Lovecraft, Cthulhu et les Grands Anciens entrent dans la Pléiade
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Howard Phillips Lovecraft, maître de l’horreur, option tentacules et cités englouties, aura construit un panthéon de divinités toutes plus malfaisantes et dangereuses, les unes que les autres. Mondialement reconnu, HPL de son petit nom, l’œuvre du romancier américain fait déjà l’objet de multiples adaptations en mangas, BD ou réédition et nouvelles traduction. Mais la Pléiade, on n’osait y songer… et le 1er avril est trop loin.
Définitivement un événement majeur pour la collection luxe de la maison Gallimard : en avril 1932, la Pléiade intégrait les Œuvres en prose d’Edgar Allan Poe à son catalogue. Un volume de 1184 pages, où l’écrivain révolutionnait tout simplement le conte fantastique. « La souffrance, la mort et le meurtre, le mystère et le surnaturel deviennent des catégories du beau », indique la maison.
Or, quelque quarante années après la mort de Poe, un certain Howard Phillips Lovecraft vit le jour à Providence — ville où il mourut le 15 mars 1937. Entre les deux hommes, un lien par-delà le temps se tisse : si Lovecraft fit de Poe son maître et un guide dans l’écriture, il parvint à s’en détacher — cherchant plus la suggestion de l’horreur que sa description méthodique. Pourtant, les thématiques demeurent.
« Rares les textes de Lovecraft qui ne font pas directement mention d’Edgar Poe », écrivait François Bon, qui traduisit l’œuvre lovecraftienne. « Parfois, cela va plus loin : Poe a vécu à Providence, et dans La maison maudite comme dans Celui qui hante la nuit Lovecraft évoque directement sa présence dans le récit. Dans Celui qui hante la nuit_, tout est basé sur la ville vue en perspective, Lovecraft part de ce vieil arbre, dans le petit parc en surplomb de la ville, où Edgar Poe venait lui-même._ »
Avec Nyarlathotep, chaos garanti
Cette connexion entre les deux hommes suffisait-elle à ce que les livres de Lovecraft intègrent La Pléiade ? Car la collection prévoit bel et bien une édition des œuvres, dans un volume qui réunirait des récits choisis. Ce dernier fut préfacier pour les textes de Philip Roth, traducteur de Mil neuf cent quatre vingt quatre ou encore de Jack London. Il avait également repris Moby Dick, ou encore des textes de F. Scott Fitzgerald — tout cela pour le compte de la collection au papier bible, sorti des usines… de Bolloré.
« Nous préparons actuellement une édition des œuvres de H. P. Lovecraft », confirme bel et bien La Pléiade – les Grands Anciens en piaffent déjà d’impatience, à l’idée d’envahir librairies et étagères une fois encore.
Hugues Pradier, directeur général de la Bibliothèque de la Pléiade, nous confirme bel et bien l’existence du projet, mais « il serait prématuré de fournir des précisions. Le travail est en cours ».
Selon nos informations, l’ouvrage serait réalisé sous la direction de Philippe Jaworski – nous n’avons pas pu obtenir de précisions de sa part.
HPL, ce héros éternel…
Lovecraft, objet de désir, assurément ! Évoquons ainsi l’ouvrage récent de Daria Schmidt, Le bestiaire du crépuscule, qui prend HPL comme personnage principal, dans un cadre des plus contemporains — pour une exploration extraordinaire de l’univers romanesque. Entre couleurs psychédéliques et noir & blanc désarmant, cette bande dessinée sortie en juin 2022 est un chef d’œuvre.
Ajoutons, chez Réflexions, une autre bande dessinée, Howard Lovecraft et le royaume de glace, signée Bruce Brown et Renzo Podesta (trad. Éléonore Guyonnet), parue fin juillet.
Le jeune Howard Lovecraft, ignorant les avertissements de son père utilise le légendaire Necronomicon et ouvre un portail vers un monde gelé rempli de créatures horribles. Seul et effrayé, Howard se lie d’amitié avec une créature qu’il nomme Spot, qui emmène le jeune garçon au château du roi où il est capturé et condamné à mort.
Et Ki-oon a prévu la publication du Molosse, nouvelle adaptation en format manga signée Tanabe Gou, qui s’est plongé depuis quelque temps déjà dans les œuvres de HPL (trad. Sylvain Chollet et Clair Obscur pour l’adaptation). Sept volumes sont déjà parus, et d’autres s’en viennent.
De son côté, Mnémos publiera prochainement le 4e volume d’une gigantesque traduction, fin septembre. Ce programme éditorial a débuté en janvier, et s’achèvera en mars 2023 — après plusieurs années d’un titanesque investissement de la part du traducteur. Le tout accompagné d’un appareil critique tel que l’on aurait pu croire à une version Pléiade avant l’heure.
Le Grand Œuvre
David Pathé-Camus, qui avait publié une excellente série d’articles sur le métier d’agent littéraire, a collaboré avec les éditions Mnémos, pour réaliser une retraduction intégrale des oeuvres du romancier – un projet rendu possible par un crowdfunding qui aura dépassé toutes les espérances. Démarré en février 2018, il a apporté plus qu’un soutien économique : sur les 10.000 € attendus, ce sont près de 398.000 € qui ont été obtenus…
« Du début à la fin de notre campagne, sur Ulule, j’ai été très soutenu par les souscripteurs, que je tenais régulièrement au courant de l’évolution de mes travaux. Près de 8500 messages furent ainsi échangés. Ces personnes m’ont accompagné jusqu’au bout. Elles m’ont aidé à traverser les épreuves. Je leur en serai éternellement reconnaissant. Je ne sais pas si d’autres auteurs ont bénéficié d’un tel soutien. Rien qu’à cause de cela, ce projet mérite qu’on en parle. C’est une expérience humaine incroyable », nous explique le traducteur.
Trois volumes sont déjà sortis et quatre sont en approche. L’occasion de revenir avec lui sur cette entreprise.
Source et suite : actualitte.com
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