Cinéma & Séries

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    Après un premier long-métrage jamais sorti et un second noyé dans les abîmes de la VOD, Nikhil Nagesh Bhat puise dans SON vécu, prend les codes du cinéma d’action de Bollywood à revers pour finalement remporter la mise, Il revient pour nous sur la création de cette bête de festivals, sur son rapport à la violence, sur la place du train dans tout ça.

    Aussi bien dans les films d’action, les comédies romantiques que le cinéma d’auteur, le train occupe une place fondamentale dans les cinématographies indiennes. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

    En Inde, les trains sont quasiment la colonne vertébrale du pays tout entier : c’est le moyen de transport de la plupart de la population depuis plus d’un siècle. Et c’est toujours le cas, bien que les voyages en avion soient devenus plus abordables. À l’époque de l’Inde britannique, une partie non négligeable du combat pour l’indépendance a pu être menée grâce aux trains, le réseau routier n’étant pas aussi développé qu’’aujourd’hui. Beaucoup d’Indiens n’utilisent que ce moyen de transport : Ça fait partie de la culture.

    Lorsque je faisais mes études à 2.000 kilomètres de la ville où j’habitais, je voyageais en train. Au-delà de ça, ça reste le moyen de transport le moins cher. Toutes les castes, toutes les religions, toutes sortes de personnes s’y retrouvent sous le même toit. Elles partagent le même espace, mangent la même nourriture, tout en parlant souvent dans des langues différentes. C’est une mise en abyme de l’Inde, un marqueur culturel fondamental, dont vous pouvez relever une infinité de références dans nos films. Les trains font partie intégrante de nos vies et de notre développement : toutes les villes les plus importantes du pays ont été construites autour des réseaux ferroviaires.

    Quand il s’agit de convoquer des représentations iconiques du train dans le cinéma indien, des films dans lesquels a joué Amitabh Bachchan des années 70 et du début des années 80, de sa période « jeune homme en colère », viennent immédiatement en tête, comme Sholay (Ramesh Sippy, 1975) ou Coolie (Manmohan Desai, 1983). Avez-vous des exemples antérieurs ?

    C’est vrai que dans le domaine du thriller, les films d’Amitabh Bachchan ont réellement eu un impact fort, surtout Sholay, pour sa mise en scène et sa façon d’appréhender le train comme un personnage à part entière. Mais il y a beaucoup d’autres exemples : je pense à des films portés par Raj Kapoor comme Chori Chori (Anant Thakur, 1956 - NDR), Half Ticket (Kalidas, 1962 - NDR), ou encore Pakeezah (Kamal Amrohi, 1972 - NDR), qui en ont offert des représentations pertinentes.

    Le prochain blockbuster de Sunny Deol, Lahore 1947 (réalisé par Rajkumar Santoshi), est déjà vendu sur la foi de son grand final, présenté par ses producteurs comme la plus grande scène d’action jamais filmée à bord d’un train. Au sortir de la projection de Kill, on leur souhaite bon courage.

    (rires) De ce que j’en sais, c’est une h’stoire qui repose avant tout sur l’émotion. Au moment de la Partition, il y a eu un exode important de personnes venant du Pakistan en Inde et vice versa. Des événements horribles se sont déroulés à bord de ces trains, avec parfois des wagons entiers de cadavres qui arrivaient en Inde ou au Pakistan. C’est un sujet très grave, pour n’importe quel Indien, et apparemment, le film avec Sunny Deol entend lui rendre justice.

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    – Nikhil Nagesh Bhat en train de donner des indications de jeu à son acteur principal.

    L’intrigue de Kill vous est venue d’un incident dont vous avez été le témoin. Ressentiez-vous le besoin de raconter cette histoire ?

    Comme je vous le disais, j’ai fait mes études loin de chez moi, dans la ville de Pune. J’habitais à Patna, qui était donc à environ 2.000 kilomètres, et je faisais trois ou quatre allers-retours par an. La répartition par wagon que vous voyez dans le film est un phénomène datant d’une quinzaine d’années ; quand je faisais ces voyages, autour de 1995, beaucoup de personnes se retrouvaient en classe générale, ce qui était mon cas en tant qu’étudiant - si j’avais pris un billet en première, mon père m’aurait foutu dehors ! (sourire) Ce jour-là, j’ai embarqué vers 23h30.

    Le matin, le train était censé s’arrêter à la gare d’Allahabad, où j’avais prévu de prendre mon petit déjeuner. Je me suis réveillé et j’ai constaté qu’on était encore loin d’Allahabad, que le train était arrêté dans une gare abandonnée. Quand je suis sorti, j’ai vu beaucoup de policiers, et j’ai fini par comprendre que le wagon juste à côté du mien, la première classe, avait été la cible d’une trentaine de voleurs. Dans la nuit, le wagon avait été réservé pour les invités d’un mariage, et quelqu’un avait dû faire fuiter l’information. Ils ont été frappés, certains passagers ont reçu des coups de couteau, les voleurs ont pris tous les bijoux, les vêtements, l’argent… Les victimes étaient rassemblées à l’extérieur, elles étaient horrifiées, elles redoutaient de remonter à bord. Pendant ces deux ou trois heures durant lesquelles le train était arrêté dans cette gare de fortune, j’ai pu voir toute la détresse de ces passagers, et ça m’a hanté pendant un long moment. En 2016, lors d’un voyage en train pour aller tourner un film, tout m’est revenu. C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’écrire une histoire autour de cet incident.

    Qu’avez-vous retiré du fait de vous inspirer d’une expérience personnelle, d’un point de vue artistique ?

    Ce fut cathartique, mais pas de la façon attendue. J’ai réalisé un film en 2008 (Saluun - NDR), et ce film n’est jamais sorti. Il a tourné dans quelques festivals, mais il n’a jamais vraiment vu la lumière du jour. À la suite de ça, j’ai connu huit années difficiles où personne ne voulait produire mes films. On me reprochait le fait que je n’avais pas réalisé de films, ce que je contestais, en soulignant que celui que j’avais réalisé n’était jamais sorti… C’était sans fin. J’ai fini par tourner un second long-métrage, l’un  des premiers Netflix Originals d’Inde, qui est sorti en 2018 (Brij Mohan Amar Rahe!). Mais ça ne m’a pas vraiment ouvert plus de portes. Toute la frustration accumulée a nourri l’écriture de Kill, et la catharsis s’est opérée à ce niveau-là.

    L’un des partis pris les plus audacieux du script réside dans l’écriture des antagonistes. Qu’est ce qui vous a poussé dans cette direction ?

    Je voulais que les spectateurs ressentent une forme de réalisme, qu’ils vivent le film comme s’ils faisaient partie des passagers, et c’est aussi pour ça que l’action est amenée de cette façon. Il fallait que lorsqu’un personnage meurt, on ressente sa douleur et celle de ses proches, quel que soit ce personnage, même s’il s’agit d’un antagoniste. Voir quelqu’un être blessé où mourir, ce n’est pas réjouissant : c’est l’une des pires choses qui soient, et il fallait que ça soit tangible. L’inspiration vient en outre d’un de mes films préférés, Aliens, le retour. J’ai vu une interview qui évoquait le fait que l’histoire tourne autour de deux mères : ce n’est pas une créature contre une astronaute, mais deux mères qui essaient de protéger leurs progénitures. L’émotion se développe des deux côtés. Cette lecture du film m’a fasciné, et elle m’est restée. C’est une idée à partir de laquelle je voulais expérimenter et Kill m’en a donné l’occasion.

    Et vous avez poussé ce principe encore plus loin dans votre film suivant, Apurva. Diriez-vous que les deux films se répondent ?

    Ils entretiennent des similitudes, mais ils s’opposent tout autant : Apurva est un survival, dans lequel une femme résiste à ses agresseurs sur une durée de 24 heures, alors que rien ne l’avait préparé à une telle éventualité ; Kill est une histoire de revanche, avec un membre de commando entraîné pour ce type de situation. On ressent le même genre d’émotions à la vision des deux films, bien que les personnages les amènent dans des directions différentes. Je dirais aussi que dans Apurva, il n’y a pas vraiment de gore: le film est très violent, mais il n’est pas sanglant.

    Les gerbes de sangetles retouches numériques, les montages et mises en scène d’aujourd’hui tendent beaucoup vers une insensibilisation au gore. Dans Kill et Apurva, toutefois, la violence est franchement ressentie.

    Merci beaucoup. Mon but dans ces deux films était de ne pas rendre la violence sensationnelle, ne pas la glorifier, ni même la dramatiser. Je voulais la montrer comme un renoncement, une perte d’humanité. C’est une tendance du cinéma indien et de beaucoup de films hollywoodiens d’utiliser la violence comme une forme de style, comme une fin en soi. La violence est devenue une déclaration d’intention esthétique. C’est quelque chose qui me rebute, et c’est pour ça que je tiens autant à l’aspect émotionnel du récit.

    Comment gardiez-vous l’équilibre ? N’y a-t-il pas eu des moments où vous vous disiez que vous alliez trop loin ?

    Il n’y avait pas vraiment de méthode. J’avais en réalité tout couché sur le papier en amont, chacune des quarantedeux morts du film, comment elle devait s’exécuter et se chorégraphier. Je fonctionnais à l’instinct pour savoir si c’était trop ou pas. À l’origine, le script comptait dix morts supplémentaires. En discutant avec le chorégraphe des scènes d’action, Oh Se-yeong, j’ai réalisé que c’était trop, que ce serait épuisant à voir. On faisait des previz sur chaque chorégraphie, et je décidais au coup par coup s’il fallait les réduire ou non. C’était un processus instinctif, qui s’est poursuivi au montage, même si en fin de compte, 95 % de ce qui a été filmé se retrouve à l’écran.

    Spoiler

    Je n’ai pas rogné parce que je savais qu’à partit du moment où le personnage principal bascule et devient un monstre, tout pourrait se justifier. Il passe par des états de culpabilité, de deuil pour succomber à la rage. Mais je crois que le film n’est pas encore sorti en France, donc je ne préfère pas m’étendre sur cet aspect. (sourires)

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    – Nikhil Nagesh Bhat apprend à ses comédiens à se mouvoir dans un espace pour le moins exigu.

    Les chorégraphes des scènes d’action ont tous les deux travaillé sur des films du Spy Universe“), des blockbusters hindis avec un sens du spectaculaire plutôt fantasque, presque à l’opposé des partis pris de Kill.

    Oh Se-yeong et Parvez Shaïkh sont des chorégraphes fantastiques. Oh Se-yeong a travaillé sur des productions indiennes mais aussi sur Snowpiercer, le Transperceneige ou Avengers : l’ère d’Ultron ; c’est un chorégraphe sud-coréen de renommée internationale. À la lecture du script, il a tout de suite compris le type d’action que je recherchais. Lui et Parvez Shaïkh ont toujours respecté les intentions de départ, à savoir de l’action viscérale, au rendu très personnel. D’autant que la contrainte du décor ne laissait pas vraiment le choix.

    Comment avez-vous géré cette contrainte, justement ?

    On s’est adaptés de scène en scène, au fil du tournage. Aucun d’entre nous n’avait travaillé sur un film d’action de ce type auparavant. J’avais demandé au production designer, Mayur Sharma, un décor laissant de la place pour les mouvements des comédiens et des caméras. Il fallait que tous les murs puissent bouger, se manipuler. Il avait déjà construit des décors de train, mais jamais avec ce type d’impératifs. Il a fait des recherches, m’a présenté une maquette d’une trentaine de centimètres, en me disant : « Voilà comment les murs vont bouger. »

    Il a ensuite travaillé sur une maquette de trois mètres et demi, sur trois cabines puis deux Wagons, jusqu’à arriver au résultat final. Il en est allé de même pour les maquillages et les prothèses : d’abord, on se disait que la plupart des effets seraient en images de synthèse, avant de prendre conscience du temps et de l’argent que ça représentait. Quasiment tout ce que vous voyez à l’écran est réel : c’est l’œuvre du studio Dirty Hands, un travail de quatre mois d’une grande méticulosité. De notre côté, nous avions un grand tableau récapitulatif de chaque arme utilisée, de chaque blessure. C’est la méthode qu’on a fini par adopter, pour s’y retrouver. Puis il y avait les éclaboussures de sang : là aussi, j’ai préféré me passer des effets numériques.

    Kill semble tellement ancré dans la culture indienne par son décor, la caractérisation de ses personnages et une certaine radicalité que l’annonce d’un projet de remake américain a pu sembler absurde, voire perdue d’avance. Êtes-vous plus optimiste ?

    Pour moi, la singularité du film ne tient pas tant à ses spécificités indiennes qu’à sa charge émotionnelle. Si cet aspect est respecté, peu importe le pays où ça se passe, ça marchera. Un père aimera son enfant n’importe où dans le monde, des amants s’aimeront et se disputeront n’importe où dans le monde. On en revient aux mêmes émotions primaires, qui fonctionnent partout. Parfois, vous regardez un film auquel il peut manquer un ou plusieurs degrés de sophistications techniques, mais ça ne vous empêche pas d’être embarqué par l’émotion.

    Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

    J’écris. Pour être honnête, j’ai pris goût au sang (sourire), donc je planche sur un autre film d’action, un autre film basé sur une vengeance.

    C’est un thème qui traverse les cinématographies indiennes de part en part, ces dernières années…

    Je pense que ça vient du fait que la société indienne fait face à une telle densité de population que les chances de réussite sont rares, limitées à peu de personnes. Et le reste de la population se sent laissée de côté. Ce ressentiment, cette impression d’être un outsider, est profondément ancrée dans la psyché du système indien. Il y a toujours cette volonté de s’élever de sa condition, de saisir la moindre occasion. Et quand ça ne se passe pas bien, il y aura toujours ce sentiment d’avoir été floué, et l’envie de prendre sa revanche. C’est du moins comme Ça que je me l’explique.

    – Propos recueillis et traduits par François Cau.
    – Merci à Aude Dobuzinskis, Jean-François Gaye et Amanda Kichler.
    – Mad Movies #385

  • [Vidéos] Scènes de Films

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    Il vont beaucoup moins vite que ce que l’on croit. l’écartement des lignes diffère sur la voie rapide pour faire illusion. On est pas sûr que la chute se fasse dans la terre et Cruise roulait déjà sans casque dans Top Gun… c’est une habitude à prendre sans doute.

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    Et juste avant de mater TRAP, j’avais revu SIGNS 🙂

    Cette nuit je mate BORDELANDS (2024)

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    C’est grâce à ce film que j’ai découvert l’univers de Gregg Araki et j’ai adoré.
    J’ai ensuite bouffé toute sa filmographie !!

    Dans les inconditionnels, on pourrait citer Totally F*******ed Up, Nowhere, Mysterious Skin, White Bird
    J’ai moins aimé son Smiley Face même si non dénué d’intérêt.

    Kaboom est aussi très très bien et sa série méconnue (sauf pour les connaisseurs) Now Apocalypse m’a fait hurler de rire 🙂

    Si vous ne connaissez pas et que vous aimez la comédie, le déjanté, le sexe et le trash… GO GO GO

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    Triste fin pour Belvaux 😞
    Restera son chef d’oeuvre…

    Contrairement à Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux n’a pas percé dans le cinéma. Il n’a plus tourné que trois fois en tant qu’acteur, dans le long Demain on déménage, le court Comme une vache sans clarine (avec Poelvoorde) et dans Les carnets de Monsieur Manatane (toujours avec son ami Ben).

    Sa voie se situait ailleurs, dans la publicité. Six années de suite, il a décroché le titre de meilleur réalisateur de pub de France. Avec un style choc, proche du quotidien des gens. Il aimait par-dessus tout associer des scènes apparemment banales pour délivrer un message fort, destiné à marquer les imaginations.

    Ami de Noël Godin et trublion dans l’âme, il s’était aussi illustré le 4 février 1998 en faisant partie du commando pâtissier qui est parvenu à entarter Bill Gates à Bruxelles 🙂

    Mais, selon ses proches, le grand écran emplissait ses rêves. En 1996, déjà, il avait tenté de reformer le trio de C’est arrivé près de chez vous pour une comédie décapante. Un projet sur lequel il a bossé deux ans. En vain.

    Méticuleux, angoissé, en dépit de ses airs débonnaires, Rémy Belvaux était un perfectionniste.

    Il avait revu son point de vue sur un cinéma de la cruauté et parlait sans cesse d’une autre inspiration positive, picaresque et humaniste dans laquelle il voulait engager son œuvre à venir. Il nous laisse un chef-d’œuvre et des tonnes de regrets,
    La famille Belvaux

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    en plus je l’ai encodé 😉 😉

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    Vous le savez je suis un grand fan du stakhanoviste Sono Sion et je l’ai découvert comme pas mal de monde avec ce film à sa sortie, et depuis, j’ai presque regardé toute sa filmographie d’avant et d’après (autant dire un paquet de films et séries).

    Sono c’est rentré dans l’univers du sexe, de la violence, de la folie, de la perversité, de la mort mais celui aussi de l’espoir, de l’humanité, de la sensibilité, du féminisme, de l’amour pure et bien d’autres choses. Sono c’est tout cela à la fois et c’est jubilatoire !!

    A mon sens, l’un des meilleurs réalisateurs japonais, tout simplement.

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    Idem! un film sympa mais sans plus.
    Je n’ai pas été surpris.
    Je ne veux pas dire que je devinais ce qui allais se passer, c’est juste que les événements ne me surprenaient pas.
    Je deviens peut-être trop blasé…

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    [La nuit des morts vivants] George A Romero, 1968

    Nous sommes en 1968 et La nuit des morts-vivants a marqué un changement radical dans l’histoire du cinéma. Du cinéma de genre, certes, mais aussi et surtout du cinéma tout court. Son intrigue apocalyptique est comme témoin d’une époque et d’un monde sur le point d’éclater.

    Un cimetière de Pennsylvanie. Barbara et son frère Johnny ont fait une longue route pour venir se recueillir sur la tombe de leur père enterré dans leur ville natale. Ce rite annuel irrite Johnny, qui se moque de Barbara, et lui rappelle comment il lui faisait peur lorsqu’elle était enfant- Il cherche nouveau l’effrayer, en lui affirmant que les morts vont venir la chercher. Barbara, énervée, s’isole, et se fait agresser par une personne la démarche mécanique et au visage ravagé. Son frère la défend, mais meurt dans la lutte, la tête fracassée contre une pierre tombale. Barbara s’enfuit, et se réfugie dans une maison isolée. Un routier afro-américain, Ben, la rejoint, et bloque portes et fenêtres avec des planches de bois alors que de nombreux morts, revenus à la vie, se dirigent vers la demeure. Barbara s’évanouit, et restera en état de choc à son réveil.

    Oui, on a besoin de revenir aux sources pour mesurer la révolution- Aussi dès les films de Georges Méliès, la peur et l’imaginaire s’imposent au sein d’œuvres telles que Le manoir du diable en 1896 ou la beaucoup plus connue Caverne maudite. L’engouement est déjà là et c’est grâce cette popularité que des films tels que Le Cabinet du docteur Caligari, emblème du cinéma expressionniste réalisé par Wiene, ou encore le toujours aussi efficace Nosferatu le vampire de Murnau en 1922 ont pu voir le jour

    La notoriété du genre croissant, il est alors fort logique de voir apparaître ce que l’on considère encore aujourd’hui comme les grands classiques, ceux qui provenaient des studios Universal et qui savaient faire frémir l’audience façon Le Fantôme de l’opéra en 1925 ou la série des monstres sacrées des Dracula et autres films de James Whale, ces universal Monsters qui ont connu leurs heures de gloire de 1932 1948. Et par la suite, les Jacques Tourneur, les King Kong et autres Chasses du Comte Zaroff. Dans les années 50, on pense aussi à La chose d’un autre monde, L’invasion des Profanateurs de Sépultures ou encore à La mouche noire. La décennie suivante, Roger Corman devient le pape et l’horreur Grand Guignol et gothique de la mythique Hammer fait flore. une première amorce de révolution se joue en 1960 avec l’un des chefs-d’œuvre d’Hitchcock, le toujours aussi démentiel Psychose.

    Au même moment, George Romero alors finissant ses études, fonde avec une dizaine d’amis une société de production, The Latent Image, spécialisée dans les films télévisés. L’objectif du petit groupe, qui travaille à Pittsburgh, est de réunir assez d’argent, d’expérience et de matériel pour se lancer dans la production d’un long métrage. Pendant ce temps, il écrit une nouvelle qu’il décrit comme une sorte d’allégorie inspirée par Je suis une légende de Richard Matheson, mettant en scène une masse informe revenue d’entre les morts et poussée par un besoin irrépressible de se nourrir de la chair et du sang des vivants.

    The right film at the right place at the right time. En 1968, alors que les États-Unis sortent enfin de la guerre du Vietnam, que les interventions de Martin Luther King apaisent les conflits raciaux, que des athlètes protestent en faveur des black panthers aux jeux olympiques de Mexico, Romero apporte la copie de son premier long métrage un producteur de New York, le hasard voulant que ce jour soit le 4 avril 1968, date laquelle le militant non violent fut assassiné par James Earl Ray. C’est donc dans ce contexte trouble de l’histoire des États-Unis, pendant cette période où beaucoup d’éléments commencent à être mis en cause ou contestés que sort La nuit des morts vivants. Comme chacun sait, le film entretient des rapports troubles avec la réalité jusque dans la présence au générique de Duane Jones, comédien noir qui aura le droit au premier rôle. Une première et donc une chose rare pour l’époque, la ségrégation étant encore de mise aux États-Unis un an auparavant.

    Romero se pose alors là comme un réalisateur visionnaire qui véhicule dans ses images les maux d’une Amérique qui sature et qui est sur le point de craquer. Ses morts vivants renvoient soudain aux jeunes morts au Vietnam que l’on rapatrie sur le sol US. Romero s’interroge sur ce qui l’entoure, sur ce pays qu’il ne cerne plus et sur la folie inhérente aux multiples traumatismes que sont les deux dernières Guerres : Seconde Guerre mondiale avec Hiroshima — le réalisateur évoque le nucléaire avant même que l’on reconnaisse les méfaits des radiations et la Guerre du Vietnam, sur ce sentiment d’oppression permanent qui ne cesse de grandir et sur la folie humaine qui en découle. Tout cela se retrouve dans son film jusque dans les réactions des protagonistes qui préfèrent s’entretuer que devoir se confier à l’étranger. Dans l’histoire du cinématographique, c’est donc un grand moment puisque l’actualité ne sert plus de base pour inventer une fiction délirante mais au contraire c’est la première fois qu’une fiction relativement pessimiste voire nihiliste, s’octroie les services de l’imagination pour traiter des problèmes sociaux et donc du réel.

    De plus, le film marque une véritable rupture avec tout le patrimoine du cinéma de genre puisque Romero va décider — peut-être inconsciemment faute de moyens — d’éviter tout plan trop propre, déconstruisant ses séquences pour faire naître le chaos, renonçant aux travellings et à tout autre procédé pour favoriser une caméra l’épaule journalistique, décrivant seconde après seconde cet état de siège et offrant ainsi une nervosité nouvelle que jusqu’alors le cinéma n’avait pas connu et qui finalement rejoint le style des journaux télévisés- Évidemment, le public est choqué et le film du réalisateur de Pittsburgh ouvre les portes à toutes les expérimentations de mise en scène et à une certaine liberté du discours jusque-là cantonné au politiquement correct.

    Romero retrouvera cette liberté en 1978 avec Zombie (Dawn of the dead). Son film devient une critique virulente du consumérisme, assumant encore une fois la totalité de sa vision nihiliste (les hommes se détruisent au lieu de s’aider). Crachant la gueule d’un système qui «se capitalise» de plus en plus, Romero épousera cette démarche, en donnant à consommer la violence par la grâce des effets spéciaux de Tom Savini et en imposant un gore plus corrosif que celui de Hershell Gordon Lewis avec Blood Feast en 1963.

    – Source : https://www.chaosreign.fr/la-nuit-des-morts-vivants-george-a-romero-1968/

  • [Documentaire] On a volé ma VF

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    Pareil,j’ai regardé le début en me disant ça va me faire passer un peu de la soirée sans télé au camping… Et j’ai accroché au point de regarder intégralement.,.
    La question soulevée a la fin laisse a réfléchir car on le sait,l’IA fait de grande choses mais aussi de la merde !

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    J’ai enfin pris le temps de le voir.
    Assez sympa ce Immaculée.
    J’ai trouvé Sydney Sweeney magistrale.

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    Avis perso j’avais kiffé le film.
    L’enfance de Furiosa, Chris Hemsworth en Dementus…genialissime (l’un de ses meilleurs rôles), l’action…j’ai aimé quoi ^^

  • Futuristic MovieTimeline

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    Intéressant, mais le temps à fait pas mal de dégâts sur certains titres, qui sont surement dans la liste à titre de référence, plus que par crédibilité.

    Et quand situer les voyages dans le temps ?

    Un classement par date de fin du monde aurait été plus drôle…

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    Je viens de regarder le premier épisode de cette série, et même si le graphisme et l’animation me rebutent encore un peu, quelle baffe j’ai reçu, ou plutôt, quelles baffes !

    J’avais un peu peur que la fin du tandem Miyasaki et Hisaichi ne signe la fin de la très haute qualité et inventivité forgée par les deux compères et qui sortait largement du lot, que nenni, musique (deuxième partie du premier épisode) et histoire, tiennent le haut du pavé.

    Difficile d’en dire plus sans gâcher la surprise de ceux qui ne l’ont encore pas regardé…

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    je suis d’accord… .

    Une bombe comme tout ce qu’à fait Jérémie

    Et l’interview intéressante de Jérémie :

    https://planete-warez.net/topic/4719/interview-jérémie-perrin-mars-express

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    L’animation distinguée à Cannes: une Palme d’or d’honneur a été décernée lundi au studio japonais Ghibli, co-fondé en 1985 par Hayao Miyazaki, réalisateur doublement oscarisé pour ses œuvres empreintes de poésie qui séduisent petits et grands bien au-delà de l’archipel.

    C’est son fils Goro Miyazaki, également réalisateur chez Ghibli, qui est venu chercher la Palme.

    C’est la première fois qu’un studio reçoit un tel prix, d’ordinaire remis à un acteur ou un réalisateur, comme Meryl Streep et George Lucas, également récompensés cette année.

    “Je voudrais remercier tous les fans du monde entier. Je voudrais vraiment envoyer ces remerciements à tout le monde”, a déclaré Goro Miyazaki, visiblement ému et sous un tonnerre d’applaudissements.

    Il a estimé que cette récompense était “un encouragement” pour “les quarante années à venir”.

    Une vidéo montrant Hayao Miyazaki se moquant de la décision de son fils d’aller chercher cette Palme (“je le plains”) a été projetée au public, provoquant les rires. Il a ensuite plus sobrement remercié le festival.

    La cérémonie s’est poursuivie avec la diffusion de quatre court métrages inédits dont une mini-suite de “Mon voisin Totoro”. Trois sur quatre de ces petits films n’avaient jamais été montrés en dehors du Japon.

    Âgé de 83 ans, Hayao Miyazaki est l’un des plus célèbres maîtres de l’animation japonaise, avec des films “Le Voyage de Chihiro” récompensé d’un Oscar. Ses œuvres explorent des thèmes universels, comme la relation des humains avec la nature et le surnaturel, l’écologie et les machines, que l’artiste détaillait avec passion.

    Tout en manifestant une prédilection pour les jeunes héroïnes courageuses, il a aussi créé des personnages fantasmagoriques inspirés du folklore traditionnel japonais, telle l’attachante mais mystérieuse créature Totoro. L’animal-esprit Totoro a aussi été érigé en mascotte du studio d’animation Ghibli, fondé en 1985 par Hayao Miyazaki et son associé Isao Takahata (mort en 2018).

    Miyazaki a à maintes reprises annoncé sa retraite avant de retourner à la planche à dessin. Son dernier film, “Le Garçon et le Héron”, a remporté l’Oscar du meilleur film d’animation en mars.

    Source: https://www.7sur7.be/cinema/palme-dor-dhonneur-a-ghibli-le-studio-danimation-de-miyazaki~a23bf6c8/

    Il y a longtemps que cela aurait dû être fait, le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé.
    Merci à Miyasaki pour tant de beauté et de poésie.

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  • Affiches de films

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  • Deadpool 3 signe déjà un record et détrône Spider-Man

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    Perso, j’adore ce genre de films à la con.
    Lorsque j’étais gosse et que je dévorais les BD, “strange”, “titans”, “nova”, “Conan le Barbare en noir et blanc” et tout le toutim, je n’aurai même pas imaginé à l’époque que certains de ces personnages verraient le jours à l’écran.

    Alors oui, la moitié, voire plus, ne sont pas des films de haute qualité.

    Mais qu’est ce que je prends mon pied à voir et revoir tous ces films issus de l’univers des super héros de mon enfance.

    Alors non, ce n’est pas
    “Le Nom de la Rose”, “Temple Grandin” ou du “Shakespaere” mais faut savoir ce que l’on regarde.

    Perso, je kiffe déjà à l’avance.

    J’ai limite plus hâte d’être au mois de Juillet pour cette sortie plutôt que pour les JO :pouhahaha:

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    L’auteur de Civil War nous explique ses techniques pour rendre la guerre aussi laide que dans la réalité et le spectateur un peu moins con que quand il est entré dans la salle.

    Tout d’abord, je dois vous dire que j’ai été très impressionné par votre film. En matière d’impact visuel et émotionnel, j’ai beaucoup pensé aux Fils de l’homme.

    Oh, c’est très gentil ! Figurez-vous que pendant le tournage, on se posait la question de savoir quel genre de long-métrage on était en train de faire, à quoi il allait ressembler. Et en fait, l’un des seuls films qui revenaient sur le tapis, c’était Les Fils de l’homme. Je suis donc ravi de cette comparaison.

    Comment avez-vous eu l’idée de réaliser Civil War, qu’est-ce qui vous y a poussé ? Un événement en particulier, la situation politique mondiale en général ?

    J’ai écrit Civil War environ quatre ou cinq mois après l’arrivée de la Covid. L’élection américaine allait alors avoir lieu en novembre de cette année-là. Ce qui m’a poussé à l’écrire n’était pas lié à un événement précis, mais plus à la condition dans laquelle le monde se retrouvait. Et je pense que la Covid a constitué pour moi une chance de me poser un peu et de réfléchir. Je l’ai attrapée dès le mois de mars quand elle a déferlé et je suis tombé très malade, ce qui fait que pendant environ huit semaines, je ne me suis préoccupé que de ma santé et pas du tout de ce qui se passait dehors. Une fois que j’en étais guéri, tout le monde était confiné, plus personne ne sortait ; c’était un peu comme si nous avions tous été mis à la retraite, c’était un environnement très étrange. Un tel cadre était donc propice à la réflexion. Je dirais deux choses. D’abord, je suis persuadé qu’il n’y a rien de prémonitoire dans le film. Toutes les idées qu’il véhicule viennent en fait d’une conversation globale qui se tenait durant cette période et que je voyais se refléter dans les bulletins d’informations ou dans des entretiens que j’ai pu avoir au téléphone avec des amis depuis environ six ans.

    Tout était lié à la polarisation de la politique et à la façon dont laquelle une certaine forme de communication avait été brisée. Qui plus est, bien que le film se passe en Amérique, tout ce qu’il dit est également vrai à propos de mon pays (Alex Garland est britannique - NDR) concernant cette polarisation. On croit toujours que ça ne pourra pas empirer, mais ça empire. Et ça s’applique de différentes manières à d’autres pays d’Europe et à travers le monde. On peut constater cette montée du populisme aussi bien en Amérique du Sud et en Asie qu’en Europe et aux États-Unis. Cela dit, il y a eu débat au moment où j’ai présenté le projet aux producteurs et aux financiers en juillet pour savoir si l’action devait se passer en Amérique ou en Grande-Bretagne. On a fini par le situer aux USA parce que c’est un pays unique dans le sens où le reste du monde ne cesse de l’observer. Quand il y a une élection présidentielle aux États-Unis, si vous arrêtez quelqu’un dans la rue en Europe ou en Asie pour lui demander qui sont les deux candidats, il y a de bonnes chances pour qu’il le sache. En revanche, si vous demandez qui est le Premier ministre britannique, personne ne le sait ! Donc, si vous voulez vraiment évoquer la polarisation et le danger des politiques populistes, les États-Unis sont le pays le plus indiqué car ça parle à tout le monde.


    – Le réalisateur Alex Garland se tient devant une épave d’hélicoptère, élément central d’une leçon donnée par Lee à Jessie.

    Dans le film, le Texas et la Californie sont alliés contre le reste des États-Unis, ce qui est assez surprenant compte tenu de leurs positions politiques très éloignées l’une de l’autre. Par ailleurs, on ne sait pas ce qui a déclenché cette guerre.

    Le film montre un président anticonstitutionnel qui est également quelqu’un de violent. Il attaque ses propres citoyens, ce qui donne une idée assez précise du bonhomme. Quant au Texas et à la Californie, ils pensent que leurs polarisations politiques respectives n’ont guère d’importance comparées aux actes d’un président à la tête d’une constitution fasciste et brutale qui écrase le peuple. Ils mettent leurs opinions de côté pour faire bloc. Mais dire que cette alliance serait impossible reviendrait à dire que les polarisations politiques sont plus puissantes que la corruption, la violence et le fascisme, ce qui serait une position difficilement compréhensible. Vous savez, j’ai tendance à ne pas énoncer de vérités dans mes films, à ne pas épeler les choses. Je veux établir une communication avec les spectateurs, qui se demandent : «Mais pourquoi les choses se passent-elles ainsi ? », ce qui peut les amener à discuter entre eux. Pour ce qui est de savoir ce qui a déclenché la guerre, je pourrais donner une raison quelconque, mais si je veux être vraiment honnête, je dois dire au public :

    Vous savez déjà pourquoi les États-Unis sont frappés par une guerre civile, vous n’avez pas besoin de moi pour vous l’expliquer. Vous connaissez l’histoire des USA et la situation dans laquelle le pays se trouve actuellement. Vous avez donc en main toutes les réponses à vos questions et celles-ci s’appliquent également à votre propre pays.

    À l’exception de quelques allumés, je n’ai jamais rencontré personne -en tout cas, en face à face, pas sur les réseaux sociaux -qui n’exprime pas une certaine forme de peur de la polarisation politique si le sujet est abordé.

    Vous avez déclaré en interview que selon vous, Civil War était en quelque sorte le prolongement de Men, votre film précédent. Pouvez-vous développer ?

    J’ai dit ça dans le sens où ce sont des films qui refusent de dire au public ce qu’il doit penser. Vous savez, j’ai 53 ans, je travaille depuis un moment dans le milieu du cinéma moderne, et j’ai la sensation qu’une grande partie du cinéma actuel est obsédée par la volonté de dire aux spectateurs : « Telle est ma position, et c’est celle que vous devez adopter. » Ou bien encore : « Ne vous inquiétez pas, vous trouverez dans mon film toutes les réponses aux questions que vous vous posez. » On en revient à ce qu’on disait tout à l’heure. Je pense qu’un film, ça ratisse large, chacun interprète les choses de façon différente. En voyant Anatomie d’une chute, j’ai ressenti un immense sentiment de soulagement, car j’ai l’impression d’avoir été traité en adulte. Il y a beaucoup d’aspects du film qui m’ont plu, dont les performances des acteurs avec notamment celle du petit garçon et de cette actrice bouleversante. Mais ce que j’ai le plus apprécié, c’est d’avoir été considéré comme un spectateur adulte. J’espère appartenir à cette race de cinéastes — en tout cas, c’est mon ambition.

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    – Opération camouflage pour des snipers de l’armée de l’Ouest au style… peu discret

    Quelle est la différencs entre travailler pour un studio comme A24 et d’autres structures de production, que ce soient celles des majors ou d’autres sociétés indépendantes ?

    La première des choses, c’est que c’est très relaxant. Avec le temps, j’ai appris que quand vous avez des idées un peu spéciales, il faut les imposer en contrebande. Par exemple, dans un film de zombies où les zombies se mettent à courir, si vous voyez à quoi je fais allusion (Alex Garland est le scénariste de 28 Jours plus tard - NDR). Il ne faut pas dévoiler votre jeu si vous avez envie de faire passer certaines choses. Sinon c’est mort.

    Avec A24, il n’y a pas besoin de travestir vos intentions : ils se foutent qu’elles soient commerciales ou non. C’est quelque chose d’incroyablement libérateur. Je crois également, et n’y voyez aucun cynisme, qu’ils sont très doués en matière de business. Ils ont compris qu’il existe un public pour des films qui n’ont pas à suivre un cahier des charges imposé par l’héritage des grands studios, des films qui n’essaient pas de prévoir ce que le public acceptera ou pas. Les structures indépendantes qui appartiennent aux grands studios n’échappent pas à la règle.

    Pour vous donner un exemple, Ex Machina devait être produit pour Focus Features, qui appartient à Universal : ils ont toutefois lâché le projet, après nous avoir expliqué très poliment que le film était très bien fait, mais qu’il était trop chiant. (rires) Ça avait le mérite d’être honnète. Enfin, ils n’ont pas dit que c’était chiant, mais que le rythme du film était trop « européen », ce qui revient au même. Alors qu’avec A24, leur attitude, c’est plutôt : «OK, on aime bien votre projet, allons-y. » Ils ne se posent pas la question de savoir si ça va plaire ou pas, si ça va marcher ou pas; ils y vont et advienne que pourra. Bizarrement, d’autres studios ont commencé à faire pareil, à « mettre l’argent sur la table », comme on dit à Hollywood. En faisant des films provocants et controversés, plus épicés que la moyenne, A24 a créé l’air de rien un nouveau business model qui semble fonctionner car il existe un public pour ça.

    À propos du choix des musiques dans Civil War, on entend de la country, du rap, des styles très représentatifs des US sous leurs formes les plus diverses, comme si vous aviez voulu brosser un portrait musical du pays. Qu’est-ce qui vous a guidé dans le choix des morceaux ?

    Oui, c’est exactement ça. C’est d’ailleurs assez typique de la façon dont un film fonctionne. Si j’avais choisi des morceaux trop contemporains, à Coup sûr, ça n’aurait pas marché parce que ça aurait daté ke film et ça aurait donné l’impression qu’il se passe en ce moment. Or, de toute évidence, ce n’est pas le cas, et ça aurait brisé le contrat signé avec le public, qui consiste à lui dire : « Imaginez que ça puisse arriver. » J’ai donc opté pour des morceaux assez anciens, comme du rap des années 90 ou de la country du début des années 70, qui sont des périodes cruciales dans l’histoire de la musique américaine. Et la question que je me suis sans cesse posée, c’est bien sûr : « Quelle est la véritable fonction de la musique dans le film ? » D’une part, oui, elle est très représentative des États-Unis. Mais de l’autre, que doit-elle provoquer ? Doit-elle être séduisante, triste, joyeuse, agressive, discordante ? Doit-elle déstabiliser de manière délibérée ? J’ai donc fait très attention à ça. Cependant, je n’aurais pas pu utiliser de la musique européenne, Ça aurait foutu en l’air la crédibilité de l’environnement du film.

    Les personnages principaux appartiennent à plusieurs générations de photographes de guerre. En vous renseignant sur ce métier, avez-vous constaté une évolution significative dans la manière dont les plus jeunes abordent le métier par rapport à leurs aînés ?

    On voit en effet trois générations de reporters de guerre dans le film, mais les choses s’inversent dans le sens où la plus jeune utilise un appareil photo argentique. Je pense qu’on vit une époque où les journalistes sont très mal vus, on a fait d’eux des méchants. C’est quelque chose qui me dérange profondément, en partie parce que j’ai grandi dans un milieu journalistique - mon père dessinait des cartoons dans un journal et tous ses amis étaient des journalistes —, mais aussi parce qu’une démocratie ne peut pas exister sans liberté de la presse. Donc, si on commence à faire d’eux de mauvaises personnes, on détruit tout un État, c’est un acte totalement fou et irresponsable. Le film fait écho de façon délibérée à une forme de journalisme à l’ancienne où le but était de témoigner de ce qui se passe sans y prendre part. Il y a d’ailleurs une phrase qui dit : « Nous n’intervenons pas, nous enregistrons pour que d’autres puissent se faire une opinion. Notre rôle ici n’est pas d’émettre un jugement, mais d’observer. C’est notre rôle dans l’équation. »

    Et je pense qu’il s’agit là d’une forme de journalisme qui se perd, dans le sens où nos médias se sont transformés en tribunes d’opinions politiques. Peu m’importe qu’ils soient de droite ou de gauche. On fait face à quelque chose de très problématique : les gens ont besoin de pouvoir faire confiance à quelqu’un ou quelque chose, et c’est extrêmement dangereux de se borner à renforcer leurs opinions. Prenons par exemple quelqu’un dont la sensibilité le porte à gauche : s’il n’absorbe que des informations émises par des médias de gauche, il n’est confronté à aucune opinion différente de la sienne, et le danger est là. C’est pour cette raison que j’ai voulu parler de journalistes plutôt typiques des années 60 ou 70 et d’une certaine idéologie du métier.

    Que ce soit sur Fox ou sur CNN, cette idéologie est aujourd’hui corrompue. On se retrouve avec deux chaînes qui s’en prennent l’une à l’autre, et avec des spectateurs qui font pareil avec ceux d’en face. Mais pour moi, les journalistes ont une responsabilité bien plus importante que de choisir l’un de ces deux camps.

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    – Lee foule le camp principal de l’armée de l’Ouest, établi à Charlottesville.

    Dans le film, la journaliste jouée par Kirsten Dunst craint que son message d’avertissement ne soit pas entendu. Est-ce une crainte que vous partagez concernant la réception de votre film ?

    Oui, absolument, et c’est pour ça qu’elle dit : « Je pensais que mon job était d’envoyer un avertissement chez nous, et que celui-ci était “ne faites pas ça”. Et voilà ou nous en sommes. » L’une des choses que je trouve les plus alarmantes, mais aussi les plus intéressantes, dans la période que nous traversons actuellement — et ce depuis plusieurs années -, c’est que nous savons ce qui se passe, nous en parlons, mais rien ne change et ça ne cesse d’empirer. Pourquoi tous ces avertissements que nous recevons ne sont-ils pas pris en compte ? Pourquoi est-ce que la société ne s’adapte pas pour changer les choses pour le mieux ? À quoi sert d’avertir les gens si ça ne les empêche pas de faire de mauvais choix ? C’est comme si nous étions victimes d’une sorte d’impuissance. Si je parle avec quelqu’un, peu importe ses opinions politiques — sauf si elles sont trop extrêmes -, on tombera forcément d’accord sur beaucoup de points et on se traitera avec respect et courtoisie. Mais d’une certaine manière, les représentants du peuple semblent ne pas fonctionner ainsi. Pourquoi ? C’est cet aspect qui m’intéresse le plus : comment communiquer sans s’aliéner son interlocuteur.

    Avez-vous imaginé un passé pour le personnage du soldat joué par Jesse Plemons, ou bien l’a-t-il construit lui-même ? La scène où il apparaît est sûrement la plus choquante du film.

    C’est intéressant que vous me disiez que c’est la scène qui vous a le plus choqué. Je comprends pourquoi, je saisis la perspective. Mais j’ai souvent entendu, de la part d’amis ou de collègues américains, que la séquence la plus choquante est celle de la terroriste qui se fait sauter avec sa bombe, à cause de la façon dont est utilisé le drapeau américain lors de cette attaque. Là-bas, le drapeau, ce n’est pas comme en Europe : les gens lui donnent une signification très forte, et donc ils ont trouvé la scène particulièrement transgressive.

    Spoiler

    Mais vous savez quoi ? La chose que j’ai entendue à propos du film et qui m’a le plus choqué et fasciné à la fois, c’est que le moment le plus révoltant serait celui où on voit le président se faire abattre. Montrer Ça serait donc plus transgressif que de montrer un charnier, ce qui est tout de même très étrange, comme réaction.

    Quant à Jesse, oui, il a créé une backstory pour son personnage. Le jeu d’acteur est un art qui peut revêtir plusieurs formes très différentes et Jesse fait partie de ces acteurs qui font beaucoup de recherches, Il s’est mis à lire sur le massacre de My Lai, qui a eu lieu pendant la guerre du Viêt Nam, et puis il a décidé de porter ces fameuses lunettes rouges. La veille du jour où on a tourné la scène, il s’est pointé avec plusieurs paires de lunettes qu’il avait achetées parce qu’il s’était dit que ce type devait en porter et il a choisi les rouges. Il était donc juste venu pour avoir une conversation à propos des lunettes qui conviendraient le mieux à son personnage. Si je vous raconte ça, c’est pour vous donner une idée de la façon dont il pense en tant qu’acteur et de son niveau de préparation. Mais j’en parle aussi parce que très souvent, on attribue aux réalisateurs la paternité des caractéristiques d’un personnage alors qu’ils n’ont rien à voir avec. Ce personnage, c’est Jesse qui lui a donné vie. Beaucoup de gens mentionnent ces lunettes un peu bizarres, mais elles sont entièrement son initiative.

    Qu’avait-il inventé comme passé à son personnage ?

    Il m’en a parlé, mais je pense que je ne dois pas répéter ce qu’il m’a dit parce que ça risquerait d’interférer avec la manière dont on veut que le personnage soit perçu par le public. C’est comme ce qui aurait déclenché la guerre civile : je préfère éviter de trop en dire, car ça pourrait briser la relation que j’essaie d’avoir avec le public et je veux continuer à aller dans ce sens. J’ai bien conscience que je peux échouer à ce petit jeu, qu’il y a des gens qui optent pour plus de clarté et moins de débats. Mais bon, c’est comme ça que je fonctionne et je crois qu’en ne révélant pas ce que m’a dit Jesse, je protège ma façon de faire du cinéma.

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    – Le rédacteur fougueux Joel (Wagner Moura) guide Jessie lors de son premier reportage en milieu hostile.

    Comment êtes-vous parvenu à éviter que les scènes de guerre possèdent un aspect trop esthétisant, héroïque ou « romantique » ? Parce qu’en général, c’est quelque chose que même les films anti-guerre n’arrivent pas à esquiver…

    En ignorant autant que possible la grammaire cinématographique pour me concentrer sur celle de la réalité, sur ce qu’on voit avec nos yeux, mais aussi sur la grammaire des photographies et des bulletins d’informations. Même dans la scène du charnier avec Jesse Plemons, il y a de petites choses subtiles qui font que… Bon, vous pourriez me dire que c’est du director bullshit, parce que ça existe, aucun doute là-dessus ; mais sur ce coup-là je ne pense pas. Je m’explique. Normalement, quand vous filmez vers midi ou une heure de l’après-midi, la lumière est très agressive et les ombres sont très marquées. Il existe une technique un peu secrète qui consiste à tendre un grand voile qui diffuse la lumière et l’adoucit sur le visage des acteurs, ce qui les rend d’une certaine manière plus agréables à regarder. Eh bien, nous n’avons pas utilisé ce procédé.

    Autre chose : quand quelqu’un se prend une balle, est-ce qu’on a un gros impact dans son corps avec du sang qui gicle ? Non, il s’effondre et c’est fini. Et même un spectateur qui n’a jamais vu quelqu’un se faire tuer dans la vraie vie ou aux informations sait au fond de lui que les gens ne meurent pas dans la réalité comme au cinéma. La lumière sur les visages, la façon de montrer la violence… Tout ça change le ton du film. Si vous repensez à la séquence où des soldats avancent dans un couloir à la fin du film, et si vous regardez la manière dont elle est construite, il n’y a aucune compression temporelle. Elle est réalisée comme dans un film normal, avec des gros plans, des plans américains, des plans d’ensemble, des coupes de montage. Là, pour le coup, c’est vraiment de la grammaire cinématographique, sauf que c’est en temps réel.

    Quand j’ai tourné cette scène, trois des soldats étaient des Navy Seals, ou des ex-Navy Seals. Ils ont travaillé avec un autre Seal qui est Ray Mendoza, mon conseiller technique militaire, et ma seule façon de les diriger a été de leur dire : « Faites ce que vous feriez dans l’exercice de votre métier si vous vous retrouviez dans une situation où vous devez progresser dans ce corridor jusqu’à cette pièce, y compris dans vos actions et vos dialogues. Ne pensez pas à la caméra, ne pensez pas aux autres acteurs. Je Suis là pour vous filmer comme si j’étais un reporter de guerre. Faites juste votre truc. »

    En les filmant, on se rend compte qu’il y a un truc très anti-cinématographique : ce sont les pauses et les silences qui ponctuent leur progression quand ils se mettent en position pour être prêts à avancer de nouveau. Par ailleurs, quand ils communiquent entre eux, ils ne chuchotent pas, ils hurlent par-dessus le bruit des détonations, mais uniquement pour transmettre des informations très précises. J’ai donc tourné ça comme s’ils étaient en conditions réelles, et plus tard, j’ai montré la scène à quelqu’un travaillant dans l’industrie du cinéma qui m’a dit : « Tu devrais couper ces pauses. » Et je ne voudrais accuser personne, mais si cette séquence fonctionne, c’est justement grâce à ces pauses. Le spectateur, lui, sait instinctivement que cette scène est plus proche de la réalité que ce qu’il voit au cinéma en général. Et puis ce sont de vrais soldats qu’on observe en action, pas des acteurs. S’ils sont si crédibles devant la caméra, c’est parce qu’ils sont surentraînés. Ce qu’ils font à l’écran, ils l’ont fait de nombreuses fois dans la vraie vie, alors pas question pour le film de déconner avec Ça, ni d’enlever ces pauses parce que l’action n’avance pas assez vite ou de baisser le volume des coups de feu pour qu’on entende mieux une réplique.

    Ce que vous voyez, c’est ce que je voyais se dérouler devant moi et le bruit des armes est tel qu’il a été enregistré ce jour-là. Je suis persuadé que ça produit un effet sur le public, qu’il comprend qu’on n’est pas dans un James Bond. C’est plus sombre, plus effrayant. Je pense que voir quelqu’un qui s’écroule d’un coup après avoir été touché par une balle, comme s’il s’éteignait, c’est plus traumatisant que de le voir bondir en j’air sous l’impact en écartant les bras avec du sang partout.

    Je tenais à ce que Civil War soit le plus proche possible de la réalité et que la grammaire du cinéma y soit presque invisible.

    – Propos recueillis et traduits par Cédric Delelée.
    – Merci à Miah Kaplan, Hailey Pryor et Jean-François Gaye.
    – Mad Movies #381

    –> Interview fleuve plus qu’intéressante montrant l’intelligence de Garland, et bien qu’il soit Britannique, à une vision que je trouve extrêmement juste sur la politique US ainsi que du journalisme et des médias.