Des villes adoptent des jumeaux numériques
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Plusieurs communes romandes se dotent de versions virtuelles et interactives de leur villeOn est passé du jeu vidéo à la réalité. Aujourd’hui, les villes ont la possibilité de tester leurs infrastructures dans des simulations de plus en plus réalistes. Transport, environnement, urbanisme. Tout peut-être testé grâce à la technologie innovante des jumeaux numériques.
C’est un mouvement silencieux. Les communes suisses adoptent progressivement des jumeaux numériques. Ces versions virtuelles de leurs villes sont bien plus sophistiquées que de simples cartes ou modèles 3D.
Ces jumeaux numériques offrent la possibilité de simuler des scénarios, de planifier des développements ou de gérer les infrastructures existantes de manière plus efficace.
Pour comprendre l’ampleur de ces technologies, il faut imaginer un mélange de réalité virtuelle, d’intelligence artificielle et d’analyse des données. La ville virtuelle est identique à la vraie. (certainement pas dans tous ses aspects, l’auteur de l’article s’est laissé éblouir)
Elle permet de simuler des situations comme la fermeture d’une route pour observer le déplacement du trafic ou un tremblement de terre pour évaluer la réaction de la ville. C’est un outil précieux pour la gestion des systèmes d’eau potable ou l’amélioration de l’efficacité des transports publics.
Du nouveau au pilier public
Ecublens, dans le canton de Vaud, fait partie des communes suisses qui ont adopté cette technologie. Lors de la mise à l’enquête d’un nouveau bâtiment, un jumeau numérique a été utilisé.
Le design du bâtiment imaginé par l’architecte a été intégré dans un quartier virtuel, reproduit à l’identique de manière photoréaliste. On y accède sur son smartphone grâce à un simple QR code. C’est une sorte de Google Earth sur mesure. Après, il suffit de se balader dans le quartier virtuel.
“On peut tourner tout autour du bâtiment, on peut simuler les ombres portées, on peut se mettre du point de vue d’un voisin le long de la rue depuis son balcon et voir concrètement comment ce projet va s’intégrer”, explique Romain Kirchkoff, directeur de l’entreprise Uzufly qui a élaboré le projet.
Aujourd’hui, une trentaine de communes suisses, dont Anière, Nyon ou Pully, disposent d’un jumeau numérique photoréaliste. C’est aussi le cas de Vevey. Une copie virtuelle qui, pour l’instant, sert au recensement architectural. Deux drones ont pris 35’000 photos en une journée. Le niveau de détail est de l’ordre du centimètre. Un vrai jumeau.
Tester la rentabilité
Ces mondes virtuels réalistes sont comme de grands bacs à sable où tous les tests sont possibles. Par exemple, à Payerne, le quartier de l’aéropole, en plein développement, a désormais son jumeau numérique. Avant même la construction du nouveau quartier, les promoteurs peuvent tester la circulation, les lignes de bus, mais aussi des transports plus innovants.
Massimo Fiorin, directeur de Swiss Aeropole, envisage de déployer un système de navettes autonomes pour livrer automatiquement des repas ou des colis aux futurs employés du site. Il questionne le jumeau numérique qui, lui, va effectuer des simulations.
Par exemple, à partir de quel nombre d’utilisateurs est-ce faisable ou économiquement rentable? “On inscrit les scénarios dans une réalité économique pour vérifier que les fournisseurs s’y retrouvent et que le service soit pérenne”, explique Massimo Fiorin.
Entraîner des voitures autonomes
Les ingénieurs de ROSAS peuvent également prendre le contrôle à distance d’un véritable véhicule autonome.A Fribourg, le jumeau numérique est utilisé, cette fois, pour entraîner les véhicules autonomes de livraison. Les ingénieurs du Centre des Systèmes Robustes et Sûrs (ROSAS), testent leurs algorithmes de conduite dans les rues virtuelles de Payerne.
Comment le véhicule autonome va-t-il réagir dans un carrefour dangereux, si une voiture arrive rapidement par la droite? Va-t-il laisser la priorité? Ralentir au bon moment? Le programme permet aussi de simuler du brouillard ou de la pluie.
“Ce jumeau numérique permet de faire des tests et des validations, avant de mettre un véhicule sur la route”, explique Gabriel Python, responsable des systèmes intelligents chez Rosas.
Toujours plus réaliste
Bien que l’idée des jumeaux numériques ne soit pas nouvelle, leur coût de production diminue et leur fabrication devient de plus en plus rapide, ce qui les rend plus accessibles.
Marc-Antoine Fénart, professeur en transport et mobilité à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, travaille sur ces modèles depuis une quinzaine d’années. Pour un projet à Yverdon, il lui a fallu environ un mois. “C’est le temps qu’il faut aujourd’hui pour avoir un modèle suffisamment détaillé d’une ville de cette taille-là”, relève-t-il. L’autre avancée, ce sont des modèles toujours plus réalistes. “On voit que les comportements simulés sont aujourd’hui très proches de la réalité”, détaille Marc-Antoine Fénart.
“Par exemple, deux piétons ou deux voitures ne vont pas avoir les mêmes comportements. Certaines voitures ne vont pas démarrer tout de suite quand le feu passe au vert. Le comportement humain est mieux pris en compte. On est finalement relativement proche de la réalité.” Malgré leur utilité, ces technologies doivent encore relever certains défis, comme la consommation d’énergie ou l’intégration de données en temps réel.
Deux projets majeurs, Earth-2 de l’entreprise Nvidia et DestinE de l’Union européenne, ambitionnent, eux, de créer un jumeau numérique de la Terre entière pour anticiper les changements climatiques. Une course est lancée et le niveau de détail promis est sans précédent.
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