Après la course au lithium, nouvelle ruée vers l’uranium: les prix flambent
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Après les ruées sur l’or noir est venue celle pour l’or blanc, le lithium, un minerai essentiel aux batteries électriques et aux accumulateurs nécessaires pour la transition énergétique. Mais un monde qui apprend à se sevrer des énergies fossiles a aussi besoin d’autres ressources naturelles. Comme l’uranium, ce métal lourd radioactif qui sert de carburant aux centrales nucléaires. Un regain d’intérêt pour l’atome pose des questions, écologiques et politiques.
La crise énergétique qui a suivi l’invasion de l’Ukraine a donné un grand coup de pouce à la filière nucléaire. Si certains pays de l’UE, comme l’Allemagne, lui ont résolument tourné le dos - pour renouer avec le charbon, terriblement polluant - d’autres parient sur l’atome. C’est le cas de la Pologne, de la Finlande, ou encore de la France. Depuis le début de son second mandat, Emmanuel Macron a promis de lancer six nouveaux réacteurs, avec huit autres dans sa manche pour une seconde phase.
Nouvelle ruée sur l’uranium
Une tendance qui, fatalement, fait monter les prix du “yellow cake”, comme on l’appelle dans le monde de la prospection. Selon Bloomberg, le prix du minerai a grimpé de 233% sur les cinq dernières années, avec toutefois un léger tassement en 2024. La livre d’uranium reste toujours au-dessus des 50 dollars, un prix qui n’avait plus été atteint depuis une dizaine d’années, rappelle Géo.
Dans ce contexte, les nouveaux projets miniers se multiplient, du Canada au Kazakhstan, avec un temps de retard par rapport à la demande, ce qui maintient les tarifs élevés. D’autant que, là aussi, la Russie était un fournisseur non négligeable de matière première, de minerai, dont elle assurait 6% de l’approvisionnement mondial, mais aussi et surtout d’uranium enrichi, “prêt à l’usage” pour les centrales, en quelque sorte.
Des filières soumises aux aléas politiques
Or, si l’uranium n’est pas un métal rare sur notre planète, les pays qui l’exploitent ne sont pas les plus stables politiquement, ces derniers temps. Outre la Russie, on peut citer le Niger (6,2 % de l’extraction en 2020), qui fournissait la France. Mais d’un coup d’État à l’autre, les relations se sont tendues entre ce pays d’Afrique et l’ancienne métropole coloniale, ce qui remet en question l’approvisionnement.
Alors que la demande augmente, des pays comme l’Australie et les USA ravivent les projets miniers sur leur sol, mais on n’ouvre pas une mine à court terme: cela prend toujours des années, pour lancer une nouvelle filière. Or, l’extraction minière est une activité très polluante et génératrice de CO2, en particulier quand il faut creuser sur de nouveaux sites.
Il y a aussi la question du stockage des déchets radioactifs issus des centrales. La solution la plus couramment envisagée est le stockage géologique de ces déchets, à grande profondeur sous la surface terrestre. Une manière de les isoler pour que leur radioactivité diminue sans contaminer l’environnement, ce qui peut prendre un million d’années.
Le problème des déchets et du recyclage
Le sujet est controversé, et garde un aspect de pari probabiliste sur l’avenir. En l’état, les techniques permettent d’assurer un cloisonnement efficace sur 10.000 ans. Mais tous les pays n’osent pas passer le cap. Si la Finlande a ouvert son puit de stockage en 2022, la France a repoussé toutes les échéances du sien, initialement attendu pour 2025. En Belgique, l’idée est étudiée depuis 1974 par le laboratoire HADES de Mol, et le gouvernement De Croo a validé cette option en novembre 2022. Reste à la concrétiser.
L’uranium, pourtant, se recycle. Un part non négligeable du carburant nucléaire utilisé peut être enrichi à nouveau. Pour les défenseurs du nucléaire, c’est là un argument en plus pour qualifier cette énergie de propre. Non seulement les centrales ne rejettent que de la vapeur d’eau dans l’atmosphère, mais on peut encore limiter leur besoin en minerai extrait. À condition toutefois de développer une filière de recyclage ; jusqu’à présent, seule la Russie possède une industrie de ce type, et cette source est maintenant fermée aux centrales occidentales.