Zhuque 2, la première fusée au methalox à atteindre l’orbite
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Dans la nuit de mardi au mercredi, la Chine a réalisé avec succès le lancement de sa fusée privée Zhuque 2, marquant un événement majeur dans l’histoire de l’exploration spatiale. Ce qui peut sembler banal aujourd’hui revêt en réalité une grande importance. Pour la toute première fois, une fusée a utilisé un mélange de methalox comme carburant, représentant une avancée révolutionnaire. Plusieurs acteurs du spatial se sont penchés sur cette technologie prometteuse et c’est la Chine qui est parvenue à la domestiquer en premier.
Le lanceur Zhuque 2 a été lancé à 01 heure UTC depuis le centre spatial de Jiuquan, situé en Mongolie intérieure. Pour le second lancement de sa fusée, LandSpace a joué la carte de la prudence en ne mettant aucune charge utile à bord. Lors du vol inaugural de la fusée en décembre 2022, une défaillance du deuxième étage avait entraîné la chute de 6 satellites.
Second lancement de la fusée privée Zhuque 2 et première mise sur orbite réussie - W. Heng/W. Jiangbo/L. Yunxi/S. HaiyingZhuque 2 est une fusée de taille similaire à la fusée chinoise Chang-Zheng 2C, capable de transporter environ 6 tonnes en orbite basse ou 4 tonnes en orbite héliosynchrone. Avec une hauteur de 49 mètres et une masse d’environ 220 tonnes au décollage, Zhuque 2 est un lanceur à deux étages. Le premier étage est équipé de 4 moteurs TQ-12, générant une poussée individuelle d’environ 650 kN. Quant au deuxième étage, il dispose d’un seul de ces moteurs, spécialement adapté pour fonctionner dans le vide spatial et délivrer une poussée de 815 kN.
La fusée Zhuque 2 est opérée par LandSpace, une entreprise basée à Pékin, en Chine. Fondée en 2015 par l’Université Tsinghua, LandSpace fait partie d’un groupe de start-ups chinoises, telles que iSpace et OneSpace, qui ont émergé sur le marché des lancements commerciaux depuis le milieu des années 2010.
Le methalox, l’ergol du futur
La particularité marquante de Zhuque 2 réside dans son choix d’ergols. Contrairement à l’utilisation traditionnelle de kérosène et d’oxygène liquide (kerolox), cette fusée chinoise utilise du méthane liquide comme combustible, remplaçant ainsi le kérosène. Cette configuration spécifique est connue sous les termes de moteurs « methalox » (METHAne et Liquid OXygen). Cela représente une innovation significative dans le domaine des propulseurs de fusées.
L’avantage du méthane liquide est multiple. Outre le fait que le carburant soit moins dense, il offre une impulsion spécifique (Isp) nettement supérieure, ce qui signifie qu’un moteur utilisant du méthane est plus efficace. Par conséquent, pour une même puissance, un moteur utilisant du méthane consommera moins d’ergols qu’un moteur utilisant du kérosène. De plus, le méthane est une ressource abondante et moins coûteuse que le kérosène. Cela se traduit par une réduction des coûts liés aux lancements. En utilisant du méthane liquide comme carburant, on peut donc réaliser des économies significatives tout en bénéficiant d’une meilleure efficacité énergétique.
Le méthane présente également un avantage majeur en tant que carburant d’avenir en raison de sa combustion propre. Contrairement au kérosène, qui laisse des résidus de carbone sur les parois du moteur, le méthane ne laisse aucune trace après combustion. Cela signifie qu’aucun nettoyage n’est nécessaire après utilisation, ce qui réduit considérablement le temps de maintenance requis pour remettre le moteur en état en vue d’une réutilisation ultérieure.
Cette propriété du méthane permet de simplifier les processus de maintenance et de réduction des coûts associés à la préparation des moteurs pour de futurs lancements. En éliminant la nécessité de nettoyage des résidus de carbone, on peut accélérer le processus de préparation, ce qui facilite la réutilisation des moteurs et contribue à une plus grande efficacité opérationnelle dans le domaine des lancements spatiaux.
L’industrie aérospatiale a pleinement compris les avantages du développement de moteurs methalox pour les lanceurs réutilisables, qui visent à être plus économiques que les lanceurs à usage unique. C’est pourquoi des projets tels que le Starship de SpaceX, le Terran de Relativity Space, ainsi que le démonstrateur Themis développé par le CNES en collaboration avec le Japon, misent sur l’utilisation de cet ergol.
En adoptant des moteurs methalox, ces entreprises et organisations cherchent à réduire davantage les coûts de lancement et à simplifier la logistique quotidienne des opérations de remise en état. Cette approche permet de maximiser la réutilisation des lanceurs, ce qui se traduit par des économies substantielles et une plus grande efficacité opérationnelle. Les moteurs methalox offrent donc une solution prometteuse pour transformer le secteur des lancements spatiaux et rendre les voyages spatiaux plus accessibles et abordables.
Depuis la fin de l’année 2022, plusieurs entreprises, dont SpaceX, LandSpace et Relativity Space, ont entrepris des tentatives successives pour être les premières à atteindre l’orbite avec leur véhicule de lancement. Cependant, c’est LandSpace qui a réussi à atteindre cet objectif dès leur deuxième essai, les plaçant en tête de cette course spatiale.