Les difficultés des prélèvements de sol en faible ou micro gravité
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La toute première fois que le rover Perseverance a voulu forer le sol de Mars, en 2021, tout s’est bien passé, ou presque. Les instruments ont fonctionné à merveille, mais l’échantillon convoité lors de ce « carottage » s’est volatilisé. Il s’est enfoncé dans le sol plus meuble que prévu de la Planète rouge. Même déconvenue, en 2020, pour le prélèvement d’une sonde de la Nasa sur le petit astéroïde Bennu. Son sol s’est dispersé à la façon d’un liquide. Autant dire qu’il est difficile de prévoir à l’avance le comportement d’une surface extraterrestre.
« On a souvent des surprises, parce que le peu de données que l’on a sont éparses et nos prédictions sont souvent issues d’extrapolations de lois physiques terrestres », explique Naomi Murdoch, physicienne et planétologue à l’ISAE-SUPAERO de Toulouse. Alors, pour éviter aux sondes, rovers et même humains de s’enliser en terres lointaines et inconnues, la chercheuse a imaginé une « machine à gravité variable » capable de recréer, sans bouger de la Ville rose, les propriétés mécaniques de la surface d’un corps céleste. Et Naomi Murdoch va pouvoir passer de la théorie à la pratique. Elle vient d’obtenir pour son projet « Gravité » l’une des plus prestigieuses bourses – 2,3 millions d’euros sur 5 ans – du Conseil européen de la recherche (ERC).
« Géotechniques extraterrestres »
Alors, à quoi va ressembler cette machine à « voyager » dans tout le système solaire ? « Imaginez un ascenseur, dit l’Ecossaise expatriée. On coupe les câbles, la cabine tombe et abolit la gravité ressentie à l’intérieur ». Ce système de « tour de chute » appliqué au spatial existe déjà à Brême, en Allemagne. Sauf que la tour toulousaine – « de cinq à huit mètres de haut » et avec une petite nacelle pour déposer les « boîtes » contenant les matériaux à tester, comme du sable par exemple – sera réglable. Elle pourra reproduire plusieurs gravités. Celle de la Lune, six fois moindre que celle de la Terre, mais aussi celle 1.000 fois moins élevée de la surface de certains astéroïdes.
« Lieu du crime » spatial et rover sur une lune de Mars
« Nous voulons générer avec notre machine une base de données expérimentale et nous espérons que nos résultats seront très utiles aux agences spatiales et aux scientifiques », résume la planétologue. Le projet Gravité démarrera vraiment à l’été 2024, quand elle aura recruté son équipe d’ingénieurs, doctorant et jeunes chercheurs et la fameuse machine devrait être opérationnel « début 2026 ». A temps pour appuyer la mission Hera de l’Agence spatiale européenne (ESA). Cette dernière va retourner « sur les lieux du crime », sur le petit astéroïde que la Nasa a « percuté » volontairement l’année dernière, au cours de la mission DART, pour tenter de le dévier façon Bruce Willis dans Armageddon. L’équipe de Naomie Murdoch à l’ISAE-SUPAERO participe aux préparatifs de l’atterrissage de deux petits satellites près du cratère. Elle est aussi associée au rover franco-allemand Idéfix qui doit atterrir en 2027 sur Phobos, une lune rocheuse de Mars. La gravité y est 1.500 fois plus faible que sur notre plancher des vaches. La mission des Toulousains est d’aider Idéfix à se déplacer sans s’envoler.