doublage implique de se fondre dans la langue originale, de se couler dans un rythme. Il faut donner corps à une traduction pour qu’elle puisse être jouée. C’est un véritable exercice d’incarnation. Dès que je peux, je vais voir travailler les comédiens en plateau parce que cette corporalité de l’adaptation est passionnante. »
C’est de cette façon que Maï Boiron a appris le métier, à l’invitation de l’adaptateur et directeur artistique Jean-Marc Pannetier. Elle travaillait sur le sous-titrage d’un film dont il supervisait le doublage, il l’a invitée à participer à l’écriture des dialogues français, et la débutante à assimilé les bases du synchronisme à ses côtés. Vingt ans plus tôt, Bruno Chevillard a bénéficié du même type de formation.
« Une amie m’a demandé de venir l’aider pendant quelque temps, et j’ai appris sur le tas. Dans le temps ça se passait comme ça, avec un mentor, comme un apprenti avec un patron, avec bienveillance el envie de transmettre, On travaillait sur des séries comme Alerte à Malibu. C’était assez Ingrat, mais ça m’a servi pour la suite parce que ce sont des produits où il ne se passe pas grand chose, avec des acteurs cadrés en gras plan qui parlent pendant vingt minutes d’une situation on ne peut plus banale : c’était ldéal pour apprendre le synchronisme. »
Catalogué comme adaptateur de soaps Bruno Chevillard s’acharne et parvient à sortir de son créneau pour arriver au long métrage, Sa rémunération et son CV y gagnent, mais la méthode de travail reste la même.
« À l’époque, on travaillait avec des bandes rythmo sur lesquelles on écrivait avec du crayon à papier et une gomme. On avait l’image sur une cassette VHS, on écrivait en regardant l’image mais ce n’était pas du tout relié comme maintenant avec les logiciels. On tournait les bobines à la main, de façon on ne peut plus artisanale. Les logiciels ont amené une plus grande souplesse dans le travail, dans les déplacements - c’en était fini de ces foutues bobines qu’on avait peur de perdre ou d’abîmer. On peut travailler chez soi à condition d’avoir une connexion Internet, on a gagné en sécurité et en flexibilité. »
Le passage au virtuel de l’industrie a conservé cette spécificité nationale de la bande rythmo, un rouleau de texte synchronisé à l’image et truffé d’indications pour les comédiens, qui marque selon Maï Boiron la singularité des versions françaises.
« On a dans notre pays une culture du doublage assez unique, avec cet outil qui permet de donner une précision incroyable à notre texte. Et les comédiens sont formidables. Cette culture du doublage nous a marqués étant petits, je ne sais pas si ce sera pareil pour la nouvelle génération. »
Hokuto de cuisine
Si le passage au virtuel a simplifié et sécurisé les étapes cruciales d’un doublage, il a tout autant resserré la flexibilité des délais. Comme le rappelle Bruno Chevillard,
« Auparavant, un film sortait aux États-Unis au mois de juin et chez nous en septembre. Aujourd’hui, les grosses productions sortent dans le monde entier le même jour, donc les délais sont parfois extrêmement courts. Il m’arrive de plancher sur l’adaptation d’un film alors que je vois déjà les affiches dans le métro — “Sortie le 12”, il me reste trois semaines, comment je vais faire ! »
Bruno Chevillard attribue une deuxième bascule du métier au nouvel âge d’or des séries, au début des années 2000.
« Beaucoup de jeunes étudiants y ont vu un beau débouché. Les facultés françaises ont créé un master de traduction audiovisuelle, en doublage et en sous-titrage, dans une demi-douzaine d’établissements. Il y a désormais 60 nouveaux auteurs qui arrivent sur le marché chaque année… mais il n’y a pas 60 fois plus de travail, donc les tarifs se sont mis à dégringoler. Des chaînes ont engagé à très bas prix ces étudiants qui avaient besoin de travailler, et qui ont donc accepté à des conditions lamentables. »
Emmanuel Pettini, adaptateur historique de l’anime One Piece, a trouvé la parade à la saturation du marché : se former dans une autre langue que l’anglais, tout aussi attractive d’un point de vue pop culturel mais plus intimidante.
« Une des premières choses que les professeurs nous ont dites à l’arrivée en fac de japonais, c’est “Vous ne serez pas tous traducteurs de mangas”. J’ai néanmoins persévéré dans cette voie. L’impact de cette culture s’est ressenti au début des années 2000, les classes de 5-10 élèves sont passées à environ une cinquantaine d’étudiants - en première année, parce que ça écrémait rapidement, on perdait les trois quarts des effectifs. »
Emmanuel Pettini décroche un Stage au studio Chinkel à la sortie de son DESS, se forme aux rudiments de l’adaptation et en fait son métier une fois lancé en free-lance. Il exerce pendant deux ans sous ce statut, puis se fait engager par les bureaux français de Toei Animation. La société a une série phare, One Piece, qu’elle a déjà tenté de lancer sur le territoire français, sans que les 50 épisodes doublés par ses soins rencontrent un écho satisfaisant. Les responsables veulent retenter le coup, quitte à enregistrer de nouveaux doublages.
Emmanuel Pettini sera l’homme de la situation. « C’est rare pour une série comme ça de recommencer à zéro, mais elle comptait beaucoup pour Toei. Ils cherchaient quelqu’un pour assurer la refonte, coordonner la cohérence de l’univers sur le doublage et le sous-titrage. Je ne connaissais pas One Piece, j’ai pris le train en marche au 150° épisode, j’ai ramé un peu mais quand on commence à comprendre comment les personnages et les running gags fonctionnent, on est dans le bain. Je relisais tous les textes, je m’assurais de la continuité : “Non, Nami s’exprime plutôt comme ça, telle attaque a été traduite comme ça avant…” J’ai fini par superviser 450 épisodes. »
Enfant de la génération Club Dorothée, Emmanuel Pettini a grandi devant les fameux doublages apoplectiques de Ken le survivant et Nicky Larson, mais n’en garde pas un souvenir ému. Il est de l’école des adaptateurs scrupuleux du matériau de base,
« À l’époque du Club Dorothée, il y a clairement eu de l’abus. C’est un débat que j’ai régulièrement, qui n’est pas tranché et qui divise. Pour beaucoup, c’est une madeleine de Proust, ça les fait rire. De mon côté, je ne suis pas du tout pour, je trouve qu’ils sont allés trop loin, sans aucun respect pour l’œuvre. Ils ont fait n’importe quoi pour décompresser parce que pour eux, ce n’était pas quelque chose de noble. En ce moment, je m’amuse à revoir Goldorak en VF, une des premières séries qui avait marqué son temps. C’est un doublage parfois daté, un peu macho, sexiste, de la fin des années 1970. Et c’est rempli de ruptures de liens logiques. En japonais, ça raconte une histoire. Ils avaient clairement un script anglais relais, soit fragmentaire, soit qu’ils ne comprenaient pas, et ils étaient obligés de refaire eux-mêmes une histoire, de créer un lien logique à part entière. Puis il y a le côté magique de l’adaptation française avec le nom des attaques, des étoiles, ça apporte un charme indéniable. »
À L’aveuglette
La question de la trahison peut se poser légitimement dans des cas moins extrêmes. Tous ceux qui ont eu la chance d’entendre feu Patrick Poivey justifier la transformation, pour le doublage de Piège de cristal, du « Yipee Ki-Yay motherfucker » de John McLane en « Yipee Ki-Yay pov’con » pour des raisons de synchronicité et de rythmique peuvent honorer la mémoire du doubleur historique de Bruce Willis et en attester.
Les fans français intègres de Retour vers le futur savent pertinemment que Doc Brown n’a jamais dit « Nom de Zeus » ou « C’est pas le pied », que Biff ne traite personne de « banane » et que Marty McFly n’a jamais porté de Pierre Cardin, mais ils ne peuvent réfréner un pincement au cœur devant la version originale. Pour Maï Boiron,
« Quand on écoute les doublages autour des années 1970, on se rend compte rapidement qu’ils prenaient beaucoup de libertés. C’était une autre approche, qui a donné des doublages très vivants, très créatifs. »
La comparaison entre les conditions de travail contemporaines et celles d’alors peut donner des gages aux partisans du « c’était mieux avant ». Les temps d’enregistrement étaient plus longs et favorisaient de fait une meilleure appropriation du texte. Les comédiens pouvaient se trouver en plateau à plusieurs, dialoguer entre eux, travailler leur alchimie et bénéficier d’une émulation collective à même de servir le projet au mieux. Aujourd’hui, le virtuel enjoint à la compartimentation de chaque tâche, de chaque intervention, et surtout, la licence poétique est poliment mais fermement invitée à prendre la direction de la sortie, comme le confirme Maï Boiron.
« J’ai des clients qui ont le texte original sous la main en vérif et en attendent une grande fidélité. Et quand le client valide, on n’est plus censé changer le texte en plateau. »
Surtout quand tout se sait, tout se dit, tout se déforme à la vitesse d’un tweet. Il ne s’agit là que de la moindre contrainte imposée aux adaptateurs par les principaux studios hollywoodiens et leur peur panique du piratage, comme en témoigne Maï Boiron.
«Il m’est déjà arrivé d’aller à Los Angeles pour finir un travail de sous-titrage. Il ne fallait pas que le film sorte, je suis allée six jours sur place, c’est vous dire le niveau de sécurité. Une fois, un producteur américain me montrait un film sur son portable, en studio. Quelqu’un est entré, il a illico fermé l’ordinateur comme si c’était de la nitroglycérine ! »
Bruno Chevillard poursuit :
« On travaille sur des images en noir et blanc, avec des timecodes dans tous les sens, avec votre nom en watermark ou un logo qui défile parfois sur les bouches des interprètes - ce qui nous empêche donc de voir ce qu’on fait… Là je travaille sur un film où toutes les scènes n’ont pas été fournies, j’ai un écran noir avec une description de l’action. Quand les effets spéciaux n’ont pas été finalisés, on n’a que la bouche de l’acteur, tout le reste est noir à l’écran. On n’a pas de contexte, on ne sait pas ce qui se passe. ».
Il arrive tout aussi régulièrement que les comédiens de doublage, en plateau, doivent composer avec le même matériel tronqué, et assument donc la charge de deviner les émotions qu’ils sont censés véhiculer. Quitte à avoir de mauvaises surprises en découvrant le film en salle ultérieurement. Cyrille Rivallan, ancien employé des studios de La Marque Rose, n’arrive toujours pas à comprendre ce mode de fonctionnement.
« J’ai vécu sensiblement la même chose en travaillant pour le jeu vidéo. Pour la grosse artillerie, on sait que ça va sortir partout dans le monde au même moment, et personne n’a intégré qu’il fallait laisser du temps pour la localisation à la fin. On était en bout de chaîne, il fallait tout faire à toute vitesse, à la dernière minute. À prix égal, les clients préféraient littéralement de la merde en deux jours qu’un boulot de bonne qualité quatre jours plus tard. Les copies de travail sont dégueulasses, on ne va pas les faire fuiter, ça ne change rien. De toute façon, tu signes des contrats de confidentialité qui sont tels que si tu fais circuler, ça va te coûter tellement cher… Quand j’ai travaillé sur les jeux vidéo d’une très grosse franchise, ces contrats étaient tellement épais que certains comédiens passaient plus de temps à les parapher et les signer qu’à enregistrer leurs dialogues. Je ne plaisante pas. »
Le sous-titrage mis en bière
Et il y a encore et toujours la question du nerf de la guerre, l’argent. Plus exactement, la rationalisation généralisée des coûts et ses multiples impacts. La gestion de crise hallucinée en cours à la maison mère Warner, sous l’égide du nouveau patron David Zaslav, révèle avec une effarante transparence à quel point l’économie de bout de chandelle devient la norme. De façon moins voyante, si le studio Disney enregistre de nouveaux doublages de ses classiques animés, ce n’est pas par perfectionnisme ou par amour de la mise au goût du jour, mais parce que ça lui revient moins cher que de rémunérer les comédiens et auteurs des doublages originaux. Cette politique de l’optimisation touche inévitablement le temps passé en studio. Maï Boiron se rappelle :
« Quand j’ai commencé, le temps consacré à l’enregistrement en plateau était au moins d’une semaine pour un long-métrage. Pour Gone Girl, mon tout premier film, on a eu deux semaines, ce qui est assez exceptionnel. Mais j’entends de plus en plus dire que sur certains projets, c’est quatre jours ; les directeurs artistiques galèrent pas mal à obtenir des journées supplémentaires. ».
Et fatalement, les rémunérations sont en cause, comme le mentionne Bruno Chevillard :
«Il y a eu récemment une mobilisation des adaptateurs, on a contacté plusieurs boîtes pour leur signaler que les tarifs qu’elles nous imposaient n’avaient parfois pas changé depuis vingt ans. Les salaires n’augmentent pas, les frais oui. C’est en pourparlers, il y a une prise de conscience des studios mais les avancées ne sont pas suffisantes. ».
L’ATAA, l’Association des traducteurs/ adaptateurs de l’audiovisuel, centralise et fédère les professionnels et s’exprime en leur nom pour ce genre de démarche. Ils sont en outre rattachés au Syndicat national des auteurs et des compositeurs et s’échangent des tuyaux dans des groupes de discussion privés sur tel employeur à éviter, ou sur les tarifs pratiqués par les flibustiers du métier. L’arrivée des plateformes de Streaming dans le paysage charrie son lot d’inquiétudes quant à l’ubérisation progressive du secteur. Les sous-titreurs se sont joliment décroché la mâchoire quand Netflix a lancé Hermès, sa propre plateforme de test pour intégrer un pool de traducteurs à la bonne franquette en dehors de tous les circuits traditionnels… avant d’y renoncer, dans des conditions tout aussi opaques.
Cyrille Rivallan, reconverti dans la traduction de sous-titres, ne mâche pas ses mots :
« Il y a deux mois, j’ai travaillé pour l’un des plus gros prestataires mondiaux sur les bonus d’un film d’animation et sur le sous-titrage d’un documentaire pour une plateforme. J’ai dû bosser l’équivalent de cinquante heures en six jours, les délais étaient ridicules, les conditions techniques déplorables. Les sous-titres étaient prédécoupés, ce qui fait gagner du temps, sauf que par moment le découpage n’avait aucun sens, c’était fait par quelqu’un qui ne comprend pas le français. J’ai fini sur les rotules, avec une bonne migraine, je n’ai même pas gagné le Smic pour un résultat nul. Je le dis sans ambages, c’est le pire boulot que j’ai fait de ma vie. J’ai bientôt 50 ans, j’ai été croque-mort, j’ai bossé en hôpital psychiatrique. Tu me proposes de faire du sous-titrage pour cette société jusqu’à ma retraite ou de retourner aux pompes funèbres, je n’hésite pas une seule seconde, je retourne porter des cercueils. ».
Pour l’instant, Maï Boiron et Bruno Chevillard, deux grands noms de l’adaptation made in France, n’en sont pas rendus à une telle radicalité mais restent sur leurs gardes. L’industrie hollywoodienne donne le rythme, s’emballe pour tester de nouvelles limites. Ses exécutants rivalisent pour le moment d’adresse, au risque de faire croire que la cadence est tenable.
Et Blaise Matuidi dans le rôle de Flash
Dans le milieu de l’anime, l’heure est également à l’accélération des cadences, comme l’explique Emmanuel Pettini.
« Les plateformes Wakanim et Crunchyroll ont lancé le SimulDub : l’épisode sort en sous-titré au maximum 24 heures après la diffusion japonaise, et la version doublée arrive une semaine ou quinze jours plus tard selon la façon dont on a pu s’organiser, le matériel fourni, etc. Il faut s’engager dans un rythme hebdomadaire sur une période de douze ou treize semaines. Le changement se fait surtout sentir en studio, la logistique s’est compliquée. »
Pas tendre avec les fansubbers, ces stakhanovistes du sous-titrage amateurs et néanmoins puristes, Emmanuel Pettini assure que l’offre légale actuelle en anime couvre à présent 90 % des manquements qu’ils entendaient pallier en sous-main. Les doublages commandés par ces plateformes répondent à la demande d’un nombre encore colossal de spectateurs pour qui lire des sous-titres est une contrainte, mais qui vont tout de même faire l’effort pour s’imprégner de leurs séries fétiches. Mieux implantée que jamais dans le paysage culturel d’un pays qui a l’air de redécouvrir son engouement populaire tous les deux ans, l’animation japonaise n’a pas besoin de coups marketing pour exister, a contrario de toute cette mode malheureuse qui frappe les doublages de dessins animés depuis une décennie : le caméo vocal d’une célébrité dont la comédie n’est pas le métier.
Parce que l’effet de l’interprétation de Superman par Antoine Griezmann dans Lego Batman, le film sur le box-office français n’a pas été correctement quantifié, la tendance ne semble pas partie pour s’arrêter, au grand dam des comédiens de doublage. Il peut y avoir de temps à autre de bonnes surprises, il se murmure même qu’un chanteur connu aurait arrêté au bout de quelques répliques en reconnaissant qu’il n’y arrivait pas. Il arrive beaucoup plus régulièrement que ces performances soient rattrapées vaille que vaille au montage et ne servent qu’un strict intérêt promotionnel à très court terme.
Ce genre d’initiative participe de la dévalorisation d’un secteur qui ne le mérite pas. Les sphères cinéphiles ne changeront sans doute jamais de camp dans la grande guerre entre VOST, VF ou les deux. Elles peuvent en revanche reconnaître la valeur du travail accompli dans un tel contexte, et apporter un soutien significatif avant que le numérique ne submerge tout, y compris les voix humaines.
– Par François Cau
– Propos recueillis par François Cau
– Remerciements à Maï Boiron, Bruno Chevillard, Emmanuel Pettini et Cyrille Tivallan
– Source : Mad Movies #363
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Très bon article surtout que je m’intéresse beaucoup aux doublages fr et quand une bête du doublage FR casse sa pipe, c’est jour de deuil pour ma part
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La dernière fois c’était José Luccioni.
Sa voix c’était quelque chose, du grand art. -
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Loin de moi l’idée de jeter l’anathème sur les amateurs de VF, et encore moins sur les acteurs professionnels du doublage (je compatis).
Mais je suis un fervent défenseur de la VOST (Le doublage de The West Wing était parfait, celui des Soprano a transformé ce chef d’oeuvre en daube irregardable).
Pourquoi ne pas faire la paix et éviter cette querelle sans fin ? Vive le MULTI, tout le monde est content et personne n’est frustré.PS Merci pour ce dossier passionnant et instructif.
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Perso, il fut un très long temps, pendant une très longue période () ou je ne jurais que par la VOSTFR.
Maintenant, après toutes ses années, j’ai un peu changé d’avis car quoi qu’on en disent, on est quand même bien moins concentré sur le film. C’est indéniable.
Donc, je ne réserve la VOST que pour les mangas, les films asiatiques dont je suis énormément friand et certains films/séries qui valent le coup (Peaky Blinders par exemple ou les accents sont très important) mais sinon j’ai abandonné, car hormis ce fait, c’est quand même très approximatif niveau traduction mis à part certains excellents fansub.
J’ai facilement pu m’en rendre compte quand je faisais moi même du fansub pour ma team et d’autres.
@mekas a dit dans [Dossier] Les coulisses du doublage :
PS Merci pour ce dossier passionnant et instructif.
C’est toujours un plaisir de partager @mekas :clin_d_oeil_2:
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Les films des années 70/80/90 début 2000 en FR (le reste en vo pour les films amerlock ou vostfr pour les films english), les animes en vostfr, les séries en vo et les films asiatiques en vostfr (très bizarre que les films asiatiques aient un doublage typique des doublages de film de série Z…comprends pas).
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@Violence a dit dans [Dossier] Les coulisses du doublage :
Maintenant, après toutes ses années, j’ai un peu changé d’avis car quoi qu’on en disent, on est quand même bien moins concentré sur le film. C’est indéniable.
Je ne connais pas ton âge, mais on va dire que passé la cinquantaine le multitâche et la rapidité ont tendance à décliner, d’abord lentement, puis de plus en plus vite. Donc il est éventuellement possible pour toi que ce soit une question d’âge. En ce qui me concerne (j’ai connu Vincent Auriol…) il m’est effectivement de moins en moins facile de lire tous les ST sans perdre de l’image. Pour l’instant je tiens le coup. Il est possible dans quelques années que je ne puisse plus continuer parce que je perdrai trop d’image ou que ça me fatiguera trop de lire les sous titres et de jongler entre l’image et le texte (surtout si c’est en norvégien ou en japonais)
D’accord pour la VF pour les trucs sans importance, jetables style Agence tous risques ou 2 flics à Miami. Pour un Scorcese, un Tarantino, un Jerry Lewis, un Soprano, je dis NON franchement.
Vive le MULTI !
Merci pour cet échange. -
oOu la la je suis loin d’être vieux @mekas mais j’ai commencé la vost à 18 ans env, ça fait donc environ 18 ans
Mais il est vrai que je fatigue très vite des yeux du à mon métier. Je fais régulièrement de l’orthoptiste pour les muscler.
Vive le MULTI !
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@Violence a dit dans [Dossier] Les coulisses du doublage :
Mais il est vrai que je fatigue très vite des yeux
Alors je comprends que tu t’épargnes. C’est normal.
Vive le MULTI !