C’est pour aujourd’hui.
Le 24 septembre, La Quadrature du Net déposera une plainte collective contre le ministère de l’intérieur et contre sa “Technopolice”.
La Quadrature du Net attaquera devant la CNIL le ministère de l’Intérieur et ses « quatre piliers de la Technopolice ». L’association, spécialiste en matière de défense des libertés dans l’univers du numérique, appelle quiconque le souhaiterait à les mandater dans le cadre de cette plainte collective.
Créée en 2008, La Quadrature du Net se présente elle-même comme étant une association qui « promeut et défend les libertés fondamentales dans l’environnement numérique » et qui « lutte contre la censure et la surveillance, que celles-ci viennent des États ou des entreprises privées ».
Plusieurs fois dans les colonnes de FranceSoir, nous nous sommes appuyés sur l’excellent travail proposé par cette association. Notamment dans le cadre d’un large dossier qui traitait de la loi sécurité globale et du virage liberticide qu’elle proposait.
Composée de profils divers et variés, La Quadrature du Net s’appuie principalement sur une communauté de membres bénévoles. Concernant son financement, l’association dit compter « à 78% » sur les « nombreux dons individuels de citoyens » qui lui permettent d’assurer son indépendance.
En presque 15 ans, l’association est devenue un véritable bastion de la défense des libertés dans le domaine du numérique en France. On ne compte plus ses saisines du Conseil constitutionnel, ses articles dénonçant les reculs de liberté, comme lors de l’adoption du passe sanitaire, ou encore ses actions, parfois collectives, telle que celle actuellement menée contre la Technopolice.
Qu’est-ce que la Technopolice et quels en sont les piliers ?
La Technopolice est un terme employé par La Quadrature du Net pour définir la manière avec laquelle l’univers technologique est utilisé par la police afin de surveiller la population.
L’association différencie quatre piliers au sein de cette Technopolice : « Le fichage, les caméras de vidéosurveillance, la reconnaissance faciale et la vidéosurveillance algorithmique (VSA) ». Des piliers que La Quadrature du Net développe et détaille rigoureusement sur son site Internet.
Le fichage, principalement alimenté par les fichiers TAJ et TES (fichiers du Traitement des Antécédents Judiciaires et des Titres Électroniques Sécurisés), sont qualifiés par l’association de fichier de « surveillance massive et illégale », pour le premier, et « de prémices à la reconnaissance faciale de masse », pour le second.
La vidéosurveillance est quant à elle dénoncée par La Quadrature du net comme étant davantage un enjeu de contrôle et de surveillance pour le pouvoir, qu’une démarche réellement sécuritaire, tant ses résultats sont particulièrement faibles en matière de lutte contre la délinquance. En ce sens, l’association s’interroge : « Comment a-t-on pu arriver en 2022 à cette expansion insensée des caméras de vidéosurveillance, et ce, jusqu’aux territoires les moins densément peuplés pour lutter, entre autres, contre « le dépôt d’ordure sauvage » ? Comment expliquer qu’il existe, au bas mot, 1 million de caméras surveillant l’espace public si elles ne sont pas efficaces pour veiller à la sécurité des habitants et habitantes des villes et lutter contre ce qui est appelé “délinquance” ? ».
La reconnaissance faciale, elle, « est déjà déployée en France » et est, selon l’association, «* utilisée depuis 2012, sans encadrement légal, (…) plus de 1 600 fois par jour par la police, mais aussi par les services des renseignements* ».
Une technologie vue d’un très mauvais œil par La Quadrature du Net qui doute clairement des intentions se cachant derrière son déploiement : « Comme si la surveillance biométrique de masse pouvait être autre chose qu’un outil de contrôle autoritaire mettant fin à l’anonymat de nos déplacements dans l’espace public ».
Enfin, la vidéosurveillance algorithmique, est définie par La Quadrature du net comme étant l’ajout «* d’une couche d’algorithme aux caméras de vidéosurveillance dites « classiques ». Et ce, dans le but de rendre automatique l’analyse des images captées par caméras, jusqu’à présent réalisée par des humains, des opérateurs vidéo au sein de centres de supervision urbains (CSU) »*.
En résumé, il s’agit là de confier à une intelligence artificielle la gestion des données captées par la vidéosurveillance, de telle sorte à ce qu’elle les analyse avec pour objectif d’automatiser la détection d’infractions. Une nouvelle forme de surveillance technologique face à laquelle il est particulièrement important de s’opposer selon l’association.
La Quadrature du Net ponctue son plaidoyer concernant ces 4 piliers en rappelant qu’à son sens «* tous ces outils technopoliciers ne participent pas à améliorer notre sécurité. Ils ne font qu’augmenter la surveillance et la répression sans nous octroyer plus de libertés dans nos rues, au contraire* ».
Environ 13 500 personnes ont mandaté l’association pour attaquer l’État
La Quadrature du Net appelle donc quiconque le souhaiterait à rejoindre, d’ici demain à 21h 30, les 13 450 mandataires qui les accompagnent déjà dans leur action collective face au ministère de l’Intérieur. Cette plainte sera ensuite déposée lors du festival Technopolice qui a ouvert ses portes ce jeudi à Marseille. Au programme de l’évènement : projections, discussions et concert autour de cette surveillance massive qui inquiète de plus en plus par sa rapidité d’expansion.
Cette Technopolice se caractérise également par la discrétion qui entoure habituellement sa mise en application. Comme lorsque nous vous faisions état dans FranceSoir, en décembre 2020 lors d’une manifestation contre la loi sécurité globale, de la présence d’un « étrange » fourgon de gendarmerie doté de caméras à reconnaissance faciale, et dont la fonction et les capacités technologiques restaient encore méconnues.
Il s’agissait d’une fourgonnette du CNOEIL, la Cellule nationale d’observation et d’exploitation de l’imagerie légale, qui «* armée par des gendarmes spécialement formés, dispose de stations sur véhicules, équipées de systèmes de prises de vues et d’identification, exploitables immédiatement par des moyens de transmissions complémentaires.* ».
Un fourgon, qui selon Maxime Sirvins, journaliste fondateur de Maintiendelordre.fr, possède « un mât permettant une prise de vue à 7 m de haut pour une vision jusqu’à 200 m pour identifier les auteurs d’infractions en manifestation ».
Cette surveillance généralisée, qui envahit notre espace public, aussi bien urbain que rural, et qui est non consentie par une population en très grande majorité ignorante sur le sujet, pose de véritables questions politiques et philosophiques quant à l’orientation que nous souhaitons collectivement, et donc démocratiquement, donner à notre société. Il est à déplorer qu’avant d’être légalisée, une telle révolution en matière de surveillance ne fasse l’objet d’aucun débat sérieux entre les pouvoirs publics et la société civile.
Cette plainte collective que s’apprête à déposer La Quadrature du Net auprès de la CNIL en est d’ailleurs la meilleure preuve.