Les datacenters vont-ils relancer les énergies fossiles en Europe ? Le Shift Project sonne l’alarme
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Le Shift Project, dans un rapport publié mercredi 1er octobre, alerte sur la consommation électrique des datacenters, qui devrait doubler d’ici à 2030 pour atteindre 200 térawattheures en Europe. Une croissance non anticipée, qui pourrait forcer l’Europe à revenir sur ses engagements de réduction des énergies fossiles et créer des conflits d’usage en France.
Les datacenters, des ogres énergétiques en devenir. Si les alertes sur le sujet, notamment celle faite par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en avril dernier, sont de plus en plus fréquentes, elles ne sont pas suffisamment prises en compte. C’est l’une des inquiétudes formulées par le Shift Project dans son rapport publié mercredi 1er octobre et faussement intitulé «Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ?». Faussement, car le think tank dédié à la transition environnementale y est catégorique : à l’horizon 2030, la trajectoire dans laquelle se projette la filière centres de données est insoutenable.
Portée par les usages traditionnels (hébergement de sites web, vidéos, cloud, réseaux sociaux, …), l’essor de l’IA générative et les cryptomonnaies, la consommation énergétique des datacenters est vouée à décupler. En Europe, où elle progresse de 7% par an, elle devrait doubler entre 2023 et 2030, et ainsi passer de 97 térawattheures (TWh), soit 2,5% de la consommation totale d’électricité, à 200 TWh. Elle devrait même tripler d’ici à 2035, pour atteindre 369 TWh. Problème : «cette augmentation de la consommation électrique n’est pas prise en compte dans les scénarios de transition énergétique de l’Union européenne», s’inquiète Hugues Ferrebœuf, chef de projet au sein de l’association.
Le cas irlandais, une mise en garde
Or une croissance forte non anticipée à des conséquences néfastes qu’il est possible d’entrevoir à travers l’Irlande, estime le Shift Project. Le pays, dont le régime fiscal avantageux a attiré très tôt de nombreux projets de datacenters, surtout portés par des géants américains, est en avance sur le reste de l’Europe. Pour preuve, la part des datacenters dans la consommation électrique totale du pays est passée de 5% en 2014 à environ 20% en 2022. La consommation électrique des datacenters progresse ainsi de 23% par an en Irlande, contre 7% en Europe, documente le Shift Project. Avec quelles conséquences ? «Une tension sur le réseau électrique, répond Hugues Ferrebœuf. Dans un certain nombre d’endroits, notamment à Dublin, la production électrique ne sait plus répondre à tous les usages. Concrètement, cela a poussé à l’arrêt d’un certain nombre de projets immobiliers.»
De quoi pousser l’opérateur du réseau à décréter un moratoire qui limite l’extension des campus existants et l’implantation de nouveaux datacenters jusqu’en 2028. «Mais cela n’a pas résulté sur un arrêt de l’installation des datacenters, met en garde Hugues Ferrebœuf. Les datacenters ont trouvé une voie de contournement : aujourd’hui, une quinzaine se sont raccordés ou ont fait une demande de raccordement direct au réseau de gaz, avec le projet de créer des centrales électriques à gaz qui leur soient dédiées. Avec tout de suite des conséquences en termes d’émissions de gaz à effet de serre.»
Le Shift Project craint que cette situation ne se répète dans les années à venir à l’échelle du continent. «Dans sa trajectoire de décarbonation, l’Europe a prévu de se passer de 200 TWh d’électricité produite au gaz ; or ce chiffre, c’est précisément la consommation que devrait représenter les datacenters en 2030, observe Hugues Ferrebœuf. Une consommation supplémentaire qui n’est nulle part prise en compte dans les scénarios énergétiques de l’Europe.» Pour répondre à cette demande mal anticipée, l’association redoute que l’Europe revienne donc sur ses engagements et perpétue une alimentation électrique au gaz, nocive pour son bilan carbone et son indépendance face aux Etats-Unis.
En France, une consommation multipliée par quatre d’ici 2035
En France, les datacenters consomment aujourd’hui 100 térawattheures, soit 2% de la consommation totale d’électricité. Au vu des 109 milliards d’euros d’investissements privés annoncés lors du Sommet sur l’IA en janvier dernier, le nombre de datacenters et leur consommation devrait augmenter. «Si les tendances actuelles se poursuivent et si les annonces se réalisent, la consommation des datacenters devrait être multipliée par quatre d’ici à 2035, année où ils devraient représenter 7,5% de la consommation électrique française», détaille Pauline Denis, ingénieure au Shift Project.
Or là encore, cette énergie supplémentaire consommée n’est pas intégrée dans les scénarios de transition, y compris par RTE et Enedis, regrette le Shift Project. «On pense qu’il y aura des conflits d’usage, alerte en conséquence Pauline Denis. Surtout que les datacenters sont très concentrés sur deux régions, Marseille et l’Ile-de-France, où ils créent déjà une pression accrue sur les réseaux locaux.» Les secteurs impactés par ces conflits d’usage seront ceux dont la décarbonation complète passe forcément par leur électrification, note l’association, citant les transports et le chauffage en exemple.
Et si la production française d’électricité est aujourd’hui excédentaire, attention à ne pas avoir une trop grosse confiance en nos capacités futures. «La France a fini l’année 2024 avec un excédent d’électricité de 90 térawattheures, mais ce n’était pas le cas en 2022, objecte Pauline Denis. Surtout, les datacenters qu’on construit aujourd’hui atteindront leur pleine puissance, et donc leur consommation maximale, d’ici 10 à 15 ans.» Face à tous ces constats, le Shift Project fait plusieurs recommandations. Les principales : mieux anticiper les consommations futures des datacenters et intégrer cette filière dans la stratégie bas-carbone 3 que la France prépare actuellement. «La filière centres de données n’a pas sa propre trajectoire. Or, si on veut planifier la décarbonation du secteur, il faudra qu’on la voit», appuie Hugues Ferrebœuf. Un prérequis pour rendre les datacenters, et l’essor de l’IA qu’ils portent, soutenables.
En plus, augmentation de la demande = hausse des prix
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De toutes façons, tant qu’on ne sera pas mangé des murs dans la tronche et des catastrophes à répétition je pense que rien en changera. L’industrie et la finance sont depuis longtemps hors de contrôle et ça ne s’arrêtera que lorsque le système s’effondrera tout seul.