Hacking 4 freedom
Une petite fille en train d'apprendre à programmer et hacker logiciels et appareils électroniques
CC BY-SA 4.0 FR Sandra Brandstätter & Matthias Kirschner
Ada & Zangemann est roman graphique de 60 pages qui se présente comme un « conte sur les logiciels, le skateboard et la glace à la framboise ». Il a été créé pour expliquer l’intérêt des logiciels libres aux enfants, mais semble aussi intéresser les adultes peu au fait de leurs vertus.
Ce livre a été publié par la maison C&F Éditions, dirigée par Hervé Le Crosnier, dont la liste des auteurs fait référence en matière de numérique. On y trouve en effet des ouvrages de Stéphane Bortzmeyer, danah boyd, Anne Cordier, Cory Doctorow, Olivier Ertzscheid, Xavier de La Porte, Helen Nissenbaum, Tristan Nitot, Zeynep Tüfekçi, Fred Turner…
Le risque d’enfermement et de dépendance…
Elle raconte l’histoire d’Ada (en référence à Ada Lovelace, la première personne à avoir réalisé un véritable programme informatique), une jeune fille curieuse, et de Zangemann, un inventeur mondialement connu et immensément riche, semble-t-il inspiré de Steve Jobs et Elon Musk. Les enfants et adultes « adorent ses fabuleuses inventions », qui vont des skateboards sonores à la machine à glace capable de mixer n’importe quel parfum.
Or, résume François Saltiel dans sa chronique numérique Un Monde connecté sur France Culture, Zangemann prend « un malin plaisir à imposer ses goûts grâce à ces millions de machines connectées dont il est le seul à avoir la clef », jusqu’à ce que soudainement, les skateboards électroniques des enfants buguent et les glaces ont « toutes le même parfum ».
Ada va alors découvrir comment Zangemann « contrôle ses produits depuis son ordinateur en or ». Elle découvre également, « sur un Internet libre », comment bricoler et programmer avec ses amis des objets informatisés qui échappent aux décisions de Zangemann, « pour tenter de reprendre la main sur ce monde numérique, et ne plus en être une esclave ».
… rien de neuf sous le Soleil malheureusement
Et ce n’est pas que de la science-fiction, cette situation est déjà arrivée et arrivera certainement encore dans le futur. Il n’est pas toujours facile (ou même possible) de « reprendre la main » face à un monde numérique qui nous tient parfois pieds et poings liés.
Un exemple, avec une fin plutôt heureuse : le lapin connecté Nabaztag. Mort et enterré il y a une dizaine d’années, le projet a pu continuer, car les sources ont été libérées. Cette fois-ci, les utilisateurs ont pu reprendre – au moins en partie – la main sur leur objet connecté.
Mais d’autres fois, on se retrouve avec des produits qui ne servent plus à rien une fois arrêtés par leur fabricant. On pourrait citer l’enceinte connectée Djingo et les prises DECT d’Orange, mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt des objets connectés.
Récemment, Amazon a mis fin au support d’IFTTT dans Alexa, et tant pis pour ceux qui l’utilisaient jusqu’à présent. Nous parlions déjà de cette problématique (au sens large), il y a trois ans. Il ne faut pas se laisser enfermer, mais aussi être conscient que tout peut s’arrêter du jour au lendemain et, contrairement au Nabaztag, rien ne permet d’assurer que les sources seront ouvertes par la suite.
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Domotique « intelligente » : ne nous laissons pas enfermer par nos objets connectés
Le problème est plus large à l’heure du tout connecté. On se retrouve avec des prises et des interrupteurs qui ont parfois besoin de communiquer avec des serveurs à l’autre bout de la planète pour éteindre/allumer une ampoule qui se trouve à quelques mètres. Si les serveurs ferment, les objets connectés sont bons pour la poubelle.
De l’allemand vers le français, l’anglais, l’italien…
Le roman graphique a été conçu par un Allemand, Matthias Kirschner, président de la Free software fondation Europe (FSFE). Ne sachant pas trop comment expliquer son métier à ses enfants, il avait commencé à leur raconter des histoires du soir improvisées, qui ont finalement abouti à ce roman graphique de 60 pages.
Sous l’impulsion d’Alexis Kauffmann, le fondateur de Framasoft devenu chef de projet logiciels et ressources éducatives libre au ministère de l’Éducation nationale, 114 élèves de collèges et de lycées et leurs quatre enseignantes ont contribué à le traduire de l’allemand, avec l’aide (.pdf) de deux coordinatrices de l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France (ADEAF).
Il a aussi été traduit et publié en anglais et en italien, et est notamment utilisé dans des lectures publiques dans des écoles, clubs de jeunes ou maisons de retraite. Le collectif PrimTux (auteur d’un système d’exploitation destiné aux élèves du primaire) en a profité pour créer un support pédagogique (et ludique).
La FSFE propose de nombreuses ressources associées, allant de supports de présentation à des lettres d’enfants en réaction au roman, la liste des critiques et recommandations, un wiki avec des ressources pour aider les enfants à apprendre à programmer.
Licence Creative Commons, bien évidemment
Le roman graphique, illustré par Sandra Brandstätter et logiquement placé sous licence Creative Commons, autorisant l’usage, la modification et le partage de l’œuvre. Il peut être téléchargé « à prix libre (gratuit + une éventuelle contribution pour C&F éditions si vous le souhaitez) » en versions epub et pdf, ou encore acheté en version imprimée pour 15 euros.
Alexis Kauffmann précise que pour cette édition française, Matthias Kirschner a décidé de reverser tous les droits d’auteur issus des ventes du livre en version papier à la Free Software Foundation Europe.
Il souligne aussi avoir offert ce livre à des amis (adultes) « qui n’ont rien à voir avec le numérique et encore moins avec le numérique libre ». Après l’avoir lu, ils lui ont répondu qu’ « on comprend mieux ce que tu fais désormais et pourquoi tu t’intéresses à tout ça ».
Une manifestation défendant la liberté de coder et de hacker
CC BY-SA 4.0 FR Sandra Brandstätter & Matthias Kirschner
François Saltiel animait par ailleurs ce jeudi sur Twich un débat au sujet des coulisses de France Culture, à l’occasion des 60 ans de la radio de service public, qui devrait être rediffusé ce vendredi soir dans « Le Meilleur des mondes », une émission hebdomadaire qui « propose de mettre le futur en débat et de questionner les nouvelles technologies qui reconfigurent notre société » et qu’il anime également.
Source : next.ink