Risque d’arnaques, de détournement : le caméo de TiboInShape sur Sora interroge
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Sans bruit ni fanfare, TiboInShape a rendu son visage et sa voix réutilisables par tout un chacun sur l’application Sora, appuyée sur le modèle de génération de vidéo d’OpenAI. Une décision qui pose de multiples questions sur les risques encourus, par le vidéaste lui-même, mais aussi par les internautes plus ou moins adeptes de son travail.
Depuis quelques jours, les vidéos de TiboInShape inondent les réseaux sociaux. Elles ont le visage de TiboInShape, elles ont la voix de TiboInShape, mais elles n’ont pas du tout été créées par le vidéaste : elles ont été générées par IA. Bref, ce sont des deepfakes.
Mais des deepfakes d’un genre particulier : des deepfakes a priori consentis. Sur Sora, la plateforme de génération de vidéos d’OpenAI qui vise à devenir une sorte de contre-TikTok uniquement alimenté de vidéos générées par IA, les utilisateurs peuvent rendre leur « cameo », c’est-à-dire un enregistrement de leur image et de leur voix, utilisable uniquement par eux-mêmes, en ouvrir l’accès à quelques personnes autorisées, ou le rendre accessible à tout le monde.
C’est cette dernière option que TiboInShape, Thibaud Delapart de son vrai nom, a choisie. « Si on veut rester à l’ordre du jour, il faut rebondir de réseaux en réseaux », explique-t-il sur BFM. Et d’évoquer Sora 2, et le fait que « les gens s’amusent bien sur TikTok à me mettre en situation, en train de manger des burgers chez McDo par exemple », une situation a priori invraisemblable, pour ce roi du fitness.
Quand bien même l’application Sora, donc les cameo de célébrités, ne sont pour le moment disponibles qu’aux États-Unis et au Canada, la décision du vidéaste étonne l’avocate spécialiste du droit du numérique Betty Jeulin. « C’est peut-être intéressant d’un point de vue marketing, mais en l’occurrence, TiboInShape est suivi par 27 millions de personnes, selon la loi française sur les influenceurs, cela lui donne une responsabilité », explique-t-elle à Next.
Risques de détournements et d’arnaques.
Or, une fois son image diffusée, sans restriction aucune, celle-ci peut servir — et sert déjà — à produire des vidéos quelquefois drôles, quelquefois violentes, voire injurieuses.

Dès les premiers résultats de recherche sur TikTok, des vidéos apparaissent dans lesquelles la version IA du vidéaste tient des propos ouvertement racistes. D’autres l’utilisent pour créer de supposés journaux télévisés, selon lesquels TiboInShape aurait « porté plainte contre l’IA », une formulation très floue, intégrée dans un discours évoquant plus largement un contenu de mésinformation généré automatiquement.
L’image de TiboInShape peut aussi servir à créer des arnaques, souligne Betty Jeulin, « un peu comme celle qui avait utilisé l’image de Brad Pitt pour piéger une internaute. Sauf que dans ce cas-là, il était difficile d’attaquer Brad Pitt : l’acteur n’avait rien fait d’autre qu’être lui-même ». C’étaient les arnaqueurs qui avaient récupéré son image pour la manipuler, puis soutirer des fonds à leur victime.
« Dans le cas de TiboInShape, il y a une décision positive de sa part, une action pour rendre son image et sa voix disponibles. » Pour l’avocate, si une personne tombait dans le piège d’une arnaque montée à partir de l’image du vidéaste, ce dernier pourrait se retrouver assigné en justice.
Ne pas se laisser dépasser par l’IA ?
« Rester à l’ordre du jour », est-ce que cela suffit à expliquer la décision du vidéaste le plus suivi de France à rendre son image et sa voix réutilisables à l’envi pour générer des vidéos par IA ? Spécialiste des cultures web et autrice, la journaliste Pauline Ferrarri se déclare elle aussi « étonnée » devant le choix de TiboInShape, sur lequel ce dernier ne s’est pour le moment que très peu exprimé, mais le trouve cohérent avec sa stratégie générale d’influence.
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