Sortie du Garçon et le héron, le dernier film de Miyasaki
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Le dernier film du maître d’animation japonais Hayao Miyazaki, “Le garçon et le héron” sort le 1er novembre au cinéma.
En attendant de découvrir cette nouvelle oeuvre des studios Ghibli, focus sur son inventif réalisateur.
L’occasion de retracer son parcours jalonné d’une douzaine de longs métrages comme “Le château de Cagliostro”, “Mon voisin Totoro”, “Le voyage de Chihiro”, “Le château ambulant” ou encore “Princesse Mononoké”. Autant de pépites originales, engagées et poétiques.
Le succès à chaque fois
Un réalisateur qui n’a plus rien à prouver
Plus complexe et plus sombre que ses films précédents, “Le garçon et le héron” raconte l’histoire d’un jeune orphelin de 11 ans qui quitte Tokyo pour vivre dans le village natal de sa mère. Sur place, il s’installe avec son père dans un vieux manoir, où il rencontre un héron cendré qui va l’aider à découvrir le monde.
Largement acclamé en juillet dernier lors de sa sortie au Japon, “Le garçon et le héron” promet d’être reçu avec les mêmes honneurs partout ailleurs. Une nouvelle prouesse pour les studios Ghibli, d’autant plus que le film n’a bénéficié d’aucune campagne promotionnelle. La simple mention du nom de Hayao Miyazaki a suffi.
A 82 ans, le célèbre animateur, réalisateur, scénariste et mangaka a passé l’âge d’avoir besoin de vendre ses films. Depuis “Nausicaä de la vallée du vent” (1984), chaque film de Miyazaki rencontre un immense succès, autant domestique qu’à l’international.
L’antithèse d’Hollywood
Pourquoi un tel engouement? D’abord parce la culture japonaise fascine l’Occident, mais aussi parce qu’Hayao Miyazaki est l’antithèse d’Hollywood, de Marvel, Disney et Netflix.
Avec sa barbe et ses cheveux blancs, ses lunettes aux montures noires qui cachent un regard tantôt amusé, tantôt agacé, Miyazaki est devenu aussi culte que ses films, de par ses prises de positions tranchées en faveur du pacifisme, de l’environnement, d’un travail artisanal et contre les dérives de la technologie.
Sa façon de travailler est également unique, avec des univers qui se développent à partir du dessin et des story-boards, sans passer par un script en bonne et due forme. L’homme qui ne s’arrête jamais - c’est comme ça qu’on le surnomme - a toujours une idée derrière la tête, même quand il jure après chaque sortie de film que c’est son dernier.
Dans “Le garçon et le héron”, on retrouve les thèmes favoris de l’animateur, à savoir un univers poétique fait d’esprits, des animaux à forme humaine et des petites bêtes bizarres et attachantes. L’innocence de l’enfance, la guerre et surtout l’absence de la mère hantent littéralement l’œuvre du réalisateur japonais.
Des débuts difficiles pour Miyazaki
Guerre et maladie
Hayao Miyazaki naît en 1941, dans un Japon en guerre. Quatre ans plus tôt, l’armée impériale a envahi la partie orientale de la Chine dans une politique expansionniste et nationaliste délirante, qui poussera le pays à s’allier à l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale.
Un mois avant le premier anniversaire du petit Hayao, le 7 décembre 1941, l’armée japonaise attaque les Etats-Unis sur la base navale hawaïenne de Pearl Harbor. Les conséquences seront terribles pour le pays: la riposte américaine aboutira quatre ans plus tard avec le largage des deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945.
Durant cette période, le père de Miyazaki possède une petite société d’aviation qui fabrique des pièces pour les célèbres avions de chasse type “Zéro” - ceux qui iront attaquer Pearl Harbor. Miyazaki racontera par la suite que ses premiers souvenirs sont ceux de villes bombardées et de fuite.
Une mère influente
Arrivent les problèmes de santé: les médecins annoncent à Hayao Miyazaki qu’il ne dépassera pas la vingtaine, et ceci à cause de problèmes digestifs. Pire: sa mère souffre d’une forme rare de tuberculose. Du jour au lendemain, elle est alitée pour toujours.
Image tirée du film d’animation “Le château ambulant” de Miyazaki. [Studios Ghibli]Femme intelligente, réservée et courageuse, elle aura une forte influence sur son fils et sur son oeuvre. On la retrouve sous les traits de Sophie dans “Le château ambulant”, la mère des deux petites filles Mei et Satsuki dans “Mon voisin Totoro”, ou plus récemment dans “Le garçon et le héron”.
Les années passent, Miyazaki grandit, mais ne meurt pas. Il poursuit un rêve, celui de devenir mangaka, comme son idole Osamu Tezuka, le créateur d’“Astro le petit robot”. Après un diplôme en sciences politiques et en économie, Hayao rejoint les studios d’animation Toei en 1963. Il dessine plutôt bien et commence à travailler comme intervalliste. Son job d’assistant consiste à dessiner les images intermédiaires qui s’intercalent entre les images-clés d’un dessin animé traditionnel, et ceci afin de fluidifier l’animation.
C’est dans ces studios Toei qu’il va se lier d’amitié avec Isao Takahata qui deviendra son ami, son collaborateur et une sorte de rival bénéfique. De leur collaboration naîtront des dessins animés populaires, des chefs-d’œuvre (“Le Tombeau des lucioles”) et la naissance d’un studio mythique: Ghibli.
Du petit au grand écran
Des “Chevaliers du Zodiaque” à “Nausicaä de la vallée du vent”
Les enfants des années 1970 et 1980 se souviennent sûrement des après-midis télévisés consacrés aux séries japonaises. A cette période, les studios Toei sont les titans de l’animé - on leur doit notamment “Astro”, “Goldorak”, “Albator”, “Dragon Ball”, “Candy”, “Les chevaliers du Zodiaque” et, plus récemment, le gigantesque “One Piece”.
Il y a aussi TMS Entertainement avec “Ulysse 31”, “C***a”, “Cat’s Eyes” ou encore “Rémi sans famille”. Sans oublier les immenses Nippon Animation qui produisent “Maya l’abeille”, “Bouba le petit ourson” et “Tom Sawyer”.
Miyazaki n’a créé aucun de ces animés, mais il a travaillé dans chacun des studios précités. Après avoir été intervalliste chez Toei, il collabore une première fois avec Takahata sur la série qui reprend le personnage d’Arsène Lupin dans “Edgar de la cambriole”, pour les studios TMS. Puis, il quitte Toei pour Nippon Animation, où il oeuvre avec Takahata sur l’un des plus gros cartons de la fin des années 1970: la célèbre “Heidi”.
Après l’immense succès d’“Heidi”, Hayao Miyazaki et Isao Takahata se décident à franchir l’étape supérieure, celle du long métrage. Ce sera chose faite avec “Le château de Cagliostro” en 1979.
Une oeuvre plus personnelle
Parallèlement, Miyazaki travaille sur une histoire personnelle; une fable fantastique et écologique qu’on lui a demandé de créer en manga. Sa renommée en tant qu’animateur et mangaka commence à grandir. Un journaliste, Toshio Suzuki, qui deviendra le producteur des Studios Ghibli, le convainc de travailler sur un film d’animation.
En 1984 sort “Nausicaä de la vallée du vent”. Cette histoire de princesse qui refuse la violence de la guerre, dans un monde post-apocalyptique ravagé par la pollution, rencontre un immense succès au Japon, mais aussi dans la Francophonie qui reconnaît chez Miyazaki les influences de l’animation et de la BD franco-belge.
“Nausicaä de la vallée du vent” est sorti en 1984. [ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12 VIA AFP]Autre élément salué par la critique: celui de Nausicaä, une héroïne féminine à l’opposé de tout stéréotype de genre. Avec ce premier long métrage, Miyazaki inaugure une série de filles et femmes qu’il qualifie de “courageuses et autonomes et qui n’hésitent pas à se battre pour ce en quoi elles croient de tout leur cœur.”
Naissance des studios Ghibli
Une nouvelle manière d’aborder l’animation
Avec la création des studios Ghibli en 1985, ses fondateurs Hayao Miyazaki, Isao Takahata et Toshio Suzuki inaugurent une nouvelle façon de travailler. Au lieu de recruter des animateurs par mandat pour un film, ils choisissent de travailler sur la base de contrats à durée indéterminée. Les employés des studios Ghibli deviennent des salariés. Il en découle une véritable équipe soudée et motivée, qui comprend comment peut fonctionner la créativité de ses fondateurs.
Aujourd’hui, 350 dessinateurs, coloristes et intervallistes collaborent corps et âme pour les studios Ghibli. La dévotion est nécessaire car dessiner prend du temps, d’autant plus quand on travaille avec Miyazaki, qui est connu pour ses allers-retours dans ses idées, jusqu’à ce qu’il trouve le bon trait, le bon mouvement, le petit trait en plus ou en moins qui fait qu’on est emmené dans son histoire.
“Travailler sincèrement, sans prétention”Hayao Miyazaki aime à le rappeler: “Le travail doit être sincère, sans prétention”. Vis-à-vis de soi-même, mais aussi vis-à-vis du public. Cette dévotion dans le dessin est très chronophage: cinq secondes d’animation nécessitent le travail de cent animateurs pendant une semaine. Et encore, cela dépend des films: en 2013, dans le film “Le vent se lève”, quatre petites secondes d’une scène de foule ont nécessité une année et trois mois de travail.
“Le vent se lève” de Miyazaki. [Studio Ghibli / Buena Vista Home / Collection ChristopheL via AFP]Un véritable travail d’orfèvre, fait à la main; mais une main qui s’affaiblit avec l’âge. Plus jeune, Hayao Miyazaki pouvait produire dix minutes d’animation par mois, il ne peut désormais produire que le dixième, soit une minute par mois. En novembre 2019, Miyazaki déclarait que seuls 15% du film “Le garçon et le héron” étaient terminés; deux ans plus tard, en 2021, que la moitié du film était prête, mais qu’il fallait s’attendre à trois ans de production supplémentaires. Chez Ghibli, on ne produit pas à la chaîne.
Mais pour combien de temps encore? L’annonce du rachat des studios Ghibli par la chaîne de télévision Nippon TV inquiète les fans, mais Ghibli se veut rassurant: Nippon TV et Ghibli collaborent depuis la sortie de “Kiki la petite sorcière” en 1989. Hayao Miyazaki est d’ailleurs à l’origine de la création de leur mascotte.
Pour terminer avec une bonne nouvelle, Hayao Miyazaki est à nouveau revenu sur sa décision de prendre sa retraite après “Le garçon et le héron”. Une nouvelle précieuse et réjouissante dans un monde qui a désespérément besoin d’émerveillement, de chat-bus, de noiraudes, de feux qui parlent et d’esprits de la nature qui se mettent en colère contre les humains.
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merci @duJambon pour cette jolie rétrospective, j’adore les chefs d’œuvre de ce réalisateur ^^
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«Le garçon et le héron», plus proche de «Chihiro» que du «Vent se lève»
Le dernier film d’Hayao Miyazaki s’attache à Mahito, un enfant qui a perdu sa mère dans l’incendie d’un hôpital. Le fantastique est de retour.
Une sirène déchire Tokyo endormie. La maisonnée dans laquelle dort Mahito est réveillée brutalement. L’hôpital dans lequel travaille sa mère est ravagé par un incendie. Le brasier se laisse apercevoir dans le lointain et les braises pleuvent sur la capitale. L’enfant se précipite, en vain.
Quelque temps plus tard Mahito quitte Tokyo accompagné de son père veuf pour vivre dans une petite localité ou réside sa famille maternelle. Ils sont accueillis par Natsuko, jeune femme qui se trouve être enceinte. L’enfant remarque un étrange héron qui semble avoir jeté son dévolu sur le jeune garçon. Il voit son attention attirée par une étrange tour au bord d’un lac.
Un vieux maître toujours d’attaque
Par ces quelques séquences inaugurales brillantes, le dernier film signé Hayao Miyazaki démontre comme si cela allait de soi que le vieux maître est toujours d’attaque et qu’il est parfaitement secondé par les animateurs du studio Ghibli. Son précédent long métrage d’animation, «Le vent se lève» (2013), une biographie surtout, avait été déclaré comme étant l’ultime film de l’artiste. On est cependant heureux que le réalisateur, désormais octogénaire, ait trouvé les forces de se lancer dans cet ultime chantier et de retourner vers un pan plus onirique de son inspiration. Car «Le garçon et le héron» est à nos yeux bien plus proche du «Voyage de Chihiro» ou du «Château ambulant» que du «Vent se lève». Car, comme pour la petite fille emportée dans un monde des esprits, Mahito fait de même dès qu’il a franchi une étrange frontière comme on ouvrirait une porte. Au point que l’on ne sait plus très bien si son voyage dans une sorte d’au-delà est une intrusion dans un fantastique rempli de créatures extraordinaires ou une introspection d’un esprit marqué par le deuil.
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@duJambon a dit dans Sortie du Garçon et le héron, le dernier film de Miyasaki :
«Le garçon et le héron», plus proche de «Chihiro» que du «Vent se lève»
ça tombe bien Chihiro est celui que je préfère, j’aime bien le côté mystique du film
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Testez vos connaissances sur Miyasaki dans un petit quizz: https://www.tdg.ch/quiz-sur-un-geant-de-l-animation-testez-vos-connaissances-sur-hayao-miyazaki-486389976628
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@duJambon merci pour ce quizz que j’ai envoyé direct à mes filles