[Critique] Civil War : l'instant décisif
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À la fois road movie, post-apo et film de guerre, manifeste humaniste et réflexion politique, le nouveau long-métrage du réalisateur de Men est une grenade qui vous explose à la gueule et ne fait pas de quartier.
Que ce soit dans Ex Machina, Annihilation ou le génial Men, Alex Garland a toujours manifesté un goût très marqué pour les héroïnes fortes. Empruntant le chemin de la dystopie, terme désormais appliqué à toute œuvre d’anticipation, Civil War ne fait pas exception. Garland plante son action dans un futur qu’on imagine pas si lointain : les États-Unis sont maintenant désunis, sans qu’on sache ce qui a provoqué cette fracture si ce n’est que le pays est dirigé par un fou dangereux qui, bien évidemment, est un avatar de Donald Trump, cravate rouge comprise. Les deux États les plus puissants, à savoir le Texas et la Californie, se sont alliés pour faire sécession. Le pays ayant de facto plongé dans la guerre civile, les troupes rebelles de l’Ouest affrontent les milices de l’est et avancent sur la ligne de front vers Washington dans le but de neutraliser le président. C’est dans ce contexte explosif que Lee (Kirsten Dunst) et Joel (Wagner « Escobar » Moura), deux vétérans du reportage de guerre, décident de se rendre à la Maison-Blanche pour aller interviewer le président avant qu’il ne soit destitué. Accompagnés par Jessie (Cailee Spaeny, Priscilla), une jeune fille qui rêve de devenir journaliste et par Sammy (Stephen McKinley Henderson, Dune), un vieux de la vieille du métier, ils s’embarquent pour leur destination au risque d’y laisser leur peau en traversant les zones de combat.
TEAM AMERICA
C’est l’occasion pour Garland de brosser le portrait d’une Amérique en proie au chaos, mais aussi celui d’une femme devenue imperméable à l’émotion à force d’avoir vu des horreurs dans l’objectif de son appareil et de les avoir figées dans l’éternité. Lorsque débarque Jessie, pour qui elle représente un modèle, Lee se revoit à son âge et se retrouve partagée entre l’envie de s’en débarrasser parce qu’elle l’encombre et le désir de la protéger. C’est pourtant grâce à cette recrue improvisée qu’elle va redécouvrir non seulement sa capacité d’empathie mais également sa féminité, lors d’une très belle scène où Jessie la convainc d’essayer une robe.
Au fil des scènes qu’elles partagent, le film établit entre Lee et Jessie une relation mère-fille des plus touchantes qui donne l’occasion à Kirsten Dunst, véritablement transfigurée, de livrer l’une des plus belles performances de sa carrière. Il ne s’agit pas ici de voir le bouclier émotionnel d’un personnage se lézarder, mais bel et bien de voir une handicapée guérir en revoyant celle qu’elle a été, idéaliste au lieu d’être cynique, intrépide au lieu d’être accro à l’adrénaline.
« Est-ce que tu me prendrais en photo si je me faisais tuer ? » lui demande Jessie. « À ton avis ? » lui répond Lee. Un échange qui trouvera tout son sens dans les dernières minutes du film.Loin d’être des faire-valoir, leurs camarades masculins apportent beaucoup d’humanité au récit. Joel, le fidèle partenaire de Lee, possède un côté solaire et désinvolte qui permet de saines respirations, tandis que Sammy, qu’ils considèrent tous deux comme leur mentor, occupe une place qui va se révéler déterminante. Il est plus d’une fois la voix de la sagesse, de la bienveillance, mais aussi celle de la bravoure.
– Lee (Christen Dunst), photographe de guerre chevronnée et impassible, protège la jeune jessie (Cailee Speany) des risques du métier lors de l’explosive introduction.
UNDERFIRE
Après une ouverture où la violence surgit dans une déflagration sanglante, Civil War adopte le rythme et les passages obligés d’un road movie où ne cesse de planer l’ombre de Cormac McCarthy. Mais on est ici plus proches de Méridien de sang que de La Route : au chant des oiseaux (mixés très en avant) dans une nature à la beauté rassurante répond la cruauté des hommes, quel que soit leur camp, comme dans cette scène où un redneck hésite entre abattre tout de suite ses prisonniers ou continuer à les torturer. D’autres sont tellement englués dans la violence qu’ils finissent par ne plus savoir sur qui ils tirent ni pourquoi. Tout ce qui importe, c’est de tuer avant d’être tué, sans même se demander si l’on n’est pas en train de canarder quelqu’un de son propre camp. Le bruit des armes a réduit au silence toute forme d’humanité, les hommes sont muets, c’est la poudre qui parle.
Lors d’une scène qui risque fort d’entrer dans l’histoire du cinéma, les héros tombent sur un charnier et se retrouvent face à des soldats menés par un milicien (Jesse Plemons, glaçant) qui ne veut rien entendre sauf ses propres convictions. On n’en dira pas plus, mais ces quelques minutes véhiculent une tension inouïe dont le crescendo monte en plusieurs étapes avec une brutalité terrifiante, jusqu’à ce que tout vole en éclats. En plus d’être un tour de force cinématographique, cette séquence cristallise toutes les divisions qui secouent le monde actuel provoquées par l’absence de débats contradictoires. Chacun n’admet que ses propres opinions et réfute toutes les autres, allant jusqu’à nier le droit d’exister à ceux qu’il ne juge pas dignes de fouler le même sol que lui. Dans un autre passage, moins frontal mais tout aussi parlant, les héros s’arrêtent dans une petite ville idyllique et hors du temps dont les habitants ont choisi de se tenir à l’écart du conflit et d’ignorer la guerre. Mais on comprend vite, par la grâce d’un simple mouvement de caméra qui nous révèle la présence d’hommes armés sur un toit, que ce déni n’est qu’une façade. La violence est partout, même chez ceux qui se prétendent aveugles et sourds à son existence, tel un cancer qui métastase.
Apôtre d’une mise en scène proche du cinéma-vérité avec beaucoup de caméra portée mais qui reste toujours lisible, Garland met le paquet dès lorsque la petite troupe entre en zone de guerre urbaine. Pyrotechnie aveuglante, gunfights assourdissants… On se croirait dans La Chute du faucon noir, mais le caractère réaliste et immersif des prises de vue et leur absence de stylisation sont en fait plutôt comparables au cinéma de Kathryn Bigelow. Garland s’efforce de montrer avec sa caméra, au moyen des cadres et des mouvements -et ce sans artifices —, ce que le spectateur aurait devant les yeux s’il était sur le terrain. L’effet est radical : on a rarement vu des scènes de guerre qui sonnent aussi vraies et on en ressort éreinté. Digne héritier des Fils de l’homme, dont il partage le caractère humaniste, l’impact émotionnel, la rigueur formelle et les sursauts rythmiques, Civil War est un film tétanisant qui laisse des traces.
En plus d’être un lanceur d’alerte se gardant bien de porter un quelconque jugement, Alex Garland s’impose ici comme un cinéaste rare et précieux, de la trempe de ceux qui font du cinéma un art réflexif et subversif sans ignorer son pouvoir spectaculaire. Des femmes fortes, de la violence, de la transgression politique… Paul Verhoeven n’est pas loin.
– Par Cédric Delelée.
– Mad Movies #381
–> Cette critique élogieuse et les avis unanimes depuis sa sortie US me confirme que Garland est un maitre. Mais il suffit de voir ses précédents films pour s’en rendre compte.
Hâte de le voir, et c’est bientôt -
Box Office : « Civil War » devient la première place de l’Histoire d’A24 !
Le remarquable film d’Alex Garland fait ses débuts avec un magnifique montant de 25,7 millions de dollars aux USA.
Même si A24 sort depuis plusieurs années de véritables pépites, ce n’est que ce week-end que la société de production a décroché pour la première fois la meilleure place du box-office américain.
C’est avec ce nouveau film d’Alex Garland qu’A24 a obtenu ce succès, une bonne surprise pour cette société de production indépendante aux nombreuses réussites telles Everything at Once Everywhere et plein d’autres comme Hérédité ou MidsommarCivil War a rapporté 25,7 millions de dollars au cours de ses trois premiers jours, repoussant Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire à la deuxième place avec 15,2 millions supplémentaires.
– Source:
https://ecranfantastique.fr/civil-war-devient-la-premiere-place-de-lhistoire-da24/
–> En même temps, assez facile de battre la purge d’Adam Wingard aka Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire
Dès que je peux, je file me mater cette perle dans la salle obscure la plus proche !
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Ça me tente bien, on va l’attendre sagement
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C’est sur un autre topic par ici que j’ai entendu parler du film, mais je viens commenter ici…
Première fois que je retourne au cinéma depuis plusieurs années. Séance du dimanche soir, pas grand monde dans la salle.
Et bien… merci pour le conseil et la motivation pour retrouver les salles obscures. Le palpitant est à 100% jusqu’aux dernières minutes. Le côté photographie, reportage de guerre est très bien traité.
Les images sont superbes sur toute la longueur, des plans, des couleurs, des mises en scènes aux petit oignons ; la bande son tombe parfaitement.
Un très bon moment cinématographique. Merci. -
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Viens de voir civil war, grosse déception, je ne sais pas trop quoi en penser tellement ce truc ressemble à un fourre-tout, mais donne surtout l’impression d’un hommage aux reporters de guerre suicidaires dans un pays plutôt vide de ses habitants.
En prix de consolation: l’archétype du grand débile américain de pure souche.
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Je n’irais pas jusque là. J’ai été un poil déçu mais pour des choses propres à l’idée que je m’étais faites.
Il y a d’excellents passages (comme celui du charnier avec l’autre dingo à lunettes qui m’a mis bien mal à l’aise, l’ouverture, etc… pour ne pas tous les citer), c’est super bien shooté voir même impressionnant et assez accrocheur pour aller jusqu’au bout avec cette froideur expéditive à la fin sans forme de procès, même ci ce n’est, à mon sens pas le meilleur film de la filmographie de Garland. (Men, Devs)
Le fait de mettre tout sur le côté du reporting de guerre avec tt ce que cela comporte humainement parlant sans forcément creuser le côté politique et le comment cela est arrivé est très intéressant… Ça ajoute de la sensibilité à tt ce merdier.
Bon, je ne vais pas refaire toute la critique, je la trouve assez juste dans son ensemble.
Un poil déçu car je m’attendais à autre chose dans ma tête mais agréablement surpris par l’approche qui est proposée ici. C’est très intelligent.
Il y a un topic dédié
Édit: done, déplacé + edit
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@Violence a dit dans [Critique] Civil War : l'instant décisif :
Il y a d’excellents passages (comme celui du charnier avec l’autre dingo à lunettes qui m’a mis bien mal à l’aise
On parle bien de la même séquence (mais je ne voulais pas spoiler), qui m’a mis aussi très mal à l’aise, dire que ce genre de type existe vraiment.
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Bon j’ai regardé civil war Et pas terrible, on se fait un peu chier, l’histoire est banale, a part une scène d’action qui sort un peu du lot c’est pas la folie. Me voilà bien déçu
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Salut , en effet moi aussi j attendais vraiment plus de ce film , il a été présenté comme exceptionnel puis finalement trés moyen et je me suis même un peu ennuyé mais bon c est simplement mon avis mais je suis content de ne pas être seul à penser cela.
Bon week-end. -
Idem! un film sympa mais sans plus.
Je n’ai pas été surpris.
Je ne veux pas dire que je devinais ce qui allais se passer, c’est juste que les événements ne me surprenaient pas.
Je deviens peut-être trop blasé…