[Memories] Doom Generation
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[DOOM GENERATION] Gregg Araki, 1995
Gregg Araki reste connu pour sa trilogie teen trash des années 90 où des adolescents libertaires cherchaient à fuir des fantômes réacs. Le plus célèbre des trois reste Doom Generation. Un film Nine Inch Nails. En son temps, un choc.
Première image de Doom Generation: un mec (James Duval) se déhanche en boîte sous une lumière stroboscopique et succombe à la tentation d’un morceau de Nine Inch Nails. Plus loin, dans des décors bleutés et rougeoyants comme l’enfer lugubre, une fille (Rose McGowan), cigarette au bec, l’air de s’ennuyer sévère, traîne sa moue et ne semble guère sensible à la douce poésie qui émane de cette musique mortelle. Elle oblige son mec à quitter les lieux. Sur le parking, alors qu’ils viennent de prendre la bagnole, ils tombent sur Xavier, cow-boy impulsif et provocateur, démon du désir qui va titiller chez eux tout plein de sentiments équivoques.
Ainsi roule le road-movie infernal de Doom Generation qui propose sous son air désinvolte et nihiliste une vraie quête identitaire où des adolescents blasés, pas totalement en phase avec l’existence, attendent de se confronter au mal (le vrai) pour grandir, enfin. L’idée de ce film convulsif consiste à montrer des enfants immatures dans des corps d’adultes. Le récit tout en oppositions contradictoires pourrait tenir sur un bout de confetti mais peu importe: l’enthousiasme du réalisateur et de ses nouveaux Bonnie & Clyde (on change le schéma hétéro par un trio bisexuel pour présenter le visage de la nouvelle Amérique) overdosés de culture junk food fait qu’on regarde sans se poser de questions un objet fracassant la gueule au politiquement correct, aux conventions bon teint et aux biens pensants moralisateurs. Allez tous bien vous faire foutre, en gros.
Un trip en enfer avec, aussi, surtout, une scène finale très douloureuse pour le pauvre James Duval qui a retrouvé depuis, que l’on se rassure, un appétit sexuel et le goût des fantasmes tordus. Il faut voir pour comprendre le prologue de Nowhere qui fonctionne selon le système de Kubrick voulant que les débuts de ses nouveaux films soient intimement connectés aux fins de ses précédents. Avant, Gregg Araki aura bien fantasmé sur James Duval comme Paul Morrissey en son temps fantasmait sur Joe Dallesandro et le propulse nouvelle icône trash (gueule d’ange se roulant dans le trash) dans une autre trilogie générationnelle. Figure de pureté perdue dans un monde ordurier et absurde à la Lewis Caroll entre rêve et réalité devient alors un Candide rebelle et marginal paumé chez les monstres américains (il suffit de voir à quel point le monde peut être surprenant comme hostile) et pourchassé par les fantômes de l’intégrisme (KKK, fachos, FBI). Assimilée par beaucoup à l’époque comme la copine de Sydney Prescott dans Scream, Rose McGowan, géniale en nana insatisfaite, démontre présentement qu’elle est moins une actrice tarte que l’ex-petite amie de Marylin Manson (pas étonnant alors que Doom Generation s’inscrive dans la mouvance gothique).
Dans sa peinture d’une génération no future qui n’arrive plus à vivre à fond ses fantasmes, Araki, éternel ado atteint du syndrome Peter Pan, filme ses scènes avec une nostalgie Proustienne, tirant gentiment le trait sur une époque désormais révolue, annonçant une vraie désillusion de la fin des années Preuve que, derrière la coolitude apparente de son cinéma, s’élève un discours pour défendre les causes marginales, fustigeant les réacs et autres monstres amerloques qui brident toutes les libertés. A chaque fois, en regardant ses films, on a la même descente mélancolique et la même montée émotionnelle: l’impression de grandir en même temps que les personnages ou de prendre de la hauteur.
– Source : https://www.chaosreign.fr/doom-generation-gregg-araki-1995/
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C’est grâce à ce film que j’ai découvert l’univers de Gregg Araki et j’ai adoré.
J’ai ensuite bouffé toute sa filmographie !!Dans les inconditionnels, on pourrait citer Totally F*******ed Up, Nowhere, Mysterious Skin, White Bird…
J’ai moins aimé son Smiley Face même si non dénué d’intérêt.Kaboom est aussi très très bien et sa série méconnue (sauf pour les connaisseurs) Now Apocalypse m’a fait hurler de rire
Si vous ne connaissez pas et que vous aimez la comédie, le déjanté, le sexe et le trash… GO GO GO