Le concept du Web3 est-il une nouvelle fumisterie ? Ses partisans pensent que c'est le seul moyen de retrouver les libertés d'Internet,
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Mais les critiques estiment qu’il s’agit juste d’un “buzzword”
Le Web a beaucoup évolué au fil des ans, et ses applications actuelles sont presque méconnaissables par rapport à ses premiers jours. L’évolution du Web est souvent divisée en deux étapes distinctes : Web 1.0 et Web 2.0. Cependant, depuis quelques années, certains proposent d’y apporter une troisième itération (Web 3.0/Web3) : il s’agira de prendre le Web2 actuel et d’y ajouter des blockchains. Le Web3 est censé redistribuer équitablement les pouvoirs d’Internet entre les entreprises et les personnes et redonner aux gens le contrôle sur leurs données. Mais certains qualifient le concept de “ridicule” et d’“inutile”.
Qu’est-ce que le Web3 ? Quelles sont ses caractéristiques ?
Pour ses partisans, le Web3 représente la prochaine phase d’Internet et, peut-être, de l’organisation de la société. Le Web 1.0 est l’ère des protocoles décentralisés et ouverts, dans laquelle la plupart des activités en ligne consistaient à naviguer vers des pages Web statiques individuelles. Le Web 2.0, que nous vivons actuellement, est l’ère de la centralisation, dans laquelle une grande partie de la communication et du commerce s’effectue sur des plateformes fermées appartenant à une poignée de grandes entreprises - notamment Google, Facebook, Amazon - soumises au contrôle nominal de régulateurs gouvernementaux centralisés.
Le Web3 est censé libérer le monde de ce contrôle monopolistique. Au niveau le plus élémentaire, le Web3 fait référence à un écosystème en ligne décentralisé basé sur la blockchain. Les plateformes et les applications construites sur le Web3 ne seront pas détenues par un gardien central, mais par les utilisateurs, qui gagneront leur part de propriété en contribuant au développement et à la maintenance de ces services. « Le Web3 est une façon de gérer le traumatisme de la perte d’un grand avenir possible pour l’Internet », déclare Niels Ten Oever de l’université d’Amsterdam. Beaucoup sont convaincus des potentiels de ce Web3.
Le terme Web3 a été inventé en 2014 par Gavin Wood, un informaticien anglais. À l’époque, il venait de participer au développement de l’Ethereum, la blockchain qui sous-tend l’ether, la deuxième cryptomonnaie la plus populaire après le bitcoin en matière de notoriété et de taille de marché. Wood pense que la conception actuelle du We2 n’est pas une bonne solution, pour plusieurs raisons. « L’une d’elles est qu’il est très difficile de réglementer les nouvelles industries. Le gouvernement est lent, il lui faut un certain temps pour rattraper son retard. Une autre est que les régulateurs sont imparfaits », a-t-il déclaré.
Il a continué en ces termes : « et surtout lorsqu’ils travaillent en étroite collaboration avec l’industrie, il y a souvent une sorte de porte tournante entre l’industrie et le régulateur. Une autre raison est qu’un organisme de réglementation a une puissance de feu qui est très limitée. Il s’agit de savoir combien d’argent le gouvernement y consacre. Et donc, nécessairement, la réglementation va être inégale. Ils pourront peut-être réguler les plus grands contrevenants, mais ils ne pourront pas conserver une influence vraiment forte partout et tout le temps. Et bien sûr, les régulateurs et les lois diffèrent d’une juridiction à l’autre ».
« Si vous vous rendez dans un pays de l’UE, l’activité X est autorisée ; si vous allez ailleurs, elle ne l’est pas. Et comme nous devenons une société très internationale, cela signifie effectivement que vos attentes ne sont toujours pas satisfaites ».
Comment cette nouvelle plateforme Web fonctionnera-t-elle ?
Selon Wood et ses partisans, dans le Web3, les développeurs ne construisent et ne déploient généralement pas d’applications qui s’exécutent sur un seul serveur ou qui stockent leurs données dans une seule base de données (généralement hébergée et gérée par un seul fournisseur de cloud). Au lieu de cela, les applications Web3 s’exécutent soit sur des blockchains, soit sur des réseaux décentralisés de nombreux serveurs, soit sur une combinaison des deux qui forme un protocole “cryptoéconomique”. Ces applications sont souvent appelées “dapps” (decentralized apps - applications décentralisées). Ce terme est très utilisé dans l’espace Web3.
Pour obtenir un réseau décentralisé stable et sécurisé, les participants au réseau (les développeurs) sont incités et se font concurrence pour fournir des services de la plus haute qualité à toute personne utilisant le service. Ainsi, lorsque les gens parlent du Web3, vous remarquez que les cryptomonnaies font souvent partie de la conversation. Cela s’explique par le fait que les cryptomonnaies jouent un rôle important dans nombre de ces protocoles. Elles fournissent une incitation financière (jetons) à quiconque souhaite participer à la création, à la gouvernance, à la contribution ou à l’amélioration de l’un des projets eux-mêmes.
Ces protocoles peuvent souvent offrir une variété de services différents comme le calcul, le stockage, la bande passante, l’identité, l’hébergement et d’autres services Web communément fournis par les fournisseurs de nuages. Les utilisateurs peuvent gagner leur vie en participant au protocole de diverses manières, tant au niveau technique que non technique. Les consommateurs du service paient généralement pour utiliser le protocole, de la même manière qu’ils paieraient aujourd’hui pour utiliser les offres d’un fournisseur de services cloud comme AWS. Sauf que dans le cas du Web3, l’argent va directement aux participants du réseau.
Comprendre quelques terminologies se rapportant au Web
Un système distribué est composé d’entités multiples, identifiées et nommables. Le DNS (Domain Name System) est un exemple d’un tel système distribué, car il existe une hiérarchie de responsabilités et de relations commerciales pour créer une base de données spécialisée avec une PKI (Public key infrastructure) cryptographique correspondante. De même, le Web est un système distribué, où le calcul n’est pas seulement réparti entre plusieurs serveurs, mais où la tâche de calcul est partagée entre le navigateur et le serveur dans une seule page Web. Un système décentralisé, quant à lui, se passe de la notion d’entités identifiées.
Au lieu de cela, tout le monde peut participer et les participants sont supposés être mutuellement antagonistes, ou du moins maximiser leur profit. Étant donné que les systèmes décentralisés dépendent d’une certaine forme de vote, le risque qu’un attaquant remplisse l’urne est toujours au premier plan. Par exemple, un attaquant pourrait simplement créer un groupe de marionnettes, grâce à une attaque Sybil, et obtenir autant de votes qu’il souhaite. Selon les experts, dans un système informatique distribué, les attaques Sybil sont faciles à réaliser, car il existe dans le système des entités responsables qui agissent comme des gardiens.
Ces gardiens sont souvent recrutés pour empêcher également toute activité “indésirable”. C’est notamment le cas des gardiens financiers qui traitent les paiements et ont l’obligation légale de bloquer de larges pans de l’activité criminelle. Les systèmes décentralisés sont censés éliminer la présence des gardiens. Cependant, il y a un problème, car sans ces gardiens, il n’y a pas une solution efficace aux attaques Sybil.
« Au lieu de faire appel aux gardiens, il y a de vilains bidouillages, comme un système de preuve de travail" où les attaques Sybil ne sont empêchées que par la nécessité de gaspiller des ressources, ou une “preuve d’enjeu” où la conception devient littéralement “celui qui a l’or fait les règles” », explique un critique. Actuellement, il coûterait environ 20 dollars par mois pour participer au Web3.
Pourquoi les critiques comparent-ils le Web3 à une escroquerie ?
Dans le fonctionnement du Web2, vous commencez par consulter le DNS, qui fait correspondre un nom à l’identité d’un serveur à l’aide d’un système distribué. En tant qu’opérateur de site, vous passez un contrat avec un bureau d’enregistrement qui vous fournit un nom de domaine. C’est le premier des deux gardiens avec lesquels vous devez traiter, pour un coût de l’ordre de 10 dollars par an. Ensuite, vous devez gérer ou sous-traiter l’exploitation de votre serveur d’autorité DNS, que le registraire vous fournira souvent si vous ne voulez pas le faire vous-même.
Vous installez ensuite votre serveur et votre solution de stockage chez l’autre gardien : votre fournisseur d’hébergement. Par exemple, une solution d’hébergement est l’EC2 d’Amazon Web Services. Comme vous commencez avec un petit site, vous pouvez probablement vous contenter d’une micro-instance, soit 1 cœur de processeur et 1 Go de mémoire pour environ 8 $ par mois, avec 0,08 $/GB-mois pour le stockage persistant et 0,09 $/GB envoyé aux visiteurs de votre site Web. Enfin, vous construisez réellement votre site. Votre site est en fait un calcul distribué réparti entre votre serveur et les navigateurs Web de vos utilisateurs.
Le navigateur du visiteur exécute JavaScript qui effectue les calculs et la présentation du côté utilisateur, tandis que votre travail consiste en un serveur HTTP, votre propre logique personnalisée et probablement une base de données pour stocker les données utilisateur de manière efficace. Cette conception divise la confiance : le navigateur de l’utilisateur n’est fiable que pour les données de cet utilisateur identifié, tandis que la logique du serveur est fiable pour accéder aux données de tous les utilisateurs. Le stockage persistant est principalement sur le serveur, mais vous pouvez mettre les données en cache sur le client pour un accès plus rapide.
Au total, cela vous coûtera probablement 20 dollars par mois. Alors, qu’est-ce que le Web3 ajoute à cette vision ? En effet, le Web3 commence avec toute votre infrastructure existante. Vous avez donc toujours besoin d’un nom de domaine, d’un serveur, d’un espace de stockage et d’un calcul distribué entre le navigateur et le serveur. Jusque-là, aucun gardien n’a encore été jugé “inutile” pour être supprimé, alors que le Web3 est censé s’en passer. « Vous n’avez encore supprimé aucun des gardiens du système distribué conventionnel, ce qui montre que les revendications de décentralisation sans aucun gardien sont fausses », estiment les critiques.
Le Web3 apporte-t-il une forme d’amélioration au Web2 ?
Selon les critiques, le Web3 ne fait qu’ajouter une couche supplémentaire de complexité au nom de la justification des cryptomonnaies sous-jacentes. Le navigateur Web est complété par un portefeuille de cryptomonnaies et une partie des calculs et du stockage est transférée de votre serveur à l’infrastructure décentralisée de cryptomonnaies. Lorsqu’un utilisateur souhaite utiliser votre service, il paie une certaine quantité de cryptomonnaies pour effectuer le calcul en fonction de ce qu’il a payé, le reste vous revenant comme rémunération de votre service. Selon les critiques, cette infrastructure n’apporte rien d’utile.
Alors pourquoi ce battage ? « Parce que l’espace des cryptomonnaies, au fond, n’est qu’un système de Ponzi géant où la seule façon pour les premiers participants de gagner de l’argent est que d’autres pigeons croient et entrent dans l’espace. La seule utilité d’une cryptomonnaie (en dehors des transactions criminelles et des fraudes financières) est ce que quelqu’un d’autre est prêt à payer pour l’acquérir et tout ce qui peut prétendre à une éventuelle utilité réelle existe pour aider à trouver de nouveaux pigeons », a déclaré l’un des critiques.
« En effet, un programmeur effectuant le test le plus basique d’un prototype Web3 va devoir obtenir la cryptomonnaie, dépenser la cryptomonnaie, et toute application nécessitera que tous les utilisateurs obtiennent également la cryptomonnaie. Si le projet est rapidement abandonné en raison de l’inévitable défaillance technique, le Web3 a tout de même atteint son objectif, qui était d’attirer davantage de pigeons et de leur soutirer de l’argent. En fin de compte, le Web3 est une escroquerie, un édifice technologique qui est plus qu’inutile, comme le découvrira rapidement quiconque tentera de déployer une application réelle », a-t-il ajouté.
Selon Elon Musk, PDG de Tesla et de SpaceX, le Web3 est un concept nébuleux qui relève “plus du marketing que de la réalité”. « Compte tenu de la nature presque inimaginable du présent, quel sera l’avenir ? Je ne suggère pas que le Web3 est réel - cela ressemble plus à un buzzword marketing qu’à une réalité pour le moment - je me demande juste à quoi ressemblera l’avenir dans 10, 20 ou 30 ans. 2051 semble follement futuriste ! », a-t-il déclaré dans un tweet le dimanche dernier.
Par ailleurs, Jack Dorsey, ex-PDG de Twitter, pense que “le Web3 n’aboutira pas ; et même s’il réussit, il ne parviendra pas à échapper au contrôle des sociétés de capital-risque et leurs commanditaires”. « Le Web3 n’échappera jamais à leurs incitations. C’est finalement une entité centralisée avec une étiquette différente », a-t-il tweeté récemment.
Source : developpez.com
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Oui c’est de la fumisterie puisque ça repose sur le partage entre pairs (comme le BitTorrent) et que donc ça implique sur le partage entre tous. Et c’est qu’une minorité qui utilise les techno SIA et IPFS dont on voit par exemples les logos dans leur “nuage” Web 3.
Là on ne parle pas de partager un .torrent qu’on a pris sur YGG mais bien d’allouer des Go/To de son PC personnel (ou ses serveurs) pour héberger des sites/fichiers via des outils de partage décentralisés.
Et ce ne sont pas les milliers de geeks férus d’auto-hébergements ou membres de /r/datahoarder qui vont héberger le Web de demain pour 8 milliards d’internautes.
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