Il y a 40 ans, Arpanet sortait du contrôle militaire
-
Il y a quelques jours, on a fêté les 40 ans de la division d’Arpanet, créant les deux premiers systèmes autonomes (AS). Cette scission ne vous dit peut-être rien, mais il s’agissait alors de séparer les activités militaires du reste. C’est ce « reste » qui a donné naissance à l’internet que l’on connait. Retour sur une étape marquante.
Si vous ne le savez pas, l’origine d’internet est militaire. Il s’agissait initialement d’un projet commandé par l’US Air Force à la DARPA. Cette dernière est une agence du département américain de la Défense, créée en 1958 pour faire de la recherche et développement sur de nouvelles technologies à application militaire.
Sa première grosse mission lui est confiée par l’US Air Force en 1961 : développer un programme pour gérer le commandement des bombardements stratégiques, ce qui impliquait des liaisons entre plusieurs centres. Pour ce faire, l’armée confie à l’agence l’AN/FSQ-32, énorme ordinateur qu’IBM a produit pour les besoins du Strategic Air Command. Joseph Carl Robnett Licklider, qui avait déjà travaillé avec l’US Air Force sur un programme capable d’envoyer des données via les lignes téléphoniques, est placé à la tête du projet. Il embauche Fred Frick, qu’il connait, pour le seconder.
C’est un point important du développement qui va conduire à internet : si le projet est une commande de l’armée, les deux hommes qui le pilotent initialement sont des universitaires, ce qui va profondément teinter la suite des travaux.
Les ordinateurs étant à l’époque extrêmement chers, Licklider et Frick militent pour que leur puissance soit partagée entre les entités qui pourraient en avoir besoin : agences fédérales, chercheurs, universités, entreprises, etc. En 1962, ils commencent alors à travailler sur une utilisation généralisée du concept de temps partagé, avec un réseau qui serait capable de relier les ordinateurs aux centres de recherche qui en auraient besoin.
Interconnexions, nœuds et routeurs
Le projet va changer de mains plusieurs fois dans les années suivantes, mais l’idée centrale reste. En 1964, le bureau de contrôle et commande devient l’IPTO (Information Processing Techniques Office), avec à sa tête le mathématicien et psychologue Robert Taylor. Deux ans plus tard, l’IPTO reçoit un budget d’un million de dollars pour créer officiellement un réseau informatique reliant les universités en contrat avec la DARPA. Plusieurs personnes sont alors recrutées, dont Lawrence Roberts et Wesley Clark.
C’est ce dernier qui, en 1968, propose d’utiliser un ordinateur à chaque nœud du réseau, plutôt que tout centraliser. Cet ordinateur sera spécifiquement développé (sur la base d’un Honeywell 516) pour cette tâche. Nommé Interface Message Processor (IMP), il est l’ancêtre du routeur.
Arpanet est fonctionnel en septembre 1969, les deux premiers nœuds du réseau étant alors l’université de Californie à Los Angeles et l’institut de recherche à Stanford. Ils sont rejoints rapidement par les universités de Californie à Santa Barbara et de l’Utah. En 1971, on compte 23 nœuds. Six ans plus tard, ils sont 111. Surtout, Arpanet montre la viabilité d’un réseau décentralisé. Les IMP font leur travail, et la panne d’un équipement n’empêche pas le reste de fonctionner.
Arrivée du TCP/IP et séparation
C’est durant cette période de développement, qu’en 1974 TCP/IP est officiellement créé. Son arrivée marque un changement majeur.
À cette époque, Bob Kahn travaillait déjà à la DARPA. Une mission lui avait été confiée : parvenir à une commutation des paquets, mais cette fois par la radio. Sur Arpanet, le protocole utilisé était le NCP (Network Control Protocol). Il était cependant impossible de reprendre ce dernier, car il exigeait la présence des IMP pour fonctionner. TCP/IP a été ainsi conçu, avec l’aide de Vinton Cerf, pour supplanter NCP et constituer une suite de protocoles capable d’uniformiser les communications sur le réseau. Ce fut un succès : il est toujours utilisé aujourd’hui.
Les deux grands actes de création de ce qui allait devenir internet ont lieu en 1983. En janvier, Arpanet bascule intégralement sur TCP/IP. Comme l’indique l’un des ingénieurs sur place, Peter Sevcik, ce changement est souvent considéré comme la naissance officielle d’internet.
« Cependant, TCP/IP ne séparait pas le trafic militaire, universitaire, de recherche et commercial. Toutes ces communautés fonctionnaient encore sur le même réseau physique et logique. Les militaires avaient besoin d’un réseau séparé pour leur trafic critique. Par conséquent, la scission du 4 octobre 1983 a séparé les parties DoD et non DoD pour former le MILNET et un Arpanet beaucoup plus petit », raconte Sevcik.
Pour réaliser cette opération, un script est minutieusement préparé. Le 4 octobre 1983, il y a 40 ans, le colonel Heidi Heiden lance la commande sur un terminal du centre d’exploitation d’Arpanet à Cambridge (Massachusetts). Il ne faut que quelques minutes pour que la séparation soit faite. L’armée a alors son propre réseau, le MILNET, et va développer des technologiques spécifiques, tandis que le petit reste, toujours nommé Arpanet, est confié au monde civil. Il s’agit alors des deux premiers systèmes autonomes (ou AS).
Dans son billet, Sevcik pointe deux conséquences importantes. La première est l’uniformisation des échanges de données au sein de l’armée, puisque l’on comptait à ce moment plus de 800 petits réseaux indépendants et utilisant tous leurs propres protocoles, incompatibles. La seconde est la libération d’Arpanet du contrôle militaire. La communauté universitaire crée alors en 1985 le National Science Foundation Network (NSFNET), qui finit par remplacer l’Arpanet.
Le terme « internet » est cependant utilisé officiellement dès 1983, l’année de la bascule vers TCP/IP et de la scission. Bob Kahn l’employait dès 1972 dans sa documentation, mais on ne sait pas s’il est l’auteur du terme lui-même. S’il est resté et a pris de l’ampleur, c’est parce qu’il était explicite et exprimait bien l’idée de ce qu’était devenu Arpanet : un réseau interconnectant d’autres réseaux, décentralisé et commutant les paquets pour acheminer les données.
Source : nextimpact.com
-
J’en profite pour placer un article complémentaire, un peu tombé dans l’oubli, mais qui fait un peu suite à celui-ci:
-
Et dire que c’est un français qui a trouvé le 1er mais la France a tout misé sur le Minitel, comme dab bravo