[Dossier] John McAfee : Le génie de l'antivirus devenu le bad boy le plus dingue de la tech
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Bon, j’ai une question pour vous : C’est quoi le point commun entre un créateur d’antivirus multimillionnaire, un fugitif international recherché pour meurtre, un candidat à la présidentielle américaine et un prophète auto-proclamé du Bitcoin ? Réponse : c’est le même mec ! John McAfee, et croyez-moi, même si j’avais voulu inventer un personnage aussi barré, j’aurais pas réussi.
– John McAfee - Le créateur d’antivirus le plus controversé de l’histoire (source)Je me souviens encore de la première fois où j’ai installé McAfee Antivirus sur un PC dans les années 90 et si on m’avait dit à l’époque que le type qui avait créé ce logiciel finirait par faire une vidéo où il sniffe de la poudre blanche entouré de strip-teaseuses pour expliquer comment désinstaller son propre programme, j’aurais cru qu’on me faisait une blague. Et pourtant… 10 millions de vues sur YouTube, un classique instantané du grand n’importe quoi (la vidéo est plus bas dans l’article).
John David McAfee est donc né le 18 septembre 1945 sur une base militaire américaine en Angleterre, à Cinderford dans le Gloucestershire pour être précis. Son père était un soldat américain alcoolique et violent, et sa mère une Britannique. Quand John avait 15 ans, son père s’est suicidé. Enfin, “suicidé”… Parce que dans le documentaire Netflix “Running With the Devil”, certains suggèrent que c’est peut-être le jeune John qui l’a buté en maquillant ça en suicide. Première controverse d’une longue, très longue série. Quoiqu’il en soit, y’a des débuts dans la vie plus tranquilles, j’vous dis.
Le petit John était visiblement précoce niveau cerveau. Diplômé en mathématiques de Roanoke College en 1967, il a été accepté pour faire un doctorat en maths à la Northeast Louisiana State College, mais il s’est fait virer.
La raison ? Il couchait avec une de ses étudiantes qu’il a d’ailleurs épousée par la suite (elle s’appelait Judy, première d’une longue série). À l’époque, un prof qui couche avec étudiante, c’était mal vu. Et aujourd’hui… bah c’est toujours mal vu, mais bon, c’était John McAfee quoi. Le mec avait déjà compris que les règles, c’était pour les autres. Puis on n’était pas à Amiens, c’est sûr.
Son premier job ? Programmeur à la NASA en 1968. Il avait donc à peine 23 ans et bossait à l’Institute for Space Studies de la NASA à New York City. Du coup, oui, il a participé au code d’Apollo 11, la mission qui a posé Armstrong et Aldrin sur la Lune en 1969. Pas mal comme ligne sur le CV !
– La mission Apollo 11 - McAfee a codé pour ce programme légendaireAprès la NASA (1968-1970), il a enchaîné les postes : Univac comme designer de logiciels, Xerox comme architecte de systèmes d’exploitation, Computer Sciences Corporation comme consultant en 1978, et même Missouri Pacific Railroad où il a développé un système de routage pour les trains. Mais attention, c’est là que ça commence à partir en vrille totale. Pendant qu’il développait son système ferroviaire, il développait aussi un goût prononcé pour le LSD, le DMT et autres hallucinogènes. Dans les années 70, il débarque alors dans la Silicon Valley, sautant de job en job, le tout en étant complètement défoncé H24. Il a même avoué plus tard avoir survécu à des overdoses de DMT qui l’ont laissé “déconnecté de la réalité pendant trois mois”. Sympa l’ambiance au bureau.
Et puis en 1986, alors qu’il bossait chez Lockheed (oui, les avions de chasse), quelqu’un lui a passé une copie du virus Brain. Pour vous situer, Brain c’était LE premier virus informatique qui s’est vraiment propagé dans la nature sur les PC MS-DOS. Créé par deux frères pakistanais, Basit et Amjad Farooq Alvi, c’était censé être un kill switch pour empêcher le piratage de leur logiciel médical. Sauf que le design était foireux et le truc s’est mis à se dupliquer partout. Et McAfee, au lieu de juste flipper comme tout le monde en voyant ça, il a surtout vu les dollars défiler devant ses yeux.
– Le virus Brain (1986) - Le déclencheur de l’empire McAfee (source)Du coup, il s’est posé sur son PC perso et en un jour et demi, il a pondu les bases de ce qui allait devenir McAfee Antivirus. Puis en 1987, il créé McAfee Associates Inc. et lance VirusScan, le tout premier antivirus commercial de l’histoire. Et là, coup de génie marketing, il le distribue gratuitement sur les BBS (les ancêtres d’Internet, pour les jeunes). Les particuliers pouvaient alors le télécharger gratos, mais les entreprises devaient payer une licence.
Son plan était machiavélique puisqu’il savait que les employés allaient installer le truc au bureau après l’avoir testé chez eux. Et ça a marché du feu de Dieu puisqu’en à peine 5 ans, la moitié des entreprises du Fortune 100 utilisaient son logiciel. Pendant la crise du virus Michelangelo en 1992, McAfee contrôlait alors 67% du marché des antivirus. Le mec gagnait 5 millions de dollars par an avec quasi zéro frais généraux, ce, qui est pas mal pour un ancien drogué de la NASA !
Et en 1994, il en a eu marre et il démissionne de sa propre boîte. Pourquoi ? “J’en avais ras le cul”, dira-t-il plus tard. En 1996, quand McAfee Associates entre en bourse, il vend toutes ses parts pour 100 millions de dollars. Intel rachètera la boîte pour 7,7 milliards en 2010 et aujourd’hui, l’entreprise vaut dans les 14 milliards. Mais John s’en foutait, il avait déjà encaissé et était passé à autre chose.
Après McAfee, il s’est lancé dans plein de projets. Il a co-fondé Tribal Voice qui a créé PowWow, un des premiers logiciels de messagerie instantanée (avant ICQ et MSN Messenger). Il a rejoint le conseil d’administration de Zone Labs (les créateurs de ZoneAlarm). Bref, il faisait du business, mais son cœur n’y était plus vraiment.
D’ailleurs, vous savez ce qu’il pensait de son propre antivirus ? Il le détestait ! En 2013, il a sorti une vidéo YouTube complètement barrée appelée “How to Uninstall McAfee Antivirus”. Dans cette vidéo de 2 minutes 34, on le voit sniffer de la poudre blanche (du Bath Salts, une drogue de synthèse, selon lui), boire du whisky, se faire déshabiller par des femmes en lingerie, manipuler des flingues, tout en expliquant pourquoi son logiciel est devenu un bloatware insupportable qui ralentit les PC. “C’est devenu trop lourd, trop intrusif”, qu’il disait. 10 millions de vues, instant classic du WTF total.
Après la crise financière de 2008, McAfee a perdu une grosse partie de sa fortune, passant de 100 millions à environ 4 millions. Il a vendu sa dernière propriété aux enchères en 2009, une baraque de 280 hectares au Nouveau-Mexique avec piste d’atterrissage privée, et s’est barré au Belize. Pourquoi le Belize ? “Les impôts”, qu’il a dit, mais en vrai, c’était surtout pour vivre comme un seigneur de guerre dans la jungle.
– Le Belize - Le paradis fiscal qui a viré au cauchemar pour McAfeeLà-bas, il s’est construit son propre quartier résidentiel clos et sécurisé dans la jungle sur l’île d’Ambergris Caye, a fondé la société (QuorumEx) pour explorer les propriétés antibiotiques des plantes tropicales. Le quorum sensing, pour les connaisseurs, qui consiste en gros à empêcher les bactéries de communiquer entre elles pour créer de nouveaux antibiotiques. Sauf qu’en parallèle, il fabriquait aussi de la MDPV (une drogue de synthèse super dangereuse) dans son labo et vivait entouré de gardes armés, avec un harem de très jeunes femmes (certaines mineures selon plusieurs témoignages), et passait son temps entre ses “recherches scientifiques” et la défonce totale.
Et en avril 2012, le Gang Suppression Unit (l’équivalent du RAID local) débarque chez lui pour le motif suivant : fabrication illégale de drogues et possession d’armes sans permis. Ils y trouvent de la chimie louche et un arsenal digne de Rambo et McAfee prétendra qu’ils cherchaient juste à lui extorquer du fric. Il est relâché après quelques jours, mais les autorités gardent un œil sur lui.
Et puis le 11 novembre 2012, c’est le drame. Son voisin américain, Gregory Faull, est retrouvé mort d’une balle dans la tête chez lui. La veille, les neuf chiens de McAfee avaient été empoisonnés. McAfee et Faull s’étaient disputés à propos de ces chiens justement et Faull se plaignait du bruit. Coïncidence ? La police du Belize n’y croit pas. McAfee devient alors immédiatement “personne d’intérêt” (le terme poli pour “suspect numéro 1”). Sa réaction est alors épique. Il enterre tout son cash dans le sable, se planque 12 heures dans une boîte en carton enterrée avec juste un trou pour respirer, puis se barre en courant vers le Guatemala !
Et sa fuite, c’est du grand n’importe quoi. Il invite deux journalistes de Vice à le suivre pour documenter sa cavale et Vice publie une photo sur iPhone avec les métadonnées GPS activées. Résultat : tout le monde sait qu’il est au Rio Dulce Lodge au Guatemala. Bravo les génies du journalisme gonzo !
– McAfee en fuite au Guatemala (2012) posant avec le journaliste de Vice - La cavale la plus médiatisée de l’histoireAu Guatemala, il tente de demander l’asile politique en se présentant comme victime de persécution. Refusé direct. Il se fait ensuite arrêter le 5 décembre pour entrée illégale dans le pays et là, coup de théâtre digne d’Hollywood : il simule une crise cardiaque pour éviter d’être renvoyé au Belize ! Il se roule par terre, bave, convulse, le grand jeu. Et ça marche ! Il est hospitalisé, puis expulsé vers les États-Unis le 12 décembre au lieu du Belize. Malin le vieux renard.
– John, incognitoDe retour aux USA, il atterrit à Miami. Première chose qu’il fait en débarquant ? Il rencontre Janice Dyson, une prostituée de 30 ans sa cadette et le lendemain, il l’épouse. Normal. “C’était le coup de foudre”, dira-t-il. Elle restera avec lui jusqu’à la fin, malgré tout le délire qui va suivre.
– Janice & JohnBon, l’histoire ne s’arrête pas là, loin de là puisque McAfee se lance dans la politique ! En 2016, il se présente aux primaires du Parti Libertarien pour la présidentielle américaine. Son programme ? Légalisation totale du cannabis, fin de la guerre contre la drogue, économie de marché libre sans aucune régulation, et surtout, SURTOUT, abolition de l’IRS (le fisc américain). Il avouera même sur Twitter en 2019 qu’il n’avait pas payé d’impôts depuis 8 ans. “La taxation, c’est du vol”, qu’il disait. Il finit alors 3ème des primaires avec 8% des voix.
En 2020, rebelote. Mais cette fois, sa campagne est encore plus délirante. Il la mène “en exil” depuis son yacht “The Great Mystery” (Le Grand Mystère) dans les eaux internationales, puis depuis Cuba où il prétend avoir des potes hauts placés. Il fait des conférences de presse sur Zoom depuis la haute mer, refuse tous les dons (“Je veux pas de votre argent sale”), et tweete des trucs de plus en plus barrés. Un jour, il défend même Che Guevara, ce qui pour un libertarien capitaliste, c’est un peu comme si le Pape défendait Satan. Et il finit avec moins de 1% des voix.
Mais c’est dans le domaine des cryptomonnaies que McAfee est devenu complètement légendaire. En juillet 2017, il prédit que le Bitcoin atteindrait 500 000 dollars fin 2020. Puis en novembre, il monte à 1 million. Et si ça n’arrivait pas ? Il mangerait alors ses propres parties génitales à la télé nationale. Oui, vous avez bien lu. “I will eat my dick on national television”, a-t-il tweeté. Le site dickening.com a même créé un compteur pour suivre si sa prédiction se réalisait.
Évidemment, ça n’est pas arrivé (Bitcoin a plafonné à 29 000$ fin 2020) et en janvier 2020, il traite le Bitcoin de “technologie ancienne et inutile” et avoue que sa prédiction était “totalement absurde”, juste un coup de pub. Mais entre-temps, il s’était reconverti en gourou crypto et lançait sa propre plateforme d’échange décentralisée (McAfeeDEX), sa propre crypto (GHOST), et surtout, il faisait la promo de dizaines d’ICO foireuses contre rémunération.
Il se faisait alors payer jusqu’à 105 000 dollars par tweet promotionnel sans le dire. Du pump and dump classique en somme… Il achetait des shitcoins, tweetait dessus pour faire monter le prix, puis revendait. La SEC (le gendarme de la bourse US) a calculé qu’il aurait gagné 23 millions de dollars avec ces arnaques. Résultat : inculpé pour fraude et conspiration en mars 2021.
Mais McAfee avait d’autres problèmes. En octobre 2020, il se fait arrêter à l’aéroport de Barcelone alors qu’il allait prendre un vol pour Istanbul. Motif : évasion fiscale. Les États-Unis voulaient le récupérer pour ne pas avoir déclaré ses millions de revenus entre 2014 et 2018 et il risque alors 30 ans de prison.
Pendant ses huit mois de détention au centre pénitentiaire Brians 2 près de Barcelone, il continuait à tweeter des trucs délirants via sa femme. Il avait fait tatouer “$WHACKD” sur son bras avec ce message : “Si je me suicide, c’est pas moi. On m’aura buté.” et répétait qu’il avait des infos sur des gens puissants, que la CIA voulait sa peau, etc…
– Le fameux tatouage “$WHACKD” - McAfee savait-il ce qui l’attendait ?Le 23 juin 2021, la justice espagnole approuve son extradition vers les USA et quelques heures plus tard, vers 13h heure locale, John McAfee est retrouvé mort dans sa cellule, pendu avec sa ceinture selon les autorités. Il avait 75 ans. Le personnel de sécurité a tenté de le réanimer, en vain.
Et évidemment, ça a déclenché une tempête de théories du complot. Sa femme Janice n’y croit pas une seconde : “John était un combattant, pas un lâche.” Elle pointe les incohérences : il venait de parler à son avocat, était optimiste sur ses chances en appel. Son dernier tweet du 16 juin disait : “Il n’y a rien d’autre que l’imagination pour m’empêcher d’avoir tout ce que je veux dans la vie.”
Certains se rappellent alors de son tweet de 2019 : “Si je me pends à la Epstein, ce sera pas un suicide.” D’autres notent que sa crypto $WHACKD s’est envolée de 700% après sa mort (manipulation post-mortem ?). Sa copine du Belize, Samantha Herrera, prétend également avoir reçu un appel de quelqu’un disant être John et vivre au Texas. Les autorités espagnoles maintiennent : suicide par pendaison, dossier classé.
Alors, suicide ou assassinat ? On ne le saura probablement jamais. Ce qui est sûr, c’est que John McAfee était un personnage unique. Génial et complètement barré. Pionnier de la cybersécurité et criminel en fuite. Millionnaire et clochard. Prophète et arnaqueur. Il incarnait tous les extrêmes de l’esprit libertarien de la Silicon Valley poussés à leur paroxysme.
Il prétendait avoir 47 enfants avec des dizaines de femmes, collectionnait les armes et a survécu à des overdoses qui auraient tué n’importe qui. Il jouait de la flûte en slip quand la police venait l’arrêter, portait des strings en dentelle en guise de masque pendant le COVID car, je cite, “Plus confortable qu’un masque normal” et il a investi des millions dans des recherches légitimes sur les antibiotiques tout en cuisinant de la meth dans sa jungle. McAfee représentait tout ce qu’il y a de plus extrême dans la mentalité “Move Fast and Break Things”. Pas de règles, pas de limites, juste une quête perpétuelle de liberté absolue, peu importe le prix. Il détestait tellement les impôts qu’il préférait vivre en fugitif et haïssait tellement l’autorité qu’il a fini sa vie en prison.
Aujourd’hui, McAfee l’entreprise existe toujours, rachetée par un fonds d’investissement et des millions de PC dans le monde tournent encore avec une version de son antivirus. McAfee l’homme est devenu une légende, un mythe, et un avertissement sur ce qui arrive quand le génie rencontre la folie et qu’on leur file en plus 100 millions de dollars. Ça dérape !
Bref, repose en paix, John. Ou pas, si t’es vraiment planqué au Texas comme certains le pensent. Dans tous les cas, merci pour l’antivirus et merci de nous avoir montré jusqu’où peut aller la folie humaine quand elle a les moyens de ses ambitions.
– Source :
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Qui n’a pas installé McAfee dans son pc auparavant donc dès que j’ai entendu qu’il était poursuivi, j’ai suivi son parcours hors du commun digne d’un long métrage à suspens (jusqu’à sa mort qui est un mystère absolu
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Na faîtes pas ça chez vous!
enfin si, mais ne vous filmez pas.
Sinon, jamais utilisé, avant Windows defender, je me contentais de cet antivirus gratuit dont j’ai oublié le nom, qui quémandait au fil de son évolution de plus en plus souvent sa version pro.
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En 2000 dès que je me suis abonné sur le net, j’étais très Norton et mc afee puis j’étais passé sur Bitfefender pour finir avec Windows Defender depuis que M$ l’a implémenté ^^
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rhaaaaaaaa mc afee et ses mises à jour de 3 mo qui mettaient la nuit à arriver lol