"Son problème, c'est qu'on ne le voit pas". Pourquoi le hérisson est-il aujourd'hui quasiment menacé d'exctinction
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Le hérisson voit sa population décliner rapidement, au point de risquer de disparaître. Les collisions avec les voitures ou les accidents de jardinage n’expliquent pas, à eux seuls, ce déclin, contre lequel œuvre le centre de soins de Saint-Sulpice-la-Forêt, en Ille-et-Vilaine.
Animal discret, vivant essentiellement la nuit, le hérisson est en train de se faire encore plus rare. Le petit mammifère chemine sur la pente de l’effondrement de son espèce : dans la liste des espèces menacées, dressée par l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN), le hérisson est classé “quasi menacé d’extinction”, depuis 2024.
Le Museum d’histoire naturelle du Royaume-Uni estime que le nombre de hérissons a diminué de moitié sur son territoire, entre 2007 et 2020. D’autres études menées aux Pays-Bas et en Allemagne évaluent que la population de hérissons a été divisée par 30 depuis les années 1950.
En Europe de l’Ouest, partout où il est recensé, les études établissent une chute rapide de la présence du mammifère : au Royaume-Uni, mais aussi en Norvège, Suède, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche. De nombreuses raisons expliquent ce dépeuplement.
Un centre de soins spécialisé au nord de Rennes
À Saint-Sulpice-la-Forêt, en Ille-et-Vilaine, un centre de soins accueille les hérissons blessés ou très affaiblis, que des particuliers ont signalés à la plateforme Sos Faune sauvage Bretagne, mise en place par la LPO et par l’agence bretonne de la biodiversité. Claude et Catherine, retraités, ont transformé leur propre maison en dispensaire dédié à ces animaux sauvages. Depuis six ans, ils soignent les hérissons trouvés blessés, avec l’aide d’une vétérinaire, Nathalie Pyré, qui n’hésite pas à lâcher son cabinet pour venir à la rescousse.
Il est important de ne pas relâcher tout et n’importe quoi. Il faut des animaux capables de se reproduire et costauds, pour qu’ils aient une chance de transmettre un bon patrimoine génétique.
Nathalie Pyré
vétérinaire
Le trio de sauveurs de hérissons s’en tient à sa mission : remettre dans la nature des individus robustes. "Il est important de ne pas relâcher tout et n’importe quoi", prévient la vétérinaire : "il faut des animaux capables de se reproduire et costauds, pour qu’ils aient une chance de transmettre un bon patrimoine génétique."
Le mâle adulte que Nathalie tient dans ses mains laisse entrevoir un retour à la nature dans une semaine ou deux. Son abcès à la gueule, lié à une bagarre avec d’autres mâles, est en passe de cicatriser. “Il se met bien en boule dès que je le prends dans mes mains et ses pics sont toniques, tandis qu’ils deviennent mous lorsque l’animal est très affaibli”. Pour d’autres en revanche, trop malades, la vétérinaire décide de ne pas s’acharner, et Claude et Catherine se résolvent régulièrement à faire euthanasier un de leurs 90 pensionnaires.
Les activités humaines, principales causes de leurs blessures
Les accidents liés aux activités humaines restent les principales causes d’une arrivée au centre de soins des hérissons de Saint-Sulpice-la-Forêt. Coup de fourche dans un tas de feuilles mortes, blessures causées par les redoutables robots tondeuses, "préprogrammées par les fabricants pour tondre la nuit, quand le hérisson sort de son gîte !" s’indigne Claude, collisions avec une voiture, chute dans une piscine ou dans une cavité… Les dangers pour le hérisson s’avèrent innombrables.
“Pour les oiseaux, les jardiniers font attention à ne plus tailler les haies au printemps et en été”, se réjouit Claude. “Mais pour les hérissons, il faudrait passer la main au sol, en portant des gants de protection, avant de débroussailler un pied d’arbre ou de haie”.
La journée, le hérisson dort caché sous un tas de feuilles ou de branchages, ou sous un pied de haie touffu qui le protège de la chaleur et des mouches, contre lesquelles il ne peut pas se défendre. “Il vit la nuit, on ne le voit pas, alors on n’y pense pas, c’est ça son problème !” conclut Claude. “Même sur des chantiers de maisons, il faudrait “penser hérisson”, pendant les travaux”, se prend à espérer Claude, en expliquant : si une cavité est creusée et chemisée d’une paroi lisse, un petit mammifère tombé restera bloqué.
Des métaux lourds et des antibiotiques dans les cadavres de hérissons
À tous ces risques d’accidents s’ajoute une menace plus pernicieuse, que l’école vétérinaire de Lyon aimerait mieux cerner. Dans un grand centre de soins pour la faune de Normandie, des biologistes, toxicologues et vétérinaires ont fait analyser 200 cadavres de hérissons, que les soigneurs n’étaient pas parvenus à sauver. Les analyses des organes des animaux ont révélé des taux élevés de métaux comme le cadmium et le plomb, et la présence d’antibiotiques. Laure Prévost, responsable du centre de soin Le Chêne, partenaire de l’étude, interroge : “est-ce que les métaux lourds et les antibiotiques retrouvés, ne seraient pas à l’origine d’une défaillance générale de leur système immunitaire ? Ce qui expliquerait leur état de santé moribond quand ils arrivent en centre de soins, et la difficulté à remettre sur pied un certain nombre de hérissons”.
Comment les hérissons s’intoxiquent-ils ? Des chercheurs de l’école vétérinaire de Lyon souhaitent élargir les investigations. En attendant, la perpétuation de l’espèce est au cœur des préoccupations.
Des études sur les déplacements des hérissons
Des “corridors écologiques” sont à l’étude au sein même de la ville de Rennes. Dans le quartier de la Poterie, près des jardins partagés, des chercheurs analysent les déplacements des hérissons. Quelle végétation recherchent-ils pour se reposer en journée ? Quelle rue doivent-ils traverser la nuit ? Solène Croci, chercheuse CNRS au laboratoire de géographie LETG (Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique) entend proposer, à la métropole bretonne, des solutions pour favoriser les déplacements des hérissons, à travers le projet “Bio3DiverCity”. “Comme pour nous, il est vital pour eux qu’ils puissent se déplacer”, souligne l’écologue.
Un hérisson parcourt jusqu’à trois kilomètres, la nuit, de jardins en jardins, affrontant les clôtures ou les trottoirs trop hauts. Coûte que coûte, il doit trouver de quoi se nourrir, des vers de terre et des limaces, et dénicher un partenaire pour se reproduire… et perpétuer son espèce.
Source : france3-regions.franceinfo.fr