Shadow, Qwant, souveraineté… : comment OVHcloud renforce son statut de champion européen du cloud
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Fervent défenseur de la souveraineté numérique, OVHcloud est sur tous les fronts pour tenter de contrer la domination des géants américains du cloud. Pour se renforcer, l’entreprise nordiste peut compter sur l’appétit de son fondateur emblématique, Octave Klaba, qui n’hésite pas à mettre la main sur d’anciennes pépites françaises en perdition. Une stratégie opportuniste qui pourrait porter ses fruits.
Face à la domination d’Amazon Web Services (AWS), Microsoft et Google Cloud, qui s’arrogent plus des deux tiers du marché français du cloud, OVHcloud s’est montré particulièrement actif ces dernières années pour tirer son épingle d’un jeu où il est difficile d’exister face aux mastodontes américains du secteur. À défaut d’enregistrer une croissance aussi vertigineuse que ses concurrents d’outre-Atlantique, l’hébergeur nordiste mise sur la souveraineté numérique pour faire la différence.
Dans ce sens, Michel Paulin, le directeur général d’OVHcloud, ne rate jamais une occasion de réaffirmer sa position en la matière. Lors des Assises de la cybersécurité à Monaco l’an passé, il avait ainsi appelé la France et l’UE à se réveiller pour acquérir une véritable “autonomie numérique”, étape nécessaire pour jouir d’une “souveraineté numérique”. Faute de quoi l’Hexagone et le Vieux Continent laisseraient le champ libre aux États-Unis pour accroître encore un peu plus une domination déjà outrageuse et potentiellement dangereuse pour nos intérêts de ce côté de l’Atlantique. “L’Europe n’est pas unie alors que c’est le plus gros marché IT du monde. Il y a un désalignement très fort entre un certain nombre de pays. De plus, il y a un lobbying très fort pour dire qu’il n’y a pas d’alternative”, déclarait ainsi le patron d’OVHcloud dans la principauté.
Il faut dire que Michel Paulin a des raisons d’être dépité, alors que de grandes entreprises françaises ont choisi de s’allier avec des groupes américains pour proposer des offres de “cloud de confiance”. C’est le cas notamment d’Orange et Capgemini, qui ont décidé de s’associer avec Microsoft pour créer la plateforme Bleu, ou de Thales, qui a choisi de s’en remettre à Google pour mettre sur orbite une coentreprise baptisée S3NS. De quoi faire grincer des dents les acteurs européens du cloud et rendre floue la notion de cloud souverain… “Ce sont des voitures américaines peintes en bleu-blanc-rouge, et on essaie de nous faire croire que c’est européen. C’est de la distribution de produits américains à travers une filiale française, mais il n’y a rien de français”, fustigeait le directeur général d’OVHcloud sur Les Numériques en novembre dernier.
Plainte contre Microsoft à Bruxelles
Mais plutôt que de se laisser abattre, l’hébergeur tricolore préfère être offensif, notamment en montrant les muscles à Bruxelles. Il a ainsi déposé une plainte antitrust contre Microsoft auprès de la Commission européenne. Cette procédure vise à dénoncer les pratiques commerciales du géant américain, qu’elle juge anticoncurrentielles. Le groupe basé à Roubaix estime en effet que la firme de Redmond jouit d’une position dominante avec sa suite de logiciels bureautiques, ce qui lui confère un avantage sans égal pour écraser la concurrence.
La menace est visiblement prise au sérieux par Microsoft, qui a proposé de modifier ses pratiques commerciales en matière de cloud dans le cadre d’un accord avec les plaignants, selon Reuters. Mais un tel accord serait conditionné au retrait de la plainte antitrust, ce qui permettrait à Microsoft d’échapper à une enquête de l’UE.
Une telle hypothèse fait enrager Google, qui demande à Bruxelles d’agir pour éviter ce scénario. Dans une interview accordée à Reuters, l’un des responsables de Google Cloud s’est ainsi montré particulièrement virulent à l’égard des pratiques de Microsoft sur le marché du cloud. De quoi faire sourire les dirigeants d’OVHcloud qui dénoncent depuis des années les manœuvres anticoncurrentielles des trois géants américains du secteur…
Au chevet de Shadow et Qwant
Outre sa forte présence médiatique pour ne pas laisser AWS, Microsoft et Google renforcer un peu plus leur main-mise sur le marché européen du cloud, OVHcloud se montre également très actif pour venir au secours de pépites françaises en perdition. Dans ce sens, Octave Klaba, l’emblématique fondateur de la société, s’est illustré en 2021 en reprenant la start-up française Shadow, connue pour son service de PC gaming dans le cloud, via son fonds Jezby.
Dès l’annonce de la victoire d’Octave Klaba, dont l’offre a été préférée à celle portée par Xavier Niel devant le tribunal de commerce de Paris, le fondateur de l’hébergeur nordiste ne cachait pas son ambition : “bâtir la meilleure offre du cloud gaming au monde”. Une ambition qui a commencé à se matérialiser l’an passé avec le lancement de nouvelles offres, notamment avec l’option Power qui offre une expérience convaincante malgré quelques petits défauts inhérents à la technologie — vous pouvez d’ailleurs lire le test du service Shadow Power réalisé par nos soins.
Après Shadow, Octave Klaba s’est plus récemment mis en tête de mettre la main sur le moteur de recherche français Qwant. Présenté comme le “Google français” à son lancement en 2013, ce dernier n’a pas suivi la trajectoire escomptée. Entre insuffisances techniques, difficultés financières et gouvernance bancale, qui faisaient d’ailleurs l’objet d’une enquête de Mediapart en 2019, le moteur de recherche n’a pas été épargné.
En plus de ne pas avoir réussi à contester l’ultra-domination de Google, Qwant, qui avait pourtant convaincu l’État en 2020 de devenir le moteur de recherche par défaut de l’administration française, a vu son image de champion de la souveraineté numérique écornée par un partenariat avec Microsoft pour s’appuyer sur son moteur de recherche Bing, et surtout un investissement de 8 millions d’euros en obligations convertibles de la part du géant chinois Huawei en 2021 pour renflouer ses caisses.
Synfonium, l’ambitieux projet d’Octave Klaba
Devant ce sombre tableau, et alors que Qwant, qui n’a jamais été rentable, était au bord de la faillite il y a encore quelques mois, Octave Klaba a donc décidé d’intervenir pour s’emparer du moteur de recherche. Mais le projet du fondateur d’OVHcloud ne se limite pas seulement à l’acquisition, puisque la famille Klaba et la Caisse des dépôts, actionnaire historique de Qwant, ont décidé d’unir leurs forces pour créer Synfonium, une nouvelle entité qui a vocation à construire un champion européen des services numériques basés sur le cloud, “y compris le remote computing, le stockage sur le cloud, les fonctions de moteur de recherche, de vidéoconférence, et bien d’autres applications”. Le tout en plaçant évidemment la souveraineté au cœur de cette initiative. Seront inclus dans un premier temps les services de Shadow, notamment son offre de PC dans le cloud, Shadow PC, et son application de stockage dans le cloud, Shadow Drive, ainsi que Qwant, le moteur de recherche français.
La création de Synfonium pourrait donc logiquement déboucher sur d’autres acquisitions et le développement de nouveaux services en interne pour donner encore plus de consistance à l’approche prônée par Octave Klaba. Surtout, la multiplication des opérations de ce type contribue à renforcer la crédibilité d’OVHcloud en tant qu’acteur structurant de la tech française et européenne.
L’hébergeur nordiste pourrait ainsi montrer la voie à suivre pour l’écosystème tricolore après être entré en Bourse en octobre 2021. En attendant, l’entreprise s’affirme de plus en plus comme le champion européen du cloud en misant sur la souveraineté, un argument qu’essaient de s’accaparer les géants américains du secteur. Et en élargissant son champ d’action, notamment vers le marché des moteurs de recherche, Octave Klaba, épaulé par son frère Miroslaw, se donne les moyens de faire rayonner davantage l’entreprise tricolore.
Source : lesnumeriques.com
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c’est beau de vouloir tout ça, mais un peu tard pour se réveiller, les géants américains sont trop fortement implémentés partout et surtout ont des finances quasi illimitées derrière