Les orages solaires vont augmenter et accélérer le déclin d'Hubble
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Une éruption solaire – l’éclair lumineux vers le milieu de l’image – le 10 mai 2024. L’image montre un sous-ensemble de lumière ultraviolette extrême mettant en évidence la matière extrêmement chaude dans les éruptions: elle est colorée en or. - [NASA - SDO]Lorsque des particules solaires chargées arrivent sur l’atmosphère terrestre, cela donne naissance à de superbes aurores boréales. Mais le phénomène peut aussi endommager nos appareils technologiques et des satellites artificiels dont le télescope spatial Hubble.
Du 10 au 12 mai, notre Terre a été frappée par la plus grosse tempête solaire depuis plus d’une décennie, engendrant un magnifique spectacle: “Le Soleil est un plasma et ces aurores boréales sont dues à une éjection d’un flux solaire de particules, essentiellement des électrons et des ions”, explique l’astrophysicienne Corinne Charbonnel, professeure au département d’astronomie de l’Université de Genève.
“Elles sont éjectées depuis la haute atmosphère du Soleil. Il y a une recombinaison brutale et soudaine du champ magnétique local dans certaines régions de sa surface: c’est cela, une tempête solaire”, précise-t-elle au micro de Forum, lundi.
La variabilité du Soleil
“L’intensité du phénomène varie avec l’activité du Soleil. Ce dernier a un cycle de onze ans et, là, on est proche du pic solaire.” Les pics précédents datent de 1992, 2003 et 2014; les suivants devraient arriver en 2025, voire peut-être même début 2026, comme l’indique l’astrophysicien américain Ethan Siegel dans un article, précisant que le Soleil en est à son 25e cycle. Le 26e cycle est prévu pour 2036 ou 2037.
Cette activité a notamment été observée de près par le satellite spatial SOHO, de la NASA et l’ESA (lire aussi encadré). Cet observatoire solaire et héliosphérique est positionné entre notre planète et le Soleil. Il l’a capturé en train de cracher des nuages de particules et émettre une rafale particulièrement importante en direction de la Terre le 11 mai.
“La tempête récente est associée à une forte éruption dans un ensemble de taches solaires dont le diamètre est à peu près 17 fois celui de la Terre. On a pu observer cette éruption quelques heures avant l’arrivée de ces particules: elles ne voyagent qu’à à peu près trois millions de kilomètres/heure, alors que la lumière va beaucoup plus vite.” Corinne Charbonnel note que c’est ainsi que les astronomes ont pu prédire l’arrivée de ces particules et, donc, des aurores boréales: “Quand ces particules arrivent au niveau de l’orbite de la Terre, le champ magnétique terrestre nous protège. Mais des milliards de collisions se produisent entre ces particules éjectées par le Soleil à très grande vitesse et les particules de la haute atmosphère”.
Ce sont ces interactions qui génèrent de la lumière de différentes couleurs: “Elles vont dépendre de la composition de l’atmosphère. Quand vous voyez de la lumière verdâtre ou rouge, cela vient de l’oxygène de notre atmosphère, si c’est bleu, c’est l’azote”.
Les éruptions solaires sont de puissantes bouffées d’énergie qui peuvent avoir un impact sur les communications radio, les réseaux électriques, les signaux de navigation et présenter des dangers pour les engins spatiaux et les astronautes. “Les risques principaux se passent à haute altitude”, note Corinne Charbonnel: “Une grande partie des satellites artificiels qui gravitent autour de la Terre possèdent des modes qui leur permettent de ‘fermer les écoutilles’ pour protéger l’électronique de ce grand flux de particules. D’autres n’en ont pas et risquent de griller.”
La fin proche du télescope spatial Hubble
Quant au télescope spatial Hubble, il pâtit des crises de colère du Soleil pour une autre raison: l’activité solaire augmente le taux de décroissance orbitale des satellites en orbite basse. A cet endroit, ces engins entrent aussi en collision avec des atomes et des molécules de l’atmosphère terrestre. Bien que minuscules et au niveau atomique, ces impacts s’additionnent et contribuent à une très légère force de frottement: “Au fil du temps, les satellites sont entraînés vers des orbites de plus en plus basses, ce qui fait qu’ils subissent une force de frottement atmosphérique plus importante, entraînant leur disparition de manière beaucoup plus rapide”, remarque Ethan Siegel.
Or, Hubble a été lancé en 1990 à une altitude de 620 kilomètres, ce qui représente presque deux fois l’altitude de l’ISS. Le télescope star a vu son orbite réhaussée lors de chacune des missions qui visaient à son entretien – la dernière datant de 2009: il était alors à une altitude de 570 kilomètres.
“Il se trouve toujours dans la thermosphère terrestre [couche se trouvant juste avant l’exosphère, ndlr.], et son orbite non seulement décline, mais décline plus rapidement chaque fois que le cycle solaire atteint un sommet, comme c’est le cas en ce moment”, écrit l’astrophysicien. Car les particules éjectées par le Soleil sont hautement énergétiques. Hubble devrait perdre dix kilomètres entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024, “ce qui représente la plus forte dégradation de l’orbite en une seule année sur les 34 ans d’existence du télescope spatial Hubble dans l’espace”.
L’altitude moyenne du télescope spatial Hubble corrélée aux taches solaires:
Les données sur les taches solaires des 35 dernières années (orange) et les données sur l’altitude moyenne du télescope spatial Hubble (bleu) au fil du temps. A noter que les missions d’entretien (SM) augmentent l’altitude de Hubble, mais que l’augmentation de l’activité solaire correspond à une perte rapide d’altitude au fil du temps. [Ethan Siegel, Big Think - J.J. Hermes/Jonathan McDowell, Twitter]Ethan Siegel prédit qu’en 2026, Hubble sera en dessous de 500 kilomètres pour la première fois depuis son lancement: “Un Soleil plus actif accélérera sa décroissance orbitale”. Et de résumer: “Si nous n’intervenons pas, Hubble ne survivra pas au pic du 27e cycle solaire”.
Du haut de ses 34 ans, le télescope spatial Hubble est loin d’être obsolète et contribue encore grandement à l’astronomie du XXIe siècle; il reste complémentaire à James Webb.
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Hubble sera progressivement mis à la retraite
Hubble a révolutionné l’astronomie et bouleversé notre vision de l’Univers, en accumulant les images du système solaire, de la Voie lactée et de galaxies très lointaines.Le télescope spatial Hubble, qui a révolutionné l’astronomie depuis son lancement en 1990, sera progressivement mis à la retraite avec une baisse de ses heures d’observation, ont annoncé des responsables de la Nasa mardi.
L’un des trois gyroscopes qui contrôlent la direction vers laquelle est pointé le télescope a connu des problèmes de stabilité ces derniers mois.
«Après une série de tests et un examen minutieux de nos options, nous avons pris la décision de faire en sorte que Hubble n’utilise qu’un seul de ses trois gyroscopes restants», a déclaré Mark Clampin, directeur du département d’astrophysique de la Nasa.
Révolution
La transition, qui devrait s’achever d’ici à la mi-juin, réduira la capacité de Hubble à effectuer des observations scientifiques de 12%, avec 74 orbites hebdomadaires autour de la Terre au lieu de 85 actuellement, a précisé Patrick Crouse, responsable de la mission Hubble.
Au cours des 12 prochains mois, le télescope sera toujours capable d’observer la voûte étoilée dans son entièreté, mais ne pourra plus suivre des objets plus proches que la planète Mars – même si de tels objets sont de toute façon rare --, a précisé Patrick Crouse. «Nous n’estimons pas que Hubble vive ses derniers instants», a-t-il déclaré.
La Nasa évalue à 70% la probabilité que Hubble opère sous cette configuration jusqu’en 2035. Hubble, lancé en 1990, a révolutionné l’astronomie et bouleversé notre vision de l’Univers, en accumulant les images du système solaire, de la Voie lactée et de galaxies très lointaines en opérant à 515 km au-dessus de la Terre.
C’est grâce à lui que les scientifiques ont découvert l’existence d’un trou noir galactique au centre de toutes les galaxies, ou de vapeur d’eau autour d’exoplanètes.
Lumière visible
Peut-être l’un des instruments les plus importants dans l’histoire de l’humanité, Hubble continue d’effectuer d’importantes découvertes comme en 2022, quand le télescope avait détecté Earendel: l’étoile la plus lointaine jamais observée.
Selon Mark Clampin, malgré ses capacités réduites, Hubble continue d’enquêter sur des objets dans notre système solaire, d’étudier certaines galaxies lointaines, ou encore de collaborer avec le télescope spatial James Webb (lancé en 2021) pour scruter les atmosphères d’exoplanètes.
James Webb excelle dans la détection infrarouge, tandis que Hubble se concentre sur la lumière visible – fournissant ainsi un duo complémentaire pour l’observation scientifique.