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    Brendon Durey est le directeur du studio néo-zélandais Filmfx, collaborateur privilégié de Rob Tapert et Sam Raimi depuis les séries Hercule et Xena au milieu des années 1990. Déjà présent en coulisses de Ash vs Evil Dead, Durey a volontiers repris du service sur Evil Dead Rise…

    Quel est exactement votre rôle en tant que superviseur des effets spéciaux ?

    Le département des effets spéciaux – ou des effets mécaniques comme on le nomme parfois – s’occupe de tout ce qui ne concerne pas les monstres en latex ou les trucages numériques. Notre boulot principal concerne la météo et les atmosphères : nous créons la pluie, le vent, la neige ou le brouillard. Nous nous occupons aussi des flammes, des effets pyrotechniques et des trucages physiques impliquant des mouvements hydrauliques, pneumatiques ou des pompes diverses. Sur des films d’horreur, on doit par exemple pomper du sang un peu partout.

    Dans la plupart des pays, le département des maquillages va souvent créer les saignements sur les personnages, mais en Nouvelle-Zélande cette mission nous revient presque systématiquement. Nous travaillons donc directement avec les maquilleurs et installons des systèmes dans les prothèses. Je ne veux surtout pas prétendre que nous concevons les maquillages : ce domaine ne nous concerne pas du tout. C’est un art très spécifique, et je ne sais absolument pas faire ça.

    Vous devez travailler très étroitement avec les autres départements, car tout est lié…

    Absolument. Le production designer d’Evil Dead Rise, Nick Bassett, a été incroyable, soit dit en passant. La première fois que j’ai bossé avec lui, c’était sur Hercule contre Arès en 1998. Nous sommes restés amis et nous avons souvent collaboré depuis, en montant les échelons chacun de notre côté.

    Depuis une douzaine d’années, Nick est le production designer attitré de Rob Tapert en Nouvelle-Zélande et leur méthodologie est bien rodée. Quand on connaît les gens depuis plusieurs décennies, les choses avancent plus vite et plus efficacement.

    Pouvez-vous nous parler de votre travail en préproduction d’Evil Dead Rise ?

    Durant ma première réunion avec Lee, après avoir lu le scénario, je lui ai expliqué ma méthodologie pour le sang et le vomi : si un personnage donne un coup de couteau à un autre et qu’une giclée de sang lui arrive au visage, il ne faut pas attendre le jour du tournage pour savoir quel look on veut obtenir.

    Nous faisons des tests sur des mannequins pour chaque effet d’éclaboussure afin de définir la pression et la quantité de sang exactes. Il est important d’établir tout ça avant le début des prises de vues, car nettoyer le plateau coûte très cher.

    Comment préparez-vous votre faux sang ?

    Nous avons développé notre propre recette au fil des années. Elle a été utilisée sur Ash vs Evil Dead et Spartacus. Sur Hercule et Xena, on avait déjà pu faire des expériences avec le faux sang. Nous avons aujourd’hui une méthode de fabrication très efficace. La base, c’est le sirop de maïs à haute teneur en fructose, une matière extrêmement sucrée. On le stocke dans des containers de 20 litres. On le fait bouillir, puis on ajoute de l’eau. La clé pour obtenir un faux sang crédible, c’est la viscosité.

    Nous avons mis au point des tests pour nous assurer que cette viscosité soit conforme à l’effet que nous recherchons. Nous fabriquons d’ailleurs différents types de faux sang, chacun avec une viscosité et une couleur particulières. L’une de nos mixtures présente un rouge très éclatant, qui correspond à du sang frais. Nous avons un mélange plus sombre pour du sang qui aurait été versé il y a longtemps.

    Certains réalisateurs demandent aussi une hémoglobine plus sombre. Une fois le faux sang standard cuisiné, nous en fournissons des échantillons aux départements des maquillages, des costumes et des décors. Car quand le sang vole dans les airs, c’est notre job. Mais quand il est renversé sur le sol, c’est le job des décorateurs ; quand il éclabousse un costume, c’est le job des costumiers ; quand il est appliqué sur le visage de quelqu’un, c’est celui des maquilleurs. Ce sont souvent ces derniers qui choisissent la couleur et la teinte finale du faux sang.

    Ce qui est clair, c’est que nous devons en produire des quantités astronomiques. Sur Evil Dead Rise, nous en avons préparé six tonnes et demie…

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    Vous avez battu un record, non ?

    Cette quantité était nouvelle pour nous. Engager une armée de techniciens pour préparer des portions de 20 litres aurait coûté une fortune, donc nous nous sommes tournés vers une usine alimentaire : nous avons pu utiliser leur équipe et leurs cuves industrielles pour créer la quantité dont nous avions besoin.

    Nous avons quand même dû acheter des IBC (intermediate bulk containers – NDR), c’est-à-dire des réservoirs industriels en plastique qui sont utilisés pour déplacer de grands volumes de liquides. Nous en avons rempli six et demi, nous les avons fait livrer au studio, et nous les avons stockés dans un container réfrigéré jusqu’au moment où nous avons dû les utiliser.

    Avez-vous travaillé sur la séquence où du sang coule du nez et des yeux d’une adolescente ?

    Oui, on s’est inspirés du clip When the Party’s Over de Billie Eilish, dans lequel une matière noire sort des yeux de l’artiste. Nous avons collé des petits tubes le long des tempes de Gabrielle Echols et nous les avons tirés jusqu’à la base des yeux et vers les narines. Puis les artistes des effets visuels ont effacé numériquement ces tubes.

    C’est extrêmement efficace, car on regarde le sang et non les tempes ou les joues. On est focalisé sur l’élément réel et non sur ce qui est faux.

    Oui, et ces artistes sont devenus très bons pour effacer ce genre de choses. À l’inverse, les interactions entre des liquides et la surface de la peau sont très difficiles à simuler à l’aide d’effets digitaux.

    Le vomi a-t-il été simulé de la même façon ?

    Oui, nous avons installé un coquetier en silicone à l’intérieur de la bouche de l’actrice et lui avons fixé un tube sur la joue jusqu’au milieu de la lèvre inférieure, en direction de la bouche. Nous avons pompé notre faux vomi dans sa bouche et celui-ci a rebondi à l’extérieur, donnant l’illusion d’un spray réaliste. C’était très inconfortable pour l’actrice, mais elle a pu s’entraîner à placer le coquetier d’une certaine façon afin de résister à la pression…

    C’était vraiment une guerrière : vous vous imaginez, vous, en nuisette et maquillée en monstre, en train de dégobiller des litres de faux vomi devant 40 personnes ?Je crois qu’elle a expulsé 50 litres dans cette scène, alors que l’estomac humain est limité à 7…

    Êtes-vous un fan de L’Exorciste ?

    Oui, je l’ai toujours été. Je comprends pourquoi vous me posez la question ! Ça faisait partie des références qu’on a étudiées pour Evil Dead Rise. Nous avons aussi revu Stand by Me et Monty Python, le sens de la vie.

    Comment a été tournée la séquence de la salle de bains, lorsqu’Ellie se retrouve au plafond ?

    C’est mon ami Stuart Thorp, le coordinateur des cascades, qui s’est chargé de cet effet. Avec son équipe, ils ont mis au point un système d’attaches spécifiquement pour cette séquence. Le département des décors a également construit une salle de bains inversée qui a été utilisée pour les plans les plus complexes. Ils ont donc filmé la tête en bas.

    – Propos recueillis par Alexandre Poncet.
    – Merci à Étienne Lerbret.
    – Mad Movies #370