En facilitant la désinformation, Twitter fait fuir scientifiques et défenseurs de l'environnement
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Deux études montrent que la complaisance d’Elon Musk envers les sphères conspirationnistes, notamment en matière scientifique et climatique, font de X (ex-Twitter) un environnement de plus en plus toxique, poussant certains chercheurs à cesser de s’en servir, voire même à le quitter.
Pour mieux comprendre comment les scientifiques abordaient les évolutions de Twitter depuis son rachat par Elon Musk, la revue Nature a contacté 170 000 d’entre eux. Sur les 9 200 ayant répondu, « plus de la moitié » a expliqué avoir réduit le temps passé sur la plateforme au cours de ces six derniers mois, 8,8 % s’en servir légèrement ou significativement plus, et 6,7 % avoir cessé de l’utiliser.
Environ 46 % ont par ailleurs créé d’autres plateformes de médias sociaux l’année passée, à commencer par Mastodon (46,9 %), suivi par LinkedIn (34,8 %), Instagram (27,6 %), Threads (24,9 %), Facebook (22,4 %), TikTok (6,6 %) et Bluesky (6 %).
Désinformation climatique et colonialisme scientifique
Les raisons invoquées par les personnes interrogées varient, mais nombreuses sont celles à avoir mentionné la gestion erratique de la plateforme par Elon Musk, et à déplorer l’augmentation du nombre de faux comptes, de trolls, de discours haineux, anti-scientifiques et conspirationnistes sur la plateforme.
« Cette migration s’est accompagnée d’une grande incertitude », souligne Nature, pour qui « l’un des avantages de Twitter a été de créer un sentiment de communauté, en particulier pour les scientifiques appartenant à des groupes sous-représentés » :
« Twitter a contribué à sensibiliser et à responsabiliser la population à des concepts tels que le colonialisme scientifique et la diversité des genres et des sexes, permis aux chercheuses de s’exprimer sur des questions telles que le harcèlement et l’inégalité salariale, et servi de point d’organisation pour les scientifiques de couleur afin qu’ils s’expriment contre l’inégalité. »
A contrario, de nombreux universitaires craignent désormais que l’évolution du paysage des médias sociaux ne « réduise à néant » certaines des avancées que Twitter avait contribué à faciliter en matière de diversité, d’équité et d’inclusion dans le monde universitaire.
Près de 50 % des défenseurs de l’environnement ont cessé de tweeter
Le Monde relève par ailleurs qu’une autre étude publiée dans la revue à comité de lecture Trends in Ecology & Evolution montre que les défenseurs de l’environnement et du climat ont été particulièrement nombreux à quitter Twitter depuis son rachat.
Des chercheurs ont en effet comparé deux ensembles d’utilisateurs, majoritairement américains, composés respectivement de 458 000 internautes ayant publié des messages sur l’élection présidentielle américaine de 2020 (et qui servait de groupe témoin) et de 380 000 comptes ayant publié plusieurs messages sur le changement climatique ou la biodiversité.
Or, en avril, seuls 52,5 % des comptes du groupe « environnement » continuaient à publier sur le réseau social, contre 79,4 % des utilisateurs du groupe « politique ».
Ce « rapide déclin » représente une « perte substantielle pour la communauté » scientifique et « tire la sonnette d’alarme », concluent les chercheurs :
« Pour les défenseurs et les chercheurs qui dépendent fortement de Twitter, l’exode des utilisateurs environnementaux sur Twitter est une menace existentielle pour le mode principal utilisé pour diffuser des informations, mobiliser divers publics et analyser ses données pour suivre les débats et les sentiments contemporains autour des crises jumelles mondiales de la perte de biodiversité et le changement climatique. En effet, l’avenir de Twitter en tant que plate-forme de sensibilisation et de recherche est incertain. »
Ces conclusions « confirment de premières informations troublantes sur l’augmentation de la quantité de désinformation et de mésinformation concernant le changement climatique sur Twitter », estiment les auteurs.
Limiter le réchauffement, c’est un fait, pas une opinion
Harcelé en ligne par des climatosceptiques, le climatologue, directeur de recherche au CNRS et membre du GIEC Christophe Cassou a expliqué à France 3 pourquoi il s’était résolu à suspendre son compte Twitter, début août :
« Ça a commencé il y a un an et demi. Au fur et à mesure que je publiais, les faits étaient détournés, puis rapidement ça a basculé sur des attaques ad hominem et des hordes de climato-sceptiques qui venaient remettre en doute et questionner l’honnêteté intellectuelle et la déontologie du métier de chercheur. Quand on ne peut pas attaquer le message qui est robuste et établi, on s’en prend aux messagers. »
Il déplore que, pour ses harceleurs, « rappeler les faits scientifiques est maintenant considéré comme du militantisme. Dire que les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de tant de pourcent pour arriver à la neutralité carbone et limiter le réchauffement, c’est un fait, pas une opinion » :
« Ce qui est hallucinant, c’est que ces personnes ne se rendent pas compte qu’elles sont elles-mêmes embarquées dans un récit bien piloté, souvent en lien avec des entreprises politiques comme l’extrême-droite, la droite américaine ou la Russie, comme l’a montrée l’étude de David Chavalarias sur les stratégies des réseaux climatosceptiques sur Twitter. »
En réponse à ceux qui lui ont fait remarquer qu’il était dommage d’avoir quitté Twitter, que c’était une sorte de défaite et qu’il fallait quand même être présent, le chercheur annonce qu’il reviendra en septembre, « en limitant certainement les interactions avec mes publications » :
« C’est un moyen de dire “je suis là, personne ne peut m’empêcher d’être là”. Ils ne pourront pas m’empêcher de revenir. »
Rien ne dit que ce sera simple, dans la mesure où Elon Musk a annoncé une nouvelle restriction des outils de modération existants. Dans
, l’entrepreneur a en effet déclaré que la fonction « bloquer » ne serait bientôt plus disponible que pour les messages privés.
Source : texte du lien
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Dommage car malgré tout ce qu’on peux dire (moi compris) ET constaté, il y avais une forte base de scientifique sur X qui distillait des informations très intéressantes. Il faut faire le tri bien sur car c’est bourré de cons, d’ultra gauche, d’ultra-droite, de conspirationnistes, de prophètes de mon cul croyant fort à leur vérité et voulant nous éduquer, de politologues de mon cul en tout genre et j’en passe. Mais on pouvait avoir de bonnes informations