Les campagnes anti-piratage incitent les hommes à pirater davantage
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Pire to pire
Une étude universitaire indique qu’en matière de promotion du streaming légal et de lutte contre le piratage, les messages pédagogiques ne servent à rien. Les messages menaçants, eux, semblent efficaces chez les femmes, mais contre-productifs chez les hommes.
Une étude du Centre for Cybercrime and Economic Crime (CCEC) de l’université britannique de Portsmouth, publiée dans le Journal of Business Ethics, indique que les messages menaçants visant à prévenir le piratage numérique font certes peur aux femmes, mais ont l’effet inverse chez les hommes.
Les auteurs ont en effet étudié l’efficacité dissuasive des messages anti-piratage en examinant, via une société d’enquête sur Internet (Prolific), l’évolution des intentions de piratage de films et de programmes télévisés chez 962 Britanniques de plus de 18 ans par rapport à leurs comportements antérieurs.
Si l’échantillon, qui présentait une grande diversité d’âges, de revenus et de professions, « reflète grosso modo la population adulte sur Internet », il contenait cela dit « _un nombre disproportionné de femme_s », ainsi qu’ « une proportion relativement élevée de pirates avoués (plus d’un tiers) ».
Les auteurs ont en effet décidé d’avoir plus de femmes que d’hommes dans l’échantillon, car la littérature scientifique « indique que les hommes piratent généralement beaucoup plus que les femmes, ce qui suggère que la part de piratage du groupe masculin serait plus importante ».
Les participants ont notamment été invités à faire part de leur comportement passé à la question « Au cours d’une semaine normale, combien de fois accédez-vous illégalement à la télévision/un film ? ».
Leurs réponses indiquent que 39,1 % des hommes et 35,8 % des femmes ont déclaré avoir piraté des émissions de télévision ou des films au moins une fois au cours de la semaine écoulée, « ce qui ne constitue pas une différence statistiquement significative », souligne les auteurs de l’étude.
Toutefois, si l’on compare la fréquence de consommation, les femmes téléchargent ou visionnent des contenus illicites 4,5 fois par semaine, contre 6,4 fois pour les hommes, une différence « statistiquement significative ».
La figure qui suit montre que ce sont les jeunes hommes qui piratent le plus fréquemment, les hommes de la génération Z accédant au contenu en moyenne 11,3 fois par semaine.
Fréquence moyenne d’accès à des contenus illicites au cours de la semaine écoulée, par âge et par sexe
Un tiers de la population pirate films et émissions TV
Les participants se sont ensuite vus poser trois questions sur une échelle de Likert en cinq points allant de « pas du tout d’accord » (1) à « tout à fait d’accord » (5) :
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Le piratage numérique ne nuit pas de manière significative à la créativité individuelle.
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Le piratage numérique ne nuit pas à la société.
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Le piratage numérique devrait être légal.
Leurs réponses indiquent une différence « statistiquement significative » entre les sexes en réponse aux affirmations « ne nuit pas à l’individu » et « ne nuit pas à la société », ce qui indique que les hommes ont généralement une attitude plus favorable à l’égard du piratage que les femmes.
15 % des hommes sont tout à fait/plutôt d’accord avec l’affirmation selon laquelle le piratage ne nuit pas aux créateurs, contre 10 % des femmes. 29 % des hommes sont tout à fait/plutôt d’accord pour dire que le piratage ne nuit pas à la société, contre 17 % des femmes. Et 17 % des hommes sont tout à fait/plutôt d’accord avec le fait que le piratage devrait être légal, contre 15 % des femmes.
Tous sexes confondus, l’étude montre qu’un tiers de la population admet pirater des émissions de télévision ou des films, et qu’un cinquième de la population pense que le piratage ne nuit pas à la société.
Get It Right, Crimestoppers, Hadopi
L’échantillon a ensuite été divisé de manière aléatoire en deux groupes : un groupe de contrôle, et un groupe exposé à trois messages, « copies conformes » de campagnes antipiratage financées par l’industrie, le gouvernement ou de grandes institutions.
Le premier message s’inspirait d’une campagne pédagogique financée par le gouvernement britannique à hauteur de 2 millions de livres sterling (soit 2,34 millions d’euros) en 2018, Get It Right from a Genuine Site, qui indique aux consommateurs qu’ils doivent s’éloigner des sites de piratage et se tourner vers des plateformes légales telles que Spotify ou Netflix.
Les participants étaient ensuite confrontés à deux messages « menaçants », inspirés de la campagne Crimestoppers, qui alerte sur les risques posés par les sites de streaming illégaux, et la riposte graduée en trois temps menée par le gouvernement français, selon laquelle les contrevenants recevaient deux avertissements écrits avant que leur accès à l’internet ne soit interrompu.
Un message suggérant qu’une peine de prison est possible
Les auteurs rappellent qu’une étude de 2014 ayant comparé les tendances des ventes sur iTunes en France et dans cinq pays ayant des marchés similaires (Royaume-Uni, Italie, Espagne, Allemagne et Belgique) avant et après la mise en œuvre de l’HADOPI avait conclu que la sensibilisation du public à la loi avait entraîné une augmentation des ventes d’iTunes de 22 à 25 % en France.
Rappelant que la coupure d’accès à Internet avait finalement été abrogée parce qu’elle était trop sévère, les auteurs précisent s’être inspirés d’un message envoyé aux étudiants d’une université ayant été pris, pour la première fois, en train d’enfreindre le droit d’auteur afin d’empêcher les utilisateurs de télécharger illégalement des contenus à partir d’un réseau Wi-Fi public.
Un message « très menaçant », suggérant qu’une peine de prison est possible : « si une deuxième infraction au droit d’auteur vous est imputée dans les 12 mois, vous recevrez un dernier message d’avertissement. Une troisième infraction au droit d’auteur entraînera le blocage de votre ordinateur sur le réseau. Les violations ultérieures des droits d’auteur peuvent donner lieu à des poursuites judiciaires ».
Des streamers (illégaux) victimes de virus, piratages et vols
La communication diffusée par l’organisation caritative de réduction de la criminalité Crimestoppers avait de son côté été financée par la British Association for Screen Entertainment (BASE), un organisme britannique représentatif de l’industrie audiovisuelle.
La campagne mettait l’accent sur les risques de virus informatiques, d’usurpation d’identité, de vol d’argent ou de données et de piratage, en utilisant des chiffres précis sur les cas signalés pour légitimer ses affirmations.
On peut y lire qu’en 2022, « près de 2,7 millions de streamers illégaux ont été victimes d’un virus, d’une fraude ou d’un vol de données personnelles », « plus de 2,1 millions de streamers illégaux ont été piratés », « plus de 1,5 million de streamers illégaux se sont fait voler de l’argent en regardant des streams illégaux » et que « plus de 3,2 millions de streamers illégaux ont eu des problèmes avec leurs appareils ».
Étrangement, la campagne ne fournissait pas de lien vers l’étude en question, empêchant donc d’en vérifier la méthodologie, se bornant à inviter les personnes désirant en savoir plus à contacter son commanditaire, l’Industry Trust for Intellectual Property Awareness, un organisme créé par l’industrie vidéo britannique pour promouvoir le rôle du droit d’auteur dans la création de contenu cinématographique et télévisuel, quitte à chercher à faire peur.
Les femmes réduisent leurs piratages de 52 %, les hommes l’augmentent de 18 %
Les résultats indiquent que le message pédagogique « Get it Right » n’a pas d’effet significatif de diminution du piratage, quels que soient le sexe et les positions et pratiques en matière de piratage, les hommes augmentant leurs intentions de piratage de 16 % et les femmes de 15 %.
Les messages menaçants, en particulier celui de Crimestoppers, qui met l’accent sur le risque de virus informatiques, ont de leur côté eu « un effet polarisant » sur le groupe ayant une attitude favorable à l’égard du piratage.
Ils ont en effet « incité les femmes à moins pirater et les hommes à pirater davantage », résument les auteurs de l’étude.
Pourcentage de changement des intentions de piratage par rapport au comportement antérieur après l’exposition au message, par sexe
La riposte graduée a incité les femmes à réduire leur comportement de piratage de 52 %, et les hommes à l’augmenter de 18 %. Le message de Crimestoppers a pour sa part incité les femmes à réduire leur comportement de piratage de 23 %, et les hommes à l’augmenter de 31 %.
Les auteurs relèvent que le message qui a suscité le plus de réactions (Crimestoppers) était le plus détaillé en termes de risques techniques. Ils supposent que ce niveau de détail a accentué leurs réactions, car il y a plus d’informations sur lesquelles s’appuyer pour ne pas être d’accord, ce qui déclenche un biais de confirmation.
Il est recommandé d’éviter les messages menaçants
La figure ci-dessous illustre les différences de réaction par rapport au groupe de contrôle en fonction du sexe et de l’opinion (favorable ou défavorable) au regard du piratage.
Elle indique que les messages ont généralement été aussi efficaces pour les hommes et les femmes ayant une attitude moins favorable à l’égard du piratage, peut-être parce qu’ils ne sont précisément pas habitués à pirater.
A contrario, les hommes et les femmes ayant une attitude favorable à l’égard du piratage ont eu tendance à donner des réponses plus polarisées, en particulier en réponse au message de Crimestoppers.
Les résultats de cette recherche indiquent qu’en « ciblant soigneusement les femmes » dans les messages anti-piratage menaçants, en particulier le message de riposte graduée, ils « peuvent être efficaces pour réduire le piratage en général ».
A contrario, et si les messages ne peuvent pas être ciblés avec précision sur des sexes spécifiques, « il est recommandé aux décideurs politiques d’éviter les messages menaçants », concluent les auteurs.
« La recherche montre que les messages anti-piratage peuvent involontairement augmenter le piratage, ce qui est un phénomène connu sous le nom de réactance psychologique », explique Kate Whitman, du Centre for Cybercrime and Economic Crime : « du point de vue de la psychologie évolutionniste, les hommes ont une réaction plus forte lorsque leur liberté est menacée et ils font donc le contraire ».
« Cette étude montre que les hommes et les femmes traitent différemment les messages menaçants », conclut Whitman : « il est évident que les messages antipiratage doivent être adaptés, mais s’ils ne peuvent pas être ciblés avec précision en fonction du sexe, il vaut mieux les éviter, car ils risquent de faire exploser le piratage ».
Source : next.ink
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@Raccoon a dit dans Les campagnes anti-piratage incitent les hommes à pirater davantage :
On peut y lire qu’en 2022, « près de 2,7 millions de streamers illégaux ont été victimes d’un virus, d’une fraude ou d’un vol de données personnelles », « plus de 2,1 millions de streamers illégaux ont été piratés », « plus de 1,5 million de streamers illégaux se sont fait voler de l’argent en regardant des streams illégaux » et que « plus de 3,2 millions de streamers illégaux ont eu des problèmes avec leurs appareils ».
Celle-là elle me fait bien rire en considérant toutes les fuites de données (des millions) concernant les sites gouvernementaux officiels…
Des donneurs de leçons qui ne sont même pas foutus de sécuriser les données de leurs utilisateurs… -
Les féministes qui vont se plaindrent, ouin ouin les hommes téléchargent plus que nous