[Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ?
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L’emballement récent autour des intelligences artificielles génératives échauffe les esprits, dans un contexte de lutte sociale hollywoodienne où les acteurs et auteurs, font part de leurs craintes d’être remplacés par des machines. Si l’usage de ces technologies pose en effet de multiples questions, il paraît également pertinent de se pencher sur leur représentation cinématographique, trop longtemps restreinte à une menace larvée contre l’Humanité, à un objet de désir ambivalent, voire les deux à la fois. Dans tous les cas, l’usine à fantasmes carbure à plein régime.
Peu de créations estampillées Marvel ont cristallisé autant de signes de la fatigue ressentie envers l’usine à super-héros que la série She-Hulk : avocate, et ce dès la divulgation de ses premières images. Effets spéciaux d’une laideur repoussante, scènes d’action génériques, comédie méta adepte des coups de coude dans les côtes : c’en était trop. Les critiques de bandes annonces - une occupation en soi - se déchainèrent sur les réseaux sociaux, formant une véritable Justice League drapée dans son bon goût offensé. Siles défauts précités répondent bel et bien présents à des degrés divers dans le produit fini, la série propose néanmoins une surprise de taille à quiconque vient à bout de son récit inégal, mais plutôt attachant. Au terme du neuvième épisode, tous les protagonistes se retrouvent fortuitement dans une grange pour une grande bagarre finale, au grand dam de son héroïne Jennifer Walters, agacée par ce tour de passe-passe narratif. Et notre She-Hulk d’abattre le quatrième mur une bonne fois pour toutes en déboulant en pleine réunion des scénaristes de son propre show pour, finalement, remonter au grand patron. À savoir une intelligence artificielle dénommée K.E.V.I.N. (allusion pas du tout voilée à Kevin Feige, grand manitou du Marvel Cinematic Universe) qui recycle ad nauseam les mêmes formules scénaristiques.
L’espace d’un instant, la machine bien huilée prend le temps de se gripper et de réfléchir sur elle-même, tout en donnant corps aux angoisses de l’industrie tout entière. Évidemment, à l’échelle de l’empire super héroïque, ce moment de fraîcheur lucide ne fait hélas office que de caution second degré passagère, un geste d’absorption et de régurgitation de sa propre contestation vite oublié pour revenir fissa se vautrer dans les mêmes écueils. La déception artistique Black Panther: Wakanda Forever de Ryan Coogler et l’erreur 404 faite avec le film Ant-Man et la Guêpe : Quantumania de Peyton Reed se sont chargées de rappeler que Kevin n’est pas là pour garantir le contrôle qualité, mais bien pour conduire un vaisseau amiral en ligne droite. Vint alors la série Secret Invasion avec ses promesses de thriller fantastique paranoïaque montrant l’infiltration de l’Humanité par des extraterrestres métamorphes. Résultat : une lente et douloureuse désillusion quant à l’intérêt global de la chose, la douleur de voir un casting impeccable perdu dans des enjeux mal définis, des questionnements toujours irrésolus autour de son budget pharaonique de 212 millions de dollars. Sans oublier un timing de diffusion funeste au plus haut point.
– Jennifer Walters (Tatiana Maslany) face au cerveau de Marvel, une I;A nommée K.E.V.I.N, dans She Hulk : AvocateDans la seconde
Car, entre-temps, les langues de petites mains des effets spéciaux n’ont pas manqué de se délier sur les conditions de production désastreuses du troisième Ant-Man. Et surtout, l’arrivée de la seconde moitié des épisodes de Secret Invasion sur la plateforme Disney+ a coïncidé avec le mouvement de grève des acteurs hollywoodiens, venus en renfort des scénaristes. Dans chaque prise de parole des deux corps de métier revenait la crainte de voir leur travail confié à des intelligences artificielles, en écho aux sommes faramineuses investies par leurs employeurs dans le développement de ces technologies. La pauvreté visuelle et narrative de Secret Invasion offrait dès lors un aperçu du futur d’un divertissement en pilote automatique, notamment à travers son générique, dont le design reprend ouvertement l’apparence des images générées par des IA comme Dall-E ou Midjourney.
L’argument de cohérence avec le sujet de la série aurait pu donner le change, si tant est que cette dernière se montre réellement à la hauteur. Tel n’est, hélas, pas le cas. Ne reste dès lors que cette impression morbide d’économie rationalisée de la pire façon possible, quand bien même la société d’effets spéciaux Method Studios s’est défendue dans un communiqué laconique d’avoir eu uniquement recours à de l’IA générative, sans vraiment entrer dans le détail. Si ce flou sur les capacités des intelligences artificielles visuelles, conversationnelles et textuelles est savamment entretenu pour maintenir une épée de Damoclès au-dessus des négociations en cours, les rêves de fictions automatisées s’estompent au fil des questions posées aux experts. En la matière, FibreTigre peut se targuer d’avoir eu du flair. Il a cosigné avec Arnold Zéphir le scénario de la bande dessinée d’anticipation Intelligences artificielles : miroirs de nos vies (illustrée par Héloïse Chochois et parue chez Delcourt en 2019), dont bon nombre de prédictions se sont révélées exactes. Il a participé à la création d’une IA conversationnelle, a écrit de nombreuses chroniques sur le sujet pour le podcast Studio 404. Et pour les besoins de l’émission Game of Rôles sur Twitch, où il officie comme maître du jeu, il a fait appel aux services de graphistes créant des décors adaptés à l’intrigue en temps réel, via des écrans LED et une IA générative, « dans un cadre spécifique, éthique, où un travail humain ne peut se substituer à l’IA dans les conditions données. »
Interrogé sur le sujet, il confirme et infirme les craintes des grévistes américains dans un même élan. « Les promesses de l’IA sont des rêves humides de financiers liés au remplacement des travaux artistiques et intellectuels, de la même façon que les robots ont pris en charge des travaux manuels. Récemment, à Paris, a eu lieu le salon technologique VivaTech, et le discours en partie inconscient du middle management, c’était : “Fini les stagiaires, on va mettre des IA maintenant.” Ils n’avaient pas l’air de se douter que ça allait les concerner aussi. Aujourd’hui, les IA peuvent juste exécuter le travail laborieux des petites mains, pour certaines séquences d’animation très complexes et fastidieuses. Mais si le patron de Disney pouvait remplacer les auteurs par des IA, ce serait fait dans la seconde. Il n’y a pas de question d’image, uniquement de faisabilité, Même chose pour les acteurs : le cinéma fonctionne sur le star-système et c’est un aspect qui a toujours embêté les studios. Quand vous avez des films qui tournent autour de personnalités comme The Rock ou Ezra Miller, vous avez un problème. La star peut péter un câble, décider d’être payée dix fois plus du jour au lendemain. »
Prendre corps
Au-delà du pragmatisme économique des studios, nul besoin de chercher bien loin l’origine de la défiance envers cette technologie. De Terminator à Matrix en passant par I-Robot, le cinéma de science-fiction n’a été qu’une longue mise en garde contre l’éventualité de la sentience. C’est-à-dire l’hypothèse qu’une intelligence artificielle accède à une autonomie d’action qui la pousserait à se débarrasser de l’Humanité, soit en réflexe de défense préventive, soit comme aboutissement du raisonnement selon lequel nous serions le « cancer de cette planète », pour reprendre la formule de l’agent Smith. « C’est impossible à l’heure actuelle » désamorce FibreTigre. « Si une IA faisait du mal à l’Humanité, ce serait de l’ordre du bug. Ce sont des tableaux de nombres, des machines à optimiser une tâche précise. Une IA qui génère des textes ne saura pas gérer la circulation des métros ou doser les ingrédients d’une pizza. Il n’y a pas d’IA globale parce qu’une IA qui ferait deux tâches différentes serait mauvaise dans les deux. »
L’argument s’avère rassurant tant qu’aucune corrélation n’est opérée entre l’IA et la force de frappe militaire, comme dans WarGames de John Badham ou dans les multiples films où l’hiver nucléaire pointe le bout de son nez sur une simple défaillance humaine, technique, ou les deux. Au cinéma, se pose la question de l’incarnation visuelle d’un concept relevant essentiellement de l’abstraction mathématique. Pour FibreTigre, l’idée d’un cercle omniscient, à l’image du HAL de 2001, l’odyssée de l’espace ou de l’entité du dernier Mission: Impossible, s’avère une représentation plutôt judicieuse. « Il y a bien évidemment la mise en abyme de l’objectif de la caméra. Et cela reste la meilleure façon de représenter un ensemble de données organisées. Quand une IA génère une phrase, elle part du milieu du cercle, choisit les mots les plus proches et va de mot en mot jusqu’au bord. » Et pour accomplir des tâches impossibles à effectuer dans un réseau dématérialisé, l’IA peut toujours recruter des hommes de main assujettis au culte de son intelligence supérieure, à l’instar du personnage d’Esai Morales dans Dead Reckoning ou de ces chairs à canon en pleine mutation synthétique du passionnant foirage qu’est Transcendance de Wally Pfister. Dans ce dernier film, comme dans le gentiment nul Superintelligence de Ben Falcone, l’IA va emprunter l’apparence d’une figure connue (le proto-Elon Musk joué par Johnny Depp chez Pfister ou l’intolérable James Corden chez Falcone) pour parvenir à ses fins, à savoir la maîtrise de tous les circuits à sa portée puis l’extermination de la race humaine.
Selon FibreTigre, ce besoin de projection dans un référent immédiatement identifiable relève du contresens. « C’est comme anthropomorphiser la fission nucléaire ou un marteau. L’IA est un outil neutre, c’est la façon dont on l’utilise qui ne l’est pas. Ce que l’on cherche dans un récit, c’est soi-même. On aime un tableau parce qu’on y retrouve une histoire. La Joconde est précieuse parce qu’elle a été peinte dans un cadre particulier, par une personne particulière, mais aussi parce qu’elle a été volée de nombreuses fois. Elle a suscité la convoitise, créé une légende. Les visiteurs du Louvre se disent, en se retrouvant devant le tableau, qu’ils vivent quelque chose d’extraordinaire. Il faut toujours ce rapport à soi. » Partant, le cinéma de science-fiction a majoritairement privilégié la représentation humanoïde de l’intelligence artificielle, en un prolongement raisonnablement terrifié des lois de la robotique établies par Isaac Asimov. (1)
(1) Ces lois sont : un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger ; un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand ceux-ci sont incompatibles avec la première loi ; un robot doit protéger son existence tant que cela n’entre pas en conflit avec les deux autres lois.
– Transcendance de Wally PfisterAie, robot
Dans les cas heureux où la sentience n’aboutit pas instantanément au déclenchement de tout l’arsenal nucléaire mondial, le traitement réservé aux androïdes finit bien souvent par décider du sort de l’Humanité. Les deux premières saisons de la série Westworld rejouent, dans un éternel recommencement fait de sadisme et de brutalité crasse, la conquête de l’Ouest et tous ses crimes afférents. Les deux segments La Seconde renaissance de l’anthologie Animatrix expliquent l’avènement de la Matrice par la rébellion d’un cyborg malmené par son propriétaire, premier acte d’une guerre entre hommes et machines à la suite d’un procès évoquant les luttes pour les droits civiques. Les supplices endurés par Chappie dans le film de Neill Blomkamp intègrent le cercle vicieux engendré par la militarisation galopante des forces de l’ordre. La condition des gynoïdes dans Innocence : Ghost in the Shell 2 de Mamoru Oshii renvoie à la sordide réalité du trafic d’êtres humains.
Les cyborgs deviennent le reflet de notre incapacité à nous reconnaître dans l’autre, l’étranger, et de notre tendance à nous défausser de toute responsabilité. « Les premières sociétés qui ont abondamment accepté l’IA, ce sont les agences d’assurance, les banques » commente FibreTigre. « Avant, on acceptait ou refusait un prêt selon un risque. Aujourd’hui, ça dépend de l’algorithme, ça dédouane les humains. Mais en réalité, il y a toujours une personne derrière. » Dans la scène la plus terrible de A.I intelligence artificielle de Steven Spielberg, des forains futuristes torturent des méchas acceptant docilement leur sort, conditionnés par leur programmation, pour un public ravi de les voir réduits en charpie. Lorsque David, le cyborg d’apparence enfantine au cœur du récit, exprime sa peur de façon beaucoup trop humaine, le malaise s’installe dans le public, le contrat du spectacle se rompt. Dans une dernière partie fascinante d’un point de vue philosophique, la sentience du jeune héros demeure l’ultime vestige d’une Humanité engloutie dans une ellipse temporelle saisissante.
Cette confusion entre homme et machine atteint des sommets pour le moins contrastés dans la franchise Terminator. Sur la foi d’un monologue intérieur de Sarah Connor dans Terminator 2, durant lequel le personnage observe son enfant interagir avec le T-800, la saga créée par James Cameron ne cessera jamais de traquer le fantôme dans la machine. Ainsi du personnage de Sam Worthington dans Terminator renaissance de McG, taupe cybernétique de l’IA Skynet, inconscient de sa réelle nature et décidant in fine, contre toute logique informatique, de s’affranchir de ses liens avec la maison mère pour aider la résistance humaine. Arnold Schwarzenegger finit par virer grand-père débonnaire dans l’indéfendable Terminator Genisys d’Alan Taylor, tandis que John Connor est transformé en T-3000 suite à une contamination nanotechnologique. L’arrivée du transhumanisme dans Terminator: Dark Fate de Tim Miller achève de brouiller des frontières de plus en plus poreuses, en dépit du bon sens. En la matière, le point de non-retour avait déjà été franchi par les réactions de frustration et de contentement du T-X joué par Kristanna Loken dans Terminator 3 : le soulèvement des machines de Jonathan Mostow. James Cameron n’avait pourtant pas dérogé à la cohérence de son récit sur ce plan : une machine reste une machine et ses seules traces d’humanité ne sont que des répétitions de comportements appris auparavant, destinées à accompagner les autres personnages dans la « vallée de l’étrange » de l’anthropomorphisme.
– Terminator Renaissance de McGLe vertige du big data
Cet élément confère aux récits de liaisons sentimentales avec des IA androïdes un caractère profondément dérangeant, pour le meilleur (Ex Machina d’Alex Garland, l’m Your Man de Maria Schrader) et pour le pire (L’Homme parfait de Xavier Durringer). Et c’est ce qui rend la bascule du Her de Spike Jonze si vertigineuse, au-delà du choix audacieux de ne pas avoir incarné physiquement l’IA autrement que par la voix de Scarlett Johansson : son personnage principal se prend de plein fouet un rappel au réel sous une avalanche de chiffres absurdes niant la singularité de son expérience au sein d’une montagne de données. L’incursion malayalam sur ce territoire, Android Kunjappan Version 5.25 de Ratheesh Balakrishnan Poduval, prend plus de recul sur la question et imagine une IA réparatrice de lien social dans la campagne indienne reculée. « C’est assez logique » remarque FibreTigre. « Depuis 2010, les données des IA ont pu être organisées grâce à ce qu’on appelle la big data. À partir de 1995, une chose jusqu’alors inimaginable s’est produite : des millions et des millions de personnes se sont mises à écrire sur Internet. Des blogs, des messages sur les réseaux sociaux… Et ces données publiques ont permis de créer l’IA, qui s’est nourrie de nos interactions. »
L’information peut tout à la fois fasciner et inquiéter — quiconque suit l’actualité en la matière se souvient de l’expérience Tay lancée par Microsoft en 2016, cette IA conversationnelle devenue nazie en quelques heures d’existence sur Twitter. Sur cette question du poids éthique de l’assimilation de données, une production américaine ultra indépendante de 2022, The Artifice Girl, a lancé une multitude de pistes passionnantes sur un sujet particulièrement glissant. Gareth, un ingénieur brillant, est interrogé par deux agents du FBI : du matériel à teneur pédopornographique a été retrouvé sur son ordinateur. Sommé de s’expliquer, Gareth finit par révéler le pot aux roses. La gosse d’une dizaine d’années sur ces photos et vidéos, Cherry, n’existe pas ; il s’agit d’un programme destiné à piéger et traquer les prédateurs sexuels en ligne. Sa démarche est cooptée par les forces de l’ordre, mais n’en demeure pas moins problématique à plusieurs niveaux, d’autant que Cherry semble développer une sentience particulièrement compliquée à gérer vu la tâche qui lui est assignée. Le réalisateur-scénariste-acteur principal Franklin Ritch déploie un récit en trois actes, en huis clos, entièrement basé sur des dialogues entre ses différents protagonistes.
The Artifice Girl ne s’impose pas moins comme un modèle d’équilibre entre tension dramatique, interrogations morales, éthiques et parfois métaphysiques sans jamais succomber au scabreux auquel ont souscrit bon nombre de productions ayant évoqué ce sujet Ô combien sensible. Le poids des ellipses et du hors champ vient renforcer la narration et Franklin Ritch gère tous ses enjeux avec une rigueur implacable qui n’a d’égale que son extrême sensibilité. Il trouve le dosage adéquat entre froideur informatique et chaleur humaine, boucle son intrigue de la façon la plus émouvante et logique possible tout en laissant la porte ouverte à une multitude de réflexions fécondes.
– The artifice girl de Franklin RitchLe graal de la mini-série
L’avènement des IA génératives participe à l’obsolescence accélérée des vieilles représentations cinématographiques. Un bricolage comme Kronos, le soulèvement des machines de Robert Kouba (2017), à l’origine une production quasi amateur enrichie de scènes supplémentaires avec John Cusack et d’effets numériques pour appâter le chaland, semble désormais dater du siècle dernier. Il ne restera du Morgane de Luke Scott (2016) que son casting de luxe totalement disproportionné eu égard aux ambitions de la chose, et de l’ahurissant Wifelike de James Bird (2022) son effarante vulgarité travestie in extremis en critique. L’Histoire se montrera peut-être plus clémente avec Blank de Natalie Kennedy (2022) et son autrice en mal d’inspiration, prise au piège d’une retraite gérée par une IA défectueuse, ne serait-ce que pour la magie noire de son rythme envapé dans une répétitivité cauchemardesque.
S’il ne fallait retenir qu’un titre parmi les tentatives les plus récentes en la matière, ce serait sans nul doute la mini-série Mrs. Davis créée par Tara Hernandez et Damon Lindelof, diffusée il y a quatre petits mois sur Peacock et passée scandaleusement inaperçue. Une nonne recluse et déconnectée (la géniale Betty Gilpin) y est traquée par une IA omnisciente nommée Mrs. Davis, utilisée par l’immense majorité de la population. Sans cesse sollicitée par des personnes tierces surgissant n’importe où, elle va finir par accepter la mission que le programme souhaite lui confier : retrouver le Graal, ni plus ni moins. Elle sera aidée dans sa tâche par une résistance de pacotille et par son grand amour, Jésus en personne, qui lui apparaît en vision. Ce postulat délirant démultiplie en continu les sous-couches de récits où se mêlent légendes, complots, sursauts gore, comiques, romantiques ou les trois en même temps, le tout agrémenté d’irruptions constantes de l’IA par messagers interposés. Les personnages ne se noient jamais dans ce fatras invraisemblable, ils gagnent même en ampleur émotionnelle face à chaque défi débile, après chaque mort grotesque. Les deux derniers épisodes repoussent très loin les limites du scénaristiquement acceptable, tout en désacralisant avec brio les projections fantasmatiques sur l’IA. C’est à la fois très bête et plutôt futé, très drôle et assez émouvant, merveilleusement joué et mis en scène, c’est la palme du cœur et du cul à la fois.
– Mrs Davis de tara Hernadez et Damon LindelofRetour vers le futur du divertissement
Toute résistance s’avère inutile : au-delà de ses itérations génératives, l’IA fait à présent partie du paysage hollywoodien comme outil prédictif destiné à minimiser les risques et à opérer des ajustements créatifs. Dexter Fletcher révélait récemment que la structure de son Ghosted, diffusé sur Apple TV+, avait été totalement chamboulée pour coller aux nouveaux impératifs de consommation sur plateforme établis par les algorithmes. Fini les introductions languides, il faut défourailler dans les trente premières secondes pour ne pas perdre l’utilisateur et relancer son intérêt avec une régularité métronomique. « Il n’y a rien de nouveau là-dedans » observe FibreTigre. « Les Américains aiment beaucoup théoriser sur leur science du blockbuster, sur les modèles scénaristiques comme celui de Star Wars. Que cette théorisation soit optimisée par l’IA n’est pas étonnant. Le consommateur va décider du facteur d’acceptation. Le pire, c’est que ce sont des mécaniques de rythme qui sont hyper intégrées nativement chez les très jeunes auteurs. Si vous allez voir des fan fictions sur Wattpad écrites par des adolescents, ils vont commencer par une scène d’action parce qu’ils savent que c’est comme ça qu’on attire les gens. L’IA qui va dicter le rythme ou refuser un emprunt bancaire, c’est la même chose. Avant, quand vous aviez un producteur qui arrivait de n’importe où et vous disait quoi faire parce qu’il avait vu trois films la veille, ça rendait tout le monde fou. C’est typiquement ce qui énerve les créatifs. Quand on leur dit que c’est l’IA qui l’a décidé, il y a un processus de déresponsabilisation. »
Subsistent toujours ces prophéties d’un divertissement toujours plus aseptisé, à l’heure où Hollywood semble de plus en plus rétif à l’idée de produire des blockbusters non affiliés à une marque déjà identifiée en amont. Pour avoir une idée de ce que donnerait un film ravalé à sa plus simple expression comptable, il est conseillé de jeter un œil aux productions à la chaîne du « réalisateur » américain BC Fourteen, éternel recycleur des mêmes images de synthèse estampillées de titres putaclics comme Bigfoot vs Megalodon, Xterminator and the AI Apocalypse ou le forcément déceptif Trump vs the Illuminati. Une filmo à faire passer les escrocs du studio The Asylum pour des modèles d’intégrité. Là encore, FibreTigre prend les Cassandre à revers. « L’entertainment fonctionne par cycles, on est dans un essoufflement qui lui-même s’essouffle. La culture du jeu vidéo est de plus en plus forte et partagée et elle repose sur l’interactivité. Je pense que l’objet audiovisuel du futur, c’est quelque chose qui est réalisé en direct, comme une pièce de théâtre, avec un public qui interagit. » Quelques jours à peine après cet entretien, Netflix annonçait la mise en ligne d’une comédie romantique interactive. Hasard ? Coïncidence ? Surveillance de masse ? Absorption de FibreTigre par la Matrice ? Surconsommation de contenus culturels et apprenants pour la rédaction de ce dossier ?
ALLEZ SAVOIR.
– Par François Cau
– Propos recueillis par l’auteur
– Merci à FibreTigre
– Mad Movies N°374 -
Toi qui est passionné de cinéma, ce dossier devrait te plaire l’ami @Psyckofox
Une bonne série à regarder s’est glissée dedans !
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@Violence a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
Ces lois sont : un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger ; un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand ceux-ci sont incompatibles avec la première loi ; un robot doit protéger son existence tant que cela n’entre pas en conflit avec les deux autres lois.
@Violence a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
Une bonne série à regarder s’est glissée dedans !
Westworld ? (Très bonne bonne série d’ailleurs qui est un remake du film Mondwest…avec l’acteur mythique Yul Brynner)
En tous cas Merci pour ce post l’ami
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@Psyckofox a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
Westworld ? (Très bonne bonne série d’ailleurs qui est un remake du film Mondwest…avec l’acteur mythique Yul Brynner)
Tout à fait @Psyckofox !!
On pourrait ajouter I Am Mother, Upgrade, Jung-E, les géniaux Automata & Ex Machina et tant d’autres…
Dur de tous les citer dans un seul dossier
@Psyckofox a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
En tous cas Merci pour ce post l’ami
Mais de rien, je sais que ces dossiers ultra intéressants pour les passionnés sont au moins lu et commenté par une personne
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@Violence A propos de Alex Garland (Ex Machina), je vous recommande sa série Devs, autour de l’IA et du libre arbitre. j’ai trouvé ça passionnant mais ça ne plaira pas à tout le monde, car le rythme est lent, c’est assez contemplatif.
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@Zabal a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
@Violence A propos de Alex Garland (Ex Machina), je vous recommande sa série Devs, autour de l’IA et du libre arbitre. j’ai trouvé ça passionnant mais ça ne plaira pas à tout le monde, car le rythme est lent, c’est assez contemplatif.
Tout à fait, moi j’ai adoré.
Je l’ai tellement recommandée aussi ici et autour de moi que je l’oublie -
@Psyckofox a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
@Violence a dit dans [Dossier] Intelligence Artificielle: vers un cinéma de synthèse ? :
Une bonne série à regarder s’est glissée dedans !
Westworld ? (Très bonne bonne série d’ailleurs qui est un remake du film Mondwest…avec l’acteur mythique Yul Brynner)
Alors en fait, c’était pas WestWorld qui s’était glissé dans ce dossier mais la mini-série Mrs Davis de tara Hernadez et Damon Lindelof qui est passée scandaleusement inaperçue
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@Violence On devrait faire un top séries dans un topic à part autour de l’IA tiens, je suis sûr que même les plus connaisseurs d’entre nous y découvriraient quelques trucs:)
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@Violence tu sais quoi, j’avais un doute avant même de citer Westworld (qui dépote quand même) ^^, je me suis dit " Ça doit être Mrs Davis mais bon étant donné que même Westworld est une pépite, je tente ma chance" .