Sarthe: les collégiens auront un bracelet électronique!
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Le Conseil Départemental de la Sarthe a décidé de mettre en place un «bracelet connecté», qui collectera à la rentrée les données de 30 000 collégiens afin d’évaluer «leur forme physique, morale et sociale». Une nouvelle boîte de Pandore serait-elle en train de s’ouvrir? C’est ce que craint notre contributeur, qui dénonce la banalisation d’une société de surveillance.
Dans le but de promouvoir l’activité physique et de lutter contre la sédentarité, conséquence prévisible des confinements, les jeunes adolescents seront invités à porter leur bracelet connecté tous les jours. Bien des questions se posent, pour peu que l’on se soucie un tant soit peu du concept de dignité : Qu’est-ce qu’une “forme sociale” ? Est-ce que l’état de santé et la relation de nos enfants au sport regardent à ce point les pouvoirs publics pour qu’ils aient besoin de collecter des données personnelles ?
N’est-il pas surprenant que les mêmes pouvoirs publics, qui ont empêché les jeunes de faire du sport pour renforcer leur système immunitaire durant la pandémie, ne les y forcent aujourd’hui, qui plus est avec des méthodes de contrôle aussi radicales ? Les enfants ne se sentiront-ils pas surveillés 24 heures sur 24 ? Et, s’ils ne se sentent pas surveillés alors qu’ils le sont, est-ce rassurant ?
Qu’adviendra-t-il du jeune garçon rondouillard qui n’est pas à l’aise avec le sport et encore moins avec l’idée d’être stigmatisé par ses petits camarades à cause des données médiocres que transmettront son bracelet ? Sera-t-il pointé du doigt dans son école s’il refuse de mettre ce bracelet ?
N’est-il pas légitime de s’inquiéter de voir se généraliser dans la société civile une pratique que l’on réservait jusqu’ici aux criminels et aux participants volontaires d’études scientifiques ? Combien de parents diront “non” ?
D’aujourd’hui à la Chine, il n’y a qu’un passe…
Au-delà des questions de dignité qui ne semblent plus émouvoir grand monde, il va falloir s’y faire: aujourd’hui, en Europe, la santé ne relève plus vraiment de l’intime. Aux poubelles de l’Histoire, le secret médical ! La santé individuelle relève maintenant des affaires publiques. Dorénavant, votre corps nous regarde. Déjà, avec le code-barres rattaché à son statut vaccinal pour aller au cinéma, le « Mon corps, mon choix » avait pris du plomb dans l’aile… Vous ne vous appartenez plus totalement. Vous êtes aussi et avant tout un élément de la société et vous devez rendre des comptes à cette dernière en termes de santé et de mode de vie. C’est pour cette raison qu’un simple concitoyen était d’ailleurs déjà en mesure de contrôler votre code-barres santé durant la pandémie…
Si vos activités sont trop polluantes, vous devrez rendre des comptes aux générations futures et à la planète. Si vous ne faites pas tout pour rester en bonne santé, vous devrez rendre des comptes à vos concitoyens qui financent la Sécurité sociale. Cela ne suffit plus de ne pas commettre de crime: il faut être irréprochable, un modèle de civilité. Les criminels, c’est encore autre chose. Ceux-là, on ne peut pas faire grand-chose pour les sauver, il faut apprendre à vivre avec. C’est pourquoi on ne mettra pas ce bracelet à un prêcheur de haine fiché S : qu’apprendrons-nous de plus sur lui ? Alors que des jeunes ados, c’est le moment ou jamais de leur inculquer les valeurs hygiénistes qui leur permettront de construire demain un monde meilleur. Un monde d’éternelle jeunesse, défiant la mort et les maladies, rendu possible par notre engagement et la bienveillance de nos gouvernements…
Et si des caméras de surveillance ont pu réduire la criminalité dans les rues des quartiers huppés, alors gageons que la surveillance à domicile corrigera bientôt toutes les mauvaises habitudes et la mauvaise volonté des citoyens avant même que leur conscience ne se pervertisse… Non seulement leurs bracelets connectés les gronderont s’ils n’ont pas fait assez d’exercice, comme aujourd’hui les voitures grondent les passagers qui n’ont pas mis leur ceinture, mais il n’y aura plus qu’un pas à faire pour les punir de n’avoir ne serait-ce qu’envisager de trahir l’intérêt général. Les réseaux sociaux seront épurés des commentaires négatifs, les voitures polluantes seront interdites de circulation, les loisirs de débauchés vaudront une réprimande, et si des citoyens s’en formalisent, ils seront marginalisés. Certains d’entre nous ont déjà compris qu’il était de leur devoir de dénoncer toute mauvaise pensée sur la place publique, car il ne saurait y avoir de corps sain sans une pensée saine. Le Big Data nous aidera à repérer rapidement d’où vient le moindre mal et à construire une société libérée de ses déviances archaïques pour une meilleure paix civile. Une société pure, en somme. À condition que ce soit vraiment la société dont vous rêviez…
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