[Critique] Farang : baston sans frontière(s)
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Nous avions déjà braqué nos projecteurs sur Farang lors d’une preview publiée dans le numéro 365. Presque entièrement bouclé depuis novembre dernier, à deux ou trois effets visuels près, le nouveau long-métrage de Xavier Gens a enfin droit à une sortie en salles à quelques jours de la Fête du Cinéma 2023. Si vous aimez les polars hard boiled et les combats brutaux à la The Raid ou Gangs of London, on vous suggère vivement de lui donner sa chance…
Sam (Nassim Lyes), un repris de justice tout juste sorti de Fresnes, tente de mener une vie tranquille en enchaînant les petits jobs dans des chantiers. Son passé le rattrape et le pousse à la faute : impliqué dans une joute mortelle aux allures de règlement de comptes, il décide de fuir à l’autre bout du monde, en Thaïlande. Il y rencontre son âme sœur et adopte la fille de cette dernière. Obstinée, la pègre française le retrouve et lui soumet un dernier contrat aux conséquences irréparables.
Rien de révolutionnaire dans le synopsis de Farang, on pourrait même facilement attaquer le script sur ses enjeux relativement rectilignes et simplistes, qui peuvent rappeler par certains aspects le mal-aimé Rambo: Last Blood, voire la méthode Besson édictée de façon hilarante par Mozinor. D’accord, ce récit de vengeance viscérale sur lequel plane une menace de prostitution forcée peut au second degré faire sourire, mais réduire le film à ses lieux communs, aussi concrets soient-ils, serait grossier et tout à fait déloyal vis-à-vis du travail de crédibilisation opéré dès le prologue par Gens.
– La vengeance de Sam (Nassim Lyes) n’épargnera personne.DE KEN LOACH A TSUI HARK
L’ouverture franco-française de Farang lorgne effectivement moins du côté d’EuropaCorp que des premières séquences de Sorcerer de William Friedkin, qui n’est autre que l’un des films de chevet de Xavier Gens. Ce qui prouve, sinon le bon goût du cinéaste (ça, à chacun de le juger), du moins sa grande ambition.
Adoptant une approche sèche, factuelle et immersive, Gens enchaîne durant ces premières séquences une succession de moments volés, systématiquement situés dans des décors en travaux (« Car le héros est alors en phase de reconstruction » nous soufflera l’auteur).
Gens ne tentera ainsi jamais de glamoriser ou de fantasmer les environnements ou les personnages qui croisent l’objectif de sa caméra : la prison ressemble à une vraie prison (1), le centre de contrôle judiciaire est parfaitement banal, le chantier et l’accident qui s’y produit semblent sortir d’un film de Ken Loach… Le face-à-face entre Sam et son ancien commanditaire est également cadré sans artifices, du moins avant une chute filmée en plan-séquence permettant de rappeler que Gens a fait ses premières armes sur les plateaux de Ringo Lam et Tsui Hark.
À partir de cet effet vertigineux, Farang ne cesse de se métamorphoser, de se chercher, à l’image de son protagoniste en quête perpétuelle d’une nouvelle identité et d’une seconde chance. Le film et son protagoniste sont en cela indissociables, et l’ellipse brutale (encore une fois proche de celle de Sorcerer) entre le ciel gris de Paris et la jungle étouffante de Thaïlande réinstalle subtilement la thématique de l’altérité (« farang » signifie « étranger blanc »), déjà au cœur de Frontière(s), The Divide, Cold Skin mais aussi des éprouvants épisodes 6 à 8 de Gangs of London.
MUTATION STYLISTIQUE
Jusqu’ici abonné aux comédies épaisses, notamment En passant pécho, Nassim Lyes est la grande révélation surprise de Farang. Affichant un magnétisme subtil et un langage corporel animal, l’acteur aide à ne jamais faire basculer le long-métrage dans la caricature, défaut souvent inhérent au polar français moderne.
Cette performance est idéalement appuyée par le verbe mesuré d’Olivier Gourmet, dont le bagage cinématographique « auteur » assure la continuité tonale des séquences parisiennes jusqu’à l’épilogue. Tout est effectivement une question de mesure, à la fois dans la caractérisation et dans la progression de la mise en scène. Le public est peu à peu amené à repousser les limites de sa suspension d’incrédulité : non chorégraphié et filmé à l’épaule, le premier combat situé en Thaïlande se présente ainsi comme une scène dramatique plutôt qu’un véritable morceau d’action.
En filigrane, Lyes, Xavier Gens et l’action director Jude Poyer (lire interview) introduisent en douceur des techniques qui seront utilisées de façon létale lors des second et troisième actes. Au fil de sa mutation stylistique, Farang convoque bien sûr la cinéphilie éclectique de Gens, mais ce dernier ne semble pas aspirer aux mêmes expérimentations méta que Quentin Tarantino et Christophe Gans.
On reconnaîtra bien des accents romantiques proches des Cendres du temps, une scène d’exécution empruntée à Braveheart, une maison en flammes tout droit sortie du 13ème guerrier, des décharges de fusil à pompe aussi dévastatrices que dans Police fédérale, Los Angeles et même une apparition fantomatique digne de Kiyoshi Kurosawa, mais tous ces éléments semblent sculpter le récit de façon inconsciente.
– La preuve par l’image que le climax de Farang est harassant.L’ASCENCEUR
Si une influence prédomine ici, c’est bien celle de Gareth Evans. Nous ayant confié avoir remis en question toutes les bases de son cinéma suite à son expérience sur Gangs of London, Xavier Gens s’impose avec les scènes d’action de Farang comme un disciple mûr, inventif et terriblement enthousiaste de l’auteur de The Raid.
Avec une maîtrise hallucinante, Gens et Jude Poyer façonnent d’incroyables ballets d’ultraviolence où la performance, la chorégraphie, le découpage, le sound design et les mouvements de caméra avancent dans un effort commun et indivisible.
Excitant sur le plan géographique, voire géométrique (on avance d’abord en ligne droite sur un ponton, on traverse latéralement le rez-de-chaussée d’un immeuble à travers son couloir central, puis on se retrouve à bord d’un ascenseur en direction du dernier étage), le climax constitue une prouesse technique fulgurante.
« On était vraiment en quête de jouissance cinématographique avec le combat dans l’ascenseur » assume volontiers le réalisateur. « Avec Jude, on voulait créer une nouvelle référence, en partant de classiques comme Une journée en enfer. Le combat du couloir est une préparation et ensuite, on se prend la scène de l’ascenseur dans la gueule ! »
Dans la gueule, ce n’est rien de le dire : dans l’Histoire du cinéma français, on n’a simplement jamais vu ça.
(1) Alexandre Bustillo et Julien Maury, qui ont droit ici à un joli caméo, ont de belles têtes de taulards, et Pascal Laugier est parfait en maton.
Par Alexandre Poncet
Mad Movies #378 -
Et bien j’ai enfin vu la chose hier soir
@Violence a dit dans [Critique] Farang : baston sans frontière(s) :
Si vous aimez les polars hard boiled et les combats brutaux à la The Raid ou Gangs of London, on vous suggère vivement de lui donner sa chance…
Tout à fait, on voit très biens que Xavier Gens à très bien appris depuis quelques années et pas avec n’importe qui.
@Violence a dit dans [Critique] Farang : baston sans frontière(s) :
Rien de révolutionnaire dans le synopsis de Farang, on pourrait même facilement attaquer le script sur ses enjeux relativement rectilignes et simplistes
C’est clair mais putain, pour le coup on s’en fout.
@Violence a dit dans [Critique] Farang : baston sans frontière(s) :
mais réduire le film à ses lieux communs, aussi concrets soient-ils, serait grossier et tout à fait déloyal vis-à-vis du travail de crédibilisation opéré dès le prologue par Gens.
Clair tout est fait pour nous étouffer en Thaïlande.
@Violence a dit dans [Critique] Farang : baston sans frontière(s) :
notamment En passant pécho, Nassim Lyes est la grande révélation surprise de Farang. Affichant un magnétisme subtil et un langage corporel animal, l’acteur aide à ne jamais faire basculer le long-métrage dans la caricature, défaut souvent inhérent au polar français moderne.
Une très bonne surprise. Grosse préparation physique, il envoi quand même !! J’espère que ce film lui ouvrira certaiens portes, il le mérite.
@Violence a dit dans [Critique] Farang : baston sans frontière(s) :
L’ASCENCEUR
Ha punaise quelle pied cette scène. Rien que pour ça et d’autres, le visionnage du film vaut le coup.
@Violence a dit dans [Critique] Farang : baston sans frontière(s) :
Dans la gueule, ce n’est rien de le dire : dans l’Histoire du cinéma français, on n’a simplement jamais vu ça.
C’est clairement ça.
C’est pas le film de l’année mais Il faut encourager ce genre d’effort dans le cinéma français sinon on va n’avoir le droit qu’à des productions merdiques genre Danny Boon, Lachaux et compagnie…
Rien que pour ca, merci à Xavier Gens de mettre un bon coup de tatanes dans la fourmilière.
Interview intéressante de Gens ici :
https://planete-warez.net/topic/3980/interview-xavier-gens-farang
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Je l’ai récupéré on verra ce que ca donne