[Critique] The Last of Us : fini de jouer
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La malédiction qui frappe depuis toujours les adaptations de jeux vidéo semble enfin levée : la série HBO The Last of Us, visible en France depuis le 16 janvier dernier sur Prime Vidéo (à raison d’un épisode par semaine) se présente comme la première réussite indiscutable du genre après quelques signaux encourageants. Un exploit qui doit beaucoup aux décisions artistiques des responsables du show, mais aussi et surtout aux partis pris initiaux du jeu éponyme, qui avait tout mis en œuvre pour susciter un impact furieusement cinématographique…
Les grandes œuvres naissent souvent de petites histoires. La venue au monde de The Last of Us remonte à celle, le 5 décembre 1978, de Neil Druckmann, à Tel-Aviv. Élevé dans la colonie israélienne de Beit Aryeh-Ofarim, il est témoin durant sa jeunesse de nombreux actes de violence et trouve une échappatoire dans les films, livres et jeux vidéo auxquels l’initie son grand frère. Il développe vite une passion pour la narration et se met à écrire ses propres comics.
Lorsque ses parents déménagent aux États-Unis en 1989, il étudie la criminologie avec en tête l’idée d’intégrer le FBI afin d’utiliser cette expérience pour écrire des romans. Mais sa passion pour le jeu vidéo le pousse finalement vers un cursus de game design. L’un de ses professeurs lui offre une accréditation pour la Game Developers Conference de 2003, événement majeur du milieu professionnel vidéoludique. Là, Druckmann harcèle Jason Rubin, le cofondateur du studio Naughty Dog, propriété de Sony Computer Entertainment, alors célèbre pour les jeux Crash Bandicoot et Jak and Daxter. Rubin finira par proposer à Druckmann un poste de stagiaire…
Embauché en 2005, il gravit rapidement les échelons de la firme : game designer sur le premier Uncharted, il participe au scénario du deuxième opus de la célèbre saga d’aventure. En 2010, le studio décide de se scinder en deux équipes distinctes pour mener de front deux développements ambitieux : Uncharted 3 d’un côté, et une toute nouvelle licence de l’autre, sur laquelle Druckmann est nommé directeur créatif aux côtés de Bruce Straley, l’une des têtes pensantes de Naughty Dog.
– La première apparition des terrifiants Clickers, une image qui semble tout droit tirée du jeu vidéo.ICO CITY
Chargé d’écrire le scénario de ce jeu top secret, Druckmann reprend un concept imaginé lors de ses études où un flic dur à cuire devait protéger une gamine durant une apocalypse zombie. Les mécanismes et personnages s’inspirent du soft Ico (où le joueur escortait une jeune fille sans défense) et du personnage de Hartigan des comics Sin City de Frank Miller. Un épisode du documentaire Planet Earth dédié au parasite cordyceps (champignon capable de « prendre possession » d’insectes) permet à Druckmann et Straley de préciser la nature de l’infection qui va ravager le monde du jeu, et les romans La Ville des voleurs de David Benioff (le showrunner de Game of Thrones) et La Route de Cormac McCarthy serviront de références pour établir l’ambiance de leur univers.
Ainsi naît The Last of Us, titre exclusif à la PlayStation 3 qui sort en juin 2013, soit quatre ans après sa mise en chantier. L’ambition de Druckmann et Straley n’est pas de mettre sur le marché un survival horror de plus : le titre se présente autant comme un jeu d’action que comme un « road game » (dans le sens road movie) focalisé sur le lien qui va finir par se tisser entre deux personnages. D’un côté, le mutique Joel, un trafiquant devenu insensible depuis la mort de sa fille. De l’autre, Ellie, une adolescente que Joel est chargé d’escorter à l’autre bout d’une Amérique moribonde dont un gouvernement totalitaire (appelé FEDRA), des résistants armés (les Fireflies), des mutants affamés et des communautés hostiles se partagent les restes.
Le titre affole immédiatement les compteurs, avec 1,3 million d’exemplaires vendus en une semaine. Entre sa sortie initiale et ses versions « Remastered » pour les PlayStation 4 et 5, The Last of Us s’écoulera finalement à 20 millions d’unités.
– Ellie (Bella Ramsey), une orpheline solitaire sur le point d’entamer un voyage qui va changer sa vie.THE MOVIE EXPERIENCE
Un triomphe qui s’explique par une réflexion très simple issue de certaines théories de game design : The Last of Us est pensé pour maximiser l’implication émotionnelle du joueur, débouchant ainsi sur une expérience vidéoludique d’une rare intensité. Pour ce faire, Druckmann et Straley se sont appliqués à émuler la puissance narrative d’un film de cinéma sans jamais tomber dans les travers maladroits des précédentes tentatives du genre (coucou Heavy Rain) qui, malgré des ambitions certaines, ne parvenaient pas à livrer un gameplay satisfaisant.
Car il est tout aussi passionnant de jouer àThe Last of Us que de suivre ses héros, et les phases d’action, essentiellement basées sur la furtivité, sont conçues pour impacter l’histoire et les protagonistes. L’aspect cinématographique du soft est notamment renforcé par des phases narratives mises en scène avec un souci de réalisme rare, les sessions de performance capture avec les comédiens incarnant Joel et Ellie (Troy Baker et Ashley Johnson, habités par leur personnage) prenant en compte l’espace virtuel où se dérouleront les scènes afin d’éviter des placements de caméra irréalistes qui pourraient nuire à l’immersion du joueur.
Interprétation, exécution artistique (le compositeur de la B.O., Gustavo Santaolalla, a été doublement oscarisé pour Le Secret de Brokeback Mountain et Babel), gameplay et technique sont donc mis au service d’une narration puissante et profonde couronnée par une conclusion intimiste d’une audace inédite pour le medium. Druckmann confessera avoir voulu faire un jeu illustrant la beauté et les dangers de l’amour inconditionnel qui peut lier un parent à son enfant, et la construction dramatique patiente et subtile du jeu tend tout entière vers une catharsis ambiguë qui place le joueur dans une position moralement inconfortable.
– Tess (Anna Torv), une contrebandière qui, en compagnie de Joel, tombe sur un deal qui a mal tourné.LES DERNIERS SONT LES PREMIERS
Les qualités éminemment cinématographiques de The Last of Us suscitent très vite des envies d’adaptation sur grand écran, d’autant que le design des personnages s’inspire clairement d’acteurs existants (Dylan McDermott pour Joel et Ellen/Elliot Page pour Ellie, ce dernier n’ayant par ailleurs guère apprécié la ressemblance). Dès 2015, Druckmann s’associe avec Sam Raimi pour produire un long-métrage tiré du jeu, pour lequel il écrira plusieurs versions du scénario… sans jamais réussir à trouver une façon satisfaisante de condenser l’histoire sur 120 minutes. Le projet est annulé en 2018, de même qu’une tentative de série animée.
Le salut viendra de la rencontre entre Neil Druckmann et le scénariste Craig Mazin. Avant 2019, Mazin était principalement apparu aux génériques de Scary Movie 3 et 4 et de Very Bad Trip 2 et 3. Un C.V. guère fracassant, donc. Mais trois ans après avoir participé au script de l’injustement boudé Le Chasseur et la Reine des glaces, il balance sur HBO la bombe Chernobyl, récit glaçant et mortifère de la catastrophe nucléaire ayant frappé l’Ukraine en 1986, dont l’exigence narrative et artistique force le respect.
Si son arrivée sur le projet rassure les fans, Druckmann n’entend pas abandonner son bébé pour autant : il occupe les postes de producteur exécutif, coscénariste et réalisateur du deuxième épisode (les autres sont notamment dirigés par Mazin – pour le pilote – ou Ali Les Nuits de Mashhad Abbasi, qui signe les deux épisodes conclusifs). Ce qui explique la grande fidélité de la série envers son matériau d’origine, caractéristique qui a d’ailleurs poussé certains grincheux à pointer du doigt l’inutilité de raconter une seconde fois cette histoire… alors que l’intérêt de l’entreprise est justement de faire découvrir ladite histoire à un public pas forcément à l’aise manette en main.
Et pour les initiés, il n’est pas interdit de vibrer à nouveau devant cette réinterprétation respectueuse qui enrichit l’univers du soft sans jamais forcer le trait.
– Un corps surexploité par le cordyceps, un tableau marquant pour Joel et Tess – et pour les spectateurs.DE L’AMOUR À LA HAINE
Car le plus impressionnant dans The Last of Us reste l’humilité de cette adaptation, qui aurait pu profiter des largesses de HBO pour doper à la testostérone numérique les morceaux de bravoure du jeu. C’est tout l’inverse qui se produit : la série lâche les chevaux avec parcimonie sans jamais chercher l’esbroufe visuelle ni la surenchère horrifique. La violence est sèche, fait mal, laisse des traces physiques et psychologiques, mais elle est toujours justifiée par les exigences dramaturgiques du récit (on regrettera tout de même la façon dont le passage paroxystique dans l’université est un tantinet expédié).
Le classicisme de la mise en scène se focalise en premier lieu sur les performances de comédiens irréprochables : Pedro Pascal (The Mandalorian) est impérial en taiseux aux blessures à vif et Bella Ramsey (Game of Thrones) est phénoménale dans le rôle d’Ellie, faisant taire à jamais les abrutis de fans toxiques qui l’ont attaquée sur son physique. Et n’en déplaise aux critiques dénonçant la trop grande littéralité de cette transposition télévisuelle, des ajouts non négligeables à la matière narrative du soft sont bel et bien présents.
Les rôles offerts au duo Nick Offerman/Murray Bartlett (dans un troisième épisode conçu comme une parenthèse douce-amère d’une belle sensibilité), à Ashley Johnson (lors d’une apparition aussi brève que symbolique) et Melanie Lynskey (en chef de milice glaçante) servent autant à élargir l’univers du jeu qu’à offrir des résonnances au parcours de Joel et Ellie.
Plus encore en série que sur console, The Last of Us dépeint avec acuité et empathie la magnifique cruauté et la beauté tragique des passions humaines dans un monde ayant précipité sa propre perte (le prologue insinue au détour d’un dialogue que la mutation du cordyceps est liée au réchauffement climatique). Et d’après les dires de Craig Mazin dans l’interview suivante, les choses n’en resteront pas là : la saison 2 d’ores et déjà envisagée (le pilote a cumulé 10 millions de visionnages en deux jours) devrait coller de façon plus ou moins fidèle au jeu The Last of Us: Part II.
Cette suite encore plus sombre que son modèle, d’un jusqu’au-boutisme et d’une ambivalence morale (le joueur est forcé d’incarner pendant la moitié de l’aventure un personnage qu’il est censé détester – encore un parti pris absolument dingue de la part de Druckmann) qui avaient provoqué quelques remous lors de sa sortie en 2020, explore les extrémités auxquelles la furie vengeresse peut pousser un être humain. De l’amour, The Last of Us passait donc à la haine, et la série devrait suivre le même inexorable chemin. On n’a pas fini de souffrir… et on n’a pas fini d’aimer ça.
– Par Laurent Duroche
– Mad Movies #368 -
Faudrait que je la commence un jour …
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Raccoon Admin Seeder I.T Guy Windowsien Apple User Gamer GNU-Linux User Teama répondu à Ashura le dernière édition par
@Ashura pareil, j’ai DL les 5 premiers épisodes depuis un moment, je n’en ai pas encore regardé un seul.
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Pareil, j’ai tous dl mais rien mater sur le coup
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La saison 2 commencera à être tournée fin 2023 - début 2024 selon Bella Ramsey :
Ce n’est pas pour tout de suite. Je pense que nous allons commencer à tourner à la fin de cette année, ou au début de la prochaine. Donc ça ne sera pas avant fin 2024, début 2025.
Patience donc.
ça vous laisse large le temps pour vous la faire -
J’ai DL les derniers épisodes mais je n’ai toujours pas commencé la série.
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Perso je suis resté sur ma fin , j ai trouvé quelques épisodes vraiment mou du genoux , mais ça s’est un peu arrangé sur la fin.
Bien sûr ce n est que mon humble avis -
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@Violence Merci de l’info, j’ai toujours pas vue 1 seul épisode je me là réserve pour cette été …