Les constellations de satellites parasitent la vision de Hubble
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Des astronomes sonnent un signal d’alarme : les constellations de satellites comme celles de Starlink perturbent leurs travaux. De plus en plus d’images réalisées par le satellite Hubble sont parasitées.
Les chercheurs qui travaillent sur les images de l’espace envoyées par Hubble se retrouvent de plus en plus face à un problème : les constellations de satellites de type Starlink de SpaceX ou celle de OneWeb font des trainées de lumière qui masquent les points de l’univers qui ne peuvent donc être observés correctement.
Si jusque-là, nous entendions surtout les plaintes des astronomes qui travaillent sur les observations faites depuis les télescopes situés sur Terre, il se trouve qu’Hubble est aussi gêné par ces satellites.
À l’aide d’une armée d’astronomes amateurs, qui ont plus l’habitude de chasser les astéroïdes sur les photos prises par Hubble et d’un algorithme de deep learning, des chercheurs ont établi que 2,7 % des images faites avec une exposition de 11 minutes (l’exposition la plus courante des images d’Hubble) étaient marquées par des lignes lumineuses produites par des constellations de satellites. Le résultat est étudié dans un article publié dans la revue scientifique Nature Astronomy.
Un problème identifié, mais accru par les constellations
Les astronomes avaient déjà identifié le problème avant même le lancement d’Hubble en 1990 puisque, dès 1985, les calculs des chercheurs de Baltimore Michael M. Shara et Mark D. Johnston suggéraient que des satellites terrestres artificiels « traverseront le champ de vision du télescope spatial Hubble (HST) avec des fréquences et des luminosités significatives ». Les astrophysiciens enchainaient en expliquant que « des modifications du micrologiciel [firmware, ndlr] des capteurs de guidage fin ont été mises en œuvre. »
Mais depuis le lancement de Hubble, le nombre de satellites en orbite terrestre a significativement augmenté. Et l’arrivée des constellations de satellites n’a pas arrangé les choses. Des astronomes faisant des observations depuis la Terre se sont plaints dès 2019, quelques mois après le lancer des premiers satellites Starlink en mai de cette année. Le PDG de SpaceX, Elon Musk, y avait répondu sur
(qu’il ne possédait pas encore) que « Starlink ne sera vu par personne à moins de regarder très attentivement et aura un impact d’environ 0 % sur les progrès de l’astronomie. Nous devons déplacer les télescopes en orbite de toute façon ».
Mais ce n’est plus rare que des images du satellite d’observation soient gâchées par des traits cachant plus ou moins une partie de la zone observée. Même sur une orbite terrestre de 538 km, Hubble est donc gêné par ces satellites.
Des exemples ci-dessous permettent de se rendre compte de la portée du problème. Si ces traits ne bloquent pas toute observation sur l’image, ils restent des artéfacts problématiques.
Crédits : NASA, ESA, Kruk et al.
Étiquetage par des volontaires
Pour objectiver le problème et vérifier l’impact des satellites terrestres sur les images produites par Hubble, les astrophysiciens ont demandé à une communauté de plus de 11 000 chasseurs d’astéroïdes déjà formée, et qui a l’habitude d’inspecter ces images, d’étiqueter une partie de celles de la base de données de l’eHST où apparaissent des traces de satellites.
Selon les chercheurs, « contrairement aux traînées d’astéroïdes qui apparaissent comme des traînées courtes et courbes sur les images en raison de l’effet de parallaxe causé par le mouvement du vaisseau spatial [Hubble] autour de la Terre, les traînées de satellites traversent rapidement tout le champ de vision des observations HST et, dans la plupart des cas, apparaissent comme des lignes droites ».
Analyse par deux algorithmes différents
Cette base d’images étiquetées a permis d’entrainer deux algorithmes de machine learning : un de classification binaire et AutoML, un algorithme de machine learning de vision de Google Cloud. Les deux étaient ensuite utilisés pour détecter les traces de satellites sur une masse d’images beaucoup plus importante : La classification binaire sur des images d’exposition de 11 minutes de moyenne et AutoML sur des images composées d’exposition de 35 minutes de moyenne. Si les images ne sont pas les mêmes, la comparaison des deux méthodes permet de vérifier que l’ordre de grandeur mesuré est le même.
Et les résultats montrent non seulement que 2,7 % des images d’expositions de 11 minutes prises entre 2002 et 2021 contiennent des traces de satellites terrestres, mais que celles-ci ne font qu’augmenter, passant de 3,7 % de chances de voir une trace de satellite dans une image de Hubble entre 2009 et 2020 à 5,9 % en 2021.
Au New York Times, Jonathan McDowell, un astronome du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics qui n’est pas auteur de la publication, a déclaré « Il y aura de la science qui ne pourra pas être faite. Il y aura de la science qui sera beaucoup plus coûteuse à réaliser. Il y aura des choses que nous manquerons. » Et il rajoute, « Il ne va pas seulement falloir mettre nos télescopes dans l’espace, mais aussi les mettre au-dessus du trafic ».
Source : nextinpact.com
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Les pauvres astronomes n’ont pas fini de se plaindre avec la constellation prévue de 13 000 satellites chinois
Une vidéo qui en parle.
@duBoudin, Il y est aussi question de communication quantique à partir de satellites, à partir de 07:38