L’Open Data peut s’agir comme un véritable levier de performance pour les entreprises et ceci devient encore plus vrai quand elles acceptent de jouer le jeu de l’ouverture de leurs données.
Accélérée par la numérisation massive des organisations et de l’économie au sens large, la tendance à la marchandisation de la donnée informatique bat son plein : profils clients, données financières et économiques, … De nombreux acteurs proposent aujourd’hui aux professionnels des services payants d’accès à la donnée.
Pourtant cette conception mercantile de la donnée contraste avec une autre tendance de fond : la donnée ouverte, ou « Open Data », qui consiste à fournir un accès libre à des jeux ou flux de données. Parce qu’elle est encouragée par les institutions et occupe une place de plus en plus importante dans la chaîne de valeurs, il est intéressant de revenir d’une part aux origines de l’Open Data, d’autre part d’en mesurer les implications et les bénéfices avant d’en faire usage.
Aux origines, toute une philosophie
Loin d’être contemporaine, la question de la pertinence de l’ouverture des données se posait déjà dans les années 90 et l’on doit l’expression “Open data” à une publication scientifique du conseil national de recherche américain intitulée “On the full and open exchange of scientific data”.
L’article met en confrontation les conceptions antagonistes de la donnée en tant que bien commun et en tant que bien privatisé. Il a nourri des réflexions et travaux qui ont mené à la création du concept juridique de savoir libre reposant sur des principes d’accessibilité, de redistribution et de réutilisation proches des préceptes adoptés par le monde du logiciel libre.
Ces considérations vont facilement s’exporter et convaincre les pouvoirs publics européens d’orienter les politiques vers une ouverture des données sans discrimination. Tout ceci dans l’espoir que les données partagées, en particulier par les organismes publics, puissent servir les acteurs économiques dans l’amélioration de leur niveau de service apporté à la collectivité.
Une mine d’or pour le développement des entreprises et un argument RSE
Il serait réducteur de considérer l’Open Data comme une simple production du service public destinée à répondre à un besoin de transparence. Dans les faits, il peut s’agir d’un véritable levier de performance pour les entreprises et ceci devient encore plus vrai quand elles acceptent de jouer le jeu de l’ouverture de leurs données.
Les résultats de l’enquête “Open Data : quels enjeux et opportunités pour l’entreprise ?” réalisée par BVA auprès de dirigeants de plusieurs grands groupes français, révèlent que 59% des répondants jugent l’ouverture des données privées utiles à l’amélioration de leurs produits et services. Aussi, 55% d’entre eux y voient un moyen de se différencier de la concurrence.
Prenons l’exemple d’une boutique de maroquinerie qui rendrait accessible au public, son catalogue produits ainsi que les données sur les retours de produits défectueux. Cette démarche serait une opportunité de bénéficier du savoir-faire d’artisans maroquiniers qui pourraient, en exploitant ces données, proposer d’améliorer le service après-vente et d’innover dans l’offre d’articles que propose cette boutique.
Ce serait là un partenariat gagnant-gagnant générateur de synergies et 60% des répondants à l’enquête sont aussi de cet avis.
L’argument RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) n’est pas en reste car en plus de qualité, le marché est aujourd’hui en demande de transparence. A l’heure de la conscience écologique, indiquer clairement la provenance, la composition, l’empreinte carbone associées aux produits est devenu une nécessité. Mettre donc à disposition du public des données de ce type serait un gage de sérieux et de bonne fin dont il peut être préjudiciable de se priver.
Une telle démarche de partage accru de la donnée reste malgré elle entachée par le caractère énergivore des datacenters qui sont à l’origine de 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre rejoignant ainsi celles générées par le transport aérien.
Le recours à des systèmes écologiques de refroidissement et l’utilisation d’énergies renouvelables pour leur alimentation sont, entre autres, des solutions à envisager pour réduire l’impact des datacenters sur l’environnement. Mais outre les aspects écologiques, il faut être conscient que des gardes fous juridiques s’appliquent à l’utilisation des données ouvertes.
L’encadrement de l’Open Data ne s’est pas fait attendre
Il existe différents textes juridiques qui régissent la production et la consommation de données libres par des acteurs du public comme du privé. La question principale à laquelle le législateur apporte réponse porte sur les droits d’utilisation accordés par le propriétaire de la donnée.
Si la mise à disposition est toujours garantie, certaines restrictions sur la modification et l’exploitation à usage commercial peuvent apparaître. Nous en avons un bel exemple sur les données de trafic routier publiées par la Direction Interdépartementale des Routes d’Île-de-France (DIRIF) qui exige d’être citée et ne tolère aucun usage commercial.
A priori, les données libres sont sujettes à la protection des données personnelles mais il est opportun de mener une réflexion sur la place de l’Open Data dans le règlement général pour la protection des données (RGPD). En effet, le spectre couvert par la définition qu’il fait d’une donnée personnelle est si large qu’il peut vite s’avérer complexe de concilier les deux.
La France, loin d’être en retard, a, grâce à la loi du 17 Juillet 1978, reconnu à toute personne un droit d’accès et de réutilisation des informations publiques moyennant une redevance. De nombreuses initiatives comme le plan France numérique 2012 et le projet Etalab émanant du gouvernement français, accompagnent déjà l’ouverture des données publiques à l’utilisation le plus large possible.
Enfin…
Le constat est limpide. L’Open Data est une pratique prometteuse dont nous ne mesurons que trop peu les incidences à ce jour. Ce potentiel ne pourra réellement être palpable que si elle se généralise voire se banalise. Il reste encore à lever certains verrous pour y arriver notamment concernant les réflexes qu’ont certains acteurs à vouloir conserver un contrôle exclusif sur leurs données ou la méfiance naturelle vis-à-vis de ce que pourraient en tirer des concurrents.
Le secteur public quant à lui, a encore un travail de mise en qualité de ses données comme des canaux de diffusion afin de susciter plus d’adhésion.
A l’avenir, il sera intéressant d’observer la dynamique de l’Open Data, notamment au travers des potentiels partenariats public-privé qui pourraient être noués. Car les gains tangibles de l’Open Data pour la communauté ne seront vraiment tangibles que lorsqu’un maximum d’entités économiques l’aura pleinement intégrée dans leur politique de développement et d’innovation.
Source : silicon.fr