[Interview][The Batman] Paul DANO
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Collectionnant les prix et les statuettes depuis qu’il a été découvert en 2001 dans L.I.E Long Island Express Way aux côtés de Brian Cox, Paul Dano est presque devenue le visage du cinéma indépendant américain. Outre Little Miss Sunshine et There Will Be Blood, sa carrière compte quelques péloches totalement Mad comme Looper, Prisoners, Swiss Army Man ou encore Okja. L’acteur est passé à la réalisation en 2018 avec Wildlife : une saison ardente, joli drame avec Jake Gyllenhaal et Carey Mulligan, avant de rejoindre les rangs de The Batman où il interprète le Riddler… On se lève tous pour Dano!
Le leitmotiv musical de votre personnage est une version très sombre et remaniée de l’Ave Maria de Schubert. Vous sifflez souvent cet air dans le film, donc c’était à l’évidence prévu dès le départ. Qui a eu cette idée, et en quoi cela enrichit-il la figure du Riddler ?
C’était déjà dans le script de Matt Reeves. Je dois préciser que le scénario était vraiment très précis et pensé jusque dans ses moindres détails. En le lisant, on pouvait « voir » le film. Même les scènes d’action se ressentaient, on comprenait tout ce que Matt comptait faire sur le plan visuel. L’Ave Maria était donc là dès le départ, mais c’est dans la salle de montage qu’il est devenu le leitmotiv du personnage. Je crois que ça va surprendre le public.
J’adore le titre d’ouverture et le tout premier plan, d’ailleurs, durant lequel cette musique est introduite. J’essaie de faire très attention aux spoilers, je ne veux pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir des spectateurs et des fans, mais lors de notre première conversation, Matt et moi avons parlé de la relation entre les héros et les vilains, et des deux facettes que peut revêtir un même traumatisme. C’est vraiment de cette graine que tout a poussé. La musique dont vous parlez vient de là. Il y a une très jeune personne à l’intérieur du Riddler, et elle hurle de douleur.
Cette musique avait la puissance nécessaire pour communiquer cette idée. Je me suis bien sûr renseigné sur ses origines, sur ses paroles, mais je n’en ai pas parlé avec Michael Giacchino. C’était vraiment une discussion entre Matt et moi ; on voulait à travers elle évoquer les blessures et les cicatrices de ce personnage si particulier.
En général dans les Batman, l’histoire met en scène une dualité entre Bruce Wayne et son alter ego. Mais ici, le reflet inversé se produit entre Batman et le Riddler. Il y a un vrai thème du double négatif : ce sont deux facettes du même personnage, qui ont décidé d’emprunter des chemins opposés.
C’est quelque chose que j’ai tout de suite trouvé très puissant dans le script de Matt. Il y a une vraie question de moralité, et tout n’est pas noir ou blanc. Dans le genre super-héroïque, on a tendance à protéger le statu quo, mais dans ce film, on le met à mai. C’est une des raisons pour lesquelles Batman est un terrain si fertile pour les réinterprétations : il est humain, il est né d’un traumatisme, et sa ville ressemble à une vraie cité américaine. Ce n’est pas forcément un univers de comic-book classique.
La ligne qui connecte Batman au Riddler est vraiment au centre de la mise en scène, de la photographie, des performances. Je peux d’ailleurs vous dire que l’une de mes lignes directrices pour mon interprétation, c’était le personnage de Batman lui-même. Cette relation est vraiment Surprenante, à mon avis.
On voit d’ailleurs Bruce Wayne et le Riddler compiler leurs pensées, leurs observations et leurs expériences dans des cahiers intimes. Au départ, la voix off de Robert Pattinson peut être vue comme un code du film noir, genre dans lequel s’inscrit ouvertement le long-métrage, mais cela appuie au final sa connexion avec le Riddler.
C’est vraiment comme ça que je le voyais moi aussi, et ça a eu un rôle important dans ma préparation, dans la manière dont j’ai géré la backstory du personnage.
Comment choisissez-vous vos rôles en général, et que recherchiez-vous dans un projet aussi colossal et risqué que The Batman ?
Parfois on choisit un rôle et parfois, c’est lui qui vous choisit. Ça peut sembler un peu niais, mais c’est la vérité. On ne cherche pas forcément à entrer dans la peau d’un personnage aussi triste, et à la personnalité aussi fracturée, que le Riddler, mais il arrive que ce rôle s’impose de lui-même. Quand on lit un script que l’on trouve puissant et nouveau, quand en plus ça s’appelle The Batman, on peut difficilement refuser. Il ÿ à aussi la question des collaborateurs.
Enfin, je réagis souvent au projet que j’ai fait juste avant, et au contexte de ma vie au moment où on me propose un rôle. Mon long-métrage Wildlife avait une atmosphère très restreinte, le tournage a duré sept mois, et je devais toujours être derrière la caméra. Le montage a lui aussi été une expérience intense, et j’ai voulu m’évader. On m’a proposé d’apparaître dans une pièce de théâtre, ce qui m’a permis de me réactiver en tant qu’acteur. Après cette pièce, The Batman s’est présenté à moi, et c’était le contrepoint idéal à ce que je venais de faire. C’était un voyage très organique.
Matt Reeves vous a-t-il demandé de visionner certains films pendant la préproduction ? Peut-être des thrillers paranoïaques des seventies, ainsi que des œuvres comme Se7en, Le Silence des agneaux ou encore Manhunter ?
Matt avait effectivement de nombreuses références, et toutes les sources d’inspiration sont bonnes à prendre. J’ai donc regardé Les Hommes du président, Taxi Driver… Ç’a ajouté un peu de carburant à la machine.
Certaines références étaient encore plus importantes, par exemple la chanson Something in the Way de Nirvana, que Matt a directement incluse dans le script. J’ai beaucoup écouté les paroles de cette chanson, et elle m’a donné les clés pour comprendre la nature abusée et torturée de ce personnage. Avant même qu’ils ne construisent les gigantesques décors dans le backlot et qu’on commence à y tourner, le concept de Gotham était déjà palpable à travers les designs de l’équipe artistique. On a pu voir de vraies peintures en préproduction et y puiser notre énergie.
Matt m’a aussi parler du Zodiac killer. J’ai commencé à faire des recherches à ce sujet, je suis allé aussi loin que j’ai pu dans cette direction pour comprendre ce qui allait rendre le Riddler terrifiant, Mais je ne voulais pas me limiter à une figure de tueur en série. Il n’est pas que ça.
La voix que vous donnez au personnage est l’un des aspects les plus importants de sa caractérisation. Avez-vous étudié les performances de John Astin, Jim Carrey ou Frank Gorshin afin d’être sûr d’aller dans une autre direction ?
Non, pas vraiment, car c’était déjà suffisamment différent sur le papier. Je n’avais pas besoin de m’en inquiéter. Je dois dire que Jim Carrey était l’un de mes acteurs préférés quand j’étais enfant, et je cherche toujours une excuse pour regarder ses films. Mais développer le personnage a été un processus très personnel et émotionnel.
C’est ce que Matt m’a demandé, il voulait une approche aussi psychologique que possible. Tout est parti de là. Le costume et le masque m’ont aussi beaucoup aidé à définir le personnage, à comprendre qui il était. Sans son costume, son esprit ne se repose jamais, il se déteste, il a honte… Mais une fois qu’il porte le masque, il est enfin capable de s’exprimer.
The Batman parle principalement de corruption, et c’est un film qui semble être né de tout ce qui s’est produit ces dernières années aux États-Unis. Avez-vous étudié la psychologie derrière le mouvement Qanon pour vous préparer au rôle ?
Matt a commencé à écrire The Batman il y a cinq ans, ce qui est fou. Il était suffisamment au contact de la réalité pour que son film capture l’état d’esprit du moment, et ce malgré sa nature de grand spectacle. J’ai un peu étudié le mouvement complotiste, en effet, mais à un moment, je me suis dit qu’il fallait se concentrer sur cette personne en particulier, et sur ses motivations les plus intimes. Je voulais parler de sa souffrance, de sa voix intérieure. Malgré le thème, on ne cherchait pas à parler d’une catégorie de gens, seulement d’un personnage isolé, poussé par une expérience très personnelle. Mais avez raison, il y a quand même de ça dans The Batman, et cela donne au film une énergie inattendue dans le contexte du blockbuster super-héroïque. Ce sous texte le rend assez spécial.
Vous avez dû arrêter le tournage en raison du COVID et reprendre les prises de vues des mois plus tard. Comment cela a-t-il affecté votre travail ?
C’était effrayant au départ. Une fois qu’on a atteint le rythme idéal, il est difficile de faire machine arrière. C’est comme un athlète qui se prépare physiquement à affronter sa saison sportive. Mais le monde entier était dans le même bateau, on ne savait pas ce qui allait se passer. Je me suis rendu compte à quel point j’étais chanceux d’avoir un aussi bon travail, qui me passionne à ce point.
Cette expérience nous a rapprochés. Quand on a repris les prises de vues, c’était dans un grand campus médical, et je me suis senti plus en sécurité que jamais. C’était avant la vaccination. Les plannings ont été modifiés, des choses ont changé dans l’organisation, mais dans l’ensemble j’étais vraiment content d’être de retour au travail.
Comment Matt Reeves dirige-t-il ses comédiens ?
Matt est très pointilleux, et son script était vraiment très bien conçu - je tiens à insister là-dessus. Il a une vision très précise, mais laisse tous les artistes impliqués contribuer au projet. J’ai adoré travailler avec lui et je crois qu’on s’est bien entendus. Il fait beaucoup de prises, je crois qu’il cherche constamment à servir au mieux chaque moment de l’histoire, Il se permet donc d’expérimenter. J’ai vraiment été impressionné par ce que tout le monde à pu apporter sur The Batman. On pouvait sentir que toute l’équipe était engagée sur le même film, et on voulait tous que ce soit cool.
Vous avez dû jouer en solo dans de nombreuses Séquences, mais vous avez tout de même eu droit à une longue confrontation avec Robert Pattinson. Cette scène a-t-elle été mise en boîte en fin de tournage ?
Elle devait l’être, mais les plannings ont changé à cause de la pandémie. Quand on a repris le travail, mes séquences ont été avancées car elles impliquaient très peu d’interactions. C’était donc plus sûr pour l’équipe. On avait beaucoup discuté de la confrontation entre Batman et le Riddler, et surtout des différences de caractère chez mon personnage avec ou sans masque. Chaque scène était importante, maïs ce dialogue l’était encore plus.
Le Riddler a un look très menaçant mais des lunettes on ne peut plus banales. Ce détail est génial : on sent la fragilité du personnage derrière le masque.
C’était un peu évoqué dans le scénario, et c’est une idée qui s’est affirmée durant le processus de design. On a travaillé ensemble là-dessus, afin de trouver la meilleure version de cette idée. J’aime aussi ce détail, car il laisse entendre que le Riddler n’a pas les mêmes ressources que Batman. Son costume de vigilante n’est pas aussi soigné, mais ses motivations restent très comparables.
Étiez-vous un fan des comics avant de participer à ce film ?
Je le suis maintenant. J’appréciais le format auparavant, mais désormais, il me passionne. C’est une vraie forme d’art. Je conseille d’ailleurs à tout le monde de lire Batman Year One, qui est un tournant dans l’histoire du Riddler, mais aussi Ego, qui offre un point de vue très intéressant sur la mythologie du Dark Knight. Je n’ai pas forcément cherché l’inspiration dans les histoires qui mettent en scène le Riddler ; parfois, Certaines thématiques isolées m’ont permis d’enrichir mon approche du personnage.
Vous êtes une icône du cinéma indépendant, et on ne vous attend pas forcément dans l’un des rôles principaux d’un film comme The Batman. Ceci étant dit, le projet dégage un parfum de film d’auteur à très gros budget. Au-delà des moyens logistiques, avez-vous ressenti des différences en coulisse par rapport à une plus petite production ?
Évidemment, la taille des décors et du backlot, du diner, du club, c’était incroyable. J’ai vu des choses sur ce film que je n’aurais pas vues sur un autre. Mais je crois qu’on a tous abordé l’interprétation et la réalisation comme sur un film indépendant. Nous voulions bien sûr respecter l’univers de Batman, son héritage et son potentiel. C’était un mélange très singulier. Je dirais que les différences étaient surtout pratiques, et Ça restera une expérience très forte pour moi. J’ai été entouré par des artistes incroyables tout au long de la production. Donc oui, c’est un blockbuster, mais j’espère que c’est un peu plus que ça…
– Propos recueillis par Alexandre PONCET
– Merci à Carole CHOMANDSOURCE: Mad Movies
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Hello,
Vu ce week-end au cinéma. Film très sombre dans tous les sens du terme. A voir impérativement quand il sortira en blue-ray/SVOD la nuit, sans lumières et sur un OLED car avec un LCD de mauvaise qualité ca va être compliqué.
Pour ce qui est du film très sombre, enfin une histoire et très bien joué. J’ai beaucoup aimé.
PS: ne pas y allae avec vos enfants, neveux, nièces etc trop jeunes car il y a des scènes qui peuvent être assez flippantes/perturbantes pour certains enfants. Je dis ça car le papa juste devant moi avait amené ces 2 garçons de 8 et 10 ans et je ne pense pas qu’ils aient du passer une bonne nuit.
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Avis perso, je n’étais pas fan des batman de Nolan (surtout le dernier de Nolan que j’avais trouvé super long…trop de blabla…je retiendrai juste celui avec Heath Ledger pour sa grande performance).
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Absolument d’accord avec toi, le premier était bof bof, le deuxième une tuerie et le troisième un cran en dessous.
Je l’ai vite oublié cette trilogie mis à part le 2ème opus pour les mêmes raisons que toi.