Russian Papers #1 : invasion sous perfusion française
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Les armes russes à l’œuvre dans le conflit en Ukraine sont bourrées de composants électroniques fabriqués à l’étranger. Ni les sanctions de l’Union européenne (UE) et de l’ONU, ni l’embargo, qui interdisent de commercer avec le Kremlin, n’ont tari le flux d’exportations à la douane russe. Nos entreprises sont concernées : selon les documents confidentiels obtenus par Blast, du matériel made in France continue de franchir la frontière pour alimenter l’effort de guerre de Poutine, et ce malgré les discours et les promesses du gouvernement. Enquête et révélations en 4 volets.
Le 25 septembre dernier, l’Observatoire des armements lance une bombe en mettant en ligne son dernier rapport. « La France a continué à exporter des biens à double usage à la Russie en 2022 », écrivent les experts de cet organisme indépendant, qui effectue notamment une veille et un traçage des composants et matériels militaires français se baladant à travers le monde.
En clair, l’Observatoire affirme que des composants électroniques pouvant avoir un usage civil ou militaire (lire en encadré) ont continué à être exportés vers Moscou bien après l’annexion de la Crimée, en 2014. Jusqu’au début de la guerre en Ukraine et l’invasion de février 2022.
Ce pavé dans la mare diplomatico-industrielle a provoqué peu de remous. Ainsi, les auditions de Sébastien Lecornu, ministre des Armées, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, et d’Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, précisément consacrées aux exportations d’armement et de biens à double usage, se sont déroulées quasiment sans accroc le 26 septembre devant les commissions des Affaires économiques, étrangères et de la Défense de l’Assemblée nationale.
Questionné par les députés PC Jean-Paul Lecoq et EELV Julien Bayou, Olivier Becht a balayé le sujet d’un revers de la main : « Depuis 2021, il n’y a plus aucune livraison d’armes à la Russie, a asséné l’homme du commerce hors frontières. Ce qu’on retrouve en Ukraine est issu de ventes précédentes ». Au lendemain de ces échanges, son collègue des Armées s’est même offert un voyage à Kiev.
Que le complexe militaro-industriel d’un allié proclamé de l’Ukraine ait continué à approvisionner les capacités militaires russes jusqu’au début du conflit, longtemps après l’annexion de la Crimée en 2014 et jusqu’en février 2022, début de l’offensive d’ampleur contre le pays, laisse pourtant la sensation d’un double discours. Ou, pour l’écrire autrement, de la cynique priorité accordée à l’économie sur la diplomatie de la part du pays de la proclamation des droits de l’Homme - et néanmoins l’un des leaders mondiaux de la vente d’armes. Un en même temps tout macronien : fournir en armes à l’Ukraine d’un côté, abreuver en composants électroniques la Russie de l’autre.
Double usage pour double discours
Les documents exclusifs auxquels Blast a eu accès confortent cette impression. Cette fois, nous sommes en 2023, non plus aux prémices de la guerre à l’Est. En effet, selon ces fichiers des douanes russes dont nous publions des extraits, les livraisons de matériels made in France ont continué bien après le début des combats : au moins jusqu’en avril 2023.
Malgré les sanctions françaises, européennes et américaines ; malgré l’embargo international ; malgré les rodomontades répétées du gouvernement et du chef de l’État sur le soutien indéfectible de la France à « l’effort de résistance des Ukrainiens ».
Les entreprises bien de chez nous qui passent au scan de la douane russe ne sont pas de petites PME de l’armement, qui, grâce à leur ingéniosité de challengers, auraient trouvé le moyen de contourner coûte que coûte l’embargo. Il s’agit de ces fleurons de l’industrie nationale, auxquels le président Macron a demandé de passer en mode « économie de guerre ».
Parmi elles, Lynred affiche volontiers son statut de numéro 2 mondial de l’imagerie thermique. Détenue à part égales par Safran et Thalès, deux conglomérats dans la sphère d’influence de l’État (qui les détient en partie), l’entreprise emploie quelque 1 000 salariés, principalement à son siège de Veurey-Voroize, au cœur de la Silicon valley qui s’est développée autour de Grenoble (Isère), et qui fait la fierté de la France.
Ses détecteurs infrarouges et ses caméras thermiques sont particulièrement prisés, notamment le PICO 640 Gen 2. Dans la brochure commerciale de ce petit bijou technologique, le constructeur vante sa « qualité d’image améliorée, [sa] fiabilité éprouvée, [son] intégration facile ». Une triple promesse qui séduit partout, jusqu’à l’Oural : selon les documents obtenus par Blast, des composants siglés Lynred ont été livrés en Russie à neuf reprises entre le 2 mars 2022 et le 24 avril 2023 - soit bien après le début de la guerre en Ukraine. Pour un total de 2 458 568 dollars.
Au portique de la douane de Poutine
Sur les neuf transactions identifiées, sept concernent des « composants semi-conducteurs photosensibles », soit très exactement le cœur de métier de Lynred : des capteurs.
À six reprises, les composants transitent par une firme nommée Texel FCG Technology. Installée en Israël et dirigée par le letton Marks Blats, l’entreprise et son directeur figurent sur la liste des sanctions du gouvernement ukrainien, ainsi que sur celle du Trésor américain.
Elles sont justifiées par les liens de l’entreprise avec Asia trading & construction, façade de l’empire économique du marchand d’armes russe - et soutien de la guerre en Ukraine - Igor Vladimirovich Zimenkov. Zimenkov est à la tête du « Zimenkov network », un réseau international dont le but est de faciliter les importations et exportations des industries militaires russes et biélorusses.
La commande du 24 avril 2023 a transité par une société chinoise pour arriver à Moscou : Videofon MV est spécialisée dans les hautes technologies de surveillance vidéo et thermique, pour des applications dédiées à la sécurité anti-terroriste, à la surveillance des risques environnementaux ou… à des usages militaires.
Sur son site internet, Videofon MV se livre fièrement au name-dropping, pas peu fière de l’identité de ses principaux clients. « Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie, ministère de la Défense de la Fédération de Russie, ministère des Affaires intérieures de la Fédération de Russie, ministère des Situations d’urgence de la Fédération de Russie, Service pénitentiaire fédéral de la Fédération de Russie, Gouvernement de Moscou », ainsi que « de nombreuses autres entreprises d’importance stratégique ». Des clients de prestige qui n’ont certainement rien à voir avec l’effort de guerre du Kremlin…
Lynred, les yeux français des drones russes
Pour comprendre l’usage et l’importance des composants français pour l’appareil militaire russe, il faut se rendre dans l’Est de l’Ukraine. Les combats y font rage plus que jamais, entre l’armée d’invasion et les soldats ukrainiens. Dans le ciel, ces derniers se sont habitués à voir évoluer ce qui semble à l’œil non averti être des petits avions blancs à hélices. Mais à y regarder de plus près, ce sont des Orlan-10 qui survolent le champ de bataille.
Ces drones russes télécommandés couvrent à une altitude pouvant atteindre 5 000 mètres les zones de conflit, offrant aux forces qui les utilisent la possibilité d’identifier des cibles ou de larguer des charges explosives. Fabriqué par la société Special technology centre (STC) à Saint-Pétersbourg, pour un prix estimé entre 87 000 et 120 000 dollars l’unité, l’Orlan-10 peut être catapulté, voire directement lancé à la main par un opérateur au plus près des combats ou des cibles stratégiques.
À l’heure actuelle, ces engins volants rendent la vie impossible aux démineurs ukrainiens qui s’obstinent à essayer de sécuriser le terrain pour leurs troupes. Les Orlan-10 repèrent les engins de déminage pour permettre ensuite à l’artillerie russe de les détruire, bloquant de fait toute tentative de contre-offensive ukrainienne.
En mai 2022, Pavel Kachtchouk, un soldat ukrainien passionné d’automobiles et de mécanique, avait récupéré l’épave d’un de ces drones, avant d’en faire une autopsie complète.
Comme souvent pour le matériel russe tombé du ciel, les composants de la machine se sont révélés être majoritairement d’origine chinoise… et occidentale : cerveau chinois, moteur japonais, système de communication américain, système de positionnement suisse. Jusque-là, le soldat Kachtchouk n’est pas surpris. Mais lorsqu’il démonte la boule optique du drone, un composant rectangulaire attire son attention. Le capteur porte l’inscription suivante : LYNRED PICO 640-056 389001098.
Contacté par Le Progrès, qui a publié en mars dernier un article sur le sujet, Lynred avait donné le change, assurant que « depuis les nouvelles sanctions de février 2022, aucun détecteur n’a été livré en Russie ». Et la direction précisait encore que « Lynred respecte strictement (…) les sanctions internationales de l’Union européenne ainsi que celles de l’ONU ».
Au sujet de la découverte du soldat Kachtchouk, l’entreprise assure aujourd’hui à Blast que le composant a été « expédié le 5 août 2021 à un destinataire non-russe dans le cadre d’une licence globale d’exportation de biens à double usage délivrée pour une utilisation finale civile le 10 juin 2021 pour une durée de 2 ans ». Elle ajoute « [qu’]un certificat d’utilisation finale a été préalablement signé par le destinataire non-russe, afin de garantir une utilisation finale civile et la non-réexportation du composant vers un pays-tiers sous sanctions ou embargo ».
Lynred, qui ne donne pas d’indication sur ce « destinataire non-russe », affirme ne pas être en mesure d’expliquer comment son détecteur s’est retrouvé embarqué sur l’Orlan 10 : « Une telle utilisation impliquerait nécessairement un détournement géographique et technique, en violation des engagements pris auprès de Lynred ». Une réponse toute en subtilité.
L’Internationale des fournisseurs russes
Le Royal united services institute for defence and security studies (le RUSI, l’Institut royal des services unis pour les études de défense et de sécurité) s’est penché sur les sources d’approvisionnement de l’industrie militaire russe.
Ce think-tank britannique indépendant a publié un rapport en août 2022, après une enquête menée avec Reuters et iStories, intitulée The Orlan complex : tracking the supply chains of Russia’s most successful UAV (le complexe Orlan : traquer les chaînes d’approvisionnement des drones russes les plus performants). « En examinant les données commerciales des expéditions depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, détaille Gary Somerville, un de ses rédacteurs interrogé par Blast, nous avons constaté qu’un grand nombre de composants auparavant expédiés directement d’Europe vers la Russie ont maintenant changé de fournisseurs : ils passent par des pays tiers, à savoir Hong Kong, la Chine, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, pour n’en citer que quelques-uns ».
Ce cheminement offre bien des avantages. Non seulement, nos documents le prouvent, il démontre son efficacité en permettant à Moscou de s’approvisionner en 2023 en composants essentiels, mais il arrange aussi les fabricants. Dont les compagnies françaises, qui peuvent prétendre ignorer que leur matériel à visée militaire est exporté en Russie.
STM32, la puce préférée du Kremlin
Lynred n’est pas le seul fabricant isérois dont les composants alimentent les armes et matériels russes engagés sur le front ukrainien. Poids lourds du secteur des puces électroniques, STMicroelectronics dispose d’un siège en Suisse, est régi par le droit hollandais et compte à son capital des fonds du ministère italien de l’Économie, de la banque pour l’investissement française (la BPI) et même la banque centrale de Norvège. Mais c’est bien à Crolles, à côté de Grenoble, que se situe le berceau de son pôle Recherche & développement. En comptant le site du Rousset, près d’Aix-en-Provence (dans les Bouches-du-Rhône), pas loin de 9 000 employés travaillent en France pour la multinationale.
Le produit phare de ce géant industriel est le STM32 : un microprocesseur dont les usages sont aussi nombreux qu’il existe de produits incluant de l’électronique, de l’imprimante à l’automobile, … en passant par l’armement moderne.
Sans ce composant particulier
« Le STM32F a été trouvé dans toute une série de drones utilisés par les forces armées russes, notamment des drones de reconnaissance (…), mais aussi dans des drones kamikazes tels que le Lancet-3 et le Kub-Bla, qui ont été utilisés pour frapper des cibles en Ukraine », liste Gary Somerville. « C’est un module très prisé. Nous les trouvons dans toute la gamme de drones russes. Sans oublier le fait que sans ce composant particulier, les Russes auraient du mal à produire un circuit imprimé et à faire ce qu’ils font. Ces microcontrôleurs remplissent une fonction essentielle pour leurs drones russes ».
Commandes de vol, navigation, localisation ou encore contrôle de l’alimentation, les compétences du petit composant sont indispensables pour un prix défiant toute concurrence : environ 10 dollars l’unité, voire 6,74 à partir de 500 pièces achetées, sur la boutique en ligne de STMicroelectronics.
Des ressortissants russes basés à Hong Kong
Le STM32F est également très facile à sourcer, comme l’explique à Blast Gary Sommerville : « L’exportateur, disons en Europe ou en Amérique du Nord, expédie probablement ces produits en masse, peut-être directement à Hong Kong par exemple, en supposant qu’ils ne seront pas destinés à une utilisation finale militaire. Mais un certain nombre de ces entreprises de Hong Kong essaieront ensuite de les expédier et de les transmettre également à la Russie. Certaines de ces sociétés sont en fait dirigées par des ressortissants russes basés à Hong Kong ou en Chine, ou bien par des ressortissants chinois qui ont des relations commerciales historiques avec la Russie ».
Mais dans les épaves jonchant le sol du théâtre de guerre ukrainien, le microprocesseur n’est pas la seule trace de STMicrolectronics dans les armes russes.
Missiles russes, cerveaux français
Vendredi 23 juin 2023. Quatre bombardiers russes TU-95MS profitent de l’obscurité de la nuit pour survoler la mer Caspienne. Leur objectif est l’aérodrome militaire de la région de Khmelnytsky, dans l’Ouest de l’Ukraine. L’armement qu’ils portent leur permet de ne pas avoir besoin d’approcher la cible : avec une portée de 4 500 km et une vitesse frôlant les 1 000 km/h, les Kh-101 sont les missiles de croisière les plus aboutis de l’arsenal russe. Une chance pour les pilotes qui n’ont pas à franchir la frontière ukrainienne, et qui peuvent tirer en sécurité depuis leur espace aérien.
Cette nuit-là, treize missiles sont tirés pour porter un coup violent à l’aviation ukrainienne. Ils seront finalement tous détruits par la défense antiaérienne.
Si le Kremlin peut compter autant sur ses missiles de croisière, c’est en grande partie grâce à leur système de navigation par satellite, le SN-99. Il nécessite pour le faire fonctionner deux boîtiers de circuits imprimés : nom de code MS-1-4TQFP44 et MS-2-4TQFP44. Fabriquant : STMicroelectronics.
Suite à la publication du rapport du RUSI, qui met en cause STMicroelectronics, l’Observatoire des armements a demandé des comptes à l’industriel franco-italien. Dans sa réponse, retournée le 14 mars 2023, ce dernier se défend, assurant travailler en conformité avec les règles internationales et avoir pris des mesures de contrôle supplémentaires depuis l’invasion russe de l’Ukraine, en février 2022. En conclusion de son courrier à l’Observatoire, le groupe l’assure : « Nous n’avons plus d’activités en Russie ». Une affirmation présomptueuse.
Million dollars from Russia
Loin de ce quitus qu’il s’autoattribue, les relevés douaniers que Blast a en sa possession accablent le géant franco-italien. Entre le 2 janvier et le 30 avril 2023, pas moins de 5 409 déclarations portant sur des importations de matériels fabriqués par STMicroelectronics ont été tamponnées à la douane russe, pour un montant total de transactions de 29,5 millions de dollars. Une bagatelle comparée au chiffre d’affaires record enregistré en 2022 par le groupe (16,1 milliards de dollars), mais qui n’en est pas moins problématique.
Les plus grosses cargaisons, dont la valeur du contenu dépasse à plusieurs reprises le million de dollars, ont un point en commun : elles sont réceptionnées en Russie par Itelma. Avec plus de 2 500 employés, l’entreprise est un des leaders russes de la production d’électronique embarqué pour les automobiles. Elle avait reçu la visite du précédent président russe, Dmitri Medvedev, en septembre 2018.
« La société est une entreprise du complexe militaro-industriel russe qui fabrique / fournit / répare et entretient des produits militaires qui ont été utilisés par la Russie lors de l’invasion illégale de l’Ukraine en 2022 », assure le gouvernement ukrainien. Kiev, qui l’a placée sur sa liste des sanctions, précise qu’elle « est l’un des principaux fournisseurs de composants électroniques » et ajoute, après avoir rappelé que « les armes modernes de la Fédération de Russie dépendent fortement des importations étrangères », que « l’activité de l’entreprise est une source de revenus importants dans le budget de la Fédération de Russie pour mener sa guerre d’agression ».
Le nom d’un autre client de choix revient régulièrement dans la liste des cargaisons de produits STMicroelectronics repérées au scan de la douane russe : SMT-iLogic LLC a acheté 20 892 composants pour 273 380 dollars entre janvier et avril 2023, en passant systématiquement par des entreprises-relais domiciliées en Chine.
SMT-iLogic est bien connue des analystes britanniques du RUSI. L’entreprise est en effet épinglée à plusieurs reprises dans son rapport. Décrite comme l’un des principaux fournisseurs de microcontrôleurs du Special technology centre (STC), l’entreprise de Saint-Pétersbourg qui fabrique l’Orlan-10, SMT-Ilogic fait l’unanimité à l’international : elle figure sur la liste des sanctions de l’Union européenne, du Royaume-Uni, de la Suisse, des États-Unis, du Canada, du Japon et de l’Ukraine. Malgré ce palmarès édifiant, elle n’en demeure pas moins un client stratégique pour STMicroelectronics : le fabriquant du drone affilié à l’armée russe a en effet « drastiquement augmenté les importations de composants depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022 », selon le rapport du RUSI.
Le paravent de la tutelle
Face aux découvertes de notre enquête, nous avons sollicité les deux acteurs de cette histoire, très prudents face aux questions de Blast. STMicrolectronics s’est gardée de répondre précisément à nos révélations. « Nous n’autorisons ni ne tolérons l’utilisation de nos produits en dehors de l’usage auquel ils sont destinés », affirme la multinationale, qui met en avant « un programme global de conformité au niveau commercial » qui lui permettrait de se « conformer à toutes les règles et réglementations commerciales internationales ». Et le fabriquant l’assure encore une fois : « Nous n’avons plus d’activités en Russie » (1).
Même précaution chez le spécialiste de la vision thermique Lynred, dont la direction jure « respecter strictement l’ensemble des réglementations en vigueur relatives au contrôle des exportations, aux sanctions et aux embargos applicables » (2). Une rhétorique habile et une façon pour ces compagnies de renvoyer la balle dans le camp de l’État, qui les contrôle, tout en s’absolvant d’une quelconque responsabilité.
Un problème dans le système
« L’État dispose de moyens de renseignements qui lui permettent d’avoir accès à l’information, souligne Aymeric Elluin, responsable du plaidoyer « Armes » chez Amnesty International. Les services français sont censés savoir. C’est dans leur ADN de connaître ce type de procédés et les risques liés à ces biens qu’on va exporter. Donc si l’État n’est pas au courant, c’est qu’il y a un problème dans le système ».
Pour le représentant de l’ONG, ce paravent confortable ne dédouane pas pour autant les entreprises concernées : « Même si l’État a l’obligation de vous donner une autorisation pour exporter, cette autorisation administrative ne vous exempte pas de respecter le droit international. Une entreprise est responsable des conséquences de son activité et a par exemple la responsabilité de s’assurer que son matériel ne sert pas à réprimer les droits humains ».
Savoir ou pas…
Même son de cloche à l’Observatoire des armements. « Les mesures d’embargo concernant la Russie sont détaillées dans le rapport sur les biens à double usage publié par le ministère de l’Économie, relève Tony Fortin. Elles interdisent la livraison de composants à double usage à des fins militaires. Donc il faut que l’État nous explique comment ce type de biens peut se retrouver sur le théâtre ukrainien ». Pour le chargé d’étude de l’Observatoire également, « ces entreprises ne peuvent pas ignorer ce qu’elles font. Ce n’est pas possible ».
Titulaire adjoint de la chaire Économie de défense à l’Institut des hautes études de Défense nationale (l’IHEDN, qui est placé sous la tutelle directe du Premier ministre), Julien Malizard est un peu plus modéré. « On ne peut pas contrôler à 100 % l’usage que va faire le client d’un composant, estime-t-il, interrogé par Blast. Cela montre qu’il y a une part de risque, qui peut être plus ou moins grande dans les politiques d’exportation ».
Au-delà de cette incertitude, l’économiste dessine une solution : à ses yeux, la France « devrait interdire tout type d’exportation de cette nature vers la Russie », quand bien même elle se confronterait dans tous les cas à « sa capacité d’ingénierie pour passer par des États-tiers ».
Une telle mesure permettrait probablement de resserrer les mailles du filet. Toujours est-il qu’elle n’était pas à l’ordre du jour de l’audition du ministre des Armées devant les commissions de la représentation nationale, le 26 septembre dernier.
Ce mardi 3 octobre, Sébastien Lecornu est à nouveau entendu à l’Assemblée nationale, par la commission de la Défense nationale et des forces armées. L’occasion peut-être d’un éclairage du ministre, qui entend faire de la guerre en Ukraine « une opportunité » pour l’industrie française de l’armement, ou d’une prise de position pour éviter à l’avenir que des composants et matériels français ne maculent le sol d’Ukraine. Et ne soient complices des crimes de guerre russes.
*(1) La multinationale affirme également collaborer avec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales pour se conformer à la loi, et avoir « pris des mesures pour [se] conformer aux exigences spécifiques de plusieurs ensembles de sanctions et de mesures de contrôle des exportations mises en œuvre par l’Union européenne, les États-Unis et les pays partenaires contre la Russie et la Biélorussie ».
(2) « La dernière expédition depuis Lynred vers la Russie a été réalisée le 18/02/22, assure encore la direction. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie dans la nuit du 23 au 24/02/22, Lynred a immédiatement stoppé, et ce de sa propre initiative, toute expédition vers la Russie ».*
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Ils sont tous de connivence et c le petit peuple qui souffre !
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Et alors ? On fait bien parti des pays marchands d’armes non ? Depuis quand il y a une éthique quand il s’agit de faire des profits grâce à la guerre ?
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Et finalement un grand avantage de cette économie mondiale de merde qu’on nous impose, on ne peut plus faire la guerre à n’importe qui sans conséquences…
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Les “pays” qui ne font pas la guerre mais qui sont spécialistes niveau fabrication des outils pour la faire, il en existe pas mal
Après, il y a aussi les journaleux qui sont pas mal lorsqu’il s’agit de faire de faire du schtroumpfaclick.
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si vous n’avez pas vu ce film je conseille aussi
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Film très connu sur le trafic et marchands d’armes des pays dans le monde (La France est bien côtée)
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@Psyckofox En partie et librement inspiré de l’histoire de Viktor Bout.