«Les auteurs de SF sont des sismographes»: quand les armées utilisent les écrivains pour imaginer les conflits de demain
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À quoi ressembleront les guerres dans trente ans? Avec quelle technologie? Pour répondre à ces questions qui obsèdent les militaires, les États font de plus en plus appel à des maîtres de la littérature d’anticipation.
Des blockbusters «Interstellar» au «Problème à trois corps», la hard science-fiction (ou «SF dure) s’est imposée dans la pop culture. Ce sous-genre de science-fiction repose sur le caractère «vraissemblable» de l’évolution des technologies, des sciences et des sociétés, à la pointe des découvertes au moment de sa rédaction.
Comment la hard SF est-elle née? Qu’en dit la science? Et que dit cet engouement de l’état de nos sociétés?
Nous sommes à l’été 2040. Le centre des Etats-Unis est devenu un désert. Les populations migrent vers les côtes, qui s’érodent avec la montée des eaux: +50 cm en vingt ans. Pour contrôler les migrations, les Etats imposent à leur population de porter une puce contenant leurs données personnelles. Ceux qui refusent rejoignent les réfugiés climatiques sur les côtes. C’est la naissance de la première nation post-territoriale: la P-nation, la nation pirate, un réseau de villages flottants. Forte de ses 100 millions d’habitants, elle mène des raids partout dans le monde: le 4 août 2042 à 11h, elle envahit la Guyane française.
Ceci est une fiction imaginée par des auteurs pour l’armée française. Pas vraiment une fiction, mais plutôt un scénario vraisemblable. Depuis 2019, les militaires demandent à des écrivains français de science-fiction (SF) d’imaginer les guerres du futur; des auteurs comme Laurent Genefort, Romain Lucazeau, Xavier Mauméjean, Virginie Tournay et Xavier Dorison. Le but? «Anticiper les aspects technologiques, économiques, sociétaux de l’avenir, qui pourraient engendrer des potentiels de conflictualité à l’horizon 2030-2060». Nom du programme: Red Team Defense. Budget: 2 millions d’euros.