La Russie va recycler une partie de l’ISS pour rester une puissance spatiale et ce n’est sans doute pas une bonne idée
La Russie envisage de découpler ses modules de l’ISS afin de les maintenir en orbite quand la Station sera définitivement mise au rebut. Une manière de conserver une présence dans l’espace à moindre coût, et peut-être de créer un jour de nouvelles structures autour de ce noyau. Mais celui-ci est en très mauvais état, et cette décision témoigne surtout du délabrement technologique et économique de la Russie.
680480ac-15a7-4fb1-88d3-092593c6a60f-image.png
Un Soyouz M-20 en approche de l’ISS. Si la Russie restait essentielle au ravitaillement de l’ISS, elle veut maintenant récupérer ses modules au sein de la station.
Divorce spatial sur l’ISS
Le scénario d’origine envisageait une désorbitation de la station spatiale, comme pour la station Mir en son temps, pour qu’elle se consume dans l’atmosphère avant que les derniers débris ne chutent vers le point Nemo, la zone de l’océan Pacifique la plus éloignée de toute terre émergée.
Mais il y a eu un twist, et celui-ci nous vient de Russie. Car si Washington ne semble plus s’intéresser à une structure scientifique et que la Nasa espère se rabattre sur des partenariats avec le secteur spatial privé, Moscou ne veut pas perdre sa présence en orbite.
Une présence qui doit être maintenue grâce à une nouvelle station “nationale”, surnommée ROSS par les médias d’État, mais qui se limite pour l’instant à une maquette dévoilée en grande pompe en 2022. Or, selon Oleg Orlov, directeur de l’Institut des problèmes biomédicaux de l’Académie des sciences de Russie, ROSS pourrait d’abord se concrétiser par le recyclage des modules d’origine russe de l’ISS.
De grands projets, sur le papier
“Le Conseil scientifique et technique de Roscosmos a soutenu cette proposition et approuvé le déploiement d’une station orbitale russe au sein du segment russe de l’ISS”, a évoqué Orlov. Une manière de rentabiliser jusqu’au bout l’investissement et, peut-être, de repartir de ce coeur pour bâtir de nouvelles infrastructures.
Selon Space.com, la société spatiale russe Energia a officiellement obtenu un brevet pour une gigantesque structure rotative. Celle-ci doit générer une gravité artificielle grâce à son mouvement de rotation, comme une centrifugeuse ou une attraction fort mouvementée lors d’une fête foraine. Ces grandes structures tournantes sont un classique de la science-fiction, et permettraient de limiter l’effet délétère à long terme de l’apesanteur sur le corps humain.
L’ISS, un nid de bactéries
C’est un plan ambitieux, qui jusqu’ici n’en est qu’au stade de la table à dessin. Mais partir du noyau russe de l’ISS pour pérenniser la présence du pays dans l’espace n’est pas forcément une bonne idée. Car l’ISS est en très mauvais état, et ses résidents doivent lutter en permanence contre les moisissures et bactéries qui y prolifèrent, ainsi que des problèmes techniques de plus en plus fréquents. À tel point que les cosmonautes consacrent aujourd’hui 50 % de leur temps à l’entretien de la vieille structure orbitale.
Les médias russes se sont avérés particulièrement critiques à l’égard de ce plan. Alors que la Chine et peut-être un jour l’Inde disposeront de stations neuves, “La Russie, quant à elle, devra perpétuer l’héritage de l’ISS, avec tous ses problèmes”, assène New Izvestia. “Nous n’aurons pas encore de nouvelle station orbitale dotée de capacités modernes, et le cosmodrome de Vostochny perd beaucoup de son importance, ce qui signifie que les investissements dans une rampe de lancement pour les vols habités pourraient être gaspillés. Mais réjouissons-nous pour le Kazakhstan, dont les autorités continueront à percevoir les loyers de Baïkonour.”
Une Russie qui espère séduire l’Inde
Car en effet, conserver une partie de l’ISS signifiera conserver l’orbite de la station, et par conséquent, toujours dépendre d’une base spatiale soviétique qui se trouve maintenant dans un pays voisin.
Mais louer Baïkonour, malgré les dégâts causés par un tir récent sur le cosmodrome, s’avèrera sans doute bien moins cher que de développer de grands projets spatiaux à partir de zéro. Ce soudain souci de recyclage pour rendre un peu plus tangibles des ambitions jusqu’ici limitées à des maquettes n’est qu’un symptôme de plus de la déliquescence technologique et économique de la Russie, empêtrée dans son économie de guerre. Ars Technica pointe au passage qu’une des raisons évoquées pour conserver l’orbite de l’ISS serait sa proximité avec l’inclinaison estimée d’une future station indienne. Si le divorce entre Roscosmos d’une part et la Nasa et l’Esa européenne de l’autre est consommé, le Kremlin pourrait bien tenter de séduire l’agence spatiale indienne. Un autre grand projet prometteur, sur le papier.
Source: https://www.7sur7.be/sciences/la-russie-va-recycler-une-partie-de-liss-pour-rester-une-puissance-spatiale-et-ce-nest-sans-doute-pas-une-bonne-idee~a4bae30c/