Depuis 2016, le producteur insufflait énergie et pédagogie à la quotidienne scientifique de France Culture. À 46 ans, il met fin à son activité sur les ondes et nous explique les raisons qui l’ont poussé à faire ce choix. Entretien.
Du fonctionnement d’un accélérateur de particules au lien entre microbiote et cerveau, tout semble l’intéresser. Pendant six ans, avec un appétit et un sens de la pédagogie intacts, Nicolas Martin, 46 ans, a animé La méthode scientifique sur France Culture. Il quitte les ondes au mois d’août, a-t-il annoncé dans Libération. Cet ancien prof de lettres, reconverti dans le journalisme, a débuté sur France Bleu Béarn il y a vingt ans, avant d’officier à France Inter puis de rejoindre France Culture. « La radio que j’aime et que je veux faire est littéraire », nous disait-il en 2020. Le producteur, que l’on entendra notamment en juillet dans Infiniment (samedi et dimanche à 18h15, sur France Culture), revient sur ces années enthousiasmantes et détaille les raisons de son départ.
Pourquoi abandonner l’antenne ? J’ai été en arrêt maladie pendant quatre mois l’automne dernier. C’était un indice… Au départ, je ne souhaitais pas étaler ma situation personnelle sur la place publique. Et puis je me suis dit que c’était important d’expliquer les choses. Je pars parce que mes problèmes de santé sont devenus trop importants, et ne sont plus compatibles avec le niveau de stress et le rythme qu’impose la radio. Ce choix n’a pas été facile. Je ne vais pas travailler pour un autre média, ou une autre station. J’ai besoin de changer de vie et de me préserver. Quand le corps parle, il faut l’écouter.
Quel regard portez-vous sur La méthode scientifique ? Je suis fier notamment de laisser la même équipe se lancer sur un nouveau projet. C’est peu fréquent à la radio ; en général quand un producteur part l’équipe se défait. Là, elle reste soudée : Natacha Triou [qui présentait Le journal des sciences, ndlr] produira une nouvelle émission scientifique à la rentrée, et Antoine Beauchamp en sera le rédacteur en chef. J’étais la voix, l’incarnation de La méthode, mais il s’est toujours agi d’un travail collectif, je n’aurais rien pu faire seul.
Quel était le projet initial de l’émission en 2016 ? Sandrine Treiner, la directrice de la chaîne, m’avait proposé de remplacer la case des sciences, occupée par des producteurs tournants, par une émission unique regroupant tous les domaines scientifiques. Le but était de faire de la science qui parlerait à la fois aux terminales, aux étudiants et aux scientifiques eux-mêmes. Sur le moment, on nous a accusés de refaire La tête au carré [l’émission qu’animait Mathieu Vidard sur France Inter, ndlr]. Mais ces deux programmes étaient complémentaires, et non similaires. Au fil des années, j’ai pris de l’assurance et trouvé ma place, en traitant de science un peu complexe avec le sourire, en appuyant mon côté saltimbanque pour montrer qu’on peut apprendre en s’amusant.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué pendant ces années à France Culture ? J’ai été beaucoup touché la semaine dernière par la disparition d’Yves Coppens, qui fut le parrain de La méthode scientifique. J’ai réécouté cette première émission avec beaucoup d’émotion. Pendant la crise sanitaire, j’ai été très affecté par les réactions aux Radiographies du coronavirus [un point sur l’avancée de la recherche, diffusée quotidiennement au printemps 2020 dans Les matins, ndlr]. J’ai reçu une volée de mails insultants, homophobes, dégoûtants. Il y a même eu une espèce de lutte sur ma page Wikipédia, certains rédacteurs y postaient des choses dégueulasses. Je ne pensais pas récolter cela alors que j’essayais de faire un travail sérieux.
Cet été, vous rempilez pour une deuxième saison d’Infiniment, sur France Culture… C’est une autre façon, plus poétique et évocatrice, de raconter la science. Une forme d’invitation au voyage avec des explorateurs et des aventuriers, des déserts aux forêts amazoniennes. On y expliquera l’infiniment aride et l’infiniment humide, ou encore l’infiniment sombre et l’infiniment lumineux. Avec le réalisateur Olivier Bétard, nous avons travaillé main dans la main pour trouver des notes de musiques oniriques à placer sous la parole de nos invités. Dans la chronique Un été dans les étoiles (lundi à vendredi à 7h20), je raconterai la façon dont on regarde les étoiles aujourd’hui : j’ai pu partir en avril dans le désert d’Atacama au Chili, observer le plus grand télescope du monde. Et ensuite ? Je me retaperai, pour essayer de stabiliser mon état de santé. Je change de rythme, d’univers, et de projets — du côté de l’écriture et de la création, notamment.
Source : telerama.fr
Grosse grosse perte pour le PAF. Nicolas Martin est un excellent journaliste, qui, sans doute, s’est trop investit dans son travail au point de presque y laisser sa santé. Son émission, La méthode scientifique, est de loin ce qui s’est fait de mieux en France dans le domaine de la vulgarisation scientifique, avec C’est pas sorcier qui était elle destinée à un public plus profane.
Je regrette vraiment que l’émission s’arrête. Bien qu’il rappelle que c’était une émission collective, sa maitrise des sujets y était pour beaucoup.
Merci à lui pour avoir animé, porté, produit, ces dernières années, toutes ces émissions de grande qualité.