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Le milliardaire a parlé dans la nuit de jeudi à vendredi comme à son habitude avec des accents d’oracle, dans un décor incroyablement scénarisé puisqu’il s’exprimait depuis sa Starbase (le site de Boca Chica au Texas) où, pour l’occasion, il avait dressé en arrière-plan son futur vaisseau : le premier étage, baptisé Falcon Heavy, propulsé par 29 moteurs Raptor, surmonté par la navette “Starship” toute de tuiles noires vêtue et reconnaissable par de petites ailettes. Bref, un monstre puisque l’ensemble mesure 120 mètres de haut pour 9 de diamètre, ce qui en fait la plus grosse fusée jamais construite.
la plus grosse fusée jamais construite est donc désormais assemblée mais elle n’a jamais… volé. Les experts du secteur spatial espéraient une date ferme, ils auront eu une vague échéance : “cette année”. Le milliardaire sud-africain était attendu au tournant après avoir longtemps promis un premier test en configuration complète pour janvier ou février 2022. A croire que l’objet réel de ce show visait à botter en touche et donc officialiser le fait que son engin ne décollera pas d’ici la fin du mois. Certes, Musk est coutumier des glissements de calendrier mais là, en l’occurrence il se trouve rattrapé par une réalité moins technologique que réglementaire : on ne peut pas balancer dans le ciel n’importe quoi, n’importe où et n’importe quand même au pays si permissif de l’Oncle Sam. Il faut rappeler que l’année dernière à la même époque le PDG de SpaceX fustigeait la lenteur de l’administration américaine “fondamentalement inefficace”, et qui en l’état “ne permettrait jamais d’aller sur Mars”. Depuis il a appris à mettre un peu d’eau dans son vin. En effet, c’est à la Federal Aviation Administration (FAA), organisme de réglementation du transport aérien et du secteur spatial d’attribuer des licences de vols pour tout engin décollant des Etats-Unis. Or, depuis plus d’un an, celle-ci s’interroge sur les activités de SpaceX.
D’abord sur l’extension du site de Boca Chica dont la construction commencée en 2015, progresse à un rythme effréné (usines de production, entrepôts de carburants, zones de tests et multiplication des pas de tirs). Elle a donc demandé à la société une étude d’impact environnemental détaillée. Ce qui a été fait mais, disons-le, sans convaincre totalement.
En créant une méga-fusée, il multiplie aussi les risques d’un accident au décollage. Le Starship emportera 5 200 tonnes d’ergols et certains experts estiment qu’une explosion serait aussi puissante que celle qui a dévasté le port de Beyrouth en août 2020. Pas étonnant alors que les autorités américaines hésitent à donner leur feu vert pour un engin qui n’a jamais été éprouvé.
Elon Musk l’a compris : il ne pourra rien faire sans la FAA. D’où son discours d’hier moins fanfaronnant qu’à l’accoutumée. Il s’est donc contenté de se dire “très confiant” pour la suite, n’a pas manqué de lister les futures missions du Starship, notamment un tour de la lune réalisé pour le compte du milliardaire japonais Yusaku Maezawa. Sans oublier d’évoquer son grand rêve martien qui demeurerait une “assurance vie” pour l’humanité au vu des menaces qui pèsent sur la Terre. Comme à son habitude, il a accompagné ses propos par un joli clip en images de synthèse qui a un peu moins soulevé l’enthousiasme du parterre d’invités et de journalistes conviés. Musk a dû alors s’y prendre à deux fois pour lancer un “Rendons tout cela réel” afin d’avoir un écho enthousiaste et un tonnerre d’applaudissements.
Mais il faut savoir écouter l’entrepreneur aussi entre les lignes : Musk a fait une seule nouvelle annonce avec la construction d’une tour de lancement du Starship à Cap Canaveral (Floride) d’où décollent déjà ses fusées Falcon 9. Une façon maligne de dire que si on lui mettait trop de bâtons dans les tuyères de ses moteurs au Texas, il pourrait continuer son aventure Starship ailleurs qu’à Boca Chica. Le milliardaire sud-africain cherche décidément toujours à avoir un coup d’avance.
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Le souci principal avec sa méga fusée, c’est le nombre de tests réalisés : peu nombreux et pas assez concluants. D’où les craintes de la FAA.
L’autre difficulté est la récupération des étages censés etre réutilisables. Vu leur poids et taille, les ingénieurs ont construits une tour avec 2 bras qui saisiront l’engin avant qu’il ne se pose sur son pas de tir.Et il ne faut pas oublier que la méga-fusée est sur-dimensionnée par rapport à ce qui se fait actuellement : elle peut transporter 100 à 150 tonnes de charges utiles.
Soit 50 à 70 tonnes de plus que ces concurrentes. Il faut pouvoir rentabiliser chaque vol ! -