Après des semaines de sécheresse, demain, on espère que ça sentira enfin la pluie ! Au sens propre comme au figuré ! Enfin peut-être pas partout, mais on a un petit espoir…
Un front orageux étant prévu pour cette fin de semaine, les sols très secs devraient dès les premières gouttes nous permettre d’humer cette odeur familière, généralement appréciée, au parfum terreux et légèrement humide. Les occasions de la sentir cet été ont été rares. Saviez-vous que cette odeur a même un nom ? Pétrichor !
Si ce terme vous est moins familier que l’odeur elle-même, c’est probablement normal : peut-être qu’il n’existait même pas encore lorsque les plus anciens de nos lecteurs se trouvaient sur les bancs d’école. En effet, le terme pétrichor a seulement été introduit en 1964 par deux scientifiques australiens, Isabel Bear et Richard Thomas (Nature 993/2), qui dénommaient ainsi le liquide huileux qui coule de certaines roches pendant les périodes sèches, et qui, après la pluie, dégage une odeur agréable.
Il a ensuite été généralisé par l’usage à l’odeur de la terre après la pluie. Il est formé à partir du grec “petros”, pierre et "ichor*, le sang des dieux et des immortels dans la mythologie grecque.
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Les gouttes de pluie sont faites d’eau, c’est-à-dire de H2O, et celle-ci est connue pour être inodore. Cependant, après une période sèche, seules quelques gouttes de pluie suffisent que cette « odeur de pluie » se dégage de la terre.
Lors d’une longue période de temps sec, les plantes sécrètent certaines huiles essentielles qui empêchent les autres plantes environnantes de pousser. Cela leur donne un avantage dans les phases de pénurie d’eau. Les huiles ne sont pas seulement absorbées par les plantes, mais aussi par le sol. Là, elles sont stockées puis relâchées quand il pleut.
En plus de l’huile d’origine végétale, les bactéries dans le sol sont également responsables de l’odeur. Elles se retirent pendant les périodes de sécheresse et réduisent en quelque sorte leur « métabolisme ». Quand il commence à pleuvoir, les bactéries redeviennent actives et sécrètent, entre autres, une substance odorante terreuse, la géosmine. C’est une molécule alcoolique que nous pouvons percevoir même en très faibles quantités. Enfin, c’est la combinaison de cette géosmine et des huiles essentielles des plantes qui donne l’odeur de pétrichor.
La composition de l’odeur est donc connue depuis un certain temps. Jusqu’à ces dernières années, cependant, on ne savait pas exactement comment les substances pénètrent dans l’air. Ce n’est qu’en 2015 que des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) se sont chargés de cette tâche et ont étudié plus en détail la mécanique responsable de l’odeur de la pluie.
A l’aide de caméras à grande vitesse, ils ont pu mettre en évidence le phénomène suivant : lorsque les gouttes de pluie frappent un sol poussiéreux, de petites bulles d’air se forment dans lesquelles les minuscules particules refermant l’odeur sont piégées.
Ces bulles éclatent rapidement et même un faible courant d’air ou une turbulence de l’air suffit à répandre leur arôme dans l’air. On retrouve ce même effet quand on ouvre une bouteille de vin mousseux ou de boisson gazeuse : l’acide carbonique remonte, éclate à la surface et s’échappe en entraînant avec lui les arômes.
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L’intensité du pétrichor dépend de la porosité et de l’humidité du sol. Si le sol a de nombreuses cavités et qu’il est très sec, cela favorise une forte odeur de pluie. La meilleure condition préalable est une pluie légère, qui tombe sur un sol à pores fins et sec comme par exemple un sol poussiéreux, dans laquelle de nombreuses particules peuvent se dissoudre. Si, en revanche, il pleut très fortement, le sol est rapidement trempé et une couche d’eau recouvre le sol, à travers laquelle plus aucune bulle d’air ne peut monter.
Parfois, on peut sentir le pétrichor quelque temps avant l’arrivée de la pluie et même si on ne se retrouve que dans le vent d’orages qui se situent à proximité.
Pour terminer, une anecdote amusante : comme la plupart des gens trouvent le parfum de la pluie agréable, cette odeur est commercialisée comme huile de parfum pour une utilisation dans les bougies, les boules de bain ou comme ajout dans les humidificateurs. Il existe même une eau de parfum à ce nom imitant l’odeur.