La loi sur les JO 2024 parle très peu de sport (et ça suscite des inquiétudes)
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Le texte instaure le recours à la vidéo-surveillance algorithmique et renforce l’arsenal répressif concernant les manifestations sportives.
C’est l’histoire d’un texte répondant aux besoins d’une manifestation sportive d’envergure, et qui aborde finalement peu cette manifestation sportive d’envergure.
Ce mardi 17 janvier, le projet de loi « Organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 » arrive au Sénat, où il sera examiné par les membres des commissions de la culture et des lois, avant d’être discuté en séance le 23 janvier.
Un projet de loi qui comporte de nombreuses dispositions qui dépassent (largement) l’organisation des JO, comme le relevait le Conseil d’État dans un avis rendu le 22 décembre.
« Si huit articles ne sont applicables qu’aux prochains jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, dont deux ont un caractère expérimental, onze autres articles créent des dispositions nouvelles ou modifient des dispositions existantes de façon pérenne et seront donc susceptibles de s’appliquer à d’autres situations », souligne l’institution, proposant par ailleurs de renommer le texte pour mieux coller à son contenu.
« Le Conseil d’État propose en conséquence de modifier le titre du projet de loi et l’intituler comme ’relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions’ », suggérait le Conseil d’État. Pour relever tous les défis posés par l’organisation des JO, le projet de loi aborde logiquement diverses thématiques, qui vont de l’accessibilité, aux sponsors, en passant par la sécurité.
Ce dernier point est particulièrement sensible, compte tenu du spectacle lamentable offert lors de la Finale de Ligue des Champions au Stade de France le 28 mai 2022. Raison pour laquelle le texte contient de nombreuses mesures sécuritaires, dont certaines suscitent des inquiétudes. Parmi elles, le recours aux caméras « augmentées », utilisant l’intelligence artificielle, aussi appelée vidéo-surveillance algorithmique (VSA), visant à détecter « des situations anormales ».
« En autorisant l’État à analyser, classer, évaluer les mouvements et comportements de chaque individu dans l’espace public, en lui donnant des pouvoirs de décision décuplés par l’automatisation de la prise de décision, cette technologie transforme notre rapport à l’espace public et démultiplie les capacités de contrôle et de répression de la police », s’alarme La Quadrature du Net, une association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet.
Dans son avis daté du 4 janvier, la Commission nationale de l’Informatique et des libertés appelle à la vigilance (CNIL). « Le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs de caméras augmentées est un tournant qui va contribuer à définir le rôle qui sera confié dans notre société à ces technologies, et plus généralement à l’intelligence artificielle », observe la CNIL, considérant que ces outils de surveillance « peuvent en effet conduire à ça ».
Une prudence dont ne s’embrassent pas certains sénateurs, qui ont déposé des amendements pour élargir le périmètre du dispositif. Ainsi, la sénatrice LR Michèle Tabarot propose d’inclure des enregistrements sonores à ces outils de surveillance, quand sa collègue (également LR) Jacqueline Eustache-Brinio voudrait étendre cette surveillance à la « prise en charge illégale de clients par des transporteurs publics particuliers, VTC ou taxis clandestins ».
Autre motif d’inquiétude, un arsenal répressif semblant rédigé sur mesure pour des problématiques autres que celles s’appliquant aux Jeux Olympiques. À l’image de l’article 12 du volet sécurité du projet de loi qui transforme, « lorsqu’elles sont commises en récidive ou en réunion » deux infractions en délits : « le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer, par force ou par fraude, dans une enceinte sportive » et « le fait de pénétrer ou de se maintenir sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une telle enceinte ».
Ce qui sonne comme une référence indirecte aux interruptions de manifestations sportives organisées par des militants écologistes. Tarif : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. L’article, suivant, le 13, fait également grincer des dents. Il entend renforcer « l’effectivité du dispositif des interdictions judiciaires de stade ».
Ces interdictions de stade, qui étaient jusque-là facultatives, auront dorénavant un caractère automatique et ce, même une fois les Jeux Olympiques terminés. « C’est clairement le football qui est visé », déplore auprès du Monde Ronan Evain, directeur général de l’association Football Supporters Europe, qualifiant ce texte de « cheval de Troie » permettant au gouvernement de profiter des Jeux Olympiques pour muscler son arsenal répressif.
Le texte examiné ce jour par les sénateurs prévoit également « l’utilisation de scanners corporels à ondes millimétriques à l’entrée des enceintes accueillant plus de 300 personnes pour des manifestations sportives, culturelles ou récréatives ». Là encore, ce dispositif aura vocation à perdurer après les Jeux Olympiques, et pas uniquement sur des événements sportifs.