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    INTERVIEW & PHOTO: JEREMIE MARCHETTI

    Western psyché qui aurait chuté dans un pot de peinture, odyssée femme/femme qui patauge dans la gadoue et dark fantaisie aux couleurs du crépuscule, After Blue de Bertrand Mandico (en salles le 16 février) se fraye enfin un chemin dans les salles à pas de loup. Et comme il est de coutume, nous avons voulu tout savoir ou presque sur ce qu’il y avait avant le bleu… et après.

    After Blue et Conan la Barbare (toujours en cours) ont traversé deux années très mouvementées. Tout cela a t-il pu se passer comme prévu ou as-tu rencontré quelques embûches?

    Des embûches inhérentes au cinéma, mais j’ai tourné After Blue in extremis juste avant le premier confinement. Cela correspondait à ma période de montage, on a plongé en apnée dans les images, sur une autre planète. Ça n’a pas empêché certaines péripéties humaines durant le montage.

    Comme tout le monde, j’ai mal vécu le confinement, du moins j’ai été oppressé par le contexte mortifère et l’autoritarisme qui s’est mis en place. Je m’évadais dans ma fantaisie d’anticipation: surpris de voir des liens assez forts entre ce qu’on était en train de traverser et le sous-texte de mon film (virus, écologie, repli communautaire etc.). La vague suivante, c’était durant les finitions d’After Blue et… la gestation du projet Conan la Barbare.

    Là, malgré des répétitions et la construction de décors au Théâtre des Amandiers, sa représentation théâtrale – l’acte 1 du projet, avant le film – a été finalement rendue impossible (en plein 2ᵉ confinement). Le projet s’est transformé en corpus de films. Avec toujours d’étranges échos avec «l’actualité». Je viens de finir de tourner la partie long-métrage de Conan la Barbare et je suis à nouveau en montage, pour un long moment. Donc on peut dire que j’ai eu la chance de pouvoir m’enfouir dans le travail de manière compulsive, dans des mondes fantaisistes qui rentraient étrangement en résonance avec ce que l’on vivait.

    Tu évoques le tournage de After Blue un peu comme ton Apocalypse Now…

    Les lieux de tournages étaient très complexes: on a pourtant tourné en France, en Aquitaine, mais en hiver, en extérieur, dans les endroits les plus sauvages que j’ai pu trouver à une période où la météo était vraiment déchainée. Sur des plages balayées par des fortes intempéries, des forêts avec des pluies diluviennes, dans des anciennes carrières d’ardoises tranchantes jonchées de fosses abyssales, dans des gorges englouties par les eaux; bref, là où on évite de mettre une caméra, une équipe et surtout des actrices…

    On s’appuyait sur des décors préexistants difficiles d’accès, pour y ajouter des constructions extra-terrestres. Nous étions comme sur un bateau ivre pris dans notre océan filmique. Il y a eu aussi les difficultés financières inhérentes à un film d’auteur qui a obtenu des financements de films d’auteurs, et il a fallu alors démultiplier les idées, décupler l’énergie des interprètes, des équipes techniques pour être à la hauteur de nos ambitions. Inventer un prototype onirique. La prise de risque fut énorme pour tout le monde.

    Et justement par rapport à ces restrictions, est-ce que tu as dû sacrifier un peu certaines visions d’After Blue, qu’il s’agisse de paysages ou de créatures, ou au contraire tu as choisi d’aller plus du côté de l’évocation?

    J’ai fait des arrangements avec mon imaginaire et j’ai surfé sur l’impossible. Vu que je n’aime pas recourir à de la post-production pour les effets, tout devait se matérialiser au tournage, sans gommer les fils ou autres coutures. Il a fallu faire en sorte que ça fonctionne, que la sauce prenne, que l’univers s’incarne de façon viscérale. Je me suis contraint par endroits et déployé par ailleurs. J’ai créé un dogme esthétique et ça m’a aidé à trouver la teneur et le rythme du film.

    After Blue a pris le contrôle sur nous tous, le film nous dictait sa loi, il nous a englouti. Nous étions tous sur comme une autre planète. Je suis passé par des moments de doute absolu et des états seconds étourdissants durant la fabrication, surtout la première partie, de tournage en extérieur. Le travail était intense, exigeant. Lorsque l’on est passé en studio (des entrepôts dans la campagne briviste, que l’on surnommait Ecce-citta), il a fallu reproduire et prolonger des extérieurs, les raccorder avec ce que l’on avait filmé, comme le village par exemple…

    Le jeu étant de créer un univers cohérent, exubérant, singulier et jamais parodique. Le film ne cesse de jongler entre studio et décors naturel travaillé, le tout dans la recherche d’une fluidité…

    Après Living Still Life et Ultra-Pulpe, c’est la troisième fois que tu tournes en Scope.

    Pour Living Still Life, c’était un vrai Scope anamorphique, là, c’est ce qu’on appelle le Scope du pauvre, on utilise la moitié du photogramme 35mm, deux perforations, comme le faisaient les Italiens. Format que j’avais utilisé pour Ultra-Pulpe, Extazus et ensuite pour Conan. C’est un format que j’ai appris à aimer, même s’il me donne du fil à retordre pour cadrer. Orson Welles disait que le Scope était juste bon pour filmer les serpents, il avait raison…

    Et je m’évertue à chercher la part reptilienne qui sommeille dans les personnages, les visages, les corps, j’aime les filmer qui glissent et rampent dans les décors, les voir perdre leur mue… C’est le format du sommeil, du rêve et de l’érotisme: ça oblige les acteurs et les actrices à se coucher pour être de plain-pied.

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    Il y a les renvois à Zulawski, et plus particulièrement à son film de SF Sur le globe d’argent, aux peintures de Beksiński, la nationalité des personnages de Roxy et de Kate qui est mise en avant… Est-ce qu’After Blue était pensé comme une lettre d’amour à la Pologne et à sa culture?

    Ce fut surtout le cas avec Boro in the Box, la Pologne irriguait le film. Mais pour After Blue (Paradis Sale), ça reste inconscient. J’ai bien sûr invoqué le fiévreux Sur le Globe d’argent, le cinéma de l’Est et ses visions, en poussant l’Est jusqu’au Japon… Ce qui m’intéresse, c’est la convocation d’une imagerie fantaisiste atypique. Oublier l’académisme nord américain et les lieux communs de la SF qui sclérosent l’imaginaire. Je suis allé voir ailleurs pour m’ouvrir l’esprit, chez Zulawski et Has en Pologne, Fassbinder en Allemagne, Tarkovski et Klimov en Russie, Kobayashi et Miyazaki au Japon…

    De la même façon, je trouvais primordial qu’il y ait des personnages, venus d’ailleurs, assumant leurs accents pour éviter l’idée d’une autarcie française, rance et malvenue. Rien de plus beau qu’un accent, il témoigne d’une non-appartenance, d’un déracinement. Les déracinés font avancer le monde, les enracinés l’empoisonnent. Et sur une autre planète le déracinement est absolu.

    Ce qui me fait penser à une référence pour After Blue: un film tchèque, Fin Août à l’Hôtel Ozone (Jan Schmidt, 1967)
    Il y est aussi question de femmes déracinées, errant dans un monde apocalyptique, dans la nature sauvage, sans hommes, avec une esthétique proche du western. Un très beau film en noir et blanc, malheureusement méconnu. J’avais aussi en tête deux cinéastes anglais, John Boorman et Nicolas Roeg, qui sont des cinéastes que j’affectionne tout particulièrement et qui ont chacun dans leur style abordé la fantaisie et la science-fiction de façon panthéiste et iconique.

    Pour le personnage de Kate Bush, tu es allé chercher Agata Buzek, qui a une présence très forte, très étrange, presque reptilienne. Quel a été ton cheminement pour ce personnage, qui ne ressemble justement pas du tout à la chanteuse?

    Il fallait que ce soit un personnage aussi inquiétant que fascinant, que l’on puisse basculer dans son regard, comme dans un puits, qu’on comprenne l’attraction et la terreur que l’héroïne ressent pour elle. Je voulais un type de beauté vénéneuse : mon cahier des charges c’était Bowie, Kinski, Veruschka… J’ai beaucoup cherché, j’ai vu beaucoup d’actrices intéressantes: il a même été question que ce soit Julia Lanoë/ Rebecca Warrior (qui a fait des essais extras).

    Quant à Agata, je l’avais rencontré bien avant, je l’avais vue dans des pièces de Warlikowski, je n’avais plus de nouvelles et elle est revenue vers moi au moment où il fallait que je tranche, ç’a été une évidence au moment des essais, elle a une puissance extra-terrestre. Un jeu énigmatique avec un tempo très atypique. Elle fait d’ailleurs une «Conan» assez terrifiante dans Conan la Barbare.

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    C’est un personnage qu’on sent volontairement mystérieux, assez pour provoquer ce sillage de fantasmes qu’elle laisse derrière elle…

    Elle devait impressionner durablement. Le vrai patronyme du personnage est Katharina Buschkowsky… Kate Bush est un diminutif qui résonne de façon déroutante, dans l’esprit du spectateur, un résidu de la culture pop dans un monde lointain. Le personnage est une figure qui emprunte à des personnages de la mythologie ou des contes: la Sphinge vorace parlant par énigme ou le génie cruel accordant trois souhaits à qui le délivrera de son enfermement. Kate Bush se sent porteuse d’une mission, surnaturelle, mais dans le fond, son ambition destructrice la rend terriblement humaine.

    C’est un personnage composé de nombreuses strates, tout comme le film… dans lequel sommeille un film fantôme… Elle, elle a un pied dans le monde des morts. À l’origine, il y a quelques années (plus de 17 ans), j’avais écrit un western avec tous les personnages présents dans le film, la même intrigue, la même dynamique, mais à l’opposé du point de vue de la représentation sexuelle. Il n’y avait que des hommes et une seule femme, et celui qui devait incarner le personnage de Kate Bush était Guillaume Depardieu, intense et très engagé dans le projet. Il y avait aussi Katerina Golubeva, qui était une amie. Nous avions fait des essais, je voulais lui faire jouer le rôle principal d’un homme, elle était époustouflante en garçon. Il y avait également Tina Aumont, Maurice Garrel…

    Bref, mon projet a tardé à se faire, j’ai vu quasiment toute la distribution disparaitre, toutes ces personnes que j’aimais beaucoup. Il y a donc eu le deuil d’un projet, le deuil d’acteurs inspirants. Je pensais ne jamais réaliser ce film. Puis, après Les garçons sauvages, j’ai opéré une mutation du script, la transposition du récit dans un monde de fantaisie, de SF aux allures de western au féminin. Malgré le changement de sexe de tous les personnages, je n’ai pas modifié d’un pouce leurs personnalités, c’était très important pour moi ce côté transgenre, en conservant les mots et les caractères initiaux. La nouvelle strate du film, et non la moindre, fut la présence du monde des morts dans le film. Avec tous les fantômes de l’ancien projet, je ne pouvais pas faire autre chose que construire une Chambre verte.

    Il y a un autre personnage qui impressionne dès son entrée, tellement qu’on imaginerait presque un film bien à elle: c’est Veronica Sternberg (incarnée par Vimala Pons). Elle m’évoque beaucoup Sasori et Marilu Tolo dans le Barbe-Bleue de Dmytrik…

    Les vrais modèles sont Josef Von Sternberg et surtout Leonor Fini, peintre sorcière, diva croqueuse d’hommes, toujours affublée de tenues excentriques et de chapeaux surréels. Elle vivait ses étés recluse dans un ancien monastère corse, accessible qu’en bateau. C’est vraiment elle que j’ai convoquée pour créer le personnage de Vimala. La femme Scorpion aussi pour l’austérité de la grande silhouette noire et son chapeau porté comme une vague mortelle, mais aussi les manteaux en fourrure du Grand Silence.

    La fourrure me fait penser d’ailleurs aux westerns américains dépressifs et tardifs, qui m’ont marqués, avec ses beautiful losers, comme ceux dans McCabe & Mrs. Miller, mais c’était plus une référence pour le personnage d’Elina. Veronica Sternberg tient donc aussi son nom de Josef Von Sternberg. Comme lui, elle est artiste incandescente, insupportable pour certains, ambiguë pour d’autres. Von Sternberg enfermait ses héroïnes fatales aux destins brisés dans des décors baroques. Veronica enferme sa/son muse dans son monde. Vimala a su incarner ce personnage iconoclaste avec brio et émotion.

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    Chose assez rare au cinéma, il y a deux voix-off qui se chevauchent, celle de Paula Luna et celle, toujours très marquante de Nathalie Richard, qui est une actrice qu’on a toujours entendu/vu trop peu à mon sens.

    Pour moi, c’est une héritière de Delphine Seyrig, mais Nathalie reste unique. C’est une personnalité très forte, charismatique et c’était important d’avoir cette voix hypnotique en ouverture du film. Et construire le off sur la forme de l’interrogatoire, pour casser l’archétype usuel de la voix off. Dans le film, Nathalie, c’est «la vérité»: on ne sait pas d’où elle vient. Est-ce un juge dans le monde des morts, une intelligence extra-terrestre, une autorité terrienne, ou est-ce un produit de synthèse comme HAL?…

    Dans le choix de cette voix, il y a aussi le souvenir de Max Von Sydow au début de Europa, avec cette hypnose vocale et ferroviaire… Mais l’hypnose passe aussi par la succession de visages féminins, jusqu’à celui de Paula Luna. Qui va accrocher les esprits, par son jeu, sa candeur. Je voulais une actrice capable de regarder le spectateur dans les yeux, une actrice inconnue donnant l’impression d’avoir toujours existé. Paula a une énergie de vie et une jeunesse qui emportent le récit. Là où Elina joue dans un tout autre registre, mère courage/père lâche, engageant son corps dans l’aventure, nimbant son personnage d’humour désespéré, déroutant, marchant au bord du mélodrame, comme on marche au bord d’un précipice.

    Alors que la SF va toujours plus vers une représentation de plus en plus aseptisée, After Blue revient vers une vision plus organique qui était très répandue durant la génération Métal Hurlant. Déjà au moment de Ultra-Pulpe, tu parlais de revenir vers une SF sans ordinateurs.

    Donner des visions futuristes, sans les machines qui encombrent nos esprits, nos mains, nos yeux et nos oreilles. Les machines vont sans doute devenir obsolètes, parce qu’on sera passé à d’autres formes de technologies, on aura des données effervescentes, buvables ou à inhaler. Les jeux chimiques seront directement connectés à nos organes. La communication se fera sans avoir tenu un écran entre les doigts, mais juste en battant des paupières… Ou alors, on sera dans le rejet total des technologies.

    Qui sait, mais pourquoi se contraindre à imaginer une technologie encombrante. Je voulais m’affranchir de certains éléments qui alourdissent les films et font patiner la narration dans un encombrement de données, du techno-verbiage… Et puis il y a l’envie de revenir à l’origine de la SF, ou du moins la SF moderne des années 70. Et son formalisme qui découlait du surréalisme, de l’abstraction ou du symbolisme.

    On voit l’influence des paysages de Max Ernst chez Ballard ou des peintures de Gustave Moreau chez Druillet. Toute cette génération de dessinateurs, d’écrivains, s’est nourrie de l’imaginaire des avant-gardes pour faire exploser l’univers visuel de la SF et ouvrir la porte des visions oniriques. Tout cela a fini par se codifier, dériver se rétrécir et créer une doxa. Quand on voit des films de SF aujourd’hui, il y a toujours les mêmes vaisseaux spatiaux qui passent au-dessus de la caméra avec les mêmes réacteurs…

    Il y a souvent des variations dans le design, mais on reste sur les mêmes figures imposées. J’ai voulu jouer avec la SF, en la combinant avec des influences plastiques contemporaines, le western, l’heroic fantasy, fuir au maximum certaines figures de styles, renouer avec un cinéma trip sensoriel, émotionnel, sexué, le moins «netflixé» possible.

    Tes films sont essentiellement dominés par des actrices. Est-ce que, sans doute comme tu l’avais projeté pour ton western fantôme – T’imagines-tu ne diriger que des comédiens masculins?

    Je n’ai pas fait le vœu de filmer uniquement des actrices. Mais il est vrai que je me suis toujours rêvé, non pas comme un acteur, mais comme une actrice. J’en tire une fascination très Camp, mais un Camp romantique et 1er degré, pas le Camp de l’ironie grotesque. Ce qui me touche chez les actrices: c’est cette idée qu’il est inscrit dans leur ADN artistique, que tout sera toujours plus difficile pour elles que pour les hommes et que leur carrière sera peut-être plus éphémère, car les rôles intéressants proposés aux actrices murissantes se réduisent comme une peau de chagrin.

    Donc, il y a ce plaisir, pour moi, de leur offrir des rôles atypiques, autres, de jouer avec leur image, leur tragédie et autodérision, les transformer de film en film… Mais je ne veux pas faire de généralités, et il y a plein d’acteurs qui me touchent, que je considère d’ailleurs comme de grandes actrices !

    La BO des Garçons Sauvages avait quelque chose de vaporeux, magique et menaçant. Pour Ultra-Pulpe, on était un peu dans l’explosion mélancolique. Mais ici, il y a un sens de l’épique et du grandiose qui détonne totalement. Quelles étaient tes indications à ton compositeur Pierre Desprats?

    Chaque film est un prototype et l’idée avec Pierre était d’aller vers une musique qui pouvait supporter une fresque épique et ésotérique. Donner corps à la planète, au monde des morts, au désarroi des personnages, à leurs pulsions, magnifier les rencontres. On passe avec Pierre par des étapes contradictoires lorsque l’on travaille ensemble, il y a des fausses pistes, des recherches multiples, avant de s’accorder sur le style musical. Je vois la musique comme de l’eau, une rivière qui vient couler sur les roches que sont les plans et qui emporte le spectateur.

    Je donne à Pierre bien sûr des références musicales: musique de films, westerns, morceaux classiques et tubes pop. Ou des indications rythmiques pour certaines séquences: Boléro, montée des chœurs, percussions, le souvenir d’une intro sur un morceau italien… Je démonte sa musique au montage son et Pierre reprise ensuite, réorchestre le tout.

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    Tu joues pas mal avec la pilosité de tes personnages féminins, qui se rasent le cou comme on se taille la barbe. Il y avait une volonté de se moquer un peu du côté très hygiénique des films de sf ou de post-nuke? Des diktats actuels aussi?

    Le poil était très présent dans les western italiens, on peut même dire que le poil et la dilatation des séquences de duel, ont marqué la rupture formelle entre le western européen et le western made in USA. Je voulais que les personnages aient une pilosité extra-terrestre sur After Blue. J’ai eu l’idée de poils qui pousseraient à l’intérieur du corps des hommes (provocant leur mort) et ne pousseraient que dans le cou, ou de façon outrancière sur un bras, une épaule chez les femmes sans pouvoir y remédier.

    Il n’y a que les «porteuses d’ovaires» qui survivent sur cette planète aux règles arbitraires et injustes. J’ai commencé à réfléchir à une esthétique du poil inédite, presque comme un bijou, une ornementation… Les parures de poils viennent se perdre dans les fourrures que portent les personnages. L’alternance de glabre et d’îlots de poils est toujours très troublant, comme un jardin à l’anglaise. Je trouve le poil, beau, progressiste, vecteur de possibilités esthétiques et libertaires, tout autant notre part animale que végétale. Il irise la lumière alors que la peau boit la lumière. Et le corps doit pouvoir se montrer et être goûté, assumé dans tous ses états. Ce qui importe pour moi, c’est de casser les conventions esthétiques et les diktats du genre.

    SOURCE: Chaos Reign.fr